Chapitre IV


• • • Mardi 27 avril 273, chambre 5-8, dortoir des femmes • • •

Deux jours plus tard, Engill reçut une réponse de sa famille, rédigée en elfique :

« Ma chère Engill,

Nous sommes ravis de savoir que tu te portes bien, malgré les crimes perpétrés à l'Académie dont nous a fait part Thomas. Nous sommes confiants en ta force pour te protéger.

De notre côté, les attaques ont repris de plus belle depuis que tu es partie. Des brigands sont arrivés jusqu'en ville, et nous avons dû les achever. Nous pensons que cela est dû au fait que tu n'es plus là pour participer aux rondes, ce qui a créé une baisse de morale au sein de l'armée qui est moins attentive. Mais nous allons très vite remédier à ça, tu n'as pas à t'en faire.

Neptúnus, Skapti, Skafti et Holti se portent à merveilles, même si Holti est un peu maussade depuis que tu es partie. Tu lui manques vraiment. Astarte aussi se sent seule, mais Holti passe le plus clair de son temps auprès d'elle.

L'état de santé de ta mère est stable, elle arrive à se lever et marcher quelques minutes par jour, et les servantes sont au petit soin avec elle.

D'un point de vue politique, nous avons reçu les émissaires d'Arianna, et avons conclus de nouveaux accords quant à l'Académie que nous devrions ouvrir lorsque notre pays sera enfin officiel. Ils financeront entièrement l'ouverture du bâtiment ainsi que les salaires des enseignants, ce qui est bon pour notre économie. Aussi, nous sommes en train de réfléchir à la manière la plus douce d'introduire l'économie Arienne à la nôtre.

D'un autre côté, la réfection de la bibliothèque avance bien, et elle devrait être terminée d'ici à ce que tu reviennes pour les vacances d'été. Tu seras surprise des nouvelles pièces sur lesquelles nous avons pu mettre la main.

Le port tourne à fond, le commerce avec les autres Cités de la Paix est florissant.

Voilà, tu sais à peu près tout des dernières nouvelles.

Prends soin de toi,

Tes parents qui t'aiment.

Elimar et Día frà Frelsislandi. »

Engill était ravie de savoir que tout se passait bien dans son pays natal. Elle s'était beaucoup inquiétée en partant, car elle était très impliquée dans les affaires politique et ses parents perdaient leur bras droit, surtout avec sa mère malade.

Etant le soir de la Lune des Semances, elle refit le même rituel que la dernière fois aux sources chaudes. L'odeur de lavande, de sauge, la chaleur de l'eau et les bonnes nouvelles amenées par Hugin lui firent un bien fou. Elle se coucha apaisée ce soir-là.

• • • Samedi 1er mai 273, chambre 5-8, dortoir des femmes • • •

Engill se réveilla de bonne humeur ce matin, malgré la nuit mouvementée qu'elle avait passée. En effet, aujourd'hui Amélia, Ciel et Jude revenaient de leur camp d'entraînement, et elle fêtait Beltaine. Elle s'habilla donc d'une jolie robe jaune et d'un corset assorti, puis s'en alla cueillir pleins de fleurs pour en faire des couronnes. Elle passa sa matinée à confectionner ses couronnes, et s'en alla manger le sourire aux lèvres.

« Tu as l'air de bonne humeur aujourd'hui, remarqua Mélodie.

– Tu es si heureuse que ça qu'Amélia revienne ? s'enquit Angelicka avec un sourire en coin.

– Un peu !

– Pourquoi ça ? s'enquit Alexandre.

– Ah oui, vous n'êtes pas au courant ... Je fais des cauchemars presque toutes les nuits, et Amélia dort avec moi pour me calmer, et me consoler quand je me réveille en pleurs, expliqua Engill.

– Attendez, vous dormez ensemble ? s'écria Mélodie.

– Oui, pourquoi ?

– C'est indécent, encore plus pour une princesse !

– Ah bon ? Pourtant j'ai déjà dormi avec plusieurs de mes amis, hommes comme femmes, sans qu'il ne se passe rien. Mais bref, en plus aujourd'hui est jour de fête !

