Plume enchantée

Depuis qu'il s'était réveillé à l'infirmerie, Harry avait conscience que quelque chose clochait.

Il allait bien. Il n'avait mal nulle part, il mangeait à sa faim. Depuis qu'il avait pu rejoindre sa maison, il était entouré de ses amis, qui empêchaient les autres élèves de Poudlard de l'assaillir de questions. Sur ce point, il était terriblement reconnaissant à ses deux complices de le protéger ainsi.
Il était plutôt soulagé que Ginny se soit un peu éloignée de lui. Il n'avait rien fait pour changer les choses et la jeune fille semblait furieuse bien qu'elle reste silencieuse.

Hermione l'observait les sourcils froncés et Harry détournait souvent le regard, n'ayant pas vraiment envie que la brunette ne se décide pour une longue conversation afin d'essayer de comprendre ce qu'il avait. Ron - Harry le bénissait pour son comportement - agissait comme à son habitude. Il parlait Quidditch, lui rappelait les horaires des repas et le réveillait plus ou moins brutalement le matin. Il restait à ses côtés, et sa présence était une distraction bienvenue. Le rouquin n'avait pas fait une seule réflexion sur le mutisme soudain de Harry, et pourtant, l'adolescent savait que son ami avait remarqué. Il attendait juste patiemment que Harry en parle.

Depuis qu'il était sorti de l'infirmerie, il dormait mieux. Plus exactement, il ne faisait plus de cauchemars. S'il en faisait, il ne s'en souvenait pas et il ne réveillait plus ses camarades de chambre en hurlant.
Et ce n'était pas la seule chose inhabituelle.

Depuis qu'il était sorti de l'infirmerie, Harry était perpétuellement épuisé. Il avait déjà été fatigué, surtout depuis que les cauchemars le torturaient. Parfois, il se privait de sommeil volontairement pour éviter de hurler en pleine nuit n'aimant pas les regards de ses camarades. La journée suivante, il naviguait dans un brouillard de fatigue, mais ce n'était rien en comparaison de ce qu'il vivait actuellement.

Il peinait à ouvrir les yeux le matin, et chaque geste dans la journée lui demandait un effort presque surhumain. Il écoutait les cours en silence, s'efforçant de se concentrer pour ne pas s'endormir.
Heureusement, ce nouveau comportement semblait voué à faire augmenter ses notes, et il pourrait prétendre auprès d'Hermione qu'il se sentait soudain extrêmement concerné par ses résultats. Ron ne serait pas dupe, mais il serait solidaire et ne dirait rien à leur amie un peu trop protectrice parfois.

Le soir, après le dîner, il s'enfermait derrière les rideaux de son lit et il s'endormait comme une masse. Il en était réduit à utiliser une plume enchantée pour faire ses devoirs, parce qu'il s'était réveillé à plusieurs reprises de l'encre plein le visage après s'être effondré sur son parchemin.

*

Harry était parfaitement conscient qu'il devrait se rendre à l'infirmerie pour exposer le problème à Madame Pomfresh. Après tout, il avait fait un malaise assez violent, et il avait juré de revenir au moindre souci.
Cependant... Cependant, il était convaincu que l'infirmière ne trouverait rien. Et il ne comptait pas attirer tous les regards parce qu'il se retrouvait encore une fois à l'infirmerie... Il en avait assez d'être la cible de tous les regards, de toutes les inquiétudes. Il voulait juste être un élève comme les autres, se fondre dans l'anonymat qu'il n'avait jamais eu.

Il se disait que si les choses s'aggravaient, il irait en référer à un adulte. L'infirmière, Dumbledore ou même l'horrible professeur Rogue. Et il repoussait chaque jour l'échéance, en se disant que la situation était sous contrôle, sans même voir que c'était de pire en pire.

L'épuisement lui avait fait arrêter le Quidditch, et il voyait moins ses amis puisqu'il profitait du moindre instant de liberté pour somnoler. Il n'était plus aussi en colère qu'avant, mais il était désagréable en permanence - la fatigue lui ôtait le peu de patience qu'il pouvait avoir.
Bien évidemment, il avait toujours de bonnes excuses. Il ignorait les sujets trop sensibles - comme son arrêt pur et simple du Quidditch - prétextant s'être lassé et ne plus avoir le temps à cause du retour de Voldemort.
Il n'avait même pas conscience que des cernes immenses lui mangeaient les joues, qu'il était pâle et que parfois, dans le couloir, sa démarche se faisait légèrement hésitante, comme s'il allait tomber au sol et s'y endormir.

*

En entrant dans la salle commune et en voyant le regard décidé d'Hermione, Harry comprit que son amie attendait la première occasion pour avoir "La conversation". Celle qu'il évitait depuis son séjour forcé à l'infirmerie. La perspective lui fit tourner la tête, alors qu'il prenait conscience qu'il n'aurait pas l'énergie de faire face. Aussi, il appliqua la même méthode qu'à son habitude : fuir.
Il grimpa dans son dortoir et attrapa la cape d'invisibilité de son père et la carte du Maraudeur. Un petit tour dans la salle sur demande s'imposait, au moins jusqu'à ce que Hermione soit occupée ailleurs... Il était devenu expert dans l'aptitude à éviter les moments désagréables ces derniers temps. Plus encore qu'avant.


***


Alors qu'Hermione attendait de pied ferme son meilleur ami pour l'obliger à lui dire ce qui n'allait pas et pour l'emmener manu militari à l'infirmerie pour le faire examiner si elle trouvait le moindre signe qu'il y avait quelque chose d'étrange, les professeurs se réunissaient pour parler du jeune homme en question.
Hermione n'eut pas conscience que Harry passait près d'elle, et quittait discrètement la Tour Gryffondor. Et Harry se dépêcha de se rendre à l'abri de la salle sur demande, en se disant qu'une petite sieste avant le repas du soir serait probablement une excellente idée...

Dans le bureau du Directeur, Albus, inquiet, demandait comment les cours allaient avec Harry. Il n'oubliait pas que l'Élu avait subi une douleur importante, et qu'il était resté inconscient un long moment.
Il avait noté la mine fatiguée de son élève, et il se demandait si le gamin n'avait pas recommencé à subir d'intenses cauchemars, dus aux activités de Voldemort.


L'avis des professeurs fut unanime : Harry était calme, et attentif. Ses devoirs étaient faits dans les temps et rendus. Minerva ajouta même avec une pointe de fierté qu'il avait amélioré le soin porté à ses écrits, et que s'il gardait la même ligne de conduite, ses notes progresseraient probablement de façon spectaculaire.

Seul Severus resta muet, lèvres pincées. Albus leva un sourcil à son intention et l'homme grogna.
- Oh voyons ! Cessez de couver ce gosse. Poppy elle-même a juré qu'il allait bien.
Albus empêcha Minerva de répliquer vertement, et il fixa le maître des potions.
- Comment se conduit-il dans votre cours, Severus ?
- Silencieux. Et toujours aussi mauvais pour brasser une potion.

Le Directeur lissa sa barbe d'un air absent en hochant pensivement la tête. Le Maître des potions se leva rapidement, soulagé, quