Amnesia

Le lycée Fukami avait été fondé sur une légende. Au sein des fondations de cet établissement se cachait un terrible mystère. Celui-ci était composé par six secrets. La légende contait la présence du fantôme d'une jeune fille autrefois victime d'un rituel de conjuration. Son esprit hanterait le lycée cherchant à emporter les âmes égarées...

Secret 1 : Le miroir de la peur

Dans le corridor aux fenêtres brisées, là où dansent les ombres impures. Au fond du couloir, si tu continues de marcher... Là bas, au plus profond de la nuit... Observe attentivement les échos du passé. Et lorsque tu verras le spectre de la fille du crépuscule... ne te retourne surtout pas...

Je m'appelle Raytoku Fujio, j'avais 16 ans à cette époque et je venais d'être transféré au lycée Fukami. L'histoire que je vais vous conter m'est arrivée dans les moindres détails. Moi qui ne croyais pas aux fantômes, j'ai rencontré la fille la plus mystérieuse que le monde ait pu porter.

J'avais entendu parler des rumeurs qui circulent à propos de ce lycée. Elles ne m'avaient alors pas vraiment atteint puisque j'étais assez peu réceptif aux affabulations de ce genre. D'ailleurs pour prouver, surtout à moi-même, que cette histoire était fausse, dès le premier jour je m'étais affairé à visiter les fondations de l'établissement. Il était vrai que la pénombre ambiante et le froid dû à l'insanité des lieux étaient propices à la présence de quelque esprit malin, seulement je n'étais pas impressionné pour un sou et je continuais à m'enfoncer toujours plus dans l'obscurité.

Les fenêtres du couloir étaient toutes brisées, personne n'avait songé à les remplacer étant donné que le bâtiment était abandonné depuis la rénovation du lycée. C'est alors que je vis une ombre passer derrière l'une des fenêtres. Je m'arrêtai net, cherchant une explication rationnelle à ce phénomène sans pour autant en trouver une satisfaisante. Surveillant mes arrières, cette fois, je continuais avancer jusqu'à ce que je me heurte à moi-même ou plus exactement à mon reflet dans un miroir. Ma première réaction fut de faire un bond en arrière mu par la surprise. Je n'avais pas peur, non, mais je ne m'attendais pas à trouver un réflecteur en ces lieux. Il y avait quelque chose d'étrange dans ce reflet : c'était moi et à la fois, ça ne l'était pas. Je ne saurais expliquer ce qu'il y avait de différent, peut-être cette aura...

Ce fut à cet instant que je la vis pour la première fois. Elle était apparue derrière moi tel un fantôme.

Mais ce n'en était pas un puisque je pouvais la voir et sentir son souffle dans mon cou. Je tentais tant bien que mal de conserver mon calme, tandis qu'elle me tripotait les cheveux. Elle s'interrompit lorsqu'elle s'aperçut que je la scrutais avec étonnement.

-Tu peux me voir?

-Evidemment!

-Et tu sens quand je te touche?

Elle avait de grands yeux d'ambre pétillants de lumière, de longs cheveux aussi bruns qu'une nuit sans lune et la peau très blanche, presque translucide. J'aurais pu croire qu'elle était en effet le fantôme que l'on soupçonnait de hanter ces lieux. Mais puisqu'elle me touchait et qu'elle me parlait, comment pouvais-je croire à une apparition? De plus elle était bien trop mignonne pour hanter quoi que ce soit. Par contre je commençais à me lasser qu'elle me fasse des oreilles de chat.

-Pourquoi crois-tu que je ne puisse pas te voir?

-Parce que je suis un fantôme!

- Ce n'est pas drôle.

-Ce n'est pas sensé être drôle.

Et lorsque tu verras le spectre de la fille du crépuscule... ne te retourne surtout pas...

Cette phrase me revint en tête sans raison. Je ne croyais pas à cette légende et ce n'était pas parce que cette gamine s'était autoproclamée « fantôme du bâtiment désaffecté » que je devais frissonner. Pourtant je ne me retournai pas ainsi que l'ordonnait la rumeur. L'esprit disparut de ma vue brusquement, son reflet n'était plus dans le miroir. Puis en une fraction de seconde, juste après que j'ai pu entendre le tintement fugace d'une clochette, la glace explosa en mille éclats de verre. Je portai mon bras au devant de mon visage pour me protéger. Un rire démoniaque parvint à mes oreilles me figeant le sang, pour la première fois, je crois, j'avais peur d'un esprit malin. Le vent commença à se déchaîner à travers la salle froide, seulement à cet instant je remarquai qu'il était tard. La lune était pleine dans le ciel, éclairant le monde de son disque argenté. Le carillon de la cloche se fit plus agressif. Je commençai à hurler pour arrêter ce tour.

-JE TE CROIS !!!!

En me remettant de cette étrange expérience, je jetai un coup d'œil vers la glace en me demandant à quoi je pouvais bien ressembler avec la frayeur qui déformait mes traits. Je me rendis alors compte que ce miroir avait bel et bien explosé et que derrière ne se trouvait pas un mur mais des escaliers s'enfonçant dans l'obscurité.

-Qu'est-ce que c'est que ça ?

