Chapitre 6
Inconnu
Ça ne pouvait pas être elle. C'était impossible ! Mais ses yeux... Non ! J'avais dû rêver. Il fallait que j'ai rêvé ou j'allais devenir encore plus fou que ce que j'étais déjà.
Dans un mouvement rapide, mes doigts bagués et tatoués amenèrent le verre de Whisky jusqu'à mes lèvres qui s'entrouvrirent pour laisser entrer la boisson. Le liquide ambré laissa une brûlure dans le fond de ma gorge. Et l'espace d'un instant, mes pensées se turent. Je fermais les yeux pour profiter de ce moment de répit avant qu'elles ne reviennent.
Elle avait le même regard... Je grognais ma frustration. Il m'en fallait encore. Je devais oublier son regard aussi beau que l'océan. Je remplis donc une nouvelle fois mon verre et l'avalais d'une traite. Mais elle ne voulait pas sortir de ma tête. Alors je recommençais. Jusqu'à finir la bouteille.
Et puis cette voix ! Dans un cri de rage, je jetais mon verre à travers la pièce qui s'explosa dans un bruit sourd. Des éclats de verre volèrent et se dispersèrent sur le sol. Je serrais les poings de colère et bientôt, ils frappèrent violemment le mur. Ils le percutèrent une première fois. Puis une seconde. Et encore. Je ne m'arrêtais pas, même lorsque le sang s'écoula de mes phalanges et tâcha la peinture blanche. Le liquide épais et rouge laissa une traînée qui partait de l'impact de mes poings et terminait sa course sur le sol en carrelage.
La douleur n'était pas comparable à la haine qui m'animait. Elle coulait dans mes veines, agissant comme un véritable poison. Je ne savais pas me maîtriser. Et la situation n'arrangeait rien. J'avais l'impression d'avoir été trahi, d'avoir été pris pour un con. Et je détestais ça putain. Personne ne pouvait se moquer de moi, pas sans en payer les conséquences. Je n'étais pas à la tête d'un trafic illégal d'armes et de drogue pour rien. Ceux qui me prenaient pour un imbécile savaient que les représailles pouvaient être terribles... mortelles.
Mes poings cessèrent de donner des coups lorsque la sonnerie de mon téléphone retentit dans la pièce. Le cœur sur le point d'exploser dans ma poitrine, je restais figée un instant avant de le saisir pour lui répondre. Je ne laissais pas le temps à ma respiration de se calmer et crachais mon venin à la personne à l'autre bout du fil.
- Putain mais qu'est-ce que tu foutais ? Tu en as mis du temps pour me rappeler.
- J'étais occupé, me répondit-il, nullement intimité par le ton sanglant que je venais d'employer. Qu'est-ce qui se passe ?
Mes jambes me guidèrent jusqu'à la cuisine. Je callais le téléphone entre mon épaule et mon oreille pour rincer mes mains sous l'eau tiède du robinet. Du sang coulait abondamment des blessures qu'avaient provoqué mes coups et colorait le liquide transparent.
- Je l'ai vu, lâchais-je dans un souffle après plusieurs secondes.
- De qui parles-tu ? s'enquit-il avec curiosité.
Je pouvais deviner son expression rien qu'au son de sa voix. J'imaginais parfaitement ses sourcils froncés qui exprimaient son incompréhension et ses doigts qui écartaient les boucles entravant son regard vert. Comme s'il était dans la même pièce que moi, je me le représentais parfaitement, assis sur un fauteuil avec un verre de whisky dans les mains. Comme moi au même instant.
- Je te parle d'elle, dis-je d'une voix plus forte.
Et je répétais :
- Je l'ai vu !
- Tu as recommencé à te droguer ?
