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● PDV DE JIM ●
Mes yeux entrouverts perçoivent péniblement le cadre de la fenêtre qui me renvoie une vive lumière. Il fait jour et je dois déjà m'apprêter pour le cours.
L'hiver est passé, nous sommes déjà entrés dans la nouvelle année depuis presque deux mois et demi. Les fêtes n'ont malheureusement pas été des moments de joie pour chacun de nous. Nous avons chacun pris des distances entre nous, pour certains c'était volontaires, pour d'autres c'était beaucoup plus parce que la situation ne le permettait pas.
Amélia était toujours aussi triste depuis qu'elle a découvert le gros malentendu entre elle et Mélanie. Elle ne sortait que très rarement de chez elle.
Myra m'a annoncé un jour que son père ne voulait pas qu'elle mette les pieds en dehors de leur propriété. C'était vraiment étrange mais j'ai accepté la décision.
Et Mélanie, je ne sais pas trop ce qu'elle est devenue. Rares sont les moments où nous nous croisons à la fac. On ne s'adresse plus la parole depuis ce qu'elle m'a fait.
Quant à moi, je me suis réfugié dans mon coin parce que je devais mettre de l'ordre dans mes idées. Avec la soudaine apparition de mon père et ce que j'ai découvert sur lui, j'ai vraiment voulu être seul et oublier.
Ma mère a beaucoup changé elle aussi depuis ce jour. Elle sort très tôt et ne rentre que tard la nuit. Elle est d'une humeur étrangement joyeuse et ça me tape sur le système. Je veux dire, pour une personne qui a découvert que son homme (Ils ne sont pas officiellement mariés) a vécu quasiment l'enfer pour la protéger elle et leur enfant, elle a pourtant l'air de ne plus s'en soucier.
C'est peut-être sa façon à elle d'évacuer ce poids qui lui incombe la tête. Après tout, on a tous vécu des terribles moments ces derniers temps et chacun de nous essaie de les digérer à sa manière.
Ma mère : Mon chéri, t'es réveillé ? me sort-elle après avoir toqué à ma porte.
Moi : Oui M'man. Un problème ?
Ma mère : Je vais passer la journée chez Hortie, je rentrerai peut-être tard dans la nuit. Alors, tu devras faire ton dîner tout seul.
Moi : T'étais pas déjà chez elle hier, durant toute la journée !?
Ma mère : Oui mais on avait pas fini de papoter.
Moi : T'es sûre que ça va, M'man ?
Ma mère : Oui tout va parfaitement bien, se presse-t-elle de répondre avec un grand sourire.
Moi : C'est pas mon impression en tout cas. Si t'es comme ça à cause de cet homme, alors...
Ma mère : Je ne veux surtout pas parler de ça maintenant, me coupe-t-elle. Je suis déjà en retard là.
Elle vient me faire une bise sur la joue alors que je viens de quitter mon lit.
Ma mère : Ferme bien à clé lorsque tu seras sorti.
Elle se presse de sortir. Je reste là à penser à je ne sais quoi en fixant confusément le paysage qui se dresse face à moi, à travers la vitre. Je rejoins la salle de bain une minute plus tard, où je m'attarde sur mon reflet dans la glace. J'ai l'air d'une personne abattue, tiraillée dans tous les sens par les multiples problèmes qui s'acharnent sur moi, au point de me sentir complètement déchiré. Je voudrais me reposer mais mon cerveau ne me laisse pas le temps. Je suis constamment entrain de penser à ce que j'ai fait ou que j'aurais dû faire pour que les choses aillent mieux mais on ne peut pas remonter le temps, me dis-je avec un profond regret.
Je finis de me dévisager sur le miroir puis vais direct dans la douche. J'ouvre le robinet et laisse la douceur de l'eau me caresser de toute part. C'est si relaxant et tellement agréable. Je me sens plus léger et plus en paix. Si seulement je pouvais me sentir ainsi à tout moment, si seulement je pouvais me débarrasser de mes problèmes comme je me débarrasse de la crasse sur ma peau. J'aurais aimé que les choses soient aussi simples que ça.
Une fois ma douche terminée, je me sèche et m'habille rapidement avant de prendre mon départ pour la fac. Le trajet est long comme d'habitude mais je n'y prête pas attention.
J'arrive aux environs de 9 heures. J'étais pas vraiment d'humeur, du coup je sèche le cours du matin. Je me choisis un coin où m'asseoir en attendant qu'Amélia ne sorte car oui, c'est elle que je suis venu spécialement voir. On se voit de moins en moins et je compte surtout changer ça car je sais qu'elle ne va pas bien et je veux pas la laisser seule.
Le cours prend finalement fin à 11 heures, je m'avance vers l'amphithéâtre où je la vois sortir. Elle me fait un bref sourire que je lui rends immédiatement.
Amélia : Pourquoi t'as pas assisté au cours ?
Moi : J'ai pris du retard dans mon planning du jour, donc j'ai préféré laisser les choses telles qu'elles étaient.