La jeune fille passa devant moi et me barra l'accès en faisant rempart de son corps. Elle semblait déterminée à ne pas me laisser passer, ce qui piqua au vif ma curiosité et me poussa à enfreindre son ordre.

-Si tu descends là tu seras éternellement maudit, annonça-t-elle dans ton grave, toute lumière dans ses yeux disparue.

-Je ne crois pas aux malédictions, désolé.

Ses sourcils se froncèrent et elle se volatilisa encore une fois pour réapparaître derrière moi.

-Comme tu veux, murmura-t-elle, avant de me pousser dans les ténèbres.

***************

-Je ne comprends toujours pas pourquoi avoir fondé ce club des activités paranormales ! Personne ne viendra ! Personne ne croit encore à ce genre de choses et en plus personne ne peut te voir !

-Mais bien sûr que si ! Tout le monde y crois puisque toi-même tu es au courant de cette rumeur!

Une semaine s'était écoulée après cette rencontre tumultueuse. J'avais mis une semaine à me remettre de ce que j'avais vu derrière ce miroir brisé et cette fille fantôme avait mis une semaine à se remettre du fait que j'avais vu son corps. Enfin, son « corps » était un bien grand mot. Je n'avais rien trouvé de plus qu'un tas d'ossements poussiéreux à demi effacés par le temps qui, sur le moment, m'avaient semblé monstrueux. Elle passait depuis lors son temps à me jeter des regards en coin et à me traiter de pervers.

-Mais de toute façon ce n'était qu'un squelette où il restait un peu de chair, je n'ai rien vu!

-Bien-sûr que si, tu as vu ma plus profonde intimité, c'était pire que nu !

À la suite de cela je m'étais mis à me documenter sur les légendes qui animaient le lycée et ses mystères. J'en avais trouvé six. Et tous étaient liés à un esprit. Apparemment celui qui était assis à côté de moi. Mais pour enquêter je devais avoir une autorisation et ce fut la raison –enfin, l'une des raisons- pour laquelle j'avais fondé le Club les activités paranormales. C'était surtout la fille qui avait eu cette idée pensant que ce serait une bonne initiative pour avoir plus de renseignements. J'avais trouvé un carnet qui semblait assez vieux et couvert de poussière dans les locaux que nous avions investi. Il avait été tenu par d'autres élèves avant nous qui avaient observé ces phénomènes.

-Selon ce journal tu t'appelles Nahema et tu as aujourd'hui 63 ans.

Elle acquiesça poliment. Nahema, ainsi qu'elle se nommait, ne savait qu'une seule chose sur elle-même. C'était qu'elle était morte et qu'elle était un fantôme que personne ne pouvait ni voir, ni entendre, ni sentir. Elle ne se remémorait plus les circonstances de son décès et la raison pour laquelle son corps se situait sous les fondations de l'établissement. Et dans cette histoire, j'étais celui qui l'aiderait à reconstituer le puzzle de son passé.

-Un miroir au fond d'un corridor aux fenêtres brisées n'est-ce pas ? C'est là où je t'ai rencontré ?

-En effet, cet endroit est celui que je fréquente le plus puisque personne n'y vient et je n'y ai pas à subir la frustration d'être ignorée.

-C'est donc toi la fille du crépuscule ?

-Je n'en n'ai strictement aucune idée et je ne vois pas pourquoi tu me demandes ça puisque je ne savais même pas qui j'étais avant que tu me le dises! Je ne connaissais même pas mon prénom !

J'étais passé maître en quelques temps dans la ruse d'éluder les questions auxquelles je ne savais pas répondre. Ce mystère était assez intéressant, mais il restait bien trop de points d'ombre. Un pauvre petit seconde et un fantôme sexagénaire amnésique ne résoudraient pas cette affaire sans aide. Il nous en fallait donc, mais de la part de quelqu'un qui ne me prendrait pas pour un fou à me voir parler seul. Tout à coup la porte s'ouvrit à la volée sur une jeune fille qui était dans ma classe. La frayeur se lisait sur son visage Elle haletait comme poursuivie par quelque chose. Quelque chose de terriblement effrayant au vu des larmes qui ruisselaient sur ses joues.

-Au secours ! Hurlait-elle.

-Voilà notre première affaire Sherlock ! Me glissa Nahema.

Secret 2 : Le cache-cache des démons

Par un temps d'orage et d'obscurité, dans un des corridors où règne le froid le plus absolu. Joue avec les démons à ce sordide amusement. Dans ces lieux autrefois maudits, entends les rires malfaisants et soustrais-toi à leur regard. Assure-toi de survivre jusqu'au crépuscule...

-Alors il faut réciter la formule n'est-ce pas ?

Je me félicitai en cet instant de ne jamais avoir cru aux forces occultes. Celles-ci avaient mené Sarah, notre première « cliente » à venir quémander appui auprès de notre association qui n'était qu'une couverture pour investiguer sur les mystères de l'école et non pas un club d'enquête criminelle. Le talisman qui était posé sur la table ne m'inspirait pas confiance. Cette situation était ridicule mais elle était spécifiée dans le journal alors il fallait bien vérifier sa véracité et en quoi elle concernait la fameuse Nahema. Un bout de papier griffonné de runes n'était jamais plus qu'un bout de papier griffonné de runes. Et il n'invoquait en rien les esprits, même s'il était imprimé de mon sang.

