20 - vertiges

- Comment tu te sens ?

- Nauséeux ... marmonna Tim en triturant ses couvertures.

Malgré lui, Jean ne put retenir un petit sourire contrit. Il était content de voir que Tim s'était enfin éveillé, mais son état n'était pas bien glorieux. Ses cernes faisaient peine à voir, et il était encore plus pâle qu'un fantôme. Mais au moins, ses lèvres avaient repris de la couleur.

Tim gigota un peu, l'air gêné, et soupira à moitié, en se frottant le front.

Ça faisait drôle, de voir une grande perche comme Tim dans son lit, ainsi. Assis contre son oreiller et sa tête de lit, il semblait complètement noyé sous les nombreuses couvertures qui étaient empilées sur lui. Et actuellement, il refusait de le regarder dans les yeux, triturant d'un air contrit la couverture de sa mère.

- Jean, je ...

- Eh, Tim, ta gueule.

Il roula des yeux, et grogna un peu.

- Ça va je ... Je voulais juste ... Savoir comment je suis arrivé là.

Jean, assis en tailleur à même le tapis de sa chambre jusque là, se releva, et, doucement, se rassit sur le lit, là où Tim lui laissa un peu de place.

- Tu te souviens de quoi ?

Il frissonna soudainement, comme s'il se souvenait du froid polaire qui avait failli l'emmener loin d'ici.

- Du ... noir. Et ... du froid. Et toi. Toi, et ta putain de saloperie de lampe torche à la con.

- Eh, surveille ton langage.

- Je t'em ...

Le regard que lui lança Jean lui fit ravaler son insulte.

- Bref. Après ... J'avais vraiment froid. Trop froid. Et ... plus rien. Et ... des cauchemars.

- Ouais ... J'ai cru comprendre que tu en avais fait.

Le visage tordu d'angoisse de Tim lui revint alors, et il dut se retenir de le prendre dans ses bras. Puis il en apprenait sur Tim, plus il avait envie de ne pas le laisser partir. Si c'était pour le retrouver à chaque fois dans un tel état, ce n'était pas la peine ...

- Comment ça ?

- Il était hors de question de te laisser seul.

- Alors ... tu ... m'as regardé dormir ?

- Non, je t'ai surveillé dans ton sommeil, rectifia Jean, en hochant la tête.

Le regard que lui lança Tim manqua de le faire exploser de rire.

- Tu te fous de ma gueule ?

Il se pencha vivement vers lui, et lui prit le visage entre ses doigts, enfonçant ses ongles dans ses joues plus fortement qu'il ne l'aurait cru.

- Non, crétin. Tu as frôlé l'hypothermie. Hors de question de te laisser seul. Quand je t'ai récupéré tu étais congelé. Mec, j'ai cru que t'allais me claquer entre les doigts. J'étais terrifié !

Sa voix avait bondit d'un octave. Oups. Bon eh bien ... Le regard de Tim était complètement dilaté, et il semblait bouche bée.

- Alors excuse-moi si j'ai préféré veiller sur toi plutôt que de te laisser crever dans ton sommeil, siffla-t-il, en retirant sa main de son visage.

Tim détourna la tête en grommelant ... Le visage soudain un peu plus coloré. Jean cligna des yeux, perturbé. C'était lui ou Tim était en train de ... Non, il devait rêver.

- Ah ... Euh ... Eh bien merci, Jean. Et ...

Il tapota les couvertures, l'air mal à l'aise.

- Merci pour ça aussi. C'est ... chaud. Très. Et ... Celle-la aussi.

- De rien, Tim.

Un silence à la fois étrange et confortable s'installa, et Jean observa Tim du coin de l'oeil. Ses bleus avaient presque disparu. C'était une bonne nouvelle. Il se souvenait encore du matin où il l'avait ramassé au parc, avec Raspoutine ... Quelle horreur, franchement.

- Ça va ? demanda-t-il à nouveau, en le voyant s'agiter un peu.

Tim hocha la tête, et mima un simple tourbillon non loin de sa tête avec son index.