– Ah ? s'étonna Tahys.

– Oui, dans ma ville on a récupéré une ancienne fête païenne, et on la célèbre encore. C'est Baltaine.

– Tu ne devrais pas dire ça tout haut ! dit Karl, inquiet.

– Oh ça va, on ne dresse pas un autel non plus, rigola Engill, un peu gênée de mentir.

– Vous voulez la fêter avec nous ? proposa Angelicka.

– Pourquoi pas, ça devrait être drôle ! s'enthousiasma Tahys. Vous faites quoi pour l'occasion ?

– On va allumer un feu, porter des couronnes de fleurs, et nouer des rubans autour de nos poignets pour réaliser nos vœux. Cette fête, c'est l'occasion de partager de bon moment, et de remercier la nature, expliqua Angelicka.

– En attendant que les autres reviennent, on peut aller chercher deux-trois bricoles à manger et à boire ! »

Mélodie, très croyante, n'était pas enchantée de célébrer une fête païenne, sachant pertinemment ce qu'elle risquait, mais ne dit mot, intriguée par cette célébration.

Ils se mirent donc tous en route vers le village sauf Alexandre qui, encore mineur, devait rester à l'Académie. Ils se rendirent chez le caviste pour prendre du vin, et chez le boulanger pour acheter gâteaux et pains. Alexandre, quant à lui, était chargé de trouver un endroit à l'abri des regards.

Dans l'après-midi, les trois qui étaient au camp d'entraînement revinrent, et furent tout de suite pris d'assaut par leurs amis, notamment Engill qui sauta sur Amélia. Cette dernière du se retenir de l'embrasser tellement elle était heureuse de la revoir. Elle prit sur elle et lui rendit son étreinte.

Alors que les jeunes quittaient l'entrée pour se rendre dans les dortoirs, on entendit un cri strident. Ils firent volteface, et se retrouvèrent nez à nez avec une créature, mi-arbre, mi-serpent, de deux mètres de haut. Ni une, ni deux, les jeunes chevaliers se jetèrent dessus pour l'abattre, ainsi que les chevaliers plus expérimentés qui assuraient la sécurité du campus et les mages de combat. C'était la panique totale, on entendait crier de part et d'autre de l'endroit, les jeunes courraient dans tous les sens. Ciel et Amélia prirent part au combat. Engill resta plantée, hébétée de ne pouvoir agir au risque de se trahir. Discrètement, elle invoqua la roue des armes, tout son arsenal d'épées, pour couper les têtes des serpents qui menaçaient ses camarades, profitant de la mêlée pour ne pas se faire remarquer. Angelicka quant à elle, se transforma en ombre pour aller défendre les élèves pris au milieu de la mêlée. La belle aux yeux violets contrôlait les épées uniquement avec sa force mentale, ce qui lui demandait une énorme concentration, et elle ne vit pas s'approcher la branche-serpent. C'est Amélia qui lança une boule de feu sur la créature. L'assaut dura de longues minutes, mais à force de coups et d'attaques la créature faiblit et fut achevée par Ciel. La panique générale se calma, et les mages de soin se mirent au travail de trouver et soigner les nombreux blessés et empoisonnés par les serpents. Amélia aussi était blessée, et Engill l'emmena plus loin pour la soigner à l'abri des regards indiscrets. Mais c'était sans compter sur Noémie, qui vit toute la scène. Jude aussi aperçu Engill pratiquer la magie, bien qu'il fût occupé par les blessés.

Les blessés grave furent transportés à l'infirmerie, et le groupe d'amis qui, heureusement, ne comptait que des blessés légers se rapatria dans la grande salle.

« C'était ... commença Ciel.

– Epique comme bataille ! s'exclama Alexandre.

– J'allait dire que c'était ma première vraie bataille, mais c'est sûr que c'était épique de voir tous les chevaliers et les mages de combat travailler de concert aussi vite !

– J'aurais plutôt dit que c'était super flippant, rajouta Mélodie.

– Carrément, renchérit Tahys. Comment vous pouvez vous réjouir d'un tel évènement ?