-Il t'est arrivé quoi exactement ?

-J'ai joué au cache-cache démon à la suite du conseil d'un ami. J'ai réalisé le rituel jusqu'à ce que...

Sarah, tenta de retenir une larme.

-Le talisman était... déchiré en deux... J'ai peur, je sens que quelque chose me suit depuis...

Je ne savais que faire alors je serrai entre mes bras cette petite chose fragile et terrorisée.

-La fille dans l'obscurité cherche la lumière... allumer la bougie... Son chant résonne dans le couloir... J'invoque son nom... Et elle viendra me chercher...Elle ne me trouvera pas...

Je brulai sans ciller la feuille de papier, ne croyant pas une seconde à ce qui était supposé se dérouler. Jusqu'à ce que la flamme grandisse, noircisse et s'éteigne. Il n'y avait pas de vent. Et il n'y avait plus de lumière. Sarah s'agrippa à mon bras, terrorisée.

-Désolée, c'est de ma faute... Nahema va venir me tuer !

-Nahema ? Je crois que j'ai compris... Nahema ! Arrête immédiatement !

J'avais compris en remarquant l'absence de celle-ci comme au moment de notre rencontre. Le vent, le son de la cloche, les rires mauvais... C'était les même. Elle était en effet la cause de toutes ces cabales.

-Nahema ! J'ai dit STOP !

-Tu peux communiquer avec les morts ?

La bougie se ralluma. Et mon poltergeist se manifesta à nouveau, me tournant le dos.

-Pourquoi tu cries ? Qu'ai-je fais pour attirer ton courroux ?

- Arrêtes tes tours de passe-passe !

-Mais quels tours ?

-Tu ne te rends compte de rien ?

Un ricanement démoniaque retentit et je vis l'ombre de la dernière fois éteindre la seule source de lumière.

-Nahema n'est pas seule, il y a un autre esprit vengeur...

***************

Dans l'obscurité je cherche la lumière... Mon chant résonne dans le couloir... Invoque mon nom... Et je viendrai te chercher...Je te trouverai...

-Arrête de chanter ça !

-Je chante si je veux !

Elle me tira la langue, comme une enfant vexée. Je sentais son trouble depuis cet épisode. Surtout car elle avait arrêté de me faire des oreilles de chat. Et qu'elle boudait à l'autre bout du canapé. Sarah s'était jointe au club depuis qu'elle était « hantée ». Je ne considérais toujours pas les anomalies inexplicables. J'avais cependant songé pendant la semaine écoulée sans parvenir à une conclusion exploitable. Pour les deux fantômes.

Je n'avais pas peur. Je ne pouvais pas craindre quelque chose en quoi je n'étais pas censé croire, seulement Sarah était terrifiée tant et si bien qu'elle parvenait de temps en temps à me faire douter de mes certitudes. Pour couronner le tout Nahema se montrait tout sauf coopérative et elle nourrissait visiblement un complexe quant à son ignorance par rapport à sa vie antérieure et je le sentais : plus on se rapprochait de la résolution des mystères, plus on allait découvrir ce que nous cherchions. J'étais certain qu'il n'y avait d'autre esprit que celle qui causait tout ce dont on parlait.

Jusqu'à ce troisième phénomène.

Secret 3 : La salle maudite

Chaque nuit où la lune se masque à nos yeux voilés. Tandis que le vent souffle dans les feuilles des arbres, tiens-toi seul dans cette salle abandonnée... compte jusqu'à trois... Un... Deux...Trois... Entends les voix d'outre-tombe t'appeler... Réponds leur et soi leur bras vengeur...

Il existait un troisième jeu. Celui auquel il était déconseillé de jouer, car la possession était la plus dangereuse interaction qu'il puisse se produire entre un vivant et un mort. On pouvait en mourir, libérer des esprits maléfiques, disparaître à tout jamais ou encore héberger des ectoplasmes pour l'éternité. Ce jeu consistait à se faire posséder par n'importe quel spectre, durant une nuit. Celui-ci disposait comme il l'entendait de l'humain en ayant fait la demande, qui ne se souvenait de rien au petit matin. La dangerosité de cet amusement avait été avérée à la suite de vandalismes, de meurtres et de suicides consécutifs dans l'établissement. À partir du premier suicide plus personne n'osa errer après les cours dans les couloirs qui jusqu'ici avaient été ouverts jusqu'à 23h pour les événements des clubs, à part les amateurs de sciences occultes .Ces lieux déserts étaient donc devenus le terrain de jeu préféré de « Fantômette » pour faire ses blagues et ses coups tordus qui menaient à la psychose générale.

-À quel autre jeu tu joues exactement ?

-Je ne joue pas. Je n'ai rien fait. La seule chose que j'ai fait depuis que je suis ici c'est de te rencontrer et d'observer les générations se succéder.

-À qui tu parles ? M'interrogea Sarah qui semblait ignorer la présence de Nahema.

-Tu ne la vois pas ?

-Elle ne peut pas. Il n'y a que toi qui peux. Tu passes pour un fou.

-Donc tu ne te souviens pas de ce que tu fais la nuit ?

