Tim ignorait ce qu'il faisait ici, mais ... Non, il ne savait pas vraiment. En fait si, il savait. Mais il s'en fichait. Il s'en contrefichait. Il se contrefichait de tout.

Il avait froid. Si froid. Trop froid. Beaucoup trop froid. Et il faisait si noir ...

Il tenta de souffler sur ses doigts congelés, mais ne réussit à rien. Il avait sans doute tellement froid que ses entrailles devaient être tout autant congelées. Bon sang, il faisait si noir ...

- Allez les gars, à mercredi !

- Ouais, à mercredi ! Rentrez bien !

Tim rouvrit les yeux, doucement. L'entraînement était enfin terminé. Les portes du gymnase venait de s'ouvrir, sur certains camarades de Jean, emmitouflé dans des manteaux presque plus gros qu'eux. Ça faisait un peu envie ...

Soudain, Jean sorti à son tour, se découpant dans la lueur des néons du gymnase, avec son sourire caractéristique. Il se redressa, légèrement, et voulu l'appeler, mais il n'avait aucune voix.

- Ça pèle, il va neiger vous pensez ?

- J'espère ! Avec un peu de chance, on aura pas cours demain !

- T'es vraiment un flemmard, toi ...

Jean rit, à nouveau, et les salua avant de faire demi-tour. Tim tenta de l'appeler, de se lever, mais rien n'y fit. Les coéquipiers de basket de Jean s'éclipsèrent dans la nuit, et Jean fit de même. Tim essaya de se lever, de l'appeler encore, et encore, mais non, rien n'y faisait. Non, non ... Allez ... Allez ! Petit à petit, sa silhouette se fondit dans la nuit, et ne lui restèrent plus que ses bruits de pas. Des pas qui s'éloignaient. Jean allait disparaître ... Non ... NON !

- J-jean ...

Il était tellement frigorifié que même sa voix en tremblait. Une voix faible, si faible. Mais ce qui n'avait été qu'un murmure désespéré, ayant pour but d'atteindre Jean ... eut son effet.

Les bruits de pas s'arrêtèrent. Et puis ...

- Tim ?

- Jean ... J-je ...

Soudain, les bruits de pas se muèrent en bruits de course, et une lueur vive passa sur son visage, alors que Jean allumait la lampe torche de son téléphone pour le trouver.

- Tim ? TIM !

- Suis là ...

La lueur passa de nouveau sur son visage, l'aveuglant au passage, et Jean se jeta à genoux à côté de lui, le souffle court.

- Mon dieu ... Tim ... Tim, tu m'entends ?

Sa voix ... pourquoi avait-elle un accent aussi ... ? Qu'arrivait-il ? Un contact chaud le fit tressaillir, mais il n'osa pas se dégager. La main de Jean tâtait sa joue, son front ...

- Tu es congelé. Bordel Tim, qu'est-ce qu'il se passe ?

Il secoua la tête en fermant, les yeux, aveuglé par la lampe du smartphone, et Jean le secoua vivement.

- T'endors pas !

- Je m'endors pas ... Lampe.

Il y eut un instant de flottement, mais Jean finit par le comprendre. Il éteignit son portable, et le rangea, alors qu'il le soulevait pour le remettre sur ses pieds. Merde, il ne tenait pas debout ...

- Viens, il faut te réchauffer.

- Uh ...

- Ça fait combien de temps que tu es là ?

- Quelle heure ? coassa-t-il, lentement.

- Dix-neuf heures.

Il était là depuis seize heures ... Trois heures ? Il n'avait pas vu le temps passer.

- Pourquoi tu m'as attendu ? demanda Jean, en l'aidant à marcher.

- J-je ... Je ...

Il n'avait aucune explications à lui fournir, aucune. Si ce n'était ... Si ce n'était ... Ses bruits de pas se fondaient dans ceux de Jean. Il avait mal ... Et froid, si froid.

- Tiens bon.

Ils marchèrent encore un peu, et au bout de ce qui lui parut être une éternité, il le posa quelque part. Sur un banc, sans doute.

- Tim ? Tim tu es là ?

- Oui.

- Tiens bon, mon pote. Tiens bon ok ?

Mon pote ... personne ne l'avait jamais appelé comme ça auparavant. Pas même Paul. Personne ...

- Ça va aller. Tu m'entends Tim ? Ça va aller.

C'est faux. Ça n'irait pas. Rien n'irait. Rien ... Il avait froid ... Si froid ...

Il n'avait pas remarqué que Jean s'était levé jusqu'à ce qu'il entende ses bruits de pas. Devant lui. Juste devant lui ... Il était là, Jean était là.

- Grand mère ? Désolé ... Oui ... S'il te plaît, c'est ... C'est Tim. Je ne sais pas ce qu'il a ... Hypothermie oui ... Peut-être ? S'il te plaît peux-tu ... vraiment ? Merci, grand mère ... Oui, aucun souci.

Il était au téléphone ? Avec sa grand mère ... La dame à l'air sévère de l'autre jour ? Argh, non ...

- Tim ? Regarde-moi.

Il peina à ouvrir les yeux, mais il y arriva tout de même. Jean était là, accroupi devant lui, les yeux rivés sur lui.

- Ça ira. Ma grand mère arrive. Tiens bon.

Tenir bon ... Sam ... Il n'en pouvait plus ...

- Tim ... ? Tim ! TIM !

La dernière chose qu'il entendit avant de se laisser aller aux limbes de l'inconscience fut sa voix. Son appel désespéré. Un appel qui se muait en un autre ... Sam, Jean ...

Il était inutile.