Chapitre 15
Ana
La clé tourna une première fois dans la serrure. Et une deuxième. Puis le silence revint. À nouveau, mes pulsations cardiaques redoublèrent d'intensité et les mouvements de ma cage thoracique suivirent le rythme. J'haletais dans l'attente de mon sort.
Qui était derrière cette porte et s'apprêtait à entrer dans la chambre ? Au fond de moi, je connaissais déjà la réponse mais je ne pouvais pas empêcher toutes ses interrogations de résonner inlassablement dans ma tête, me donnant le tournis.
Lorsque la poignée s'abaissa, je manquais de défaillir. C'était comme si le temps s'était arrêté. J'observais nerveusement le mouvement de la porte qui s'ouvrit au ralenti dans un grincement désagréable.
Et tout aussi lentement, il apparut dans l'embrasure et mon regard s'accrocha au sien. Instantanément, une décharge électrique parcourut ma colonne vertébrale, hérissant mes poils sur mon épiderme. Même à cette distance, mon corps réagissait à sa présence. Mais je ne laissais rien paraître et me ressaisit, déterminée à affronter l'homme qui avait ordonné mon kidnapping. Cette pensée suffit à raviver ma colère. Celle-ci s'insinua dans mes veines et se répandit dans mon corps, empoisonnant au passage tous mes organes.
Le temps se remit à s'écouler normalement et j'avançais précipitamment dans sa direction. C'était ma haine qui dirigeait tous mes faits et gestes. Je la sentais alimenter mon cerveau et faire battre mon cœur. Et le sourire dédaigneux qui étira ses lèvres n'arrangea rien à mon état. La situation le divertissait beaucoup visiblement. Bordel ! J'allais l'étrangler de mes propres mains.
Mais privée de ma réflexion, les dangers que je courrais en m'en prenant à lui me paraissaient dérisoires, voire inexistants. Si bien que je ne réagis pas tout de suite lorsqu'il braqua une arme sur mon front. Ce n'est que lorsque le métal froid entra en contact avec ma peau que je réalisais à quel point j'étais vulnérable. Et stupide, ajouta la petite voix dans ma tête en tremblotant. À quoi je m'attendais au juste en lui sautant dessus ? Un petit câlin peut-être ?
Encore une fois, il avait le pouvoir sur ma vie. En l'occurrence, le pouvoir de me tuer ou de me garder vivante. Ses yeux verts pétillaient d'arrogance et de malice. Il se délectait de ma fragilité. Mais même si son comportement envers moi avait le don de me faire sortir de mes gonds, je n'osais pas lever le petit doigt. À la place, je déglutis difficilement en attendant qu'il rompe le silence, ce qu'il fit la seconde suivante :
- Rentre dans la chambre ! m'ordonna-t-il en pointant son pistolet derrière moi.
Sans le lâcher du regard, je fis un pas en arrière. Puis tout aussi doucement, j'en fis un deuxième. Et je continuai jusqu'à atteindre le lit. Ce n'est qu'à l'instant où mes jambes frôlèrent le drap qu'il abaissa son arme pour la ranger dans sa ceinture.
Sous son regard noir, je me laissais tomber sur le matelas, acceptant ainsi mon impuissance dans cette situation. Que pouvais-je faire contre une arme ? Et contre lui, souligna ma conscience d'une voix tremblante.
Un silence s'installa entre nous. Il ne dura que quelques instants, rompu par sa voix suave :
- Ta nouvelle chambre est suffisamment à ton goût ?
Ma nouvelle chambre ? De quoi parlait-il au juste ? Un terrible scénario commençait à faire son chemin dans ma tête. Et s'il ne me laissait jamais repartir ?
J'étais effrayée. Cet homme me terrifiait autant qu'il me fascinait. Pourtant, à ma plus grande surprise, ce n'est pas la peur qui s'empara de moi à cet instant. Mais plutôt la colère. Une colère que je ne parvenais pas à maîtriser. Je la sentais se frayer un chemin dans mes veines pour alimenter la totalité de mon corps. J'étais excédée par cet homme qui était entré dans ma vie pour en chambouler le déroulement. Tu as peut-être un peu provoqué cette rencontre aussi... La petite voix dans ma tête attisait ma haine. De quel côté était-elle au juste ?
- Qu'est-ce que je fous ici ?
J'avais hurlé en me redressant subitement, percutant au passage le torse de mon patron qui resta impassible à mon contact. Pour ma part, ce simple toucher remua quelque chose dans mon ventre. Une sensation inconnue jusqu'à présent. Concentre-toi !
Je secouais la tête pour me ressaisir et, au même moment, un sourire dédaigneux se dessina sur ses lèvres. Il avait compris mon débat intérieur. Cet homme lisait en moi comme dans un livre ouvert, ce qui m'agaça davantage. J'allais lui arracher les yeux s'il n'arrêtait pas de m'observer avec son air supérieur.
- Tu comptes me répondre quelque chose ? insistai-je.
C'était la première fois que je le tutoyais mais je m'en foutais. Et lui aussi visiblement. Il n'était plus mon patron à présent mais bien mon ravisseur et il ne méritait pas mon respect.
