Chapitre 1
Ana
Une main posée sur mon bras me tira subitement du cauchemar dans lequel j'étais enfermée et mes yeux s'ouvrirent sur le visage inquiet de l'hôtesse de l'air.
- Est-ce que tout va bien Mademoiselle ? me demanda-t-elle en libérant mon bras de son étreinte.
Les battements irréguliers de mon cœurs m'empêchèrent de parler tout de suite. Je me contentai donc de remuer la tête de haut en bas.
- Vous sembliez agitée, continua-t-elle. Vous avez fait un cauchemar ?
Ces yeux clairs se posèrent sur mes mains. Je ne m'étais pas aperçu qu'elles tremblaient.
- L'avion me rend juste nerveuse.
Menteuse.
L'hôtesse m'offrit un sourire rassurant avant de me tendre un verre d'eau posé sur son chariot.
- Buvez un peu d'eau, ça vous fera du bien.
Je la gratifiai d'un regard et attendis qu'elle poursuive son chemin pour prendre une grande inspiration. Encore et toujours ce même cauchemar, soupira ma conscience. Si j'avais réussi à le combattre pendant presque deux ans, il était finalement revenu au galop quelques semaines plus tôt lorsque j'avais accepté la proposition de ma cousine de quitter ma Californie natale pour m'installer avec elle, en Floride. Depuis, mes nuits étaient ponctuées d'insomnies et troublées par cet inconnu qui me voulait du mal. Je ne pouvais m'empêcher de penser que mon subconscient essayait de m'envoyer un message. La question était de savoir pour quelle raison il essayait de me mettre en garde.
La tablette accrochée au dossier du siège m'indiqua que le vol jusqu'à Miami ne serait plus très long. Je décidai donc de me reposer encore un peu jusqu'à l'atterrissage.
Après avoir retrouvé mon téléphone tombé sous le siège avant, j'enfonçai mes écouteurs dans mes oreilles. La tête basculée en arrière, je laissai la musique résonner en moi et m'apporter un peu de sérénité. Ne t'endors pas trop profondément, me mit en garde ma conscience lorsque je fermai les yeux.
Une heure plus tard
- Mesdames et messieurs, nous abordons notre descente vers Miami, annonça le pilote dans l'interphone. Nous vous invitons à regagner votre siège.
Au même instant, le signal lumineux au-dessus de ma tête m'avertit qu'il fallait que j'attache ma ceinture. Je m'exécutai et tournai la tête en direction du hublot que je relevai trop vite. Le soleil m'aveugla instantanément. Mes yeux s'habitèrent à la forte clarté et bientôt, je pus admirer le paysage qui se dessinait sous l'avion. Mes écouteurs toujours dans mes oreilles, je continuai d'admirer le spectacle.
Une vingtaine de minutes s'écoulèrent. Je regardai l'heure sur mon téléphone. Il était midi, heure locale. Le soleil était très haut dans le ciel et je sentais ses rayons bruler ma peau à travers le hublot. J'observais la piste se rapprocher de plus en plus. L'avion avala les derniers mètres en quelques secondes et se posa en douceur sur le tarmac. Des applaudissements s'ensuivirent, auxquels je ne prenais pas part, les yeux toujours rivés sur l'extérieur. Je ne connaissais pas Miami mais je trouvais à mon goût ce que j'avais pu apercevoir de la ville. J'avais hâte de pouvoir recommencer cette nouvelle vie, loin de mon passé qui ne cessait de me hanter. Du moins, ce qu'il en restait.
Les passagers attendaient patiemment que l'avion rejoigne son terminal. Lorsque les portes s'ouvrirent, ils se ruèrent tous vers la sortie. Je me levais une fois que tout le monde eut quitté l'avion. Je détestais la foule, la sensation d'être oppressée et la peur de me faire bousculer.
- Bienvenue à Miami, Mademoiselle.
