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● PDV D'AMÉLIA ●

Une légère brise vient caresser mon jeune visage effilé par la tristesse alors que je m'avance sur un étroit sentier peu fréquenté. Le silence, c'est exactement ce dont j'ai besoin pour me remettre d'aplomb, pour alléger ma conscience malgré le fait que je ne le mérite peut-être pas.

Le cours vient de finir et cet après-midi nous sommes libres. J'ai quitté la salle comme tout le monde sauf que mon humeur n'est pas totalement au top de sa forme, contrairement à beaucoup de mes collègues.

Il est 12 heures passées, la chaleur qui fouette mon corps est terriblement accablante. Je donnerais tout pour un bon bain froid en ce moment mais mon vœu est loin d'être exaucé.

Je dois normalement rentrer chez moi à l'heure qu'il est mais je ne veux surtout pas passer le reste de la journée à supporter mon père et son ivresse abusée. Toute la maison empeste à pleines narines l'odeur de l'alcool, on aurait cru que nous hébergeons un hystérique alcoolique de métier chez nous.

Je continue à croire que c'est une crise et que ça lui passera, mais je dois l'avouer que je ne supporte plus ce comportement d'irresponsable qu'il affiche. Il passe son temps à nous crier dessus Maman et moi comme si nous étions les principales causes de son malheur.

En parlant d'elle, ma mère est sortie faire ses tâches habituelles pour rapporter ne fut-ce qu'à manger. Si nous continuons à ce rythme là, je risque de ne pas poursuivre mes études pour les années à venir.

C'est d'ailleurs ce que j'ai voulu faire mais ma mère m'a persuadée d'entrer à l'université. Elle se démène comme une malade à chaque fois qu'il s'agit de moi. Elle est la seule pour qui je m'inquiète réellement...

??? : Hey !

Je me retourne pour voir celui qui crie dans mon dos. J'aperçois un jeune visage arborant une fine pilosité sous le menton et sur les côtés, lui donnant une apparence de plus belle qui soit. Je le détaille du sommet de son crâne à sa magnifique paire de baskets blanches. C'est un grand brun, plutôt beau gosse, les cheveux touffus qui forment des jolies boucles fines, la peau mate un peu comme moi mais avec un léger contraste foncé. Ses gros yeux semblent méfiants alors que les contours parfaits de ses lèvres semblent scellés les premiers mots qui glissent entre ses dents.

Je le reconnais maintenant que j'ai fini de l'ausculter. C'est le garçon qui s'était assis à côté de moi durant le cours. Il me semble être un gentil gars, même si je l'ai littéralement séché avec mon humeur du matin. Il voulait juste faire la conversation mais moi je l'ai carrément envoyé balader.

Ses yeux me fixent par intermittence, comme s'il se reproche de quelque chose, comme si il se sens intimidé par moi. Cette hésitation dans le blanc de ses yeux m'empoigne fortement le cœur. Je me sens responsable de la tristesse que je vois luire en lui.

Je crois que c'est le moment de me rattraper. Je ne veux plus me faire des ennemis ou blesser quelqu'un par mes sauts d'humeur. Je sais que j'ai mal agi et je veux m'excuser.

Il s'avance vers moi avec réserve. Il n'ose me regarder dans les yeux. J'crois que je lui ai fait énormément de la peine surtout que tout le monde autour de nous s'était mis à s'moquer de lui quand je l'ai rejeté.

Le garçon : T'as fait tomber ça en partant, me dit-il en me tendant le pendentif de ma grand-mère.

Moi : Merci. J'attrape le collier avec un grand sourire sur les lèvres.

Il se tourne sans dire un mot de plus, prenant son départ avec ses yeux remplis de gêne.

Moi : Attends !

Il revient me faire face timidement.

Moi : J'peux savoir ton nom ?

Le garçon : Clay, place-t-il les yeux baissés. Mon nom est Clay.

Moi : C'est beau, je souris pour avoir l'air amical. Moi c'est Amélia.

Clay : Ravi de faire ta connaissance Amélia.

Je le vois sourire pour la première fois et ça me soulage profondément.

Moi : Écoute Clay, pour ce matin, je tenais à m'excu...

Clay : C'est pas la peine, me coupe-t-il avec sourire, Oublions ça.

