Chapitre 36

Ana

Jace se rapprocha de moi et ses doigts agrippèrent mon bras. Ses ongles s'enfoncèrent légèrement dans ma peau, et je me demandais s'il se rendait compte à quel point sa poigne était ferme. Je tentai de reprendre mon souffle face à son irruption soudaine, mon esprit s'embrouillant avec des questions qui me martelaient le crâne.

Comment savait-il que j'étais dans cette chambre ? M'avait-il suivi après ma discussion avec Stephen ? Je décidai de lui poser la question.

- Le collier, dit-il simplement, sans détour.

Je portai instinctivement ma main à ma gorge, touchant les fines mailles du bijou. Jace et Clayton avaient insisté pour que je le porte, prétendant qu'il attirerait l'œil de Stephen.

- Tu... tu as mis un traqueur dedans ? murmurai-je, entre surprise et indignation.

- Évidemment. Tu pensais vraiment que j'allais te laisser errer seule ici, sans savoir où tu étais ?

Je sentis une vague de chaleur monter en moi, un mélange de réconfort et de colère. Est-ce que je devais être soulagée qu'il veille sur moi ? Ou furieuse qu'il ait pris cette décision sans me consulter ? Ne me faisait-il pas suffisamment confiance ? Je ne savais plus. Mais une chose était certaine : la situation devenait de plus en plus dangereuse.

- Stephen m'a grillé, m'annonça Jace d'une voix dure, me tirant de mes pensées. Une armée d'hommes va nous tomber dessus si on ne se casse pas rapidement d'ici !

Je le dévisageai, interloquée. Dans cet accoutrement ? Comment Stephen avait-il pu découvrir qu'il s'agissait en réalité de Jace ?

- Mais comment ? demandai-je. Il semblait pourtant être tombé dans le panneau.

Jace ricana, un rire sans joie.

- Je suis allé le voir juste après que tu l'as quitté.

Mon cœur rata un battement.

- Pourquoi ? Ce n'était pas dans la mission ! Tu ne devais pas interférer, c'est toi-même qui me l'a dit.

Ses yeux se durcirent et son visage se ferma. Il ne répondit pas, mais je vis dans son regard une lueur qui ne m'était pas familière. Qu'avaient-ils bien pu se dire ?

- Jace... commençai-je, mais il me coupa.

- Ce n'est pas le moment pour ça, Ana. On doit sortir d'ici maintenant !

Sa voix était tranchante, ne laissant pas la place à une quelconque négociation de ma part. Il commença à me tirer vers les baies-vitrées qui donnaient accès au balcon. Pourtant, il devait voir de ses yeux ce que j'avais découvert.

Je stoppai net, plantant mes talons dans la moquette épaisse de la chambre. Jace se retourna vers moi, agacé, ses yeux émeraudes flamboyants d'une colère contenue.

- Attends ! Regarde ce que j'ai trouvé, dis-je en sortant la pochette que j'avais récupérée.

Je l'ouvris et lui montrai les documents, les photos, les preuves. Je pouvais voir son visage se crisper en découvrant l'image de lui avec cet homme mystérieux, dos à la caméra.

- Qui est-ce ?

Il me fixa, ses yeux émeraudes perçant les miens avec une intensité qui me fit frissonner. Un instant, j'eus l'impression qu'il allait tout lâcher, tout me dire. Mais au lieu de ça, il referma brutalement la pochette, la fourrant dans la poche de son costume.

- On n'a pas le temps. Viens !

Sa voix était rauque, empreinte d'une urgence que je ne comprenais pas encore.

Il m'entraîna vers le balcon, ouvrant la porte d'un geste vif. Une bouffée d'air frais me frappa le visage, dispersant un peu le brouillard de mes pensées. Jace s'accouda à la balustrade, scrutant la piscine en contrebas, comme s'il calculait quelque chose. La tension dans son corps était palpable.

À mon tour, je me penchai par-dessus la balustrade pour l'imiter. À quoi pensait-t-il au juste ? Ma conscience, qui avait le vertige, se réveilla en sursaut, les yeux ronds comme des soucoupes.

- Qu'est-ce que tu fais ? demandai-je, la voix presque couverte par le bruit de la ville.

- Je prévois une sortie, dit-il sans me regarder.

- Une sortie ? Par la piscine ? m'exclamai-je, incrédule. On est au troisième étage Jace !

Je sentis une boule se former dans ma gorge, la réalité de la situation m'écrasant soudain comme un coup de poing en plein ventre.

Nous. Accrochés au bord d'un balcon perché au troisième étage d'un hôtel.

