Chapitre 10

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Ana

« Tu sais ce qui arrive quand on ne respecte pas les règles ». Je me répétais ses paroles une dernière fois, pas certaine d'en comprendre la véritable portée. Qu'est-ce qu'il allait lui faire ?

- Patr-patron...

Mon agresseur hésitait. Il ne savait pas ce qui était le plus judicieux. Devait-il se défendre au risque de s'attirer plus d'ennuis ? Ou bien devait-il se taire mais au risque, dans ce cas-là, de ne pas pouvoir s'expliquer et plaider sa cause ? Finalement, il choisit la première option.

- C'est elle qui me chauffe depuis son premier jour, m'accusa-t-il en se débattant lorsque le bras autour de son cou se resserra un peu plus.

Je faillis m'étouffer avec ma salive. Comment ça ? Jamais je ne l'avais aguiché. Ce qu'il s'apprêtait à dire était un tissu de mensonges et je me devais de rétablir la vérité. Car qui mon patron allait-il croire ? Une serveuse qui mentait à tout le monde en se faisant passer pour une dénommée Samantha et avec qui il s'était disputé dans les toilettes ? Ou bien un habitué qui versait l'équivalent d'un salaire à chacune de ses venues au Rockstore ? La réponse était évidente. Mais alors que j'allais le contredire, il ne m'en laissa pas le temps.

- Mais on peut partager.

J'étais dans un cauchemar et j'allais me réveiller. D'une minute à l'autre. Il le fallait. J'étais écœurée. Venait-il vraiment de proposer une chose pareille ? « On peut partager ». Je salivais en grande quantité alors que ses quelques mots me retournaient l'estomac. Je me sentais mal et mes yeux me brûlaient. Je savais que les larmes n'étaient pas loin mais je tenais bon. Cet homme était dégoutant. Une ordure de la pire espèce. Il ne méritait pas que je pleure pour lui. Il méritait de mourir pour ce qu'il avait tenté de me faire. À combien d'autres femmes s'en était-il pris ?

Toujours plongée dans mes réflexions, je ne remarquais pas immédiatement que mon patron avait ses yeux verts posés sur moi depuis le début. Il avait assisté à mon débat intérieur et semblait percevoir ce que je ressentais, tout ça sans jamais lâcher sa proie. Mon assaillant était toujours fermement maintenu et avait arrêté de gesticuler car à chacun de ses mouvements, l'emprise autour de son cou se resserrait, empêchant un peu plus chaque fois l'air de rentrer normalement par sa bouche et d'alimenter en oxygène ses poumons. Je regardais à mon tour ses grands yeux verts qui brillaient de malice et je fronçais les sourcils en le voyant esquisser les courbes d'un petit sourire en coin. À quoi pensait-il ?

Et soudain, je sentis un nouvel élan de panique me gagner et je reculais lentement. Et s'il acceptait la proposition de mon agresseur ? Et s'il participait à mon viol au lieu de me secourir ? Ces deux hommes semblaient tout aussi dangereux et le goût de l'interdit semblait les animer. Ils étaient des mafieux et les mafieux se foutaient bien des lois. Des règles. Ils vivaient dans l'illégalité et c'était ce qui les attirait. Alors violer une fille ne les ferait pas reculer. Au contraire. Il fallait que je me sauve.

- Qu'est-ce qui arrive quand on ne respecte pas les règles ?

Quoi ? Il venait de répéter cette phrase d'un ton plus dur. Presque féroce. Mais cette fois-ci, c'était à moi qu'il s'adressait. Ce qui me surprit. Mon agresseur, quant à lui toujours pris au piège par les bras musclés et tatoués de mon patron, se décomposa. Il ne semblait nullement tranquille. Qu'est-ce que ça voulait dire ?

L'homme aux yeux verts semblaient attendre quelque chose, autre chose qu'une simple réponse. Son regard cherchait dans le mien mon approbation. Il voulait blesser celui qu'il était à deux doigts d'asphyxier tellement il le tenait fort. Voulais-je qu'il soit blessé ? Il le mérite... répondit la petite voix dans ma tête. Convaincue que je prenais la bonne décision, je hochais la tête pour lui signifier que j'étais d'accord. Qu'il pouvait lui faire mal, autant qu'il comptait m'en faire.