Je lui souris agréablement et je vois qu'il est est de plus en plus décontracté avec moi.

Moi : Je vais m'asseoir de ce côté là du parc pour réviser, tu peux venir avec moi si tu veux.

Clay : Je...

??? : Amélia !

Alors que Clay essaie de me répondre, j'entends quelqu'un crier mon nom sur mon dos. C'est Jim.

Je me tourne vers lui, lui offrant mon regard le plus sombre. Je suis un peu remontée contre lui parce qu'il a choisi de pardonner Mélanie et pas moi. Elle l'a manipulé comme elle sait si bien le faire avec tout le monde. Je ne vois plus ce que lui et moi nous pouvons nous dire de plus.

Moi : Qu'est-ce tu me veux Mr Porter ? dis-je sèchement.

Jim : Il faut qu'on parle tous les deux, s'il te plaît.

Il me paraît plus calme, plus doux que la dernière fois. Ses yeux me plongent au plus profond de lui, je suis comme prise d'empathie pour le regard qu'il m'offre.

Ressaisis-toi Amélia ! Tu ignore encore ce qu'il a derrière la tête, c'est peut-être un piège de Mélanie pour t'humilier une fois de plus. Il est dans son camp maintenant, ça ne m'étonnerait pas qu'il l'aide.

Moi : C'est pas possible maintenant, on a des trucs à faire comme tu l'vois, placé-je en m'identifiant avec Clay.

Jim : S'il te plaît. C'est urgent.

Clay se sent gêné en nous entendant discuter.

Clay : Oh c'est pas grave Amélia, je pourrais repasser plus tard si tu veux.

Moi : No...

Jim : MERCI, c'est gentil. Elle va t'appeler lorsqu'on aura fini.

Non mais sérieux ! Comment il ose lui ! Je me tourne vers lui rapidement, lui narguant avec étonnement puis je reporte mon attention sur Clay qui était déjà 5 mètres plus loin.

Moi : Clay attend !

Il ignore mon appel. Je me tourne, furieuse vers Jim qui fait désormais son timide.

Moi : Qu'est-ce tu m'veux ? Je pensais que tu voulais plus me voir, que je te dégoûtais au plus haut point. Retourne donc chez Mélanie ta préférée. Celle que tout le monde préfère malgré tous ses torts et ses défauts.

Jim : Tu sais bien que je vous aime toutes les deux de la même façon.

Moi : Mais pourtant tu la détestes pas autant que tu me me détestes moi. T'es incapable de la détester. Elle est toujours la gentille à tes yeux et moi je suis la méchante.

Jim : Dis pas ça Amélia. J'en voulais à Mélanie autant que je t'en voulais à toi. J'ai pas voulu être injuste alors, j'ai décidé de faire la paix avec chacune de vous deux. Et c'est pour cette raison que je suis ici avec toi.

Le ton de sa voix m'a l'air sincère. Ses yeux m'acceptent de nouveau, comme quand je l'ai revu il y a presque un mois. Il ne fait pas semblant dans sa façon d'être et de paraître, il veut sincèrement remettre les compteurs à zéro et resceller notre amitié par des maillons plus solides, forgés sur la confiance que je soupçonne dans le blanc de ses yeux.

Jim : Je suis désolé Amélia, c'est juste que Mélanie et toi, vous m'aviez énormément déçu que je ne savais plus ce que j'étais entrain de dire. J'ai oublié que vous étiez encore immatures et irresponsables à l'époque. Je...

Il souffle bruyamment. Ma colère s'efface. Il a l'air encore plus sincère, il semble regretter terriblement ce qui s'est passé l'autre jour.

Jim : J'ai toujours en moi l'image de quand vous étiez encore innocente à mes yeux, c'est peut-être pour ça que ma colère a été aussi grande.

Moi : Inutile de t'excuser autant. Après tout, c'est nous les fautifs, pas toi.

Jim : Alors on fait la paix ?

Je laisse mes lèvres s'étirer de deux extrémités. C'est difficile d'être longtemps en colère contre lui, il est vraiment adorable et parfois beaucoup trop innocent. Il essaie toujours d'être en bon terme avec tout le monde. C'est vrai que c'est à peine la troisième fois qu'on se voit lui et moi depuis son retour, mais du peu de temps que j'ai passé avec lui la dernière fois, je me suis rappelée du p'tit garçon naïf qui ne voyait que la jolie facette que lui proposait chaque personne qu'il croisait.