-Tout ce que je sais c'est que chaque soir je regarde mon reflet dans le miroir du corridor sans fenêtres, celui-ci disparaît et après je n'ai plus de souvenirs. C'est pour voir ma beauté éternelle...

Narcissique en plus de ça...

-Alors ce serait cette ombre la responsable de tout ça ? Ça fait un peu froid dans le dos...

- Hier soir tu étais consciente lorsque l'ombre est apparue ?

-Je n'étais pas allée voir mon miroir, c'est peut-être pour ça.

-On a qu'à voir ce soir et accomplir le troisième rituel.

***************

-Tu es sûr de vouloir te faire posséder, Raytoku ? Tu pourrais ne pas y survivre !

J'hésitai. Me mettre en danger pour simplement l'amour du risque était inconscient de ma part. Seulement, quelque chose me poussait à aller au bout de toute cette histoire.

-Il n'y a rien à craindre, les histoires de fantômes ce n'est que de l'auto persuasion. Puisqu'il n'y croit pas, il ne lui arrivera rien.

Nahema avait annoncé cela l'air le plus désintéressé du monde. Elle me conforta dans ma méfiance. Elle savait des choses qu'elle ne voulait pas dévoiler. Je me demandais aussi pourquoi elle s'était adressée à Sarah, alors que celle-ci était incapable de la voir.

-Tu es sûre ? Lui demandai-je.

-Certaine.

Depuis que j'avais fondé ce club j'avais remarqué qu'à peu près toutes les incantations nécessaires à jouer aux « jeux de démons » avaient plus ou moins attrait à Nahema. Elle me semblait de plus en plus mystérieuse ; au lieu de vouloir se rapprocher de la vérité je sentais qu'elle cherchait à fuir ce qu'elle m'avait pourtant demandé de comprendre pour elle. Visiblement, cette histoire était plus compliquée que ce qu'elle en avait l'air. Il fallait que je j'expérimente de mes propres yeux.

-Au plus profond de la nuit, à la lumière des flammes obscures... attache ton âme au corps du mal... Regarde la mort qui te souris, n'aie pas peur... laisse-la prendre possession de toi, soi son bras vengeur. Souffle, souffle... pour éteindre les bougies. A l'heure où tombera l'obscurité, ferme les yeux et compte jusqu'à trois. 1... 2...3. Elle est là.

Avant de soi-disant « m'abandonner aux ténèbres », je jetai un coup d'œil furtif à Nahema pour vérifier sa présence et donc son innocence dans toute cette histoire. Les cours étaient terminés depuis une heure et demie maintenant et j'avais pris soin de vérifier qu'elle n'aille pas se mirer comme elle le faisait tous les soirs. Elle était donc en principe dans son état normal et s'il devait se passer quelque chose, elle serait évidemment fautive.

Elle affichait encore cet air distant et préoccupé. Finalement, malgré tous ses secrets je commençais à l'apprécier un peu.

Pendant quelques instants le silence absolu se fit sur la salle et ses environs. Je soufflai sur la bougie, sur mes gardes. Ce serait mentir que de dire que je n'étais pas le moins du monde terrifié. Les sueurs froides causées par cette angoisse du surnaturel ne m'aidaient en rien à surmonter bravement cette épreuve. Pour couronner le tout, Nahema s'était mise à chantonner.

Entendre sa voix me rassurait un peu d'ordinaire, mais cette fois-ci était différente. Les échos sombres de la nuit la métamorphosaient en une sorte de cantique démoniaque. Lorsqu'elle se tut, le vent se leva à nouveau comme à chaque fois. Le son des clochettes annonça la venue de l'Esprit appelé. Pourtant cette fois-là le revenant auquel je m'attendais était toujours là, assis sur la table à côté de moi. Ce fut l'ombre aperçue les deux première fois que je m'étais amusé à invoquer les démons qui se matérialisa devant moi. Je pouvais à présent voir sa face hideuse et terrifiante et ainsi comprendre la terreur de ceux qui auparavant avaient joué à ce jeu interdit. Je n'étais pas le seul figé par la peur ; Sarah et Nahema autant que moi s'interdisaient le moindre mouvement et ce n'était pas pour me rassurer. Finalement je n'étais plus si confiant quant à me faire posséder par ce truc. Mais faire machine arrière m'était impossible dans ces conditions. Je voulais comprendre ce qui poussait tous ces esprits à se regrouper dans ce lycée qui en apparence n'avait rien à se reprocher.

-Qui es-tu ?

Pour toute réponse j'obtins un sourire démoniaque plein de crocs acérés. Je remarquai alors que ce n'était pas moi qu'elle regardait mais à côté, où se tenait Nahema.

-Tu ne te souviens pas de moi ? Il est vrai que tu ne te souviens même plus de toi-même.

L'interpellée semblait terrifiée et plus je scrutai la scène, plus la ressemblance entre les deux fantômes me semblait frappante. J'en parvins à la conclusion que nous avions affaire à la même entité qui par un phénomène encore inconnu, s'était dédoublée ou séparée en deux.

-Tu as cherché à m'oublier pour préserver ta beauté n'est-ce pas ? Tu voulais te débarrasser de moi, de ta laideur, de toute cette négativité ! Tu voulais rester belle dans la mort, même si c'était cela qui t'y avait conduite ! Tu es toujours aussi ridicule...

