Chapitre 35
Ana
Le verre de champagne que je tenais faillit glisser de mes doigts tremblants. La froideur du liquide pétillant ne parvenait pas à calmer le tourbillon d'angoisse qui m'habitait.
Je jetai un coup d'œil autour de moi, notant chaque détail de ce luxueux hôtel où une limousine m'avait déposée il y quelques minutes à peine. Les lustres scintillants, les serveurs en uniforme, les convives élégants... tout semblait parfait, mais à mes yeux, cela n'était qu'un masque pour camoufler les ombres, les secrets dangereux et les jeux de pouvoir qui se déroulaient entre ces murs.
Jace et Clayton m'avaient tout expliqué. Ce banquet, qui paraissait si raffiné, n'était en réalité qu'une couverture pour une réunion de membres d'un gang rival dirigé par un certain Stephen. Ils se rassemblaient pour parler business : des gains récents, des pertes à compenser et des futures opérations à orchestrer. Autour de moi, les invités, élégamment vêtus et souriants, étaient en fait des criminels, des loups dissimulés sous des costumes impeccables. Quant à moi, je me sentais comme un agneau jeté dans leur fosse, à la merci de leurs regards perçants et de leurs ambitions sordides.
Je n'aurais jamais imaginé me retrouver ici, prise au piège dans les affaires sombres de Jace. Quand lui et Clayton m'ont parlé de cette mission, tout en moi me criait de refuser. Après tout, ce monde n'était pas le mien : ses luttes de pouvoir, ses trahisons, ses infiltrations, je les méprisais. Pourtant, me voilà, dans ce luxueux banquet, jouant un rôle que je ne comprenais même pas. Peut-être me persuadais-je que plus vite il démasquerait ce traître, plus vite je pourrai m'éloigner de tout ça, de lui. Ou peut-être que je cherchais simplement à me racheter du mot que j'avais laissé à ma cousine et qui avait causé la mort de plusieurs hommes... Pourquoi as-tu accepté ? chuchota ma conscience, insidieuse, comme si elle connaissait déjà la réponse et attendait que je l'admette enfin.
J'étais seule, perdue dans ce monde qui n'était pas le mien. Je n'avais qu'une seule mission et pourtant, l'absence de Jace me pesait lourdement. Je me sentais désorientée, vulnérable. Le regard baissé, je fixai la bulle qui éclatait dans mon verre, tenant de faire taire l'envie de partie en courant. Mais mon esprit refusait de se calmer.
Soudain, une main frôla la mienne avec une légèreté calculée. Je relevai la tête et un parfum familier m'envahit. Mon regard s'accrocha à des yeux émeraude, perçants. Jace.
Mais ce n'était pas le Jace que je connaissais. Ses cheveux d'un noir de jais avaient disparu, remplacés par un blanc pur qui lui donnait un air presque fantomatique. Qu'avait-il fait à ses boucles ? Était-ce une perruque ? Je l'espérais secrètement.
Ses vêtements d'ordinaire sombres avaient été remplacés par un costume coloré qui masquait son allure habituelle de danger maîtrisé. Même ses lunettes, des verres fins et discrets, ajoutaient une touche d'anonymat à son visage. Pourtant, malgré de déguisement, l'intensité de ses yeux était la même.
Il me fit un léger signe de tête, une promesse silencieuse. Tout allait bien se passer. Mon cœur se calma, battant moins fort dans ma poitrine. Jace était là. La solitude s'éloigna, remplacée par une vague de détermination. Je ne voulais pas le décevoir.
Prenant une profonde inspiration, je me redressai et me fondis dans ma foule, mon regard cherchant discrètement Stephen. Jace m'avait donné une photo de lui pour me faciliter la tâche. Mais au milieu de tous ces visages, je ne suis plus certaine de pouvoir le trouver.
Plusieurs conversations s'engagèrent autour de moi tandis que je passais d'un petit groupe à un autre, jouant le rôle d'une invitée charmante mais discrète, prête à tout pour obtenir la moindre information.