– On ne se réjouit pas de ça, on se réjouit d'une bataille épique ! expliqua Ciel.

– C'est ... La même chose, non ? dit Karl.

– Bref, on allait vous proposer de fêter Beltaine ensemble cette après-midi, commença Engill. Ça pourrait nous détendre après tout ça.

– Beltaine ? Qu'est-ce que c'est ? s'enquit Ciel.

– Une ancienne fête païenne qu'on célèbre toujours dans mon village. On vous expliquera ce qu'on va faire plus tard. Mais voyez-ça comme une simple fête.

– Ça me tente bien ! répondit le chevalier.

– Moi aussi, renchérit Amélia.

– Et toi, Jude ?

– Pourquoi pas, répondit ce dernier.

– Bon, et bien allons tous nous faire soigner, nous doucher, porter nos vêtements les plus colorés et on se retrouve ici ! termina Angelicka. »

Jude soigna les petits bobos, et les jeunes rentrèrent dans leurs chambres respectives et se préparèrent. Ils se retrouvèrent comme convenu plus tard, dans le grand salon, Amélia ayant semé ses gardes, et suivirent Alexandre qui leur avait trouvé une petite clairière, assez loin des bâtiments, et qui était en fait la clairière où Engill et Thomas s'entraînaient les dimanches. Ils allumèrent un feu, Engill distribua des couronnes de fleurs, et ils se partagèrent nourriture et vin, tout dans la joie et la bonne humeur. Ils passèrent la fin d'après-midi et la soirée à rire et parler, manquant même le dîner. Puis les jeunes partirent petit à petit, ne laissant plus qu'Amélia et Engill.

« Tu veux continuer la célébration de Beltaine avec moi ? proposa Engill.

– Avec plaisir, j'adore ces célébrations ! »

Les deux jeunes filles se rendirent donc à l'autel, et installèrent les affaires. Elles mirent des bougies vertes, jaunes et roses, un calice dans lequel elles versèrent du vin, un chaudron dans lequel elles allumèrent un feu, et une représentation du mât de mai, avec des rubans. Elles installèrent les fleurs cueillies plus tôt en cercle autour d'elles, puis elles commencèrent par enrouler les rubans autour de la représentation du mât. Puis Engill récita une prière :

« Belle et Éclatante Déesse lumineuse,

Répand ta douce lumière sur les êtres humains.

Lance ton appel, viens vers moi,

Comble à nouveau ma vie de tes purs bienfaits.

Oh toi grande déesse, Nature majestueuse,

Tu t'apprêtes à accueillir l'amour et à t'unir au sein de cet amour de pureté

Et donner vie au fruit de votre union, tes enfants les arbres, les fleurs, tous les animaux et les humains de la terre.

Apporte nous Joie, Amour, Fertilité, au cours de notre vie.

Donne-nous la force de distribuer l'amour autour de nous à chaque instant de notre vie.

Merci aux Dieux, Déesses, Royaume des fées et tous les élémentaux qui œuvrent dans cette danse de la vie.

Acceptez ces modestes offrandes que j'offre avec humilité en votre honneur. »

Ensuite, elles burent le vin dans le calice, et Engill versa le reste au sol, en offrande à la nature. Puis cette dernière se mise à chanter une chanson en elfique.

« trøllabundin eri eg

galdramaður festi meg

trøllabundin djúpt í míni sál

í hjartanum logar brennandi bál

trøllabundin eri eg

galdramaður festi meg

trøllabundin inn í hjartarót

eyga mítt festist har ið galdramaðurin stóð »

[Ensorcelée je suis, je suis,

Le sorcier m'a envoûtée, m'a envoûtée

Ensorcelée au plus profond de mon âme, de mon âme

Dans mon cœur brûle un feu intense, un feu intense

Ensorcelée je suis, je suis,

Le sorcier m'a envoûtée, m'a envoûtée

Ensorcelée au plus profond de mon cœur

Mon œil observe l'endroit où se tenait le sorcier]

