Chapitre 26
Ana
« Tu n'es qu'un taré ».
Ces quelques mots avaient glissés de mes lèvres sans que je ne puisse les retenir. C'était comme une impulsion irréfléchie, une réplique acérée qui avait jailli de ma bouche sans filtre. Et maintenant, alors que j'observais la réaction de Jace, je sentis mon estomac se nouer d'appréhension.
Dans ses yeux, déjà hostiles à ma présence, brillait désormais une lueur froide et calculatrice. Ses pupilles se rétractaient légèrement, créant des fentes sombres qui dissimulaient la couleur verte de son iris.
L'expression de son visage se figea. Les muscles de sa mâchoire se contractèrent, trahissant une tension intérieure.
Lorsqu'il m'avait répondu, le ton de sa voix aussi avait changé. L'intonation était dure et distante.
Mon impulsion irréfléchie avait déclenché un changement radical. Mais si sa réaction face à ma remarque n'était pas vraiment une surprise, je ne pouvais pas m'empêcher de la trouver disproportionnée. J'avais touché un point sensible.
Ce que je redoutais finit par se produire lorsqu'il saisit mon poignet avec une force brutale. Son emprise était ferme, me tirant sans ménagement à l'extérieur de sa chambre.
- Qu'est-ce que tu fous ? Lâche-moi, abruti ! criai-je, ma colère et ma peur se mêlant dans mes paroles.
- Rien ne serait arrivé si tu étais restée dans ce bureau, m'accusa-t-il. Tu n'as pas idée de la merde dans laquelle tu m'as mise.
Je me débattais, mes cris étouffés par la peur résonnant dans l'escalier. J'étais terrifiée par ce changement d'attitude... violent. Que comptait-il me faire à présent ? Me jeter du haut des escaliers ? Me noyer dans la piscine ? J'essayais d'ironiser la situation mais je savais pertinemment que Jace était capable de tout. Y compris de m'enterrer vivante au fond du jardin.
De ma main libre, je tentai de me cramponner à la rampe mais Jace tira violemment, me forçant à lâcher prise. Ses doigts autour de mon poignet, refusant de me lâcher, me faisaient grimacer de douleur. J'enfonçai mes ongles dans sa chair pour lui faire desserrer son emprise.
Ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait me jeter du haut des escaliers.
- Lâche-moi, Jace ! hurlai-je une nouvelle fois. Tu me fais mal !
En atteignant les dernières marches, je remarquai que Clayton somnolait toujours profondément sur le canapé. Mes cris se transformèrent en appels désespérés.
- Clayton ! m'égosillai-je pour le tirer du sommeil. Aide-moi !
Les yeux noisettes de Clayton s'ouvrirent brusquement, la confusion se mêlant à la panique lorsqu'il vit la scène se déroulant devant lui ; Jace qui me traînait telle une vulgaire marionnette derrière lui. Il se leva précipitamment, son esprit encore embrumé par le sommeil, essayant de comprendre ce qu'il se passait.
- Jace ? l'interpella-t-il. Qu'est-ce qui se passe ?
- Rien d'important. On va juste faire une petite balade dans le fond du jardin.
Oh non ! Il allait m'enterrer vivante.
- Clayton, ne le laisse pas faire !
Je failli rater la dernière marche mais Jace ne me laissa pas le temps de me remettre sur pied que déjà, nous franchissions le seuil de la porte.
Clayton s'avança dans notre direction.
- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, le prévint-il en plaçant ses deux mains devant lui, comme pour calmer son ami. Quoiqu'il ait pu se passer, parlons-en, mais ne lui impose pas ça.
Jace lui lança un regard féroce, les traits tirés par la colère.
- Elle est blessée, ajouta-t-il pour le faire réagir.
- Elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même ! Si elle m'avait écouté, on n'en serait pas là aujourd'hui.
Sans laisser à son ami le temps de rétorquer, et malgré mon regard suppliant, Jace me força à lui suivre à travers le jardin. Clayton nous suivit et essaya une nouvelle fois de raisonner Jace qui refusait d'entendre quoique ce soit.
Je trébuchai une première fois, mes pieds glissant sur l'herbe. N'ayant pas eu le temps d'enfiler une paire de chaussures, mes chaussettes blanches furent rapidement tâchées de terre. Chaque pas était une torture, mes pieds se cognant contre des cailloux et des branches, mais Jace ne ralentissait toujours pas.
- Arrête, sil te plait. Tu me fais mal ! suppliai-je à nouveau, la voix tremblant de douleur et de panique.
Il ne m'écoutait pas non plus. Aveuglait par une colère inexplicable, il serra mon poignet plus fort, m'entraînant sans pitié. Le visage rouge de rage, il avançait à grands pas, indifférent à mes suppliques. Une furie incontrôlable semblait avoir noyé toute compassion ou raison chez lui. Son regard était fixé droit devant, déterminé, implacable.
Je tentai de me libérer, mon autre main agrippant désespérément sa prise, mais il la tenait fermement. Chaque nouveau pas, lorsque mes pieds rencontraient la dureté du sol, la douleur se faisait plus vive, plus insupportable.