Je remerciai d'un sourire l'hôtesse de l'air qui m'avait réveillé un peu plus tôt et couru presque jusqu'à la sortie du terminal, traînant derrière moi ma valise cabine. Loin d'être matérialiste, j'avais décidé de vendre ce qui restait de mon ancienne vie avant mon départ. Ma cousine était rentrée quelques jours plus tôt en emportant avec elle mes quelques vêtements et chaussures et j'avais pris avec moi ce qui me restait d'indispensable, à savoir quelques affaires de toilette, quelques livres et surtout mon carnet, sur lequel j'écrivais tout depuis mon réveil après l'accident. C'était un moyen pour moi de lutter contre ma mémoire lorsque celle-ci me faisait défaut mais également de me rassurer. Si un jour tu oublies tout à nouveau, au moins tu pourras te souvenir, me souffla ma conscience.
Dehors, il faisait une chaleur étouffante. Mais j'avais l'habitude. Le soleil de Californie pouvait être tout aussi écrasant. Mes lunettes de soleil sur le nez, je m'empressai de tirer une cigarette de mon paquet. J'allumai l'extrémité de ma clope dans une flamme étincelante. Je pris plusieurs bouffées d'affilé et laissaient la nicotine se répandre dans mon organisme. Un soupir s'échappa d'entre mes lèvres. Voilà plusieurs heures que mon corps en manque en réclamait.
- Ana !
C'était la voix de ma cousine qui criait mon nom au milieu des passants. Je recrachais la fumée et lui fis un petit signe de la main pour lui signaler ma présence. Ses yeux se mirent à briller quand elle me remarqua enfin.
- Ana ! hurla-t-elle une nouvelle fois en se précipitant vers moi. Tu m'as manqué !
- On s'est vu il y a moins d'une semaine, lui rappelais-je en la prenant dans mes bras.
Elle rigola et je resserrais mon étreinte. À moi aussi, elle m'avait manqué. Maddie était ma seule famille, la seule personne qui me rattachait encore à mon passé. Sans elle, je n'aurais jamais réussie à m'en sortir. Elle était ma bouée de sauvetage. La seule preuve de mon existence sur Terre avant mon accident.
- On y va ?
Maddie me tira de mes pensées. Je hochai la tête et la suivis jusqu'à sa voiture où je rangeais ma valise cabine. J'ouvris la portière côté passager et m'engouffrais dans l'habitacle.
- J'ai tellement hâte de te montrer l'appartement ! s'écria ma cousine en s'installant derrière le volant. Tu vas adorer ! J'ai rangeais ta chambre avec tous tes vêtements et j'ai acheté quelques décorations.
Et tout le temps du trajet, Maddie me décrit ce qui allait devenir notre appartement. Comment elle avait disposé les meubles, choisis la couleur du tapis dans le salon ou encore les cadres photos qu'elle avait accroché dans le couloir. L'enthousiasme de ma cousine m'arracha un sourire et je continuais de l'écouter pendant encore quelques minutes avant qu'elle ne se gare sur une place de parking résidentielle.
- On y est !
À travers la vitre baissée de la voiture, je regardais l'immeuble se dresser si haut qu'on aurait dit qu'il allait toucher les nuages. Je retirais mes lunettes de soleil en posant les pieds à terre pour observer les alentours. La quartier semblait calme, loin de l'agitation ambiante du centre-ville que nous venions de traverser en voiture. Maddie ouvrit le coffre et en sortit ma valise. Elle la tira derrière elle, un grand sourire sur les lèvres. Je la suivis sans un mot, toujours occupée à scruter les lieux. Une allée de palmiers donnait la direction à suivre pour se rendre à l'entrée du bâtiment à l'architecture moderne.
Le hall d'entrée était désert. Maddie me conduisit jusqu'à l'ascenseur et nous montâmes au deuxième étage. La porte de notre appartement portait le numéro 5, mon chiffre porte-bonheur. Je regardais Maddie insérer les clés dans la serrure et tourner la poignée au ralentit, le sourire toujours aux lèvres.
