Chapitre 11

Ana

Un mois était passé depuis cette fameuse nuit où j'avais assisté à un meurtre. Un mois sans que je ne parvienne à dormir sur mes deux oreilles, alertée par le moindre bruit suspect ou réveillée par un cauchemar.

Mon cerveau tentait de me protéger du mieux qu'il pouvait, rendant un peu plus chaque jour la succession des évènements inexacte.

La seule image qui restait profondément marquée dans mon esprit demeurait celle de mon patron, une arme pointée sur la tempe d'un homme. L'expression sur son visage à ce moment précis, l'excitation qui émanait de lui et son sang-froid me hantaient le jour comme la nuit. J'étais terrifiée par la présence de cet homme. Encore plus par son absence. Je ne l'avais pas revu depuis des semaines. Qui savait ce qu'il planifiait à cet instant ? Réfléchissait-il à comment il allait me convaincre de payer cette foutue dette ? Si j'avais pu douter auparavant de sa dangerosité, aujourd'hui j'en étais certaine. Il m'avait sauvé d'un viol, voire pire. Mais rien ne pouvait justifier la mort d'un homme. Si son désir avait vraiment été de me venir en aide, il aurait dénoncé à la police l'ordure qui s'en était pris à moi au lieu de l'assassiner devant mes yeux, me traumatisant un peu plus au passage.

- Sam ! m'appela Isaac situé à l'autre bout du comptoir, me ramenant à la réalité par la même occasion. Avant de partir en pause j'ai besoin que tu me prépares une commande !

Tout en se rapprochant, il tendit le bras dans ma direction. Je m'essuyai les mains sur mon tablier et saisis le papier qu'il tenait entre ses doigts. La commande était importante compte tenu du taux de présence ce soir, mais j'acceptai tout de même sa demande.

- J'en ai pour cinq minutes ! lui fis-je savoir en rinçant deux verres à Wiskey.

Il me gratifia d'un sourire avant de débarrasser les verres vides d'une table et de prendre une nouvelle commande auprès d'une autre table. Je le regardais un instant effectuer les tâches qui m'étaient initialement destinées. Du moins jusqu'à ce que le patron décide, sans même me consulter, de me mettre au bar. C'était Isaac qu'il avait désigné pour me remplacer auprès des clients. Bien que je refusais de l'avouer aux autres, cette décision n'était pas pour me déplaire. Je n'étais plus en contact avec la clientèle et leurs remarques salasses. Désormais, je pouvais effectuer mon travail sans être dérangée puisque personne ne me remarquait.

Une fois la commande d'Isaac terminée, je levais le bras pour lui faire signe. Dès qu'il me remarqua, il s'empressa de venir chercher le plateau pour aller distribuer les verres. Du coin de l'heure, j'aperçu Théo revenir de sa pause. Parfait timing ! C'était mon tour à présent.

- Je prends dix minutes, lui soufflais-je en retirant mon tablier.

Comme à son habitude, il ne m'offrit même pas un regard et se contenta de hocher la tête en prenant ma place. Je ne m'en formalisai pas et me dirigeai d'un pas rapide vers la sortie de secours qui menait en réalité sur le toit.

L'air extérieur me fit le plus grand bien. Je m'approchai du rebord tout en prenant une grande inspiration. Sous mes pieds, la soirée battait son plein ! Depuis que j'avais commencé à travailler ici, je n'avais jamais vu la boîte aussi bondée et le salon VIP avoir un tel succès. On aurait dit que tous les mafieux de Miami s'étaient donnés rendez-vous ce soir au Rockstore. L'absence du patron en était d'autant plus surprenante. Ce monde était vraiment à des années lumières du mien. À quoi pouvait bien se résumer la vie quotidienne d'un mafieux ?

Mon téléphone vibra soudain dans ma poche, interrompant le fil de mes réflexions. C'était Maddie qui voulait savoir comment se passait la soirée. Autrement dit, elle voulait savoir si j'étais encore en vie.

Ma cousine était partie quelques jours plutôt rendre visite à sa grand-mère qui, à la suite d'une mauvaise chute, s'était fracturée le poignet. Maddie s'était alors empressée de prendre un avion pour passer quelques temps avec elle. Elle ne savait pas encore quand elle rentrerait mais, en attendant, j'étais seule à l'appartement. La première nuit n'avait pas été évidente mais je commençais à m'habituer à son absence. Elle avait aussi eu la gentillesse de me laisser sa voiture pour mes trajets quotidiens.