Lui. Ses doigts toujours serrés autour de mon bras, comme un ancrage, refusant de me lâcher. Son regard noir planté dans le mien, déterminé et pourtant habité d'une inquiétude que je n'avais jamais vue.

Moi. Terrifiée, le souffle court, incapable de comprendre pleinement ce qui nous attendait et ne sachant pas si je devais lui faire confiance.

Un coup de feu retentit soudain, brisant le silence qui s'était installé entre nous. Je sursautai, mon cœur battant à tout rompre. Jace réagit immédiatement, agrippant mon bras avec plus de force.

- On saute ! ordonna-t-il.

Jace m'attira brusquement à lui, son emprise se faisant plus ferme, presque possessive. Sa poigne brûlait ma peau, comme un fer chauffé à blanc, et mon corps, malgré moi, répondit à son contact, se courbant comme une marionnette sous son contrôle.

- Lâche-moi ! exigeai-je, les lèvres pincées, la rage déguisant mal la terreur dans ma voix.

- Oui, c'est bien ce que je compte faire !

Avant que je ne puisse réagir, il me souleva sans effort et me balança sur son épaule. Je me retrouvai tête en bas, mes jambes battant frénétiquement l'air. Le sang me monta à la tête, me martelant les tempes, et une nausée oppressante s'empara de moi. Je luttai, griffant son dos, mais il ne broncha pas.

- Tu vas me tuer, putain ! hurlai-je, la voix étouffée par le sang qui battait à mes oreilles. Repose-moi, Jace !

Je sentis un changement de mouvement, une pause étrange, puis l'effroyable sensation du vide sous mes pieds. Il venait d'enjamber la rambarde. Je vais mourir ! Ma conscience se cacha les yeux pour ne pas tomber dans les pommes.

- Je t'en supplie, ne fais pas ça ! implorai-je, la panique déformant ma voix. Je ne veux pas mourir !

Mais ma tentative fut vaine. Sa prise se relâcha d'un coup. Il me fit basculer en arrière et me poussa dans le vide. Ma respiration se bloqua automatiquement dans ma gorge et mon cœur rata un battement alors que je me sentais tomber dans le vide. Je lançai un dernier regard vers Jace qui s'éloignait, immobile sur la terrasse. Je vais mourir, je vais... je vais mourir !

La chute dura une seconde interminable puis je fis exploser la surface de l'eau. Le choc me coupa le souffle, et le froid de la piscine me mordit la peau. Le chlore me brula les yeux, et je les fermai instinctivement. Je me bouchai le nez à l'aide de deux doigts pour que l'eau arrête d'y entrer par vague.

Lorsque je touchai le fond de la piscine, je poussai sur mes jambes pour me lancer à la surface. Un, deux, trois, quatre... et j'émergeai enfin ! Une fois ma tête sortie de l'eau, je pris une grande inspiration, les poumons en feu d'avoir retenue aussi longtemps mon souffle.

Ma première pensée fut celle-ci : j'étais bien vivante. Ma deuxième, brûlante de rage : je vais tuer Jace de mes propres mains.

Je clignai des yeux, essayant de reprendre mes esprits. Le chlore de la piscine me brûlait encore les narines et je peinais à respirer sous l'effet du choc.

Alors que je levai les yeux vers le balcon du troisième étage, mon cœur se figea. Jace n'était pas seul là-haut. Trois hommes l'avaient encerclé, leurs silhouettes se détachant dans la lumière tamisée de l'hôtel. Il se tenait à présent dos à la rambarde, ses mains levées en un geste de soumission calculée. Mais je pouvais lire dans la tension de son corps qu'il se préparait à bouger.

Un éclair, un reflet métallique. Un pistolet.

Les coups de feu résonnèrent presque instantanément, déchirant le calme de la nuit. Les projectiles sifflaient dans l'air, l'un d'eux éclatant contre le bord de la piscine, soulevant une gerbe d'eau juste à côté de moi. Je me laissai couler, prenant instinctivement une grande inspiration avant de me submerger. De cette manière, j'espérais pouvoir me protéger des balles qui pleuvaient sur moi.

En remontant à la surface, haletante, je vis Jace plonger à son tour du balcon, son corps formant une courbe parfaite avant de frapper l'eau juste à quelques mètres de moi. L'impact créa une vague qui me poussa légèrement en arrière. Je me retournai et le vis émerger, ses cheveux dégoulinants, ses yeux brûlant d'une intensité que je ne lui connaissais pas.

Mes yeux scannèrent son corps, son visage, à la recherche de la moindre blessure. Je fus soulagée de constater qu'il n'avait rien de sévère.