Amélia se retrouva transportée par le chant. Engill brillait d'une lueur blanche, et ses ailes étaient visibles. Des milliers de petites particules magiques flottaient dans l'air, donnant au lieu une ambiance féérique. La terre semblait trembler au rythme des vocalises d'Engill. Le vent se leva, le feu du chaudron jaillit, il se mit à pleuvoir et l'orage gronda. Quand la chanson se termina, les éléments se calmèrent à leur tour. Amélia était hypnotisée par les yeux d'Engill qui, à la lueur de la lune, ressortaient presque bleus. Engill se mise à genou, et s'approcha doucement de la belle blonde. Cette dernière était envoutée par les mouvements de la belle aux yeux violets, alors elle ne bougea pas d'un poil lorsqu'Engill l'embrassa. Elle lui rendit même son baiser. Elle s'allongea sur le sol, au milieu du cercle de fleurs, et la plus petite s'allongea sur elle, toujours en l'embrassant. Elle passa ses mains sur son corps, effleurant sa peau par endroit. Un feu montait en Amélia, quelque chose qu'elle n'avait jamais senti aussi fort. Elle avait déjà eu des expériences avec d'autres hommes, mais jamais avec une femme et encore moins avec cette intensité. Elle lui rendit ses caresses, passant ses mains sur tout le corps de la belle aux cheveux cendrés. Elle commença à lui défaire son corset, puis à glisser sa main vers son entrejambe. Engill releva la tête en gémissant, et prit un des seins d'Amélia dans sa main. Amélia frottait l'entrejambe de son amante, et celle-ci gémissait à gorge déployée. Amélia avait envie de toucher Engill de partout, de connaître le moindre centimètre carré de son corps, de perdre son visage entre les jambes de sa belle. Elle avait envie de la faire crier son nom. Engill ne souhaitait que ça, et rendre le plaisir à Amélia. Puis cette dernière eu un éclair de lucidité. Elle repoussa brusquement Engill qui ne comprit pas tout de suite, et se releva d'un bond avant de s'en aller presque en courant.

Amélia ne pouvait pas croire qu'elle s'était laissée aller encore une fois avec sa camarade. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu perdre le contrôle à ce point. Elle s'était laissée envoutée par la magie angélique d'Engill, alors qu'elle savait pertinemment à quoi s'attendre. Mais elle était si belle, si magique ... Elle se rendit dans sa chambre, non sans tituber un peu, et croisa ses gardes qui lui passèrent un savon pour les avoir semés.

Engill, quant à elle, se retrouva médusée par le comportement de la belle blonde. Une seconde elle était prête à la prendre au milieu de la clairière, et la seconde d'après elle s'enfuyait. Et après, elle osait dire qu'elle ne ressentait rien pour Engill, cette dernière n'étant pas encore au courant de sa condition angélique, et des pouvoirs ensorcelants qui allaient avec. Elle rentra donc, penaude, dans sa chambre et trouva Amélia endormie dans son lit. Cette fois-ci, elle fit son habituel cauchemar, mais suivi par un autre où la belle blonde disparaissait. Elle se réveilla en pleurant et en hurlant le prénom de sa camarade de chambre, qui tout de suite la pris dans ses bras.

« Ça va aller, tout va bien se passer, chuchota-t-elle.

– J'ai rêvé que tu disparaissais au fond d'un trou béant, haleta Engill. »

Engil finit par se calmer, et fit disparaître le givre avant de se rendormir. Elle passa une nuit agitée, se réveillant toutes les heures.

• • • Mercredi 12 mai 273, chambre 5-8, dortoir des femmes • • •

Les jours suivants, Amélia et Engill s'étaient éloignées, et tous leurs amis le remarquèrent. Elles se parlaient à peine, bien qu'elles dormissent toujours ensemble. Aussi, Engill semblait de plus en plus fatiguée. En effet, elle dormait de moins en moins, terrifiée par ses cauchemars et appréhendant le moment du couché. Un matin, réveillée très tôt comme à son habitude, elle alla se balader dans la nature. Mais la fatigue la rattrapa, et elle s'évanouit d'un coup.

Les jeunes ne virent pas Engill ni Amélia au petit déjeuner mais ne s'en inquiétèrent pas plus que ça. Ce n'est qu'au déjeuner, quand Angelicka leur dit qu'Engill n'était pas venue en cours que cela inquiéta tout le monde.

