𝒊. Destination: Permanent Vacation
FIRST CHAPTER
𝐃𝐄𝐒𝐓𝐈𝐍𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍: 𝐏𝐄𝐑𝐌𝐀𝐍𝐄𝐍𝐓 𝐕𝐀𝐂𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍
𝟐𝟎𝟏𝟔
LE CIEL ÉTAIT ROUGE, cette nuit-là. Kai longeait le bois devant lequel il passait tous les jours en se rendant au lycée, entouré par les arbres qui carressaient les étoiles d'un côté et, de l'autre, les lampadaires dont la douce lumière traçait des ombres mouvantes sur le béton. Elles semblaient presques vivantes, ces ombres, à se courir après et à tourner l'une autour d'une autre sans jamais se toucher. L'air était doux et paisible au premier abord, mais à mesure que Kai suivait la route, les arbres s'épaississaient, les lampadaires se tordaient et les ombres à ses pieds rugissaient tel des loups affamés. L'une d'elle semblait suivre chacun des pas de Kai, essayant de le toucher — pour l'attraper, pour l'emmener — sans jamais atteindre son but. L'apparente tranquillité du lieu s'était chargée d'électricité en plus de temps qu'il n'en faut pour cligner des yeux.
Malgré tout, il avançait avec toute la détermination et la confiance dont il faisait preuve. C'était loin d'être sa première fois, et, soyons honnêtes, il avait vu pire que ces maigres tentatives pour l'effrayer. La personne responsable de tout ceci n'était sûrement pas malveillante, au fond. Il suffisait généralement d'un coup d'œil pour que Kai en soit certain. Ceux qui étaient vraiment néfastes n'avaient pas besoin de son aide, prisonniers d'un esprit qui ne leur voulait que du mal. Ceux-là étaient sans espoir. Mais la personne qui l'avait appelé cette nuit — sans le savoir, comme toujours — n'était qu'une âme perdue de plus, dangereuse pour personne excepté elle-même.
Au loin, Kai remarqua une étrange lueur qui brillait plus fort que les autres, d'un rouge brillant à en faire mal au yeux. Cette lueur était là toutes les nuits, jamais de la même couleur mais toujours fixée au loin comme un phare attirant les bateaux. Il s'en approcha sans se presser. Il avait toute la nuit devant lui, et les suivantes, jusqu'à ce que sa mission ici soit terminée.
Au fil de ses pas, le monde autour de lui s'agitait de plus en plus, mais le garçon continua sans perdre de vue son objectif. Il ne devait pas faire attention aux dragons qui crachaient des flammes gigantesques à sa gauche, ni aux êtres sans visage qui étaient apparus de nul part et murmuraient des menaces sur son passage. L'un d'eux tenta de lui barrer la route, mais Kai le projeta au sol avant qu'il n'ai pu lui mettre la main dessus. Rien de nouveau, encore une fois. Une nuit ne devenait réellement dangereuse que quand il craignait pour sa vie — là, ses forces le quittaient, les ténèbres le submergeaient et il était de plus en plus compliqué pour lui de se réveiller et d'échapper à la fin —, et il avait appris à contenir sa peur. Il se sentait comme le héros d'un de ces films qu'il aimait tellement dans le monde réel.
Après ce qui lui avait semblé être plusieurs minutes de marche, et non sans mal, il finit par atteindre la lueur rouge et par distinguer la silhouette qui se trouvait en son centre. Elle était à genoux, la tête enfouie dans ses bras, mais Kai la reconnut immédiatement. C'était la fille qu'il croisait à l'arrêt de bus tous les matins — celui qui se tenait juste devant la forêt et qui tombait en ruine — avec ses longs cheveux brillants et son regard vide. Pour l'avoir souvent regardée avec un pincement au coeur, Kai savait qu'il la retrouverait tôt ou tard dans ses rêves. Il avait bien essayé de l'approcher, pour de vrai, mais n'avait jamais récolté que des clignements d'yeux fatigués. Désormais, alors qu'ils se trouvaient tous les deux dans sa tête — à elle ou à lui? Il n'avait jamais vraiment su —, elle ne pouvait plus lui échapper. Ça sonnait vraiment psychopathe, comme réflexion, mais c'était là toute la raison de sa présence ici.
Il apparaissait dans les rêves des gens qui avaient besoin de lui, et, une fois le problème réglé, repartait comme il était venu sans même que la personne ne se rende compte de son passage. Il était le héros inconnu qui tentait de faire revenir le soleil dans ces esprits tourmentés, et, bien qu'il n'ai jamais voulu avoir une aussi grande responsabilité à porter, Kai ne l'échangerait pour rien au monde.
— Hey, chuchota-t-il en posant une main sur l'épaule de la fille immobile. N'ai pas peur. Je suis là.
