11 - ''trop grand''

- Et là ... Maher doit emmener Lothaire dans la montagne ?

- Ouais ! Qu'est-ce que tu en penses ... ? lui demanda anxieusement Andréa en se mordant la lèvre inférieure.

Il étouffa un éclat de rire en la voyant ainsi, et hocha vigoureusement la tête.

- C'est une excellente idée ! D'où te vient le personnage de Lothaire, d'ailleurs ? Je n'en avais jamais entendu parler avant !

Andréa lui décocha un sourire merveilleux, et fit défiler les pages de son carnet, jusqu'à arriver à une double page intéressante : des croquis de Lothaire, sous tous les angles. Il le vit dans différentes postures, avec ou non sa cape, tenant son épée, ou le bébé ... Et avec quelques infos sur lui.

- Attends ... Lothaire a le même âge que Maher !?

- Yep !

- Mais je les croyais ... Différents ? Je veux dire, Lothaire a l'air plus vieux que Maher !

Elle secoua la tête en agitant l'index, amusée.

- Jean ... Tu ne vois pas ce qui doit être vu.

- Comment ça ?

- Lothaire est épuisé par une vie de machination, et un mois sur les routes, avec un bébé de tout juste quelques semaines. Bien sûr qu'il ne va pas paraître sous son meilleur jour !

- Pas faux ... Pauvre Lothaire, quand même, soupira Jean, en secouant la tête.

Il continua de regarder ses croquis, amusé, et ... fronça les sourcils.

- Attends ... mais la petite s'appelle Lysethea ?

- Oui !

- Mais si tu as nommé la petite, ça veut dire qu'elle ...

- Jean ! On ne spoile pas ! cria-t-elle alors, en collant son index contre ses lèvres.

Il repoussa sa main en riant, lui promettant d'être muet comme une tombe.

Il adorait parler du Webcomic d'Andrea. Même si au départ, il avait commencé à la lire pour lui faire plaisir, il s'était finalement attaché à l'histoire de Maher, et de son petit village. L'arrivé de Lothaire piquait sa curiosité. Ce personnage sera peut-être important, qui sait !

- Et donc, en fait, tu penses en faire quoi, de Lothaire ? Et de ... Lys-machin là ?

Andréa s'offusqua bruyamment, et s'apprêta à le disputer, sans doute, quand ...

- TIM !

Elle bondit sur ses pieds, alors qu'il faisait volte face ... pour trouver là Tim, à quelques pas d'eux.

En entendant Andréa l'appeler, il eut un mouvement de recul, surpris, mais la laissa s'approcher, bien qu'un peu réticent.

Dès que son regard se posa sur Jean, il le salua d'un léger signe de tête, et il y répondit par un sourire qui se voulait chaleureux.

Ses marques de coups étaient encore présentes sur son visage, bien qu'un peu résorbées. Mais pas assez pour qu'elles passent inaperçues ...

- Mon dieu, Tim ! Il t'est arrivé quoi ?! s'écria Andréa, avec horreur, en voyant ses plaies.

Ce dernier haussa les épaules en détournant le regard, comme si de rien n'était.

- J'ai fait une sale chute à vélo.

- Oh non ! C'est pas vrai ... Oh la la, tu t'es pas raté ...

Tim ouvrit la bouche, prêt à sans doute minimiser ses plaies, quand elle lui coupa le sifflet d'un grand câlin. Ce dernier se tendit vivement alors qu'elle le prenait dans ses bras, incapable de faire ne serait-ce qu'un mouvement. Il lui lança un regard plein de détresse, l'air confus au possible.

- "À l'aide", articula-t-il silencieusement dans sa direction.

- "Démerde-toi", répondit Jean avec un grand sourire.

Il lui retourna un regard noir, avant de se détacher le plus délicatement du monde d'Andréa, qui paraissait sur le point de lui en faire un autre immédiatement.

- Andréa ... Merci, mais non merci. J'ai passé l'âge des câlins.

- Eh, on ne passe jamais l'âge des câlins !

- Je suis trop grand pour ça ...

- On est jamais trop grand pour les câlins, gronda-t-elle, en posant les poings sur ses hanches.

- Mais oui, mais oui ...

Jean ricana alors que Tim levait exagérément les yeux au ciel ... Quand Andréa lui retourna un regard furtif. Hum ? Que lui arrivait-il ? Mais sa drôle d'expression disparut aussi vite qu'elle était apparue, et elle jeta un coup d'œil à sa montre, en grimaçant. S'était-il imaginé des trucs ?