- Je t'en prie, ne me tue pas ! implorai-je, une larme roulant sur ma joue.
- Je vais te montrer à quel point je peux être taré pour te faire regretter ta petite folie de l'autre soir ! Peut-être que comme ça, à l'avenir, tu m'écouteras davantage quand je te dis de ne pas bouger ton cul !
Clayton accéléra le pas derrière nous jusqu'à se retrouver à sa hauteur. Il hésitait à le toucher, ne sachant pas comment appréhender sa réaction.
- Jace ! l'appela Clayton. Arrête ton cinéma ! Tu t'attendais à quoi au juste ? C'est toi qui est responsable de ce qu'elle a fait.
- Clay, ferme-la si tu ne veux pas mon poing dans ta gueule ! Elle est loin d'être innocente, n'est-ce pas Ana ?
De quoi parlait-il au juste ?
- Tu délires là ! On en a déjà parlé, lui rappela Clayton. Elle ne voulait pas foutre en l'air la mission ni risquer quoique ce soit !
- C'est ce qu'on va voir !
Jace s'arrêta enfin devant ce qui semblait être... Quoi ?
Une trappe. L'entrée était presque invisible, recouverte de mousses et de feuilles mortes, si bien qu'il fallait connaître son emplacement exact pour la découvrir. On pouvait à peine en distinguer les contours. Qu'est-ce que foutait une trappe ici ? Et que cachait-elle ?
Jace se pencha pour soulever la trappe qui résista, le bois grinçant protestant à chaque mouvement. Une fois ouverte, elle révélait une échelle de fer descendant dans l'obscurité. L'odeur de terre humide et de vieux bois imprégnait l'air, une senteur lourde et stagnante qui évoquait des années d'abandon.
- Tu ne vas quand même pas me laisser pourrir là-dedans ! m'exclamai-je, au bord de la crise de panique.
- Descends ! m'ordonna-t-il.
Je secouai la tête en reculant d'un pas.
- Descends ! répéta-t-il. Ou je te jette dedans moi-même et tant pis si tu te brises la nuque.
- Jace ! le réprimanda son ami.
- Clay ! Tu restes ici !
- Sûrement pas ! T'es devenu complètement...
- Ne termine surtout pas ta phrase ou on pourrait tous les deux le regretter !
Les larmes au bord des yeux, j'acquiesçai lorsque Clayton me proposa de passer avant moi.
Quelques secondes plus tard, nous nous retrouvions tous les trois en train de descendre cette échelle. Clayton en-dessous, qui tentait de me rassurer. Jace au-dessus, qui le menaçait de l'étrangler s'il ne se taisait pas. Quant à moi, je sentais la panique prendre le dessus.
Clayton ne te laissera pas moisir ici, tentai-je de me rassurer.
Enfin, je quittai la dernière marche. Le sol en terre battue était froid et dur sous mes pieds. J'essuyai mes mains salies par la poussière sur mon pantalon avant de prendre le temps d'inspecter les lieux.
L'espace dans lequel nous nous trouvions ressemblait à une vaste cave mais bas de plafond. Ses murs en pierre brute suintaient d'humidité et des toiles d'araignée se tendaient dans les coins. Parfait, si Jace ne me tuait pas, mon arachnophobie s'en chargerait.
La lumière du jour ne pénétrait qu'à peine par l'ouverture de la trappe, créant des ombres mouvantes et inquiétantes. Je ne pouvais pas voir au-delà de deux mètres. Une vieille ampoule pendait au plafond, son fil torsadé témoignant de sa vétusté. Clayton se tenait près de l'interrupteur mais semblait hésiter à l'enclencher.
Soudain, un murmure s'éleva dans l'obscurité. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Prise de terreur, je reculai jusqu'à heurter le corps massif de Jace qui m'attrapa par les épaules pour me retenir de fuir cet endroit.
- Tu n'iras nulle part, murmura-t-il dans mon oreille, ses mains se resserrant sur mes épaules pour s'en assurer.
Au même instant, Clayton tourna l'interrupteur en fuyant mon regard.
La lumière vacillante de l'ampoule peinait à percer l'obscurité, mais peu à peu, mes yeux s'habituèrent à la pénombre.
Le murmure s'amplifia, devenant plus distinct. C'était un gémissement, faible et désespéré, comme un appel à l'aide perdu dans le néant.
Mon corps tremblait et je lâchai un cri d'effroi lorsque mes yeux découvrirent une scène de cauchemar. Au fond de la cave, un homme était attaché à une chaise en bois, des chaînes enserrant ses poignets et ses chevilles. Ses vêtements en lambeaux et son visage tuméfié témoignaient de la brutalité qu'il avait endurée. Des traces de sang séché maculaient ses bras et son visage et ses yeux, grand ouverts, reflétaient une terreur insondable.
Le murmure s'échappait de ses lèvres gercées, un appel à l'aide presque inaudible :
- Aidez-moi...
- Mon Dieu ! soufflai-je, l'horreur me paralysant sur place.
Jace me poussa pour avancer et à chaque pas qui me rapprochait de cet homme, j'étais secouée d'un nouveau sanglot.