De : Maddie

Tout va bien ? Pas trop de boulot ?

De : Moi

Il y a beaucoup de monde mais tout est ok. Comment va ta grand-mère ?

De : Maddie

Elle va bien mais les médecins ne savent pas combien de temps prendra son poignet à guérir complètement. Pour le moment, mon aide est précieuse ! Je ne sais pas combien de temps je vais rester...

De : Moi

Ne t'inquiète pas pour moi et prend bien soin de ta grand-mère !

Après avoir envoyé mon message, je sortis une cigarette de mon paquet et l'apportai à mes lèvres. La flamme du briquet alluma l'extrémité et je tirai instantanément une taffe. La nicotine se répandit dans mon corps, me procurant un sentiment de bien-être. Plus que quelques heures et enfin, je pourrais rentrer et espérer passer une bonne nuit de sommeil !

[...]

J'étais exténuée lorsque je quittai mon lieu de travail. Il n'y avait plus âme qui vive à l'extérieur. Encore terrifiée à l'idée que quelqu'un pouvait me suivre, j'avançais sans perdre une seconde jusqu'à ma voiture en serrant entre mes doigts une bombe lacrymogène que j'avais réussi à me procurer sur le Net. Je savais que ce petit objet ne me sauverait pas mais il me ferait gagner de précieuses minutes en cas de nouvelle attaque.

Une fois arrivée à ma voiture, je m'empressai de la déverrouiller pour m'engouffrer dans l'habitacle. Tout va bien ! Tu es saine et sauve, me rassura ma conscience une fois le moteur allumée et les portières verrouillée. Une main sur la poitrine, j'attendis quelques secondes que mon cœur diminue ses battements. Un mois... C'était il y a un mois. Pourtant, mon corps n'avait pas oublié lui.

[...]

Dans l'ascenseur, j'envoyai un message à ma cousine pour lui informer que j'avais terminé mon service et que j'étais bien arrivée à notre immeuble. Elle me répondit dans la minute, me signifiant qu'elle attendait de mes nouvelles avant de pouvoir s'endormir.

Lorsque les portes s'ouvrirent à mon étage, je m'extirpai de la cabine et avançai dans le couloir. Lorsque les lumières captèrent ma présence, elles s'allumèrent, m'aveuglant par la même occasion. Les paupières à demi-clauses par la fatigue et la luminosité, je me plantai devant la porte de mon appartement et sortis les clés de mon sac à main.

Pourtant, lorsque je les insérai dans la serrure de la porte, celle-ci s'ouvrit avant même que je ne fasse le moindre geste. Quoi ? Surprise, je jetai des regards furtifs à droite et à gauche du couloir pour vérifier que personne n'était dans les parages. Rien. Avais-je oublié de fermer la porte derrière moi ? J'étais persuadée que... Non, c'était peut-être possible. J'étais partie en retard au travail. Dans la précipitation, j'avais sûrement oublié de fermer à clé.

Dans un souffle, je poussai le battant et pénétrai dans le salon plongé dans l'obscurité. À travers les rideaux tirés perçaient les rayons argentés de la Lune, m'éclairant suffisamment pour me déplacer sans percuter quelque chose. Je retirai mes chaussures dans l'entrée et, d'un pas traînant, me rendis dans la cuisine pour me servir un verre d'eau au robinet.

Une boule se forma au fond de ma gorge sans que je sache pourquoi. Tout était silencieux autour de moi. Mais si, habituellement, l'absence de bruit m'apaisait, cette fois-ci, c'était le contraire. Je me sentais angoissée. Comme si quelque chose ou quelqu'un se trouvait tout près.

Soudain, un bruissement de tissu me fit frémir et confirma mes doutes. Mon rythme cardiaque s'emballa immédiatement et mes membres se mirent à trembler. Avais-je rêvé ? L'oreille tendue, à l'affut du moindre bruit, je demeurai paralysée. Aucun nouveau son ne me parvint. Tu as rêvé ! Pourtant, mes tremblements ne cessaient pas.

Dans un geste silencieux, je reposai le verre sur le plan de travail et ouvrai le premier tiroir à portée pour en sortir un ustensile de cuisine pouvant servir à me défendre. N'importe quoi pourvu que je puisse m'en servir... Calme-toi, Ana ! Ce n'est sûrement rien... Mais je n'étais pas d'accord. Quelque chose clochait, je le sentais.