- Jean, Tim, surveillez mes affaires, le temps que j'aille aux toilettes ! Ça va bientôt sonner, et j'aimerais ne pas être en retard en cours ...

- Ah ? s'étonna le grand jeune homme, en la voyant s'éloigner avec un sourire éclatant.

Un peu trop, peut-être ... Qu'est-ce qu'elle mijotait ? Éberlué, Tim la regarda disparaître au coin d'un bâtiment, et secoua la tête.

- Andréa est vraiment trop bizarre.

- C'est Andréa, répondit Jean en haussant les épaules à son tour.

Tim soupira, et il en profita pour l'inspecter d'un coup d'œil critique. Sa posture était un peu dure, tendue. Il avait encore mal ...

- Eh, viens t'asseoir. Reste pas debout comme ça, murmura-t-il en tapotant le sol, à côté de lui.

Tim lui retourna un regard las, mais ... vint tout de même s'installer à côté de lui, en dissimulant une grimace avec difficulté. Il déposa son sac entre ses jambes, et soupira longuement, apparemment épuisé.

- Et bah alors, on est plus jaloux ? lui lança Tim, d'un ton sarcastique.

Jean se contenta de lever les yeux au ciel, et de hausser les épaules. Pour Tim, le sarcasme était un moyen de protection comme un autre. Une forme d'auto-défense. Et ce n'était pas étonnant de le voir réagir ainsi. Après tout ce qu'il avait vécu, c'était plus que normal qu'il se braque dès que quelqu'un en apprenne plus sur lui qu'il ne le voulait.

- Tu ne t'intéresses même pas à elle. Et j'ai pas à être jaloux, elle fait ce qu'elle veut.

Toutefois, c'est en prononçant ces paroles qu'il se rendit compte ... qu'il était sincère. Depuis quelques temps, l'amour qu'il avait pour Andréa semblait ... s'effilocher. Ou plutôt, changer de nature. Petit à petit, ce qu'il lui vouait semblait devenir bien plus platonique. Et ... à sa propre surprise, ce n'était pas pour lui déplaire. Andréa était un bonne amie. Et Tim ... à côté de lui, le garçon semblait perdu dans ses pensées, enroulé dans ses propres bras. Il semblait si fatigué ...

- Ça va ?

- Mouais. Ça passe.

Il serra les lèvres, sans un mot, alors que la vue des blessures de Tim lui revenait en mémoire. Que lui était-il arrivé ? Qui avait osé faire ça ? Jean avait bouillonné de questions. Mais aucune d'entre elles n'avaient franchi ses lèvres. Tim avait été trop fatigué pour lui répondre, de toute manière. Lorsqu'il s'était endormi sur sa table, il avait dû faire les cent pas dans le salon durant au moins une heure, avant de se mettre à la cuisine, pour apaiser ses nerfs. Qui avait OSÉ lever la main de cette manière sur Tim ?! Il avait littéralement été passé à tabac. C'était tout juste s'il ne l'avait pas traîné aux urgences. Comment ses parents n'avaient-ils pas ...

Oh.

Non.

Non, non, non, non.

Pitié, non.

Tout, mais pas ça.

- Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? J'ai encore un œil poché ?

Il ravala ses questions, ses idées morbides, et absolument tout ce qui attrayait aux plaies, et cacha tout ça sous un sourire qui se voulait éclatant.

- Andréa m'a parlé de Lothaire. J'avais jamais réalisé combien tu ressemblais à Maher, tu sais !

- Ah ?

- À croire qu'elle l'a dessiné en se basant sur toi !

- Hum ...

Ils bavardèrent ainsi durant quelque minutes, ou plutôt Jean parla à un Tim ne répondant que par onomatopées, jusqu'à ce qu'il se lasse. Il attrapa le carnet d'Andréa, en faisant défiler les pages sous ses yeux, lorsque Tim s'éclaircit la voix, à côté de lui.

- Au fait ... Jean.

- Hum ?

- Merci ... pour la couverture et le risotto. Et les bandages ...

- Ah ?

Il toussota à nouveau, l'air gêné, et détourna le regard.

- T'as été génial. Merci.

- Oh ...

Tim lui coula un regard noir, et Jean ricana.

- Me dis pas que t'es en train de faire ça.

- Me dis pas que t'es en train de faire ça.

Tim lâcha un râle à mi-chemin entre un cri de rage et un soupir agonique.

- T'es trop grand pour ces conneries, Jean !

- On est jamais trop grand, ni trop âgé, quand il s'agit d'emmerder le monde, conclut-il avec un énorme sourire.

- Ferme ta gueule.

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