- Ça va ... J'ai juste des vertiges.

- Rallonge-toi ?

- Non, ça doit être la faim.

- Tu m'étonnes. Ma grand-mère nous fait de la soupe. Elle nous amènera ça une fois que ce sera chaud. Tu verras ! Les soupes de ma grand-mère sont à tomber par terre.

- Ta grand-mère ... La bourge ?

Il le fixa un instant ... avant d'éclater de rire, durant un court instant.

- Quoi ? J'ai dit quoi de bizarre ? marmonna Tim en se renfrognant.

- Une femme bien habillée, bien apprêtée, et tu la traites de bourge ? Elle était chirurgienne. Elle a sauvé plus de vies que tu ne pourrais le concevoir.

Pas étonnant qu'il ait pris sa grand mère pour ce qu'elle n'était pas. Elle avait toujours tenu à être propre et soignée. Une femme élégante et aux manières irréprochables. De loin, on aurait pu jurer qu'elle n'avait jamais levé le petit doigt pour travailler. Alors qu'on avait dû la forcer à prendre sa retraite ... Une femme extraordinaire, qu'il admirait plus que personne d'autre en ce bas monde.

Tim cligna des yeux, dérouté, et soupira.

- Je ... vois. Désolé.

- Pardonné.

Autre silence. Mais cette fois-ci, Tim semblait inconfortable.

- Quoi ?

- Je ... Hum, comment dire ... Je ... Je vais ... pas rester ici.

- Bien sûr que si. Hors de question de te laisser repartir dans un tel froid à cette heure-ci. Et qui donc vient de louper l'hypothermie, rappelle-moi ?

Mais au lieu de répondre à sa pique, Tim le fixa, les yeux grand ouverts. Et ses doigts étaient si crispés sur la couverture que ses jointures en étaient devenues blanches.

- Il ... est quelle heure ?

- Vingt-deux heures.

Tim se figea et ... commença à trembler, incontrôlablement. Alors que son visage perdait toutes ses couleurs.

- Non. Non, non, non, non ... Je suis mort. Oh, je suis mort.

- Tim ? Eh Tim ! Tim regarde-moi ! Tim, Tim ! l'appela-t-il, en se rapprochant de lui.

Mais ce dernier ne le voyait pas. Et il tremblait si fort ...

- Tim je t'en supplie, regarde-moi ! s'écria Jean en prenant son visage entre ses mains.

Son regard bleu encontra enfin le sien, et jamais il n'y avait lu une telle terreur.

- Elle va me tuer.

Son cœur rata un battement, et un frisson le traversa alors qu'il resserra doucement sa prise sur son visage, mû par une détermination flamboyante, instinctive.

- Tim Moreau. Écoute-moi bien. Personne, je dis bien PERSONNE ne lèvera la main sur toi tant que je serai là, ok ? Tu m'entends ? Je suis là. Je suis là, Tim.

Et il n'avait pas l'intention de partir.

Tim continua de le regarder, un instant, rien qu'un ... avant de vaciller en avant, en un souffle rauque.

Jean le rattrapa au dernier moment, et son ami laissa tomber sa tête dans le creux de son épaule.

- Ça va ? Tim ?

- Vertiges ... coassa-t-il, d'une voix si faible que son cœur se serra, un instant.

- C'est pas grave. Je suis là. Je suis là, Tim.

Et il répéterait ça autant de fois que nécessaire.

Tim hocha alors la tête, avec une sorte de lenteur propre aux malades, et doucement, il agrippa son sweat-shirt de ses mains tremblantes. Comme ... en une sorte de câlin à moitié amorcé.

Alors Jean passa ses bras dans son dos, et le pressa un peu plus contre lui. Tim se laissa faire, comme s'il se coulait dans son étreinte, et Jean ferma les yeux.

Ça ira. Ça irait.

Et il se jura qu'il ferait tout son possible pour empêcher quiconque de terroriser Tim ainsi ne serait-ce qu'encore une fois.

Il se le jurait.

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