« C'est vrai qu'elle n'est pas venue me réveiller ce matin, commença Amélia. Je pensais qu'elle me faisait la tête.

– Pourquoi elle te ferait la tête ? s'enquit Alexandre.

– On a eu un petit ... Différent, récemment.

– En attendant, on ne sait pas où elle est passée, dit Angelicka.

– J'espère qu'il ne lui est rien arrivé de grave ! On devrait prévenir le directeur ! s'inquiéta Mélodie.

– Tu as raison, je vais le voir de suite ! répondit Amélia en quittant la table. »

Les jeunes étaient vraiment anxieux de la disparition de leur amie. Ce n'était absolument pas dans ses habitudes de rater les cours et disparaitre ainsi. Amélia alla prévenir Thomas, et les gardes de l'Académie se mirent au branle-bas de combat. Les jeunes séchèrent eux aussi les cours pour chercher leur amie.

Engill, de son côté, fut réveiller par une pression sur sa poitrine. Une pression qui l'étouffait presque. Quand elle ouvrit les yeux, elle se retrouva nez à nez avec un incube, un démon mi-homme mi-bouc, qui la pénétrait. Elle n'eut pas le temps de réfléchir qu'il enchaîna les coups de reins dans son entre-jambe. Elle tenta se débattre mais il continuait d'appuyer sur sa poitrine, l'empêchant de respirer correctement. Elle paniqua. Mais dans un élan de colère, elle invoqua le poignard du Fulguréen, et le ciel se couvrit de nuages orageux d'un coup. Elle lui mit un coup entre les côtes et le démon hurla de douleur. Elle put se dégager et lança un éclair sur la créature. Elle était folle de rage à l'encontre de la créature, mais aussi d'elle-même. Elle s'en voulait de s'être laissée abuser. L'incube tomba raide mort. Puis elle s'effondra à son tour, l'adrénaline redescendant d'un coup. Et elle se mise à pleurer. Elle rentra à l'internat en titubant de tristesse. Mélodie et Tahys, qui l'attendaient au cas où elle rentrerait, se jetèrent sur elle. Ils retrouvèrent une Engill en pleurs, à la robe déchirée et avec des traces de terres et des pans de tissus imbibés d'un liquide noir. Tahys partit prévenir le directeur ainsi que le reste de leurs amis, tandis que Mélodie tentait de consoler son amie comme elle le pouvait.

« Engill, tout va bien, tu es en sécurité maintenant. »

Elle ne répondit pas, les larmes continuant de couleur sans s'arrêter. Mélodie la pris dans ses bras. Amélia débarqua en trombe et la pris dans ses bras aussi.

« Mais tu étais où, bordel ? s'énerva Amélia. »

Puis la blonde remarqua les larmes de la plus petite, puis sa robe déchirée. Elle ne comprit pas, mais la força à se lever pour l'amener dans leur chambre. Engill était totalement amorphe. Elle l'aida à se déshabiller, puis à se laver. La belle aux yeux violets continuait de pleurer en silence. Et elle l'aida à enfiler une nouvelle robe, avant de la prendre dans ses bras.

« Tu veux en parler ? proposa Amélia.

– J'ai été attaquée ...

– Par qui ? L'an déchu ?

– Non, par un incube. »

Amélia comprit tout de suite par quoi était passée la belle.

« On va aller voir Thomas, tu veux que je lui explique ? »

Engill hocha la tête. Elles se rendirent donc au bureau du directeur.

« Engill, quel plaisir de voir que tu vas bien ! Que s'est-il passé ?

– Elle a été attaquée, répondit Amélia.

– Par qui ? s'étonna le quadragénaire.

– Par un incube.

– Quoi ? Mais je croyais qu'ils étaient tous rentrés en Enfer et que les portes étaient scellées ?

– Je le croyais aussi, mais c'est ce qu'elle m'a dit.

– En tout cas je suis sincèrement désolé Engill. Mais comment as-tu pu te retrouver à dormir dehors ? s'enquit Thomas.

