Chapitre 34
Jace
Je me tenais dans mon bureau, l'un des rares endroits de cette foutue maison que je tolérais encore. Je haïssais chaque mur, chaque recoin de cette demeure qui m'avait vu grandir. Pourtant, ici, dans ce bureau, je me sentais différent. Derrière les grandes baies vitrées, je pouvais tout observer sans être vu. D'ici, j'avais l'illusion de contrôle, comme si rien ne pouvait m'atteindre tant que je restais à l'ombre de ces quatre murs. Un contrôle qui, ces derniers temps, m'échappait complètement.
En contrebas, dans le luxueux jardin, les membres du gang festoyaient. Leur rire bruyant s'élevait jusqu'à moi, se mêlant à la musique qui résonnait dans la nuit. Ils célébraient comme si tout allait bien, comme si la menace n'était qu'une rumeur. Je savais mieux qu'eux. Je savais que notre monde vacillait. Quelqu'un parmi nous s'amusait à jouer avec mes nerfs en me trahissant, et je n'avais pas encore réussi à découvrir cette enflure. Peut-être même était-il présent ce soir. C'était sûrement ça qui me hantait le plus, cette incertitude, ce poison lent qui rongeait de l'intérieur.
Mon regard observa la scène sans vraiment participer. Ils buvaient, riaient, se tapaient sur l'épaule. L'euphorie qui régnait dehors me semblait presque absurde. Comment pouvaient-il encore se laisser aller à la fête alors que l'ennemi frappait à notre porte ?
Je poussai un soupir en m'asseyant derrière mon bureau, l'esprit accablé de pensées.
Ana hantait chaque recoin de mon esprit depuis qu'elle était revenue dans ma vie. Ses souvenirs envolés, cette amnésie qui me rendait fou... J'avais cru qu'elle mentait, qu'elle jouait à un jeu. Mais à cet instant où j'avais failli franchir une ligne dangereuse, j'avais compris qu'elle disait la vérité. Ses lèvres si proches des miennes. Ce moment avait tout bouleversé, et pourtant je ne pouvais pas me permettre d'y penser maintenant.
J'étais là, seul à contempler la plaine au-delà du jardin, quand j'entendis la porte s'ouvrir derrière moi.
- Tu voulais me parler ? demanda Clayton en se plantant devant mon bureau, bras croisés.
Il se tenait droit, m'empêchant de voir l'extérieur, et sa posture autoritaire me ramena brusquement à la réalité. Il était le seul que je laissais se comporter de cette manière à mes côtés.
Je m'enfonçai dans mon fauteuil en cuir, mes doigts jouant distraitement avec un stylo posé sur le bureau. Les informations que j'avais reçues n'étaient pas encore claires, mais elle me donnaient une piste. Le gang rival qui, j'en étais persuadé, voulait me voir tomber, organisait une réunion demain soir dans un hôtel du centre-ville. Ce serait l'occasion idéale pour frapper. Ou plutôt pour infiltrer et récolter toutes les informations qui me permettraient de dénicher cet enfoiré de traître.
Je regardai Clayton, cherchant les bons mots pour lui présenter mon plan sans qu'il me tombe dessus. Mon ami n'était pas du genre à approuver les risques inconsidérés, et ce que j'avais en tête ne lui plairait probablement pas.
- J'ai reçu des info, lâchai-je finalement. Sur Stephen et son gang.
- Tu es certain que c'est lui qui est derrière tout ça ?
- À 100% ! Mais je ne sais toujours pas qui, chez nous, lui vend ces infos.
Je vis son regard se durcir. Il savait que je me trompais rarement sur ce genre d chose, mais cette situation le rendait nerveux. Moi aussi d'ailleurs.
- Continue.
Je laissai s'écouler quelques secondes avant de lui expliquer.
- Ils organisent une réception demain soir, dans un hôtel du plein centre-ville. Je vais m'y infiltrer.
Clay fronça les sourcils et ses bras se croisèrent plus fermement. Il connaissait mon penchant pour les coups d'éclat, mais il avait aussi appris à respecter ma capacité à improviser. Pourtant, cette fois, il semblait hésiter.