- Sors de là, tout de suite ! hurla-t-il, sa voix tranchante comme une lame.

Il attrapa mon poignet et me tira vers le bord. Je me hissai maladroitement hors de la piscine, mes vêtements trempés collant à ma peau, entravant mes mouvements. Je frissonnais, non seulement à cause de l'eau froide sur ma peau mouillée, mais aussi à cause de la terreur qui montait en moi. Nous étions vulnérables.

- Viens ! aboya-t-il, me tirant vers l'entrée de l'hôtel.

Nous courions à travers les jardons, mes pieds glissant sur l'herbe humide. La panique brouillait ma vision.

Jace jetait des regards inquiets par-dessus son épaule, pour s'assurer que nous n'étions pas suivis. En sautant par le balcon de la chambre, nous avons dû surprendre les hommes de Stephen qui s'attendaient à nous piéger dans la suite de l'hôtel. Nous avions un peu d'avance sur eux.

Nous atteignîmes le parking de l'hôtel. C'est alors que je vis, garée en travers de l'allée, une moto. Jace m'entraînait tout droit dans sa direction.

Je m'arrêtai net, comme si mes pieds avaient été soudés au sol. Un flash traversa mon esprit : des phares éblouissants, le crissement des pneus sur l'asphalte, la sensation de mon corps projeté dans les airs. Je sentis une brûlure vive descendre le long de ma colonne vertébrale, comme un courant électrique. Mes jambes s'emplirent d'un fourmillement douloureux, et la nausée monta en moi. J'allais vomir. Non pas ça. Pas encore.

- Qu'est-ce que tu fous, Ana ? hurla Jace, les traits déformés par l'impatience et la colère.

Il me secoua les épaules en voyant que je ne réagissais pas, son regard fouillant le mien, cherchant à comprendre.

- Je ne peux pas... je ne peux pas monter sur cette moto, balbutiai-je, reculant d'un pas, le visage blême.

Je tremblais, incapable de contrôler la terreur qui m'envahissait.

- Monte, Ana ! Il faut partir ! cria-t-il, les mâchoires serrées, l'air furieux.

Je secouai la tête, frénétiquement, mes mains agrippant mes cheveux trempés. Les flashbacks revenaient, de plus en plus clairs : le choc, le goudron écorchant ma peau, le goût métallique du sans dans ma bouche. Mon souffle se fit court, haché. J'étais en pleine transe, incapable de bouger.

Jace sortit son arme d'un geste brusque. Je levai les mains par réflexe, reculant encore, croyant qu'il allait me forcer à monter. Mais avant que je puisse dire quoi que ce soit, il tira. La détonation me fit sursauter, et je me tournai juste à temps pour voir un homme s'effondrer à quelques mètres de nous, une arme encore dans sa main.

Je compris que ce n'était pas moi qu'il visait.

- Putain, Ana, bouge ! rugit-il, la voix implorante cette voix.

Je secouai la tête, mes jambes refusant de m'obéir. Jace, réalisant que je ne bougerais pas, prit une décision immédiate. Il rangea son arme et saisit mon poignet, m'entraînant à sa suite. Nous quittâmes la moto, courant dans la rue déserte devant l'hôtel.

Jace scrutait l'horizon, à la recherche de la moindre opportunité. Un véhicule s'approchait, une berline noire roulant à une allure modérée. Il se tourna vers moi, les yeux étincelants d'une idée soudaine.

- Reste là, ordonna-t-il avant de se positionner en plein milieu de la route.

- Qu'est-ce que tu fais ? criai-je, horrifiée.

Mais il ne répondit pas. Au moment où la voiture arriva à sa hauteur, il brandit son arme, la pointant directement sur le conducteur. Le véhicule s'immobilisa dans un crissement de pneus.

Jace ouvrit la portière du conducteur d'un geste violent, attrapant l'homme à l'intérieur par le col.

- Dehors. Maintenant, gronda-t-il, sans laisser place à la négociation.

Le conducteur, terrorisé, ne fit pas un geste de résistance et sortit précipitamment du véhicule. Jace me fit signe de monter, et cette fois, je n'hésitai pas. La peur de rester ici, à découvert, l'emportait sur tout le reste. Je me glissai sur le siège passager, claquant la portière derrière moi.

Jace s'installa au volant, démarra en trombe, et nous nous élançâmes dans la nuit. Je sentis mes mains trembler encore, mes jambes ankylosées et engourdies par la terreur. Mais pour l'instant, tout ce que je pouvais faire, c'était respirer et essayer de calmer le chaos dans ma tête.

En vous souhaitant un bon dimanche :)

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