- Tu n'as pas répondu à la question.

Son timbre de voix me fit vibrer. Il attendait que je donne la sentence. Je baissais la tête en direction de l'homme au costume noir qui respirait de plus en plus difficilement. Il avait peur. Je pouvais même voir des gouttes de sueur se former sur son front. Il savait que tout reposait sur moi. Me croyait-il capable de prononcer sa sentence ?

Mais lorsque ses yeux perçurent mon désir de vengeance et qu'il laissa échapper un petit gémissement plaintif, je compris que non. Un flot de haine s'écoula alors dans mes veines, faisant bouillir mon sang. Il ne me pensait pas assez forte pour le punir mais désormais, il savait qu'il ne s'en tirerait pas indemne. Je serrais les poings, prête à le ruer moi-même de coups.

Cet homme avait tenté de me violer. Il m'avait sagement attendu puis suivi pour attendre le meilleur moment. Il avait joué avec moi. Il m'avait d'abord effrayé avant de me faire comprendre que je n'avais aucune chance de lui échapper. Que j'étais entièrement à lui. Et voilà que maintenant, il jouait les apeurés. J'étais dégoûtée mais aussi déterminée à lui faire regretter son agression. Alors, sans le lâcher du regard, je répondis à sa question :

- On en paye les conséquences.

À l'instant même où ces quelques mots franchirent la barrière de mes lèvres, un rire diabolique résonna autour de nous. C'était celui de l'homme aux yeux verts. Mon patron. Peu importait qui il était vraiment à ce moment-là. Était-il satisfait de ma réponse ? Ou attendait-il autre chose ? Quelque chose dans son regard me disait qu'il était plus que satisfait.

Il s'agitait derrière son prisonnier et je suivis du regard ses mouvements. Il passa son bras derrière son dos pour chercher quelque chose de sa main libre. Mon assaillant quant à lui ne tenait plus en place. Il gesticulait nerveusement et suppliait le patron de le laisser partir. Et moi, je ne comprenais pas ce qui se déroulait sous mes propres yeux. Pourtant, je sentais que quelque chose clochait. Qu'allait-il lui faire exactement ?

- Tu l'as entendu ? chuchota-t-il à l'oreille de mon agresseur, suffisamment fort pour que je puisse l'entende également. Quand on ne respecte pas les règles, on en paye les conséquences. Et tu sais quelles sont les conséquences dans ce cas précis ?

- Pitié !

Quelles étaient les conséquences dont il parlait ? Il n'allait pas simplement lui interdire de revenir et lui mettre une bonne droite ? Que voulait-il lui faire de plus ? J'allais l'interroger à ce sujet lorsqu'il retira sa main de son dos.

- Oh mon dieu !

Je plaquais les mains sur ma bouche pour étouffer un cri d'effroi en apercevant une arme à feu dans la main de mon patron. Lui, semblait jubiler à en croire le sourire qui ne cessait de grandir sur son visage. Un sourire effrayant de sadisme. Il n'allait tout de même pas le tuer ? Si ? Il semblait pourtant nourrir cette idée avec beaucoup d'enthousiasme.

- Vous allez le tuer ? osais-je demander d'une voix tremblante.

- Trésor, me répondit-il sans perdre son sourire. Tu l'as dit toi-même. Quand on ne respecte pas les règles, on en paye les conséquences.

J'entendis un léger déclic mais compris que trop tard de quoi il s'agissait.

- Attendez !

Pan ! Le coup partit et machinalement, je fermais les yeux et portais les mains à mes oreilles pour protéger mes tympans du bruit assourdissant du détonateur. J'avais le cœur qui battait la chamade. Il était prêt à transpercer ma poitrine. Merde ! Il lui avait vraiment tirer dessus !

Lorsqu'enfin le silence revint, j'osais ouvrir un œil après l'autre. Mais je regrettais immédiatement d'avoir ouvert les yeux tant la vision qui s'imposa à mon esprit était insoutenable. Mon patron me regardait, son arme toujours tenue par ses longs doigts tatoués. Il souriait toujours mais je remarquais des tâches rouges sur son visage ainsi que sur sa chemise blanche. C'étaient des éclaboussures de sang. J'avais le cœur au bord des lèvres. Mais ce que je vis ensuite n'avait rien de comparable. Le corps inerte de mon agresseur était lourdement tombé sur le goudron et du sang s'écoulait abondamment, formant une flaque qui grandissait à vue d'œil autour de lui. Son visage était tourné vers le ciel, les yeux grands ouverts et je remarquais alors le trou qu'avait causé la balle sur sa tempe. C'était de là que s'écoulait le sang.