Elle se retourna ensuite vers moi.

-C'est la nouvelle proie n'est-ce pas ? Il te voit telle que tu veux qu'il te voie. Il ne sait pas à quoi tu ressembles réellement... Je vais le lui montrer !

Sans crier gare, elle se précipita sur moi mais je sentais que l'on me tirait en arrière. Ainsi Nahema me fit tomber au sol, m'empêchant de me faire posséder. Cela n'empêcha pas l'autre partie d'elle-même d'entrer en contact avec moi et de me montrer ce qui fut une part de vérité.

-Il fut un temps où j'étais belle, il fut un temps où j'étais elle. Nous ne formions qu'une seule entité. Jusqu'à ce qu'elle se mette en tête de ne pas rester seule pour l'éternité. Je savais que c'était une mauvaise idée, mais elle est bornée et c'est ainsi qu'elle a rejeté en moi tout ce qu'il faisait d'elle un être mauvais, infréquentable. Tout ce qui l'avait mené à cet état misérable. C'était cette beauté éphémère qui l'avait sacrifiée aux yeux du monde. Tu as oublié Nahema ? Tu as oublié toute cette souffrance, cette solitude, cette colère, ces larmes ! Tu as oublié tout ça ? Moi je n'oublie jamais ! Je n'oublierai jamais ! Je suis ta mémoire et nous ne sommes qu'un !

-C'est faux ! C'est faux ! Je ne sais pas qui tu es ! Je ne sais pas qui je suis, mais je ne suis pas toi !

-Je suis ton ombre! Laisse-moi te rappeler !

Et l'ombre de Nahema plongea en moi.

Je fus instantanément submergé par des images violentes et sanglantes. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait et soudain lorsque tout s'arrêta, j'étais seul dans le noir. J'avais peur, j'avais froid et je crois que j'étais en train de pleurer. Je me rendis immédiatement compte que ce n'était pas mon corps, c'était celui d'une femme. Sûrement celui de Nahema lorsqu'elle était toujours en vie.

-Ne me touchez pas ! Ne me touchez pas !

Un éclat m'aveugla soudainement. C'était celui d'une lame de couteau dûment aiguisée. Qu'allaient-ils faire ? Qu'allaient-ils me faire ? Mais que lui avaient-ils fait ? Je percevais des rires maléfiques provenant de partout. Il faisait trop noir pour que je distingue quoi que ce soit.

-Mais laissez-moi partir ! Je n'ai rien fait !

Crier ne me servait à rien. J'étais pris au piège.

-Mais laissez-moi...je vous en prie...

Secret 4 : Le cimetière des esprits

Dans la cour du bâtiment désaffecté, une pierre tombale et des milliers... Roches maudites par légendes et rumeurs. Ces lieux sont emplis de souffrance et de fureur. Le cimetière des âmes tourmentées...

-Qu'as-tu vu ? Que l'ombre t'a-t-elle montré ? Était-ce horrible ?

-La peur, la solitude, les larmes, la mort. Voilà ce que j'ai vu. J'étais impuissant. Je ne pouvais pas bouger. C'était terrible.

À vrai dire je n'avais rien vu, enfin pas grand-chose. Tout ce que je pouvais éclaircir de ce mystère était le fait que la mort de Nahema n'était pas naturelle, ni voulue. On l'avait assassinée pour une raison que j'ignorais encore et que je devais découvrir. L'ombre, après cela, s'était envolée, encore, pour ne pas revenir. Moi j'étais toujours sous le choc de toute cette horreur. Je ne pouvais même pas imaginer le malaise ressenti par Nahema à cet instant précis.

-Un mémorial pour Nahema... Tu es sure ?

-Oui je l'ai découvert par hasard tout à l'heure. Et contrairement à ce à quoi je m'attendais, le lieu ne faisait pas froid dans le dos. Il était remplit de nostalgie.

-De nostalgie, dis-tu ? Alors, elle manquait à quelqu'un... Elle n'était pas aussi détestable que l'affirmait la silhouette sombre... D'ailleurs où est-elle ?

-Tu as bien de la chance de la voir. Moi, je ne vois que son côté sombre. Elle me fait peur.

-Non. Elle est gentille, ne t'inquiète pas.

Je lui adressai un sourire chaleureux. Ce club commençait à devenir vraiment important pour moi. Tout autant que mes deux nouvelles amies. A part elles, je ne partageais de vraie relation avec personne d'autre. Je redoutais en quelque sorte la fin de cette histoire, en espérant qu'il y en aurait d'autre. Je commençais à prendre goût aux sciences occultes.

-Allons nous recueillir sur ce mémorial.

Le lieu était exactement comme décrit. Plein de nostalgie. Il n'y avait qu'une petite stèle commémorative. Une simple pierre avec un nom inscrit : Naamah.

-Qui est Naamah ? C'est la même personne ? Je demandais surpris.

-Non. La dernière fois que je suis venue, il n'était pas écrit cela. Le prénom qui figurait était Nirmala.

-Tais-toi ! Ne prononce plus jamais ce nom !

Sarah se figea brusquement, alerte.