Il ne fit pas attention aux milliers de guerriers sans visage qu'elle avait envoyé sur lui sans même s'en rendre compte, à la seule force de son esprit. Il resta stoïque tandis qu'ils enfonçaient leurs épines profondément dans sa chair. La douleur n'était qu'un écho, le sang qui coulait sur sa peau n'était qu'une illusion. Cette fois-ci, comme toute les autres, il allait faire ce pourquoi il partait en voyage chaque nuit et devait rattraper son sommeil sur les bancs du lycée. Il allait faire tout ce que les gens, lui y compris, n'osaient pas réaliser dans la vie réelle.
Il allait aider quelqu'un.
C'était sans compter le réveil aussi bruyant que brutal que lui infligea Dean. Apparemment, son meilleur ami n'avait pas trouver de meilleur moyen que de lui frapper le bras pour le sortir du sommeil, et la douleur aigue qu'il ressentait (accompagnée des cris enjoués et du bruit de moteur incessant) le ramena à la réalité. Le voyage scolaire.
— Il faut dormir la nuit, le taquina Dean.
Fidèle à lui-même, il ne s'était pas attaché comme si le concept de sécurité lui passait au-dessus de la tête et il tenait un pancake — du moins ce qu'il en restait — dans la main qui n'avait pas frappé Kai. Encore confus, celui-ci tenta de se raccrocher aux derniers fragments de son rêve, mais la fille s'était déjà effacée de son esprit. Partie comme lui était venu, sans prévenir. Dean n'était au courant de rien (personne n'était au courant de rien, à vrai dire), alors Kai afficha son plus grand sourire hypocrite malgré sa déception.
— Je suis désolé, mais tes sujets de conversations sont si peu intéressants que j'ai dû m'endormir à un moment donné, répliqua-t-il.
Il n'en pensait pas un mot, évidemment, mais à question bête, réponse bête.
Dean allait enchaîner mais fut interrompu par l'intervention de leur professeur principal et organisateur de leur sortie scolaire, qu'on surnommait Flitwick depuis si longtemps que personne ne semblait avoir retenu son vrai nom. Il se tenait debout dans l'allée, se retenant aux deux sièges à ses côtés pour ne pas provoquer une douloureuse rencontre avec les lois de la gravité.
— Votre attention, s'il vous plaît, déclara-t-il. Je tiens à vous rappeler les règles de conduites essentielles au bon déroulement du séjour, histoire que ce voyage soit aussi convivial pour vous que pour les accompagnateurs et moi. (Son regard balaya les rangées, se posant plus longtemps sur certains groupes que sur d'autres.) Tout ce que je vais vous énoncer est inscrit sur le papier que vous êtes censés avoir lu, mais étant donné ce que j'ai vu au cours des trente premières minutes de trajet, je pense qu'une piqûre de rappel ne peut pas vous faire de mal.
Des rires se firent entendre et Dean leva les yeux au ciel sans rien dire. Il en était à son deuxième pancake depuis que Flitwick avait commencé son petit speech. Kai, lui, avait juste hâte que le prof se taise pour qu'il puisse rattraper son sommeil — un vrai sommeil, cette fois, sans personne à aider ni nuages à chasser, parce qu'il avait bien le droit à un peu de repos lui aussi. Mais, actuellement, son projet semblait compromis.
— Tout d'abord, je tiens à rappeler que les enceintes sont interdites durant les trajets, sans exception, à moins que vous n'ayez l'intention de passer un peu de musique classique pour détendre vos esprits.
Cette phrase déclencha une vague d'indignation de la part de ceux qui avaient déjà prévu toute une installation pour mettre un peu d'ambiance au fond du car, ainsi que des soupirs soulagés venant des élèves qui se trouvaient autour.
— Bien fait pour eux, se réjouit Dean qui, en tant que passionné de musique pure et dur, avait une dent contre la variété actuelle.
Au contraire, Kai ferma la page Bluetooth de son téléphone avec un soupire. Tous ses plans pour le voyage se retrouvaient contrecarré. Impossible de dormir (parce qu'en plus de tous ça, la pluie s'était mise à marteler les fenêtres), ni de se connecter aux enceintes du groupe de populaires pour lancer les chansons les plus idiotes du moment comme il l'avait prévu. Cette excursion commençait mal.
— J'aimerais aussi rappeler qu'il est interdit de se lever quand le bus est en marche, et ça vaut pour tout le monde, sans exception. N'est-ce pas, Even?
— Vous êtes bien debout, m'sieur, rétorqua le garçon qui venait de traverser l'allée pour rejoindre des amis.
Il ne fit pas mine de retourner s'asseoir, préférant s'accouder à un des sièges en prenant la pose pour bien montrer que lui n'avait aucun problème à garder l'équilibre. Son petit sourire suffisant plaisait aussi peu à Kai qu'à Flitwick qui ne se laissa pas démonter.
— Bien observé. Heureusement que je suis le professeur et que je n'ai pas besoin de respecter tout ce que je dis.
— Vous êtes un peu comme le président, en fait, fit remarquer Even avec un petit sourire en coin. J'espère juste qu'il n'a pas la même haleine, ou alors je n'aimerais pas être à la place de ses ministres.