Un homme à la carrure imposante, vêtu d'un costume trois-pièces, s'approcha de moi.
- Vous êtes nouvelle ici, non ? lança-t-il d'une voix grave en tendant un verre de vin.
Je souris poliment, jouant le jeu.
- En effet. J'avais entendu beaucoup de bien de cet hôtel, je n'ai pas pu résister, répondis-je en prenant délicatement le verre.
Nous échangeâmes quelques banalités sur la décoration de la salle, le vin servi ce soir-là. À vrai dire, je me contentais d'acquiescer, suivant docilement ses propos, de peur de commettre un faux pas. Lorsque le moment se présenta, je sautai sur l'occasion pour glisser subtilement dans la conversation que j'étais impressionnée par les rumeurs sur l'organisateur de cette soirée.
L'homme fronça les sourcils et sembla réfléchir un instant. Se doutait-il de quelque chose ? Mon rythme cardiaque augmentait un peu plus à chaque seconde de silence supplémentaire.
- Ah ! Vous parlez de Stephen, j'imagine, murmura-t-il en plissant les yeux.
Je fis mine de rougir légèrement, et mon interlocuteur se laissa emporter dans une conversation qui le rendit rapidement bavard. Il parlait avec passion de leur chef, évoquant son aura et l'influence qu'il exerçait sur tous. Manifestement, les membres de ce gang vouaient un véritable culte à cet homme.
Mon statut d'inconnue ne sembla pas l'arrêter. Bien au contraire, il semblait dissiper toute suspicion de ses pensées. Il m'accueillait comme une curiosité, un mystère inoffensif. Ma présence ne représentait pour lui qu'une agréable distraction parmi les visages familiers de la soirée, un visage nouveau dans cet univers cloisonné.
Quelques minutes s'écoulèrent au terme desquelles il pointa discrètement vers le coin de la salle, où un homme était entouré de plusieurs autres invités.
Stephen.
Je le reconnus à un détail qui glaça mon sang : une partie de son oreille droite manquait. Jace m'avait expliqué que cet homme avait échappé de peu à une balle en plein visage, et que le coupable, pour le punir de sa trahison, avait fini par se faire trancher les deux oreilles. Un frisson glacial me parcourut l'échine, un rappel brutal du monde violent dans lequel je m'aventurais.
Je n'eus pas à trop jouer pour attirer son attention. Une fois que nos regards se croisèrent, je pris une inspiration et m'approchai, mon cœur battant à tout rompre. L'idée de m'approcher de cet hommes, même pour quelques minutes, me révulsait. Mais aucun indice de mes sentiments ne devait filtrer, au risque de faire échouer la mission. Ce soir, j'étais Elisabeth – Eli – Jones, une femme en quête de luxe et de pouvoir, prête à tout pour séduire même les âmes les plus sombres et dangereuses.
Je m'approchai de lui, un sourire enjôleur aux lèvres, et sans un mot, il fit signe aux deux hommes à ses côtés de nous laisser. D'un coup d'œil et sans la moindre hésitation, ils s'éclipsèrent, comme s'il avait l'habitude de se faire obéir sans poser de questions. Mon estomac se noua, mais je gardai mon masque de séduction en place.
- Alors, belle inconnue... Que me vaut ce plaisir ? me lança-t-il d'une voix grave en se rapprochant assez pour que je sente l'odeur âcre de son cigare.
Je jouai le jeu, m'enfonçant un peu plus dans le personnage d'Eli, battant légèrement des cils en souriant :
- J'ai cru comprendre que vous étiez l'homme de la soirée, répliquai-je en trempant mes lèvres dans le liquide couleur sang que contenait mon verre.