-Qui a hurlé ?

-Tu l'as entendue ?

-Qui ?

-Nahema.

Elle était assise innocemment sur la pierre, inspectant ses cheveux avec grand intérêt. Je n'aurais pu croire que quelques secondes plus tôt, elle s'était mise en colère. Ou alors ce n'était pas elle.

Naamah et Nirmala... Ces deux prénoms semblaient liés par quelque chose... de mystique...

-Qui est Nirmala ?

-Tais-toi !

-Qui est-elle ?

-Tais-toi !

-QUI EST NIRMALA ?

-TAIS-TOI !

-Arrêtez !

Sarah était allongée sur le sol en position fœtale, recroquevillée sur elle-même. Je remarquai qu'elle pleurait, les mains couvrant ses oreilles.

-Arrêtez...

Elle pleurait de douleur, je m'approchai d'elle prudemment. Par contre, je ne pus retenir un cri d'effroi quand je vis du sang s'échapper de son oreille gauche. Je devais absolument la mener à l'hôpital. Tant pis pour les cours.

Naamah et Nirmala... Encore une autre pièce du puzzle.

Au moment où je dépassai la stèle en direction de la sortie, je remarquai la présence d'un autre nom : Nirmala.

***************

-Tu ne peux plus nier la vérité maintenant. Tu ne peux plus. Bientôt il faudra qu'il sache.

-En effet, il saura.

-Quand ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de Nahema.

-Il le saura.

Secret 5 : La vierge des cendres

Puisque la nuit prend ici fin, la valse de la vierge des cendres hante ces lieux. La fille aux deux visages, la fille aux deux reflets...t'appelle... Regarde son ombre épouvantable rongée de malédictions... Toi qui est désireux de savoir la vérité qui brûle les âmes, vois ces reflets qui ne sont que chimère et retourne toi...Laquelle des deux est une illusion... ?

Deux semaines. Deux semaines depuis que Sarah avait perdu l'ouïe de son oreille gauche par ma faute. Elle n'était plus revenue au club. Elle ne m'avait plus adressé la parole. Et progressivement, elle avait cessé de venir au lycée. Je me sentais très seul. D'autant plus que Nahema s'était pareillement volatilisée. Le club n'avait en ce cas plus grand intérêt. Je tournais en rond dans le local, tentant de trouver une solution à cette affaire. J'avais mené des recherches à propos de ce que j'avais appris vers le mémorial. Mais aucune information ne m'était parvenue. Les jours passants accroissaient mon désespoir. A tel point que je décidai de recommencer un des rituels. Invoquer cette ombre qui m'avait déjà montré une part de vérité.

J'attendis alors que l'obscurité tombe sur les lieux déserts. Comme il y avait un mois de cela. Le miroir des ombres... Le miroir de la peur .Non, je n'avais pas peur en cet instant. Du moins je tentais de m'en persuader. Je tentais de ne m'attendre à rien même si mon esprit était obstrué d'appréhensions. Il faisait, sombre, froid et je me sentais bien seul. Pourtant je continuais à avancer, la tête aussi haute que possible. Les fenêtres étaient encore brisées et elles semblaient l'être encore plus que la première fois. Je vis mon reflet plus vite que ce à quoi je m'attendais. Ou plutôt, je ne m'attendais pas à le voir.

L'effroi me saisit. Devant moi, le miroir était comme neuf. Comme s'il ne s'était jamais rien passé. Exactement la même atmosphère comme au moment de notre rencontre. Les fenêtres toujours aussi brisées, le vent menaçant, le miroir. Seulement celui-ci me renvoyait une image floue de moi-même. L'envie de crier « fantôme es-tu là ? » me démangeait, seulement je me doutais que si je l'appelais, elle ne répondrait pas. Un trouble s'était emparé de moi depuis que Sarah avait disparu. Je ne savais plus que croire.

-Tu n'aurais pas dû venir.

-Qu'aurais-je dû ?

L'ombre était derrière moi. Elle n'était pas comme les autres fois. Je l'avais tantôt prise pour un esprit vengeur. Je voyais toute cette colère, cette solitude, cette tristesse, cette souffrance. Un être torturé.

-Que me voulez-vous toutes les deux ?

-Je veux te sauver. Pas elle.

-Et elle veut quoi ?

-Je te veux toi.

La voix suave et douce de Nahema me glaça le sang. Ce n'était plus la même entité qui causait ma frayeur. Je scrutai son image. Elle était nette. Tellement que je pouvais la détailler à loisir. Un seul détail attirait mon attention. Je n'avais jamais remarqué ses yeux. Ils étaient vides. Elle n'avait pas d'âme -c'était beaucoup demandé à une âme d'en avoir une- pourtant, il manquait quelque chose au fond de ces yeux... La lumière de la bienveillance. J'avais hébergé une totale source d'obscurité durant un mois.

L'ombre avait raison.

-Tu as peur de moi maintenant n'est-ce pas ? J'aimerais te dire que tu as tort, j'aimerais vraiment... Tu sais ce qu'il a d'intéressant ce miroir ? Il te montre ce que tu souhaites. À partir du moment où tu l'as aperçu, tu ne peux voir autre chose que ce que tu souhaites et non pas la réalité. En vérité tu me vois ainsi que je le veux. Si tu t'étais retourné au bon moment, il y a tant de choses que tu aurais pu éviter...