Un concert de "OOH!" se fit entendre tandis que le garçon jouait l'apeuré, se cachant derrière ses bras du regard courroucé de Flitwick qui, pour ne rien arranger, faisait une tête de moins que lui qui n'était déjà pas très grand (d'où le surnom). Kai et Dean semblaient faisaient partie des rares à ne pas participer à l'euphorie générale et levèrent les yeux au ciel. Ce n'était pas que la situation n'était pas drôle — en réalité, c'était plutôt le genre de chose qui habituellement faisaient rire Kai aux éclats et lui rappelaient à quel point il pouvait être immature. Le truc, c'était qu'Even Wakefield faisait partie des personnes qu'il aimait le moins au monde.
D'aussi loin qu'il s'en souvienne, le lycée privé Crimson High avait toujours été le théâtre d'une espèce de guerre puérile entre deux bandes, atteignant parfois des proportions telles que la police s'y retrouvait parfois mêlée. Les professeurs avait baissé les bras, les élèves qui avaient le bonheur de ne faire partie d'aucun camp avaient appris à ne pas s'interposer entre eux et, pendant ce temps, des insultes étaient gravées sur les casiers et l'infirmerie commençait à manquer de lits. Les tensions avaient beau s'être assagies après quelques années, les professeurs n'osaient toujours pas réunir de membres des deux bandes pour leurs travaux en groupes. C'était une des raisons pour lesquels l'école avait hésité à organiser ce voyage d'un mois en pleine nature, même si les généreux dons des parents — ceux de Dean y compris, eux qui avaient l'air ravis de s'en débarrasser quelques semaines — avaient considérablement facilité leur décision.
Quand Even était arrivé en deuxième année, Kai n'avait tout d'abord pas prêté attention à lui. À vrai dire, c'était une période pendant laquelle il ne s'était pas intéressé à grand chose (c'était aussi à ce moment qu'avaient commencé ses aventures nocturnes, mais là n'est pas le sujet). Ce dont il se rappelait particulièrement, c'était que la première fois qu'il avait vu — vraiment vu — le nouvel arrivant, sa première pensée avait été qu'il feraient sûrement de bons amis. Even avait alors les cheveux teints en bleu, chose que Kai avait toujours hésité à faire, et le dessin sur son sweat représentait un visage avec les yeux en croix et une couronne sur la tête, symbole d'un de ses groupes préférés.
Il ne faisait aucun doute qu'Even allait rejoindre leur bande, celle qui organisait tous les événements musicaux du lycée et dont les membres ne sortaient jamais sans avoir des écouteurs dans la poche. Du moins, c'était ce que Kai avait pensé. Mais dès que le garçon aux cheveux bleus avait ouvert la bouche, il avait compris que ce n'était pas la passion qui brillait dans ses yeux et que damn, il ne fallait pas juger un livre par sa couverture. La phrase qu'il avait prononcée ce jour-là lui revenait encore dans ses moments de peine, malgré les efforts qu'il avait déployé pour l'effacer de son esprit. Au fond, ce mec était comme les autres.
Depuis, les cheveux d'Even avaient viré au blanc mais son cœur n'était pas plus pur pour autant. Il suffisait de voir comment il se comportait avec les professeurs, avec ceux qui avaient le malheur de ne pas faire partie de ses amis, avec tout le monde. Kai avait appris grâce à ses rêves qu'on pouvait trouver du bien en chaque personne, mais Even était comme l'exception qui confirmait la règle.
Il suffisait de voir son sourire moqueur tandis qu'il sortait son téléphone sous le nez d'un Flitwick plus fulminant que jamais pour s'en rendre compte. Celui-ci finit par renoncer et marmonna quelque chose qui ressemblait fort à "sale gosse" avant de reprendre son discours. Even ne bougea pas et tout le monde finit par se désintéresser de lui, Dean et ses pancakes les premiers. Kai, toujours dans ses pensées, était le seul à toujours regarder dans la direction de son camarade, mais ses yeux étaient plutôt perdus dans le vide que fixés sur un point du décor.
C'est pourquoi personne ne vit le sourire d'Even s'évanouir, ni sa poigne se resserrer sur l'accoudoir, ni le mouvement qu'il esquissa comme si il voulait jeter son téléphone le plus loin possible de lui.
Et quand Kai put finalement s'endormir, il ne vit personne dans ses rêves.
a/n: premier chapitre!! j'me rend compte que mon style d'écriture a beaucoup changé entre celui là et là où j'en suis mais en même temps je l'ai écrit en décembre— ça fait un pETIT moment
du coup je pense poster une fois par semaine pour l'instant, peut-être deux fois selon comment j'avance! j'espère que celui-là vous a plus en tout cas <3
avant de partir svp allez voir le lien dans ma bio pour vous informer sur ce qui se passe en ce moment, notamment l'explosion au liban et comment vous pouvez aider!! si vous pouvez faire des dons faites les directement à la croix rouge libanaise, et si vous pouvez pas en faire il y a un site qui permet de faire des donc juste en cliquant une fois par jour (tout est dans le carrd dans ma bio)
stay safe <3
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