12. Magie noire
- On peut dire que tu es victime de sortilèges hautement intéressants, commenta Philippe avec entrain.
Tout en compulsant frénétiquement un grimoire à la reliure usée, il jetait de temps en temps des regards à Arthur avec la même expression avide que celle que l'on pourrait lire sur le visage d'un botaniste devant une espèce de plante inconnue.
Le jeune homme se retint de lever les yeux au ciel.
- A vrai dire, répondit-il en toute honnêteté, je n'aurais rien contre une vie un peu plus ennuyeuse dans laquelle mes souvenirs et ma vie ne seraient pas en danger...
Laissant l'oncle de Robert poursuivre ses recherches, il laissa ses yeux se promener dans le salon méconnaissable. Le magicien n'avait pas chômé pendant leur courte absence. La pièce ressemblait à la devanture surchargée d'une boutique vendant des décorations diverses et variées. Le moindre espace vide était à présent encombré d'effigies de Pères Noël bedonnant, de lutins ou de rennes. Les vitres étaient parsemées de faux flocons de neige en papier argenté qui, animés visiblement par magie, semblaient tomber sans fin. Le gigantesque sapin n'était pas en reste. Ses branches disparaissaient presque entièrement sous une profusion de guirlandes et de boules multicolores, dont certaines devaient bien égaler la taille d'un œuf d'autruche. Le résultat final était assez...oppressant.
-Ah ! s'exclama soudain Philippe d'un ton triomphant. Je crois bien avoir trouvé.
Il posa son livre sur la table basse qui se trouvait entre les fauteuils d'Arthur et de Robert, poussant au passage un petit angelot brandissant une couronne de l'Avent couverte de paillettes.
-Des ominosi ! Les créatures que vous avez combattues devaient ressembler à ceci, n'est-ce-pas ?
Il pointa du doigt une illustration tracée au milieu de la page de droite. Les deux jeunes hommes se penchèrent pour regarder de plus près. On pouvait y voir une sorte de grosse boule munie de pattes et de crocs.
-Je crois bien, constata Arthur.
-Mais leurs dents sont encore plus longues en vrai, jugea utile de préciser Robert. Et alors, qu'est-ce que c'est comme animal ? Il doit être originaire de Mundus, non ?
Philippe prit le temps de boire une longue gorgée de café avant de reposer la tasse sur sa soucoupe.
-Oui et non. Un ominosus n'est pas à proprement parler un être vivant. Il est le résultat d'un sort relevant sans aucun doute de la magie noire. S'il nécessite une puissance magique hors du commun, il est néanmoins assez simple à être mis en place. Il suffit de connaître deux éléments : le nom exact de la personne visée et son emplacement précis.
Arthur se remémora soudain quelque chose d'important.
-L'une des créatures m'a appelé Arthur Montnoir. Je suppose qu'il s'agit donc de mon nom de famille...
Le jeune homme ne s'était souvenu que de son prénom et de son âge lors de son réveil dans la clairière. L'attaque dont il venait d'être victime lui avait au moins apporté une précieuse information.
-C'est très certainement le cas, assura Philippe en faisant tomber un morceau de sucre dans sa tasse.
-Ces ominosi, le relança Arthur, à quoi servent-ils exactement ?
-Ils sont, d'une certaine façon, la forme matérialisée d'un cauchemar. Les mages noirs les utilisent pour faire périr leurs ennemis dans la peur et la souffrance. Ces créatures sont polymorphes. Leur forme habituelle est celle qui se trouve dessinée sur mon livre, mais elles sont capables d'adopter plusieurs apparences selon la volonté de leur créateur. Elles cherchent d'abord à attirer leur victime en l'envoûtant à la manière d'une sirène. Puis, une fois cette dernière isolée, les ominosi prennent une forme destinée à la terrifier avant de passer à l'attaque.
Arthur resta un moment silencieux, perturbé.
-Il y a donc quelqu'un qui m'en veut, dit-il à voix basse. Une personne qui cherche à me tuer. Et qui me connaît suffisamment bien pour savoir mon nom et ordonner aux ominosi de prendre l'apparence des membres de ma famille...
Les Aspignan le regardaient intensément sans rien répliquer.
Un élément, cependant, continuait à intriguer le jeune homme. Il y avait quelque chose qui n'était pas logique du tout.
-Pourquoi l'une d'entre elles a-t-elle pris feu au premier contact? S'il s'agit de puissantes créatures destinées à combattre et à tuer, on pourrait penser qu'elles devraient être plus résistantes.