Amélia : T'as faim ?
Moi : Non, pas vraiment. Mais je peux t'accompagner si tu veux bien.
Amélia : Je ne dirai pas non.
Nous allons nous asseoir sous l'une des paillotes qui ont été construites récemment. C'est un lieu plutôt calme où un vent doux circule à sa guise et surtout à notre plus grand bonheur.
Amélia fait sa commande et est servie quelque temps après. Je reste là à faire la conversation avec elle pendant qu'elle mange jusqu'à ce que je vois Mélanie débarquer. Mon visage se resserre, ce qui a l'air de ne pas trop plaire à Amélia.
Ses yeux semblent me supplier de ne pas péter un câble pendant que sa bouche reste scellée. Mélanie s'aperçoit que nous sommes assis à l'autre bout, alors son humeur à elle change également.
Elle est désormais seule, je crois que tous ses amis l'ont quittée après avoir appris la vérité sur elle. Mais cela n'a pas l'air de l'affecter. Elle fait semblant de ne pas nous regarder mais je crois qu'elle scrute le moindre fait et geste que nous faisons en ce moment.
Je suis tellement en colère contre elle que je pourrais l'étrangler si Amélia n'était pas là.
Amélia : Ça suffit ! Arrête de la dévisager de la sorte. Je ne veux pas de trouble ici, Jim.
Moi : Cette fille le mérite pleinement. Elle aurait eu droit au même regard si tout le monde ici était au courant de ce qu'elle a fait.
Amélia : Elle a agi sous l'effet de la colère. Mélanie n'est pas une mauvaise personne, c'est juste que son égo a été blessé et elle essaie juste de ne pas perdre la face.
Moi : Tu la défends maintenant ?
Amélia : Je comprends sa colère, sa frustration. Et en plus, tant que ça la soulagerait de me faire souffrir alors je suis prête à tout supporter.
Moi : T'es sérieuse là ?
Amélia : Je mérite amplement ce qui m'arrive et tu le sais bien.
Moi : Non, je ne sais rien du tout et arrête de tout le temps répéter que tu mérites de souffrir. Cette fille est une véritable folle, elle est complètement dérangée dans sa tête.
Pendant que nous nous disputons, je crois voir Myra qui franchit l'entrée de l'aile sud. Elle a l'air de guetter derrière elle si elle n'est pas suivie. Je me lève subitement laissant Amélia dans une totale incompréhension. Elle tourne sa tête pour s'apercevoir à son tour que Myra était là.
Elle a beaucoup changé. Je la trouve légèrement plus grande et plus bâtie. Elle a teinté ses cheveux en blond doré et je trouve que ça lui va parfaitement. Ses yeux ne sont plus cachés par une paire de lunettes. Ils ont l'air plus grands et plus envoûtants comme ça.
Nous allons tous les deux à sa rencontre, ce qui a pour effet de faire rougir Mélanie de colère. Myra nous voit arriver et nous adresse son sourire le plus sincère. Elle accourt dans mes bras. C'est agréable de la revoir, de la toucher de nouveau après plus de 3 mois où elle ne pouvait sortir.
Moi : La princesse a enfin quitté sa tour ! Où sont passés le prince charmant et le méchant dragon ?
Myra : Très drôle, rigole-t-elle.
Moi : Ton père t'a finalement laissé sortir à ce que je vois.
Myra : Oui et j'ai été la plus heureuse à l'apprendre.
Elle s'en va prendre Amélia dans ses bras. C'est étrange d'assister à cette scène mais je trouve ça tellement émouvant. Il y a quelques mois encore Myra la traitais de tous les noms sous mes yeux et aujourd'hui elles s'entendent à merveille.
C'est aussi l'une de grandes raisons qui fait que je sois autant en colère contre Mélanie. Si seulement elle pouvait mettre de côté sa fierté, son égo surdimensionné, comme l'a fait Myra, les choses auraient été toute autre.
En parlant d'elle, elle nous lorgne désagréablement du coin de l'oeil, ce qui attire l'attention de Myra. Son grand sourire de tout à l'heure s'efface à la vue de ce regard hautain lui lancé depuis 50 bons mètres.
Myra : Je vois que les choses ne se sont pas améliorées malgré le temps.
Nous restons tous les trois silencieux un bon moment avant de rejoindre notre table.
Myra : Alors quoi de neuf ?
Moi : Sur quoi ?
Myra : Sur tout en général. Il a dû se passer beaucoup de chose en ces 3 mois.
Moi : Pas grand-chose, comme je te le dis à plusieurs reprises en message. La période de fêtes, je l'ai passée à la maison. J'étais tellement fatigué par tous mes problèmes que j'ai relégué les études à la dernière position.
Myra : Et toi Amélia ? T'as fait quoi tout ce temps ?
Amélia : Bah c'est presque pareil avec Jim, j'ai passé la majorité de mon temps chez moi, à essayer d'oublier cette folle histoire.