- Tu comptes t'infiltrer ? Et comment comptes-tu passer inaperçu ? Ils te reconnaîtront dès que tu franchiras la porte, et te descendront avant même que tu dises bonsoir.
Je gardai son regard fixe, impassible. Il avait raison sur un point : j'étais une cible facile. Mais j'avais un plan.
- Ne t'en fais pas pour ça, rétorquai-je simplement.
Il se pinça les lèvres, laissant quelques secondes de silence pour peser mes mots. Je savais qu'il n'approuverait pas. Et ça, ce n'était même pas la partie la plus délicate de mon plan.
- Ce n'est pas tout... ajoutai-je en serrant le stylo entre mes doigts. Ana sera ma couverture.
Son expression changea aussitôt. Il se redressa, presque comme s'il s'attendait à une mauvaise blague, et ses yeux s'ouvrirent plus grands.
- Ana ? Tu es devenu complètement dingue, Jace !
Je comprenais son inquiétude. Moi aussi, ça me tordait les tripes de l'impliquer et de la faire plonger dans mon monde. Mais la réaction de Clay m'agaça plus que je ne l'aurais voulu. Pourquoi était-il aussi susceptible dès que ça concernait Ana ?
- Personne ne se méfiera d'elle. Elle est hors du radar pour eux, dis-je d'une voix sèche pour lui faire comprendre que ma décision était prise et qu'il n'aurait pas son mot à dire.
- Et si quelque chose tourne mal ? rétorqua-t-il, le ton plus dur que d'habitude.
Je me levai brusquement, avançant d'un pas vers lui, mon regard menaçant. Cette conversation commençait à m'agacer.
- Je ne laisserai rien lui arriver, lâchai-je d'une voix tranchante.
- Laisse-moi venir ! dit-il en me défiant du regard. Je resterai en retrait, dehors, prêt à intervenir si quelque chose tourne mal.
Ma colère monta d'un cran. Ses mots me provoquaient. Pourquoi insistait-il autant ? Pourquoi ce besoin constant de se mêler de tout ce qui concernait Ana ? Je sentis mes poings se serrer sous la colère qui s'insinuait progressivement dans mes veines.
- Pourquoi te préoccupes-tu d'elle à ce point ? demandai-je d'une voix plus froide, plus mauvaise que je ne l'avais prévu.
- Et toi, Jace ? Qui est Ana pour toi ? rétorqua-t-il.
Sa question me frappa de plein fouet. Je demeurai silencieux, surpris par la virulence de ses mots. Il continua, voyant que je ne répondais pas.
- N'essaye pas de me mentir. Je sais que tu la connaissais bien avant votre rencontre au Rockstore, bien avant son accident !
Je fronçai les sourcils, soudain sur mes gardes. Comment savait-il tout ça ? Était-ce Ana qui lui en avait parlé ?
- Tu es au courant pour son accident ?
Clayton resta silencieux, et ce silence en disait plus que n'importe quelle réponse. Une rage sourde commença à brûler dans mon ventre à l'idée qu'elle se soit confiée à lui.
- Je vois comment tu réagis quand elle est là et ça ne colle pas, avoua-t-il. Tu n'as jamais été du genre à t'attacher à qui que ce soit. Mais elle... Ne me fais pas croire qu'elle est sans importance. Depuis quand la connais-tu ?
Je sentis la tension monter en moi, chaque mot de Clayton réveillant une vérité que je refusais de regarder en face. Mais je refusais que ce soit lui qui mette des mots sur ce que je ressentais.
- Ça ne change rien, murmurai-je finalement, essayant de retrouver mon calme. Ana est la meilleure option pour cette infiltration. Tu le sais aussi bien que moi.
- Tu as changé de sujet, soupira Clay.
- Je ne veux pas en parler, pas encore.
- Si tu insistes pour qu'elle vienne, alors je serai là.
Il me fixait, et je savais que la conversation n'était pas terminée et qu'il chercherait à découvrir ce qui me lie avec Ana. Mais pour l'instant, il avait cédé.
Ciao ciao !
J'espère que vous allez bien ! Voici un nouveau chapitre pour terminer le week-end.
Désolée pour l'attente :/
En vous souhaitant une bonne semaine,
Bacio
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