J'étais celle qui lui rappelait constamment que la vie n'était pas si rose et qu'il devait garder ses pieds sur terre.

Il n'était pas vraiment mon ami à l'époque, c'était juste un p'tit garçon qui se collait trop à ma voisine de classe, Mélanie. Mon but à moi était de le dégager loin de Mélanie, je l'appréciait pas trop. Mais vers la fin, son sourire m'a raisonnée malgré le fait que je ne voulais pas toujours de lui près de moi. Il n'avait jamais cessé d'être gentil avec moi et cela m'a marqué à jamais.

Dix ans plus tard, il continue toujours à être la même personne, même si je décèle en lui une once de méfiance qui lui sert de bouclier, bien que fragile, contre le monde cruel dans lequel il vient d'embarquer. Le monde de Mélanie et d'Amélia.

Les mots ne pourront exprimer ce que je ressens maintenant. Je me laisse donc emporter dans ses bras en savourant l'instant.

Il est comme un cadeau tombé du ciel, juste au moment où j'étais seule, juste au moment où j'avais besoin de la compagnie.

J'ai comme cette sensation que tout ira mieux maintenant. Tout son corps semble me transmettre cette énergie positive. Je ferme les yeux puis les ouvre l'instant d'après, voyant Mélanie et son acolyte de Myra passer un peu plus loin. Elles ont certainement dû nous voir.

Moi : Jim ?

Jim : Quoi ?

Moi : Tu sais que Mélanie sera folle de rage si elle nous voit comme ça.

Jim : T'inquiète pas pour elle. Elle m'a promis de rester sage lorsque je suis avec toi. Elle nous embêtera pas.

Moi : T'es sûr ?

Jim : Oui... Si elle ne veut pas me voir avec toi, alors elle ne mérite pas d'être mon amie.

Moi : Je pense que je ne mérite pas autant d'importance. Je veux dire, Mélanie et toi vous êtes beaucoup très proche. Je ne veux pas être celle qui brisera votre longue amitié. Elle sera encore plus furieuse crois-moi.

Jim : Si cela devait arriver alors ça ne sera aucunement de ta faute. Mélanie sera la seule responsable et je l'ai bien fait comprendre cela.

Moi : Ça se voit que tu la connais pas bien. Mélanie peut bien se passer de votre amitié. Elle est assoiffée de vengeance et même la terre toute entière ne suffira pas pour étancher ce  désir vital qui a pris possession d'elle.

Jim : j'aimerais bien te croire mais j'en suis tout bonnement incapable.

Moi : Ta naïveté innocente t'empêche de voir la réalité en face. Moi qui croyais qu'après tout ce que t'as entendu de nous, tu ouvriras enfin les yeux mais je me suis largement trompée.

Jim : Je ne veux surtout pas qu'on en revienne au dispute, alors je préfère qu'on en reste là.

Moi : C'est comme tu veux. Mais sois vraiment prudent Jim.

On passe le reste de la journée à parler des tas d'autres choses, notamment de la soirée de ce samedi, celle de l'accueil des nouveaux, c'est une petite soirée à l'honneur des nouveaux étudiants. Le protocole veut que nous venions en couple. Jim voudrais que je viens avec lui mais j'ai peur que Mélanie et sa troupe ne fasse une scène si je suis avec lui. Du coup, j'ai refusé pour éviter que ça dégénère. Jim était vraiment triste lorsque j'ai rejeté sa proposition mais il a vite compris mes raisons et les a accepté au final.

Je viendrai peut-être avec Clay, si il n'est trouve pas quelqu'un pour l'accompagner, sinon je resterai probablement chez moi. Je ne comptais pas d'ailleurs enregistrer mon nom pour participer à la soirée mais Jim insiste pour que je sois de la partie. Difficile de lui résister lorsqu'il te supplie avec ses gros yeux humides trop mignons.

Nous rentrons tous les deux, chacun chez lui à la tombée de la nuit. Jim me prend dans ses bras une dernière fois avant de prendre le bus qui lui ramène chez lui. J'aurais pu embarquer avec lui car le bus passe aussi sur mon chemin mais j'ai vraiment envie de prendre l'air et de me dégourdir les jambes.

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