- Regarde à quel point je suis taré, trésor... continuait-il de susurrer, jubilant face à la terreur qui se lisait sur les traits de mon visage. Je te conseille d'arrêter ton petit jeu avec moi et de me dire pour qui tu travailles avant de finir à sa place.
- De quoi tu parles ? le questionnai-je, le cœur au bord des lèvres. Je ne sais pas de quoi tu parles, Jace. Je suis désolée d'avoir foutu en l'air ta mission...
Soudain, il passa son bras au-dessus de mon épaule pour le pointer en direction de l'homme sur la chaise. Ses doigts tenaient fermement une arme à feu.
- Je t'accorde dix secondes pour me dire la vérité... sinon il crève.
La cave semblait se resserrer autour de moi, l'air devenant plus lourd et plus oppressant. Chaque ombre dansait sinistrement sur les murs de pierre, alimentant ma terreur. J'allais céder à la panique d'une seconde à l'autre.
- Jace, je t'en supplie... Je ne sais pas de quoi tu parles !
Mes épaules tremblaient de manière incontrôlable, chaque sanglot secouant mon corps. Mes mains agrippaient désespérément mes bras, comme si je cherchais à me maintenir en un seul morceau, à ne pas me désintégrer sous l'intensité de la terreur qui m'habitait.
Mes yeux grands ouverts et remplis de larmes étaient fixés sur un point invisible tandis que des rivières salées coulaient le long de mes joues. Je ne pouvais plus supporter la vision de cet homme, le sang... Pas une seconde fois. J'étais au bord de l'effondrement. Si Jace appuyait sur la détente, je savais que plus jamais je ne parviendrai à trouver le sommeil.
J'essayai à nouveau de prendre la parole pour le décourager d'aller au bout des choses, mais j'étais incapable de formuler une phrase complète, ma respiration saccadée rendant chaque tentative plus difficile que la précédente.
4, 3, 2... Les secondes défilaient dans ma tête à l'image d'un compte à rebours.
Un clic annonçant que Jace avait retiré le cran de sécurité de son arme annonça la fin du temps qui m'était imparti. Mon cœur s'arrêta dans l'attente du coup de feu. Mais très vite l'air me manqua et rien ne se produisit.
Qu'est-ce qu'il se passait ?
L'homme était toujours vivant, bien qu'en piteux état, et Jace et moi n'avions pas bougé d'un millimètre. Je pouvais toujours sentir son souffle dans mon cou et son bras soutenu par mon épaule.
- Putain, Clay ! s'écria Jace avec fureur. Qu'est-ce que tu fous ?
Essayant de comprendre ce qui était en train de se passer, je me dégageais faiblement de l'emprise de Jace pour me tourner face à lui. Et alors je compris.
Clayton avait braqué son arme sur la tempe de Jace pour le désinciter à commettre l'irréparable devant moi, une seconde fois... Clayton avait su voir ce que Jace, empreint à la folie, n'avait su distinguer : j'étais en train de mourir de peur.
- Regarde-la ! hurla Clay.
Le bras de Jace se mit à trembler, l'arme encore braquée sur sa tempe. Son regard, jusque-là brûlant de rage, vacilla. Il cligna des yeux, comme s'il émergeait d'un rêve fiévreux, la voix de Clayton résonnant dans son esprit comme un coup de tonnerre.
- Regarde-la putain !
Jace tourna lentement la tête vers moi. Ses yeux s'écarquillèrent en rencontrant les miens, et soudain, il vit. Il vit ma terreur, la pâleur de mon visage, les larmes qui coulaient sans fin sur mes joues. Mes lèvres tremblaient. J'étais incapable de prononcer un mot, figée dans une horreur indescriptible.
L'arme qu'il tenait si fermement se mit à glisser de ses doigts, ses mains devenant moites et incertaines. Ses épaules s'affaissèrent, comme si un poids écrasant venait de lui être révélé.
- Ana... souffla-t-il, sa voix brisée par la réalisation.
La colère qui l'avait consumé semblait s'être totalement évaporée, laissant place à une vulnérabilité palpable.
Il tenta de s'approcher de moi mais s'arrêta avant que je ne recule. Ses yeux verts refusaient de se détourner de mon visage. Il voyait enfin, au-delà de sa fureur aveugle, la fragilité et la peur qu'il avait nourries. Mais s'il était de nouveau lui-même, une inquiétude sourde grandissait. Jace était capable des pires horreurs. Et si cela se reproduisait à l'avenir ? Pourrait-il me tuer ?
Clayton ne relâcha pas sa garde mais baissa légèrement son arme, observant la scène avec une intensité vigilante.
- Ana, rentre ! m'ordonna-t-il.
Et je m'exécutai sans perdre une seconde de plus.
Ciao ragga !
Maintenant que mes examens sont terminés, je vais pouvoir me concentrer sur les prochains chapitres.
Merci d'avoir patienté pour ce nouveau chapitre qui, je l'espère, sera à la hauteur.
N'hésitez pas à laisser un petit commentaire.
P.S : Bientôt 70K vues, un gros merci !
Bacio
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