C'en était trop pour moi. Je fis quelques pas pour m'éloigner. Ma tête tambourinait et menaçait d'exploser. Elle m'assaillait de questions auxquelles j'étais incapable de répondre. Comment allais-je oublier ce que je venais de voir ? Comment allais-je m'en remettre ?

Nauséeuse et déboussolée, je me sentais au plus mal. J'essayais de prendre une grande bouffée d'air frais mais elle ne m'aida pas à me sentir mieux. Au contraire. Je retins un nouveau haut le cœur en m'enfonçant un peu plus dans le parking. Je me tenais le ventre d'une main en cherchant un endroit pour vomir, mon autre main plaquée sur ma bouche. Tous les évènements qui venaient de se produire se répétaient inlassablement dans mon esprit.

Et soudain, je ne parvins plus à me retenir. Mon estomac se souleva et je me pliais en deux, les yeux rivés sur le sol. Mon corps rejetait mon dernier repas d'une manière spectaculaire.

Je vomis encore et encore. Même lorsque mon estomac ne contint plus rien, je continuais à être secouée de spasmes qui me tordaient le ventre. Je tenais à peine debout alors je m'appuyais à la carrosserie d'une voiture.

Des larmes de fatigue menaçaient de couler le long de mes joues mais je résistais encore, sentant sa présence dans mon dos. Il avait tué de sang-froid devant moi. Il avait tué... C'était un assassin. Qu'allait-il me faire à présent ?

- Ta cousine ne devrait plus tarder, dit-il après que mes vomissement eurent cessés. Elle est tombée en panne. C'est son ami qui l'accompagne pour venir te chercher. 

- Comment savez-vous tout ça ?

Ma voix n'était plus qu'un murmure tant j'étais fatiguée.

- Il y a beaucoup de choses que je sais et que tu ignores, Ana.

Ce fut sa seule réponse. Je me redressais difficilement sur mes jambes et me tournais pour lui faire face. Il s'était rapproché de moi et avait rangé son arme. Tant mieux. Je n'aurais pas supporter de le voir à nouveau tenir cette arme. Derrière lui, mon assaillant gisait toujours sur le sol. Je détournais vite le regard et l'ignorais en sentant la nausée revenir.

- Qu'est-ce que vous faisiez ici ?

Il ne répondit rien et se contenta de sourire malicieusement. Son attitude commençait à m'énerver. Il surgissait de nulle part pour me venir en aide et tuer devant mes yeux un homme. Maintenant, il décidait de garder le silence et refusait de répondre à mes questions.

- Vous comptez me répondre ? insistais-je d'une voix plus sèche qui trahissait ma perte de patience.

- La seule chose que tu dois savoir pour le moment, c'est que tu as une dette envers moi. Et que tu pairas ta dette. Prochainement.

- Je ne vous dois rien ! vociférais-je en faisant un pas vers lui.

- Tu me dois la vie, trésor.

La vie ? Une dette ? J'étais écœurée par ses propos. Il venait de me sauver d'un viol, voire de la mort, et je l'en remerciais pour ça. Mais il me demandait à présent de payer ma dette. Comme si ma vie avait un prix à ses yeux ?

- Combien voulez-vous ?

- J'ai d'autres projets pour toi, me révéla-t-il avec calme tandis que moi, je devenais de plus nerveuse. Tu en sauras plus le moment voulu.

- Et si je refuse ?

- Tu n'auras pas le choix d'accepter, menaça-t-il en arborant une nouvelle fois un petit sourire en coin.

Je cherchais quoi lui répondre pour lui faire comprendre que rien ne m'obligerait à faire quelque chose que je refusais de faire. Puis, ses menaces que m'avait rapportées Théo me revinrent en mémoire. « Il sait où tu habites, et avec qui ». Maddie... Et s'il menaçait de tuer ma cousine ? Ce à quoi j'avais assisté ce soir me confirmait qu'il était complètement fou et qu'il n'hésiterait pas si je lui tenais tête. Mais qu'attendait-il de moi ? S'il ne voulait pas d'argent, comment devrais-je payer ma dette ?