Philippe eut un geste d'ignorance.
-Je n'en ai pas la moindre idée. Cet ouvrage ne mentionne pas ce phénomène. Le sort de création avait peut-être été mal effectué.
-Et cette douleur à la tête ressentie pendant le voyage en train, comment s'explique-t-elle ?
Le magicien agita négligemment la main.
- Oh, il s'agit d'une chose beaucoup plus ordinaire. Un banal sort de localisation, je dirais. Il a certainement été mis en place en même temps que le maléfice d'invocation des ominosi. N'oublions pas que ces créatures ont besoin de connaître la position de leur victime pour la trouver la première fois. Une fois entrées en contact avec cette dernière, elles disposent d'une connexion leur permettant de connaître son emplacement à tout instant.
Le jeune homme fronça les sourcils.
-Pourquoi le sort de localisation ne s'est-il déclenché qu'aujourd'hui ? Cela fait pourtant plusieurs semaines que je suis ici.
-Un sortilège de recherche de cette catégorie là ne peut être étendu de manière excessive. Mêmes les magiciens les plus puissants ne parviennent à le mettre en place que sur un rayon de quelques kilomètres. La personne qui te visait savait de toute évidence que tu te trouvais sur Terre et même en France. J'imagine qu'elle a dû estimer que tu te rendrais dans la capitale un jour ou l'autre et a donc lancé le sort sur le périmètre de Paris. Mais cela n'est qu'une hypothèse. Commençons d'abord par réfléchir à comment nous débarrasser de la dernière créature.
-Nous allons lui tendre un piège, projeta aussitôt Robert avec enthousiasme. Il suffirait de mettre Arthur bien en vue pour l'attirer. Nous avons bien vaincu les deux autres. A nous trois, tuer la dernière sera un jeu d'enfant. Ces omino-je-ne-sais-plus-quoi ne me font pas peur !
Son oncle eut un sourire mi amusé mi réprobateur.
-Ta bravoure n'est pas en cause, mon cher Robert. Agir ainsi manquerait cependant de prudence. L'ominosus ne nous attaquera jamais tous en même temps. Ces créatures ne sont pas réellement vivantes et peuvent faire preuve d'une patiente infinie. Elle agira comme la première fois, en attirant Arthur à l'écart. Ou attendra tout simplement qu'il soit seul. De plus, les ominosi, quelque soit leur nombre, forment une seule et même entité. Vous en avez peut-être détruit physiquement deux, mais leur force s'est reportée sur le monstre restant. Ce dernier est donc trois fois plus puissant qu'au départ.
Les mains d'Arthur se crispèrent sur le bout de plastique calciné qu'il n'avait pas encore résolu à lâcher.
-Pourrait-il venir ici, cette nuit ?
-Non, non, le rassura le magicien. Tu es en sécurité tant que tu restes entre ces murs. Ma maison possède de puissants sorts de protection. Il ne pourra pas en franchir les barrières. Euh...en théorie du moins. Elles n'ont jamais été mises à l'épreuve. A vrai dire, je menais une vie plutôt paisible avant ton arrivée.
Arthur regarda à travers la fenêtre dont la vue était en grande partie bouchée par la chute des flocons. Il frissonna en imaginant l'ominosus survivant en train de rôder dans la brume autour de la demeure de Philippe, cherchant une faille dans laquelle s'engouffrer.
Robert haussa un sourcil.
-Nous allons donc nous contenter de rester enfermés ici à nous tourner les pouces ?
-Ce n'est pas ce que j'ai dit, protesta son oncle. Il existe une méthode très simple pour mettre Arthur à l'abri de la créature. Changer de monde. L'ominosus sera incapable de le suivre.
-Et donc, résuma Arthur, il me suffit de me rendre à Mundus pour me mettre à l'abri ?
- Oui, se désola Philippe en jetant un regard nostalgique sur ses décorations de Noël. J'ai bien peur que vos vacances sur Terre ne doivent s'achever plus tôt que prévu...
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Bonjour à tous!
Je voulais vous remercier d'avoir lu cette histoire jusqu'ici. Vos votes, vos commentaires ou le simple fait de voir le nombre de vues augmenter m'encouragent énormément à continuer et à chercher à m'améliorer.
Il ne se passe pas beaucoup de choses dans cette partie... A l'origine, elle était intégrée dans la précédente et beaucoup plus réduite. Mais il m'a semblé important de donner (pour une fois!) quelques explications sur ce qui venait de se passer.
Au prochain chapitre nous partons pour Mundus!
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