Un sourire narquois se dessina sur son visage, et sans détour, il entama un flirt provocateur, ses phrases ponctuées de sous-entendus crus qui, malgré moi, me firent frissonner de dégoût. Son regard parcourait mon corps, avide, s'attardant avec un appétit visible sur chaque courbe que soulignait ma robe couleur champagne. Je sentais ce désir émaner de lui, et je dus mobiliser toutes mes forces pour ne pas détourner le regard ou grimacer. Au contraire, j'acquiesçai et risquai même quelques rires feints, prenant soin de ne jamais rompre notre échange visuel. Ma posture, légèrement cambrée, répondait à son regard en silence, me donnant l'assurance qu'il ne doutait pas un instant de mes intentions, aussi fausses soient-elles.
À un moment, il saisit mon poignet, caressant ma main de son pouce dans un geste possessif.
- Peut-être que la soirée pourrait devenir... encore plus intéressante, suggéra-t-il, m'invitant d'un regard appuyé.
J'affichai un sourire complice et murmurais :
- Si seulement je pouvais être certaine de retrouver votre chambre, qui sait où cette nuit nous mènerait.
J'avais la nausée. Mes mots me dégoutaient. Mais ils fonctionnèrent car Stephen esquissa un sourire satisfait et sortit une clé de sa poche, me la tendant avec désinvolture.
- Chambre 307, minuit. Ne me fais pas attendre, Eli.
Avec un clin d'œil charmeur, je pris la clé, tout en dissimulant la boule d'angoisse qui menaçait de me trahir. Il se détourna rapidement de moi pour reprendre sa conversation avec les deux hommes qu'il avait chassé un peu plus tôt et qui étaient restés non loin de nous.
Alors que je m'éloignais, faisant mine de retourner au bar, je sentis un regard familier peser sur moi. Je savais que Jace était là, quelque part, veillant sur moi. Je te promets qu'il ne t'arrivera rien, m'avait-il chuchoté alors que la limousine se garait devant l'entrée de la maison. Cette pensée me donna le courage de continuer.
Sans attendre, je me dirigeai vers les ascenseurs. La clé de Stephen dans la main, j'appuyai sur le bouton du troisième étage, espérant ne pas croiser d'autres invités en chemin.
Une fois dans le couloir, j'avançai d'un pas rapide, trouvant la chambre 307 sans trop de difficulté. Je m'arrêtai, la respiration courte, avant d'insérer la clé et de pousser la porte.
L'intérieur de la chambre était luxueux, mais je n'avais pas le temps de m'attarder sur les détails. Je commençai à fouiller dans les tiroirs, sous les meubles, cherchant désespérément un indice, quelque chose qui prouverait les manigances de Stephen et son gang. Mes doigts tremblaient sous la pression et la sueur sur mon front témoignait de mon stress.
Après plusieurs minutes d'inspection, mes doigts se posèrent sur une pochette. À l'intérieur, des photos, des dossiers, des informations. Sur l'une des images, je vis Jace en pleine discussion avec un homme de dos. Les deux hommes avaient les mêmes cheveux et une silhouette similaire, ce qui me troubla. Mon cœur se serra davantage en lisant les pages que contenait le dossier : des sommes d'argent, des dates, des noms, autant de preuves du réseau d'espionnage qui menaçait le gang de Jace.
Mais alors que j'étais submergée par l'émotion et l'adrénaline, la porte s'ouvrit brusquement.
Je tournai la tête, prête à crier, quand je vis Jace, haletant, son téléphone à la main.
- Clay ! On est grillé, sors d'ici tout de suite ! ordonna-t-il sèchement. Je me charge d'Ana.
Il raccrocha et son regard croisa le mien, et sans perdre un instant, il m'attrapa par le bras.
- On se casse ! Maintenant !
Ciao !
C'est un week-end de trois jours. Et comme on dit, une bonne nouvelle s'accompagne toujours d'une deuxième. Alors voici un nouveau chapitre !
J'espère qu'il vous plaira. N'hésitez pas à laisser un petit commentaire :)
Bacio
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