C'était un message subliminal pour m'indiquer la marche à suivre. Je n'osais pourtant esquisser le moindre mouvement.

-Allez, retourne toi, fie toi à ton instinct comme tu aurais dû il y a bien longtemps. Retourne-toi pour la dernière fois...

Ma fierté voulait que je ne lui obéisse pas, ce n'était pas le moment de suivre sa fierté mais plutôt son instinct de survie.

Et je la vis. Telle qu'elle était réellement. Un Démon, une peau de cendres, des yeux rouges avides. Une rivière de ténèbres pour cheveux. Et le pire était sans doute son sourire venu des profondeurs obscures.

-Tu brûles de savoir la vérité n'est-ce pas ? Et bien là voilà !

Sur ce, elle me poussa à travers le miroir.

Secret 6 : La mémoire de Nahema

-Il y a des gens qui attirent la mort, tu sais ? Tu étais différent. Je veux que nous restions ensemble pour toujours... me murmura t-elle à l'oreille d'une voix doucereuse.

Comme je ne répondais pas, elle se déplaça jusqu'à moi.

-Tu ne veux pas ? Quelque chose te tracasse ? Si c'est Sarah, elle avait si peur qu'elle a mis fin à ses jours. Désolée pour elle...

Elle semblait vraiment déçue de mon absence de réaction.

L'endroit dans lequel j'avais atterri était sombre et humide. Je ne voyais rien. Et ce n'était pas pour me rassurer. Après ma chute, mon dos et tout mon corps me faisaient horriblement souffrir. Cela aurait été une chance si je ne m'étais rien cassé. J'étais dans l'impossibilité de bouger. Une bougie s'enflamma, dévoilant ce qui se trouvait dans la pièce. Je vis au fond de l'endroit, qui semblait être bien plus grand que ce que j'avais imaginé, un autel. Pas un autel religieux, il était profane, dédié au dieu du Chaos et des Enfers. Une multitude de talismans l'entouraient, et des vrais cette fois, couverts de sang comme pour le cache-cache des démons. Cet autel sacrificiel faisait froid dans le dos. C'était sûrement la dernière clé du mystère que représentait Nahema.

Il y avait une pierre rectangulaire en forme d'autel gravé de signes cabalistiques tels des runes. Au quatre coins étaient disposés quatre crânes qui regardaient vers l'extérieur. Des deux côté de l'autel se trouvaient deux grands cierges allumés autour desquels étaient enroulés deux serpents. Le détail le plus sordide était la présence d'un couteau ensanglanté en son centre.

-C'est là que tu es morte ?

-Tu es perspicace Sherlock. Tu aimerais savoir ce qui s'est passé n'est-ce pas ? Mon histoire t'intéresse, c'est d'ailleurs cela qui t'a perdu... Il serait bien plus utile que tu vois avec mes yeux. Tu n'y comprendrais rien si je te racontais.

Alors comme l'ombre l'avait fait auparavant, elle se précipita sur moi.

***************

-Nirmala, il faut y aller c'est important. Si tu fais cela, tu sauveras le village. C'est le sacrifice d'un seul pour tous les autres. Je sais que tu peux le faire Nirmala. J'ai confiance en toi.

-Mais maman, j'ai peur. Pourquoi faut-il vraiment que ce soit moi ? Ne peut-il pas être quelqu'un d'autre ? Tu as été désignée. On ne peut rien y faire... Je suis désolée Nirma ...

Nirmala signifiait pureté. Ce nom n'avait pas été choisi par hasard puisqu'il seyait exactement à celle qui le portait et c'était pour cela d'ailleurs qu'elle avait été désignée comme sacrifice. Pour apaiser les soi-disant Dieux qui décimaient le village entier par les fléaux de la maladie. Les sacrifices humains étaient assez monnaie courante en ces temps troublés. Nirmala n'était pas la première elle ne serait probablement pas la dernière. C'est ce qu'elle pensait à l'époque. Surtout que personne ne savait exactement en quoi cela consistait à part que personne n'en n'était jamais revenu. Et puis sa maman la confortait dans l'idée que tout allait bien se passer, que ce n'était pas grave et que c'était important, alors elle y croyait.

Les anciens du village avaient décidé de tout et surtout de faire le sacrifice au temple qui plus tard deviendrait un lycée. C'était interdit par la loi et tout le monde le savait, mais les autorités de céans laissaient couler, croyant aussi à moitié aux effets bénéfiques de l'acte. Alors elle avait été emmenée au temple. Elle avait bien évidemment plutôt espéré y être amenée en tant que prêtresse et non pas comme un simple animal. Pour son bien qu'ils disaient, pour son bien. C'était pour son bien qu'ils l'avaient attachée sur la pierre. C'était pour son bien et pour celui de tout le monde qu'ils ne s'étaient pas fait prier pour déverser leurs péchés dans son corps. La pire suite aurait été qu'elle survive pour subir les conséquences de cette ‹‹cérémonie››. C'était tout autant pour son bien qu'ils l'avaient écouté hurler pendant des heures et des heures durant, sans rien faire pour soulager sa souffrance. Je regardais tout cela d'un œil plus qu'horrifié. Il n'était pas possible d'infliger ça à un être humain. C'était pire que cruel.