– Je ... Je n'arrive plus à dormir depuis plusieurs jours. J'ai fait un malaise de fatigue, prit pour la première fois la parole Engill.

– Et pourquoi ?

– Je refais le cauchemar que je faisais petite, ça me terrifie.

– Tu aurais dû venir me voir de suite ! J'ai justement un élixir pour aider le sommeil. C'est la professeur de botanique qui le concocte. »

Il sortit de son bureau une petite fiole contenant un liquide vert.

« Tu en mets une goutte sous la langue tous les soirs au coucher, et ça devrait t'aider. »

Les deux jeunes filles repartirent avec la fiole et retournèrent dans leur chambre.

« Amélia ... Ne me laisse plus jamais seul s'il-t-plaît, implora Engill.

– J'essaierais, je te le promets. »

Elles se prirent dans les bras, et Engill recommença à pleurer à chaude larmes.

• • • Jeudi 20 mai 273, chambre 5-8, dortoir des femmes • • •

La belle aux yeux violets mit plusieurs jours à se remettre du drame, au point qu'elle ne put retourner en cours qu'à partir du quatrième jour. Mais grâce au soutien de ses amis et l'élixir de Thomas, elle put se remettre d'aplomb petit à petit. Elle retrouva un peu de joie de vivre et arrêta de pleurer au bout du huitième jour.

Son énergie revenue, elle aida le directeur à renforcer la barrière magique entourant l'académie. Mais elle l'aida aussi à sonder la barrière pour enfin trouver le trou qui permettait aux différentes créatures maléfiques de s'introduire, malheureusement ils ne trouvèrent rien.

• • • Vendredi 21 mai 273, lieu inconnu • • •

« Où est passé ce bouffon d'incube ? s'emporta l'ange déchu.

– Je ne sais pas, maîtresse, répondit la sorcière aux cheveux gris à ses côtés.

– Aucune créature n'est donc capable de me ramener le sang de cette gamine ?

– Si vous voulez, je peux m'en occuper maîtresse.

– Adélaïde, je ne veux pas t'impliquer ma belle.

– Mais je suis la plus à même de vous aider !

– Si tu y tiens tant, fait donc. Mais fait attention à toi, je ne veux pas que ma précieuse possession soit blessée, dit-elle en caressant la joue de la femme aux cheveux gris.

– D'accord, maîtresse. »

La femme nommée Adélaïde passa les jours suivants à fomenter son plan : il consistait à attendre que la princesse du Pays de la Liberté sorte de l'Académie pour se rendre au village, et lui rentrer dedans avec un couteau pour recueillir quelques gouttes du précieux liquide rouge.

• • • Dimanche 23 mai 273, chambre 5-8, dortoir des femmes • • •

Engill reçu par Munin, l'autre corbeau messager de la famille royale du Pays de la Liberté, une courte lettre rédigée en sa langue natale :

« Méfie-toi de celle aux cheveux gris clair.

Holti. »

Son frère avait dû avoir une vision. Le plus jeune fils de la fratrie était un elfe des étoiles, une race très rare, connue pour leur don de vision. Les elfes des étoiles ne naissaient que très rarement, et uniquement de l'union d'un elfe noir et d'un elfe de lumière. Actuellement, un des postes de conseiller à la Royauté était occupé par un second elfe des étoiles, qui était aussi le mentor de Holti pour lui apprendre à contrôler ses visions. Engill savait que ses visions se révélaient toujours juste, et nota dans un coin de sa tête l'information, bien qu'elle ne vît aucune personne aux cheveux gris autour d'elle. La seule personne aux cheveux gris était Madame de la Rose, mais celle-ci avait les cheveux gris foncé. Elle mit ceci de côté et se changea après sa séance d'entraînement dominicain avec Thomas. Elle se prépara pour aller au village voisin, acheter quelques gâteaux et vins pour l'anniversaire de Karl, mardi.