Pour toute réponse, je grognais dans le micro du téléphone. Je n'appréciais pas parler de mon addiction passée à certaines substances illicites, le sevrage ayant été difficile et douloureux. J'étais devenu dépendant à leurs effets libérateurs et je ressentais encore aujourd'hui son manque. Surtout lorsque la nuit venait. Mais cette fois, c'était différent. Je n'avais pas rêvé d'elle. Je ne l'avais pas imaginé dans mes cauchemars. Pourtant, son visage imprimer dans ma mémoire faisait trembler mes mains et me terrorisait. Elle me faisait perdre mes moyens, même dans la vraie vie. Reprends-toi !
- Tu sais que c'est impossible, reprit la voix à l'autre bout du fil. Elle est morte !
Sa piqure de rappel me fit l'effet d'un électrochoc et ma respiration se bloqua dans ma cage thoracique avant de s'affoler. Je gardais le silence quelques instants, le temps de calmer mon rythme cardiaque. Mes réactions trahissaient mes sentiments et je détestais ça. J'étais fou de rage.
Fou de rage à l'idée qu'on avait pu me berner et que je n'avais rien vu.
Fou de rage de constater que celle qui hantait mes nuits depuis deux ans était toujours vivante.
Fou de rage qu'elle fasse comme si elle ne me connaissait pas.
Fou de rage qu'elle me mette dans des états pareils.
Fou de rage que l'autre con ne me prenne pas au sérieux.
- Si je te dis que je l'ai vu putain ! vociférais-je en tapant du poing sur le plan de travail en marbre. Elle a changé, mais ses yeux... je n'oublierais jamais ses yeux !
- Les yeux bleus ça courent les rues, répond-il d'un air sceptique.
Je grimaçais en serrant la mâchoire. J'allais déraillé. Complètement. Et heureusement pour lui, plusieurs centaines de kilomètres nous séparaient. Sa mission à l'autre bout du pays était ce qui lui sauvait la vie à cet instant précis.
- Ses yeux à elle ne courent pas les rues.
Je l'entendis souffler dans le combiné. On aurait pu penser qu'il était agacé. Mais non. Je le connaissais plus que n'importe qui et je savais qu'il était inquiet. Il ne s'attendait pas à une telle annonce et il appréhendait ma réaction. Il avait compris que mon insistance ne prouvait qu'une chose ; elle était bien vivante, contrairement à ce qu'on avait essayé de nous faire croire.
- Elle aurait survécu ? demanda-t-il après un silence qui m'avait semblé durer une éternité.
- Pire que ça... soupirais-je d'énervement. Elle a survécu et on nous a berné !
Et j'ajoutais :
- On s'est rendu à son enterrement mais personne n'a pu voir le corps dans le cercueil parce qu'il ne voulait pas ! On pensait que c'était par pudeur, par tristesse... Mais c'était tout simplement parce que son corps n'y était pas !
Dans ma tête, les pièces du puzzle commençaient à s'assembler, et plus le scénario prenait sens dans mon esprit, plus je sentais la colère qui coulait dans mes veines se transformer en haine. Seule ma respiration saccadée troublait le silence qui s'était installé entre mon interlocuteur et moi. Je savais qu'il réfléchissait.
- Qu'est-ce que tu comptes faire ?
- Pour le moment, observer.
Je me redressais du bar en marbre sur lequel j'étais appuyé.
- Tu vas la faire surveiller ? souhaitait-il savoir.
- Non, répondis-je sèchement en fronçant les sourcils. Je peux m'en charger seul. Je veux savoir ce qui s'est passé il y a deux ans, et terminer ce que nous avions commencé...
- Si tu as raison, commença-t-il, tu sais ce que ça implique ?
Un rire mauvais s'échappa d'entre mes lèvres.
- Ça implique que ce fils de pute nous a encore une fois baisé. Mais cette fois-ci, il ne s'en tirera pas ! Et elle non plus...
END
C'est la fin de ce nouveau chapitre qui, je l'espère, vous aura plu autant que les autres !
Alors, qu'en pensez-vous ? Qui est cet inconnu, peut-être pas si inconnu que ça ? Et cet interlocuteur mystérieux ? Ana les connaît-elle ? Et pour quelle raison ? Beaucoup trop de questions en suspend pour le moment... La suite dans un prochain épisode...
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