- Bonne nuit, trésor.

Sans que je m'y attende, il tourna les talons pour se rapprocher du corps de mon agresseur. Il se pencha pour saisir son bras sur son corps mort et le tira derrière lui, laissant une trainée de sang sur le sol goudronné. Je le regardais s'éloigner et s'enfoncer dans l'obscurité du parking. Bientôt, il disparut et je me laissais tomber par terre. Recroquevillée, les genoux repliés contre ma poitrine, je laissais enfin couler les larmes qui me brûlaient les yeux.

« Bonne nuit, trésor ». Comme si je pouvais bien dormir après ce que je venais de vivre.

Quelques heures plus tard

Allongée sur le lit, je fixais le plafond de ma chambre depuis trop longtemps. J'avais volontairement laissé les volets ouverts pour permettre à la lumière du soleil de pénétrer dans la pièce. La douceur avec laquelle ses rayons caressaient ma peau me rassurait. L'oreille tendue, j'écoutais. Mais je n'entendais rien. Seulement le piaillement d'un oiseau posé sur le rebord de ma fenêtre. Son babillement était délicat et augmenta mon soulagement. Je n'étais plus sur ce parking, plongée dans le noir. Il n'y avait plus de cadavre qui jonchait le sol. J'étais dans l'appartement que je partageais avec Maddie qui s'était assoupie à notre retour. J'étais en sécurité. Mais pour combien de temps ?

Les images défilaient en boucle dans ma tête. En commençant par la fin de mon service jusqu'à l'arrivée de Maddie. Comme me l'avait indiqué l'assassin, qui était aussi mon patron, Maddie était arrivée une quinzaine de minutes plus tard avec Ethan. Tous les deux m'avaient récupéré à l'entrée principale du parking et n'avaient donc pas eu à y rentrer. Tant mieux ! fit ma conscience dans un soupir de soulagement. Je partageais son opinion. Je n'osais même pas imaginé ce qui se serait passé s'ils avaient remarqué le sang qui souillait le sol. Ils auraient directement fait le rapprochement avec mes genoux amochés, mes yeux embués et ma bosse au milieu du front.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? m'avait interrogé Maddie, à peine installée dans la voiture.

- Je suis tombée, avais-je immédiatement répondu pour ne pas éveiller les soupçons. Il faisait tellement sombre et mon téléphone n'avait plus suffisamment de batterie pour que j'utilise la lumière.

Mon bobard était passé comme une lettre à la poste et à notre arrivée à l'appartement, ma cousine, comme à son habitude, s'était empressée de me soigner. Je n'avais pas refusé même si à cet instant, je n'avais qu'une seule envie ; m'enfermer dans ma chambre pour écrire dans mon journal ce qui était arrivé.

Depuis, les larmes avaient cessé de couler mais le mauvais film qui se répétait sans fin dans ma tête empoisonnait mon esprit. Je ne pensais plus clairement et la seule solution qui se présentait était de faire taire les voix dans ma tête qui se contredisaient.

Fuis !

Il t'a sauvé d'un viol !

C'est un assassin...

Il a tué celui qui s'en est pris à toi !

Il ne te veut pas du bien... C'est un tueur qui trempe dans des affaires illégales !

Assez !

Dans une grimace, je me redressais sur mon lit et posais les pieds sur le carrelage froid. Mon dos était douloureux mais ce n'était rien en comparaison au bourdonnement incessant qui me donnait la migraine. J'avais besoin de sérénité. Juste quelques heures de répit.

En essayant de faire le moindre bruit possible, je me dirigeais vers la salle de bain et fouillais dans les placards à la recherche des petits comprimés blancs. D'un mouvement peu assuré, je débouchais le couvercle et en versais la dose prescrite par mon psychologue dans le creux de ma main.

- Allez ! tentais-je de me rassurer. Je ne demande que quelques heures de tranquillité.

Je basculais la tête en arrière, la pointe de mes cheveux venant chatouiller le creux de mon dos douloureux, et apportais la main à mes lèvres pour avaler d'une traite les médicaments. D'ici quelques minutes, ils feraient effet et enfin, je serais débarrassée de tous ces tourments.

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