Elle rejoignit les autres dans la cour entre les deux internats, et ils partirent en direction du village. Sur place, une personne encapuchonnée rentra dans Engill. Elle ne s'en soucia pas, jusqu'à ce qu'elle sente quelque chose de poisseux sur son ventre. Elle baissa la tête et aperçu une tache de sang, et la douleur monta instantanément. Elle venait de se faire poignarder. Elle s'arrêta net et tomba à genou, sous les regards effarés de ses amis.

« Qu'est-ce qu'il se passe, Lili ? demanda Angelicka.

– Rattrapez-le ! Il vient de me poignarder ! hurla Engill. »

Tahys lança un regard autour de lui, avant de repérer la silhouette encapuchonnée et de lui courir après, avec l'aide du boulanger et du maraîcher qui avaient entendu la jeune fille hurler. Ils coururent plusieurs dizaines de mètres avant de réussir à la bloquer dans une impasse et l'acculer. Ciel saisit la personne et lui enleva sa capuche, pour découvrir une femme d'une trentaine d'années, aux cheveux gris clair, comme de l'argent. Mais il dut la lâcher quand le contact avec son poignet lui brula la main. Elle profita de la confusion du jeune homme pour s'enfuir à nouveau, et cette fois-ci elle réussit à les semer.

Du côté d'Engill, Jude était présent et avait pu soigner sa blessure sans soucis. Tahys revint penaud.

« Désolé, elle a réussi à nous semer, s'excusa le boulanger.

– Mais si on la revoit dans le coin, on la remettra à l'armée ! dit le maraîcher, passablement énervé. D'abord des meurtres, puis voila des tentatives de meurtre en plein jour ! Mais qu'est-ce qu'il se passe en ce moment ! En tout cas je suis content que votre ami soit mage de soin, et de voir que vous allez mieux jeune fille.

– Merci. »

Ils rentrèrent à l'Académie avec leurs achats, mais secoués. Les jeunes retrouvèrent Amélia, Ciel et Alexandre qui, encore mineurs, n'avaient pu les accompagner.

« Engill s'est faite attaquée ! s'écria Mélodie.

– Quoi ? s'inquiéta Amélia.

– Comment ça ? dit Alexandre, tout aussi inquiet.

– Par qui ? demanda Ciel, lui aussi inquiet.

– Par une femme dans la trentaine, aux cheveux gris comme de l'argent, répondu Tahys.

– Attends, c'était une femme aux cheveux gris clair ? s'enquit Engill, inquiète.

– Oui, pourquoi, tu la connais ?

– Euh, non ...

– Et il lui est arrivé quoi à cette femme ? demanda Amélia.

– Rien, elle a réussi à nous semer.

– En tout cas ne vous inquiétez pas, je vais bien, Jude m'a soignée. »

Engill prit Amélia et Angelicka à part :

« J'ai reçu une vision de mon frère Holti, me disant de me méfier de la femme aux cheveux gris clair, je pense que c'était elle. Mais pourquoi m'avoir poignardée moi ? demanda rhétoriquement la belle aux yeux violets.

– Je ne sais pas, mais ça ne présage rien de bon, répondit Angelicka. »

• • • Mardi 25 mai 273, chambre 5-8, dortoir des femmes • • •

A la fin des cours, les jeunes se rendirent au grenier pour fêter l'anniversaire de Karl. Comme lors de l'anniversaire d'Angelicka, Mélodie s'était occupée de toute la décoration florale. Ils passèrent la soirée à rire et discuter, sur fond de bon vin et de délicieux gâteaux. Puis comme la dernière fois, il fallut ramener Ciel, Mélodie et Angelicka dans leurs chambres respectives.

Une fois dans leur chambre, Engill et Amélia s'embrassèrent à nouveau. Ce fut un baiser doux, sans arrière-pensée, juste une preuve qu'elles tenaient l'une à l'autre d'une manière qu'elles refusaient de s'avouer. Elles se couchèrent dans les bras l'une de l'autre.

Pendant ce temps, au fond d'une grotte présente dans les montagnes à l'est du campus, l'ange déchu et la sorcière discutaient.

« Merci mon trésor de m'avoir enfin ramené le sang de la petite. Tu as été efficace, tu auras droit à une récompense ce soir, dit l'ange noir.

– Merci, maîtresse. »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top