Elle avait beau hurler, se débattre, cela ne faisait qu'accroître sa douleur. Parce qu'ensuite, ils n'avaient rien trouvé de mieux que de la dépecer en prenant soin de ne pas faire couler trop de sang pour la conserver vivante jusqu'au bout. Ils lui avaient rasé la tête, ainsi que tous les poils du corps pour qu'elle soit la plus parfaite possible: une offrande se devait d'être irréprochable. Ils avaient pratiqué plusieurs incisions à des endroits précis en faisant attention à ne pas déclencher d'hémorragie. Elle aurait mille fois préféré mourir poignardée plutôt que cela. Puis sous ses yeux, ils lui avaient ouvert le ventre et arraché lentement les entrailles, ne se souciant plus qu'elle soit humaine ou non. Elle aurait tout donné pour mourir sur le coup mais ça aurait été bien trop simple. Puisqu'il fallait qu'elle souffre, ils continuèrent en versant du liquide inflammable sur ses boyaux à vif pour la brûler. La brûler pendant qu'ils lui arrachaient le cœur. C'était comme ça qu'elle avait perdu la vie et c'était pour ça elle s'était vengée pendant soixante-trois années. Un sacrifice par mois.

Je crus vomir. Non pas parce que je pouvais voir la mort en face, mais parce que la jeune fille qui était devant moi avait vécu tant de choses horribles... Je ne pouvais encore réaliser ce que j'avais vu et j'en étais venu à presque désirer la mort pour ne plus jamais m'en souvenir. Elle semblait triste tout à coup, je n'avais pas le cœur à être horrifié, alors je m'approchai d'elle malgré la douleur que m'avait causé toutes ces émotions pour la prendre dans mes bras. C'était un fantôme, et moi, quoi qu'il en soit, j'étais proche de la mort, alors que cela était-il censé changer ?

-Alors tu comptes me faire partager ton sort n'est-ce pas ? Tu comptes, ainsi que me l'a expliqué ton ombre, m'utiliser en tant que sacrifice.

-Je te l'ai dit. Tu es différent. Tous les autres n'ont pas eu la force de rester sous la forme d'un esprit. Mais toi, je savais que tu subsisterais à mes côtés. Trop de choses te rapprochent de la mort. Tu vas rester avec moi pour l'éternité et je n'aurais plus besoin de jouer à ces jeux idiots avec les vivants pour obtenir réparation de cet affront.

-Je n'ai pas le choix à ce que je vois.

-Tu es perspicace Sherlock.

Cette éventualité ne m'effrayait pas du tout. Finalement elle avait raison, depuis toujours j'étais proche de la mort. Surtout depuis celle de mon jumeau. Cette histoire remontait à si loin que je l'avais presque oubliée. Ma mère m'avait un jour raconté ce funeste événement. J'avais un jumeau. Notre naissance nous avait séparés. Je vivais. Pas lui. Ou l'inverse. Mais selon la version du médecin, de prime abord, j'étais le mort. Et je lui avais volé la vie. Je n'y avais pas cru à ça aussi.

-Pourquoi « Nahema » ?

-Regarde ce que je suis devenue : un démon. Je devais me séparer de mon passé. Naamah est une démone à corps de serpent. C'est soi disant elle qui m'aurait désignée.

Elle se saisit du couteau posé sur l'autel avec un regard morne. Quand elle le pointa vers moi, j'aurais aimé pouvoir dire à regret mais je savais que ce n'était pas le cas. Je ne pouvais pas fuir, mes jambes ne me porteraient pas loin. Je ne crierais pas au secours, il était bien trop tard pour que quelqu'un soit encore dans l'établissement à cette heure-ci. J'étais bloqué par ma destinée. Les choses auraient-elles pût être différentes ? Impossible, d'une certaine façon à ce moment-là j'étais assuré que les choses avaient déjà été décidées pour moi. Elle brandit le couteau et, durant une milliseconde, j'avais espéré qu'elle me le plonge dans le cœur. Mais cela aurait été trop simple.

La lame brilla d'une étincelle agressive. A peine était elle entrée dans mon champ de vision, que j'avais déjà la sensation qu'elle me chatouillait la carotide. Je voyais la détermination en face de moi, alors je devais me résigner. Je déglutis en desserrant un bouton de ma chemise. Elle l'abattit violemment dans ma gorge. De prime abord, la surprise effaça toute douleur. Puis, quelque chose remonta de mes viscères, me poussant à recracher mon sang par la bouche et le larynx ouvert dans une douleur fulgurante, me privant subitement d'air. Comme je m'étouffais dans mon propre sang, elle décida d'abréger mes souffrances en l'enfonçant de plus belle. Subséquemment, elle le tourna dans ma gorge et le retira. La dernière chose que je vis, était mon sang giclant comme une fontaine déchaînée. Cette sensation poisseuse était terrible.

Je m'appelle Raytoku Fujio et j'ai 16 ans pour l'éternité. C'est vraiment drôle quand on y pense... Pour un garçon qui ne croyait pas aux fantômes...

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