La porte ouverte n'était peut-être pas due à mon inattention finalement...

Maintenant ce bruit.

Je n'étais pas seule.

Mes doigts s'enroulèrent autour du manche d'un couteau de cuisine que je tirais doucement du tiroir pour le pointer devant moi. Puis je posai un pied devant l'autre pour avancer dans le salon, à la recherche de l'intru qui s'était introduit chez moi.

Dans ma tête, le scénario qui s'était produit il y a un mois tournait en boucle. J'étais terrifiée à l'idée qu'il se reproduise car cette fois-ci, personne ne viendrait me sauver comme l'avait fait l'homme aux yeux verts. On se serait bien passer de son aide à celui-là ! Dans un grognement discret, je fis taire ma conscience qui me déconcentrait. Ce n'était pas le moment pour ça.

Mon regard balaya le salon mais ne remarqua rien d'anormal malgré la pénombre. Je ne pouvais pas m'être trompée... J'étais persuadée que je n'étais pas seule. Il se dirigea alors en direction du couloir qui menait aux chambres. Tout semblait désert mais je ne préférai pas me risquer à aller vérifier. La porte d'entrée n'était qu'à quelques pas. Je pouvais l'atteindre et m'enfuir, hurler à l'aide auprès de mes voisins. Dans le pire des cas, je passerais pour une folle. Mais au moins, je savais qu'en choisissant cette option, il ne m'arriverait rien.

Déterminée à fuir cet appartement et alerter mes voisins, je jetai un dernier coup d'œil aux alentours avant de tourner les talons et de me précipiter vers la porte d'entrée. Je savais qu'en faisant cela, j'allais faire du bruit et sûrement pousser l'intru à agir rapidement. Mais il fallait que j'essaye.

Mes mains sur la poignée, je tournai précipitamment la clé dans la serrure mais celle-ci résista, me faisant perdre du temps. Lorsqu'en enfin j'entendis le déclic, un soupir de soulagement s'échappa d'entre mes lèvres. Enfin !

Mais avant même que je ne puisse l'ouvrir, les poils sur mon épiderme se hérissèrent et je me retrouvai paralysée sur place. Mon corps réagissait à une présence toute proche. Si proche que je pouvais sentir l'odeur de l'inconnu. La lèvre tremblante, je tournai sur moi-même mais deux bras m'emprisonnèrent brutalement avant que je ne puisse identifier un quelconque visage, me faisant lâcher le couteau de cuisine par la même occasion. Je savais déjà qu'il s'agissait d'un homme et cette déduction me terrifia un peu plus. Qui allait me sauver à présent ?

Je me débattis de toutes mes forces mais la personne qui s'en prenait à moi était beaucoup plus forte que moi. L'une de ses mains me bâillonna, étouffant un hurlement de terreur. Il me traîna ensuite de force loin de la porte que je martelais à l'aide de mes pieds pour tenter d'alerter quelqu'un. Et soudain, un léger pincement dans le bras réveilla en moi un sentiment d'effroi. Qu'est-ce que... Non ! Lorsque mes yeux aperçurent la seringue, je compris qu'à présent, je ne pouvais plus rien faire pour m'en sortir. En me piquant, il venait de réduire à néant toutes mes chances.

Rapidement, la drogue que l'on venait de m'injecter se répandit dans mon organisme et les premiers effets ne tardèrent pas à se faire ressentir. Je perdis tous mes sens, à commencer par la vue. C'était comme si un voile noir avait été placé devant mes yeux.

Puis, peu à peu, je sentis mes forces m'abandonner et je tombai lourdement sur le sol. Je détestais cette sensation d'impuissance qui me rappelait trop bien les premiers moments qui avaient suivi mon réveil à l'hôpital : l'incapacité de tenir sur ses jambes, d'attraper un verre d'eau...

Bientôt, mes paupières devinrent trop lourdes et malgré ma volonté de rester éveillée, je plongeai dans un sommeil profond duquel il m'était impossible de sortir tant que les effets de la substance ingérée ne se seraient pas dissipés. Cela voulait dire que j'étais à la fois prisonnière de mes cauchemars mais également d'un inconnu qui ne me voulait, a priori, rien de bien.

Bonsoir à tous,
J'espère que ce chapitre pardonnera ma courte absence !
N'hésitez pas à laisser un commentaire pour me dire ce que vous pensez de l'histoire, ce que je pourrai améliorer...
Passez une agréable soirée !

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