- Bienvenue chez nous !
Dès le premier regard, je tombais sous le charme de cet appartement. Tout était comme l'avait décrit Maddie : spacieux, épuré et décoré avec goût. Les murs étaient blancs ou gris, et les meubles qu'elle avait choisis étaient design. En face de moi, deux baies vitrées donnaient sur un petit balcon. Maddie y avait installé un salon de jardin et quelques plantes étaient disposées ça et là pour donner un peu de vie à cet extérieur. La salle principale était composée d'une télévision écran plat que l'on pouvait regarder depuis un canapé d'angle gris qui semblait beaucoup trop confortable pour n'être qu'un simple canapé.
Je m'avançais pour découvrir la suite. Je remarquais que le salon était entièrement ouvert sur la cuisine qui faisait également office de salle à manger. La cuisine était entièrement équipée. La présence d'un lave-vaisselle sous l'évier me fit sourire ; je détestais tout autant que Maddie laver la vaisselle à la main. Je me tournais vers le couloir qui desservait trois pièces que je supposais être deux chambres et une salle de bain.
- J'adore Maddie !
- Tu n'as encore rien vu, me fit-elle savoir en attrapant ma main pour m'entraîner dans le couloir.
Elle ouvrit l'une des portes et me laissa pénétrer dans la pièce. C'est une chambre. Ma chambre. Elle était encore mieux que tout le reste. En face de la porte, une grande fenêtre permettait à la pièce d'être parfaitement éclairée par les rayons du soleil. Un lit double faisait face à un dressing beaucoup trop grand pour contenir les quelques vêtements que j'avais emporté. Mais ce qui attira le plus mon attention fut la petite bibliothèque que Maddie avait fait installé près de mon lit. Elle savait à quel point j'aimais lire et en avait tenu compte. Je m'en approchais et remarquais que tous mes livres préférés étaient là. Pas un ne manquait à l'appel.
- C'est parfait, dis-je dans un murmure, encore ébahie par tous les efforts qu'avait fait ma cousine pour faire de cet espace mon havre de paix.
Sentant les larmes me monter aux yeux, je m'empressais de détourner le regard vers la fenêtre. Je détestais pleurer en présence d'une autre personne, même s'il s'agissait de Maddie. Mes larmes trahissaient des moments de faiblesse que je ne voulais pas partager. Avec personne. Seules mes larmes m'aidaient à ne pas sombrer. Elles me faisaient me sentir mieux. Dans n'importe quelle circonstance.
Je pleurais pour la douleur que provoquaient mes blessures.
Je pleurais pour la peine que je ressentais d'avoir été abandonnée.
Je pleurais pour la colère qui m'animait lorsque ma mémoire refusait de me dire qui j'étais. Lorsqu'elle refusait de me donner les réponses à mes questions.
Ou comme maintenant, je pleurais pour le bonheur que me procurait la présence de ma cousine à mes côtés. Maddie était restée, elle !
Et sous aucun prétexte je voulais que mes larmes deviennent source de pitié ou de compassion.
Maddie, qui me connaissait suffisamment pour savoir que je préférais être seule à cet instant, recula vers la porte. J'entendais ses bruits de pas. Les yeux rivés sur le mur, j'attendais qu'elle s'en aille pour laisser mes larmes couler librement.
- Je vais te laisser te reposer, me dit-elle d'une petite voix.
Et elle ferma la porte, me laissant seule.
Merci.
Au même instant, je glissais au sol et laissais échapper mes larmes. Celles-ci coulèrent silencieusement le long de mes joues jusqu'à mon menton, avant de venir s'écraser sur le parquet. Emportant avec elles le poids dans ma poitrine. C'était le commencement d'une nouvelle histoire dans laquelle, je l'espérais, j'allais enfin trouver ce qu'on appelait le bonheur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top