Un silence glacial souffle sur notre table. Nous ne nous sommes pas retrouvés tous les trois autour de ce sujet depuis ce jour là où tout a éclaté au grand jour. J'ai l'impression que c'était hier tellement mes souvenirs sont limpides.
Myra : Et où en êtes-vous avec l'autre gars ?
Moi : Dixon ?
Myra : Oui.
Moi : Nous avons trouvé où il habite. Nous allons lui rendre une p'tite visite et lui faire comprendre que nous sommes au courant du sale tour qu'il a joué à Mélanie et Amélia. Avec un peu de chance, il avouera son crime et nous devons être prêts à enregistrer ces aveux.
Myra : Espérons que tout se passe de la sorte.
Amélia : Et après ? Qu'est-ce que ça aura changé ? Mélanie continuera à me détester, à m'humilier et à me faire vivre toutes sortes d'atrocités.
Myra : Je sais comment raisonner Mélanie, mais ce qui est important ici c'est que ce type paie pour ce qu'il vous a fait à tous les deux.
Amélia : Je ne veux pas me lancer dans cette chasse à la sorcière dans laquelle vous vous embarquez. Je ne veux pas céder à la vengeance parce que je sais à quoi ça aboutit.
Myra : Il ne s'agit pas de vengeance là, c'est plutôt de la justice. Cet homme mérite la prison après ce qu'il vous a fait.
Elle se lève puis s'en va quasiment en larmes. Je la rejoins en courant et j'arrive à la rattraper avant qu'elle n'aille plus loin.
Aucun mot ne peut l'apaiser en ce moment. Je lui offre mon épaule pour pleurer alors que tout le monde nous regarde de façon étrange. Amélia ne va absolument pas bien, elle doit se reposer. Raison pour laquelle j'insiste pour qu'elle rentre chez elle. Elle me résiste un moment mais finit par accepter.
Je vois Myra qui quitte la paillote. Elle est allée dire un mot à Mélanie et je crois que celle-ci l'a repoussée. Elle revient vers nous et nous allons tous les deux raccompagner Amélia à l'arrêt de bus. Elle prend un bus puis disparaît.
Je ne suis plus d'humeur à vouloir suivre le cours de l'après-midi, du coup je compte rentrer moi aussi.
Moi : Je crois que je vais rentrer moi aussi. On se voit demain !
Myra : Je viens avec toi Jim.
J'étais quasiment de dos déjà après ma phrase et lorsqu'elle a sorti la sienne, je me suis tout de suite arrêté. Je reviens lui faire face alors qu'elle essaie de fuir mon regard tout en se frottant les mains.
Moi : Pourquoi ? Je veux dire, c'est pas une bonne idée de venir avec moi. Je veux un peu être seul en ce moment.
Myra : Je sais et je te comprends Jim, mais j'ai nulle part où aller.
Moi : Bah t'as qu'à rentrer chez toi, te reposer toi aussi.
Myra : Je ne peux plus retourner dans cette prison. Je t'ai menti tout à l'heure, mon père ne m'a pas laissé sortir, j'ai fugué.
Je reste tétanisé d'étonnement lorsque je l'entends me sortir cette phrase. Elle fait une légère grimace, comme si elle allait recevoir un coup sur la tête.
Moi : T'as fait quoi ?
Myra : ...
Moi : T'es pas sérieuse là ?
Myra : J'ai seulement mis en exécution la première idée qui m'a traversée l'esprit.
Moi : Est-ce que tu te rends compte de ce que t'as fait ?
Myra : Je me suis rebellée et il était bien temps pour moi de le faire. Mon père doit comprendre qu'il ne peut pas contrôler ma vie à sa guise. T'inquiète pas Jim, je resterai pas longtemps chez toi, juste le temps que je puisse passer le message à mon père.
Je la fixe un instant. Elle a l'air décidé de ne pas vouloir retourner chez elle et moi je ne peux pas la laisser comme ça, à la rue.
Moi : C'est bon, tu peux rester autant de jours que tu voudras, ça me dérange pas. En plus je serai plus rassuré si je t'avais avec moi plutôt que de te savoir ailleurs.
Elle me fixe avec des grands yeux lumineux. Je me rappelle qu'elle est folle amoureuse de moi et mon cœur s'emballe dans ma poitrine. Elle m'a beaucoup manqué lorsqu'elle n'était pas là, lorsque je ne pouvais pas la voir face à moi. Cette absence m'a beaucoup rapproché d'elle, elle m'a rappelé qui Myra était réellement et combien elle comptait pour moi.
Plus que jamais je me sens attiré par elle, je veux la savoir près de moi et je veux que cela dure à jamais. Elle se jette dans mes bras en me remerciant. Nous restons un bon moment dans cette position agréable, à la vue de tous les passants, sans leurs accorder notre attention.
Notre bus arrive et nous embarquons tous les deux, main dans la main.
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Voilà, c'est tout pour le premier chapitre de cette deuxième partie.
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