Yeux bleus
Harry était confortablement installé dans un fauteuil moelleux, qui avait été autrefois une simple chaise transformée par les soins Sirius. Il lisait paresseusement, en baillant de temps à autres.
L'adolescent s'ennuyait à mourir.
Bien sûr, il était en sécurité. Il avait Sirius. Il avait autant de livres qu'il le voulait. Il était même certain qu'il pourrait avoir tout ce qu'il imaginerait pour s'occuper tant que c'était... Raisonnable.
Sauf que toutes les possessions du monde ne pourraient pas remplacer la présence de Ron et Hermione. Leurs conversations, leurs blagues. Leurs fous rires.
Ses amis lui manquaient plus que jamais. Ils étaient inséparables depuis leurs onze ans. Ils avaient traversé toutes les épreuves, et il n'y avait que la famille moldue de Harry pour couper le contact brièvement entre eux.
Harry avait envie de plaisanter avec Ron et Hermione. De se confier à sa meilleure amie, qui était toujours de bons conseils. D'écouter les plaisanteries idiotes du rouquin destinées à lui remonter le moral. Il voulait les savoir en sécurité eux aussi, loin de la guerre.
Il soupira et tourna une page avec un manque de conviction évident, replongeant dans ses pensées, broyant du noir.
*
Voldemort observait le gamin qui était désormais lié à lui, les sourcils froncés, réfléchissant intensément.
Il y avait quelque chose chez lui qui l'intriguait. Harry Potter avait eu la même enfance misérable que lui, pleine de souffrance et de solitude. Un gamin mal aimé, mal traité, solitaire et perdu dans un monde moldu cruel.
Lui était entré dans le monde magique avide de puissance pour se venger. Il avait pris tout ce qu'il avait pu, bien décidé à prendre sa revanche sur la vie.
Il s'était plongé avec délices dans la magie noire, parce que c'était le moyen le plus simple pour obtenir ce qu'il voulait. Puissance et pouvoir. En devenant un Mage Noir cruel et sans pitié, il s'était assuré que personne ne pourrait plus jamais le blesser ou le dominer.
Comme son exact inverse, Harry Potter était resté l'innocence même. Il s'était intégré à Poudlard d'après ce qu'il en avait entendu. Il s'était fait des amis, et il avait rejoint l'équipe de Quidditch où il brillait. Il n'était pas le meilleur élève de Poudlard, mais il était assurément populaire. Et il était prêt à sauver tout le monde... y compris en se sacrifiant sans la moindre hésitation.
Le mage noir avança face à Harry, et se gratta la gorge pour attirer son attention. Harry le regarda, pour la première fois depuis son arrivée sans animosité. Un brin de curiosité, peut être. Mais la colère qu'il voyait avant dans le regard émeraude semblait avoir disparu, comme s'il commençait à comprendre qu'ils ne pouvaient pas se nuire.
Brusquement, il se décida et s'adressa à l'adolescent.
- Nous avons eu la même enfance catastrophique, n'est-ce-pas ?
Harry grimaça, ne souhaitant visiblement pas aborder le sujet de son enfance. Il se contenta de hausser les épaules pour toute réponse.
Voldemort soupira, et continua.
- Tu as découvert le monde magique à tes onze ans. Comme moi. Alors pourquoi n'es-tu pas devenu comme moi ? Pourquoi... Pourquoi tu n'as pas l'air de vouloir de venger de tous ceux qui t'ont blessé ?
Surpris, Harry se redressa, subitement pleinement concentré sur son vis à vis. Il plissa le front, réfléchissant sérieusement à la question. L'adolescent avait bien évidemment noté les similitudes entre leurs vies. Et lui aussi il s'était posé des questions. Harry se demandait souvent ce qui avait fait basculer Voldemort, et il craignait un jour de devenir comme lui.
Ses yeux verts brillèrent un instant alors qu'il trouvait ce qui les différenciait.
- Quand j'ai pris le Poudlard Express pour la première fois, j'ai rencontré mes amis. Mes tout premiers amis. Mes meilleurs amis.
- Tes amis ? La née-moldue et le garçon Weasley ?
Harry eut un bref sourire en notant que Voldemort n'avait pas dit "sang-de-bourbe". Il hocha la tête.
- Ils... Ils sont toujours là pour moi. Je sais que je pourrais leur confier ma vie, et qu'ils me suivraient quoi que je fasse.
- Tu as l'air bien sûr de toi. Comment peux tu affirmer qu'ils ne te rejetteront pas ?
- Parce que j'ai confiance en eux. Ils m'accompagneraient jusqu'en enfer sans que je ne le leur demande, et je donnerais ma vie pour eux.
Voldemort resta silencieux, perplexe. Il ne comprenait pas comment le gamin pouvait parler de se sacrifier sans la moindre hésitation, comment il pouvait leur faire confiance aussi aveuglément. Harry, les yeux perdus dans le vague soupira.
- Ils me manquent vraiment...
Puis l'adolescent secoua la tête et eut un léger sourire nostalgique. Après quelques secondes, il croisa le regard sombre du mage noir, et il lui demanda candidement.
- Et toi ? Tu n'avais pas d'amis quand tu étais à Poudlard ? Je veux dire, tes camarades de dortoir ont été avec toi pendant sept ans, ce n'est pas rien...
Le regard du Seigneur des ténèbres rougeoya, alors qu'il repensait à sa scolarité. Il grogna vaguement et consentit à donner une explication.
- J'étais à Serpentard, et j'étais le seul sang-mêlé pauvre venant du monde moldu. Comment penses-tu que je me sois intégré ? Je suis devenu le meilleur élève, et j'ai accumulé autant de savoir que possible. Le reste n'avait pas d'importance. Je leur ai montré que j'étais supérieur, et désormais leurs héritiers s'agenouillent devant moi.
- Si tu avais eu les mêmes amis que moi... je suis certain que tout aurait été différent.
Voldemort dévisagea le gamin attentivement, comme s'il cherchait à percer les secrets de sa personnalité si lumineuse. Puis il se redressa.
- Severus amènera tes amis cette nuit. Si tu es si sûr d'eux, ça ne devrait pas poser de problèmes, non ? S'ils essaient de me nuire, ils termineront aux cachots.
Harry écarquilla les yeux, et sourit. Ses amis allaient le rejoindre, et il était certain que tout se passerait bien.
*
A Poudlard, Severus venait d'apprendre qu'il devait récupérer les deux Gryffondor qui jouaient les ombres de Potter pour les livrer à son Maître. Non seulement, il allait emmener les gosses, mais en plus, il ne reviendrait pas à Poudlard ensuite.
Les choses bougeaient, bien plus rapidement que prévu, comme si la présence de Potter avait donné un second souffle à Voldemort. Il ne savait pas s'il devait s'en réjouir ou être inquiet des jours à venir...
Quelques semaines auparavant, il aurait hésité à enlever des élèves de l'école. Il avait pris un risque avec Potter, mais le résultat l'avait convaincu que les jeunes gens ne seraient pas en danger, tant qu'ils ne se montraient pas stupides.
Avec un rictus amusé, il songea que le lendemain, lorsqu'il découvrirait la trahison de son espion et la disparition de deux élèves supplémentaires, les yeux bleus de Dumbledore risquaient de ne plus pétiller pendant un long moment...
Prompt de demain : C'est une histoire cousue de fil blanc
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