Le bout des lèvres toujours esquissé, il gonfla le torse pour prendre une courte inspiration puis roula des yeux l'air de dire : « elle n'a toujours pas compris ». S'il pensait vraiment une chose pareille, il allait être très déçu parce que non, je ne comprenais pas mon enlèvement, ni même ma présence chez lui. Et je ne lui aurais pas posé la question si j'en connaissais déjà la réponse. Quel abruti !
- Tu as déjà oublié... constata-t-il, attisant un peu plus ma curiosité.
De quoi parlait-il ? Ne me dîtes pas qu'il parle de...
- Tu as une dette envers moi, finit-il par dire.
Eh bien si.
- Tu te fous de moi ? Tu m'as vraiment kidnappé pour une foutue dette ? Si c'est de l'argent que tu veux, je peux t'en avoir mais laisse-moi partir.
Je le suppliais du regard, les larmes au bord des yeux. Je voulais partir loin de lui, loin de cette maison, de cet emploi que j'avais eu le malheur d'accepter... Je voulais retrouver mon appartement, ma cousine... Maddie ! Que doit-elle se dire ? La connaissant, elle a sûrement déjà averti la police. Elle va me sauver !
- Tu ne pourras pas me garder prisonnière ici, l'avertis-je d'une voix ayant repris un peu confiance. Ma cousine a alerté les flics et ils sont probablement à tes trousses à l'heure où l'on parle !
- Prisonnière ? répéta-t-il avant d'exploser d'un rire franc.
Ce n'était pas exactement la réaction à laquelle je m'attendais. Il aurait dû flipper, accepter de me rendre ma liberté. Au lieu de ça, il riait à gorge déployée face à ma menace.
Était-il de mèche avec la police ? À cette idée, je sentis un poids écraser ma poitrine. Ma conscience livra alors une lutte acharnée contre l'angoisse qui renaissait en moi car je devais rester maître de mon corps face à lui. Je ne connaissais rien à propos de ce type mais je soupçonnais depuis notre rencontre qu'il trempait dans des affaires louches. Si le meurtre qu'il avait commis était déjà venu confirmait cette hypothèse, mon kidnapping ne faisait que la renforcer davantage. Il devait faire partie d'une organisation ou d'un trafic suffisamment puissant pour diriger des hommes, tuer de sang-froid sans craindre les représailles ou encore faire kidnapper. J'étais terrifiée par le constat que je venais de faire parce que cela signifiait qu'on ne me retrouverait probablement jamais.
- Tu es libre de faire ce que tu veux dans l'enceinte de cette maison, m'expliqua-t-il après avoir cessé de rire. Tu pourras retourner à ton quotidien une fois que...
- Qu'attends-tu de moi ? le coupai-je, les nerfs sur le point de lâcher.
- J'aurai besoin de toi lors d'une mission.
- Une mission ? De quoi s'agit-il au juste ? Je ne veux pas être mêler à ton activité illégale...
À peine avais-je terminé ma phrase que quelque chose changea dans le regard de mon ravisseur. Ses yeux habituellement d'une couleur verdoyante se rembrunirent jusqu'à devenir noirs de colère. Qu'avais-je dis pour susciter chez lui un tel changement d'humeur ?
- Que sais-tu de mon activité, Ana ?
Le timbre de sa voix se fit plus menaçant. Son corps imposant s'approcha, supprimant tout l'espèce libre entre nous. Son front se pressa contre le mien tandis que ses yeux continuaient à me fixer avec leur lueur presque effrayante.
- Je ne connais rien de toi, parvins-je à articuler malgré la peur que je ressentais. Mais il faudrait être idiot pour croire que tu es un saint !
Pourquoi donnait-il cette impression que je n'étais pas qu'une inconnue rencontrée récemment ? M'avait-il déjà croisé auparavant ? Ma mémoire était peut-être défaillante mais je doutais fortement avoir eu affaire à un gars comme lui avant mon accident. D'après ma cousine et ma tante, j'étais calme et réservée, sans arrêt plongée dans un bouquin. Comment aurais-je pu fréquenter un homme aussi dangereux que lui ? C'était absurde et je chassais cette pensée d'un hochement de tête.
- C'est mieux comme ça, m'assura-t-il sans perdre le ton menaçant dans sa voix. Tu trouveras tes affaires dans ta salle-de-bain et en ce qui concerne ta cousine, ne t'inquiète pas, elle ne se doute de rien !
Sa dernière remarque me fit écarquiller les yeux. Comment ça, « elle ne se doute de rien » ? J'allais lui demander une explication mais il ne m'en laissa pas le temps. Il tourna les talons et sortit de la chambre en claquant la porte derrière lui, me laissant seule avec mes interrogations.
C'était un cauchemar et j'allais me réveiller.
Si seulement...
Chers lecteurs,
Quoi de mieux pour commencer cette semaine qu'un nouveau chapitre ? En espérant qu'il vous plaira :)
Je souhaiterais vous partager une playlist que j'utilise lorsque j'écris ! Dites-moi ce que vous en pensez et n'hésitez pas à me partager vos sons les plus inspirants ?!
Merci pour les 15K vues et pour vos petits commentaires encourageants !
Bonne semaine,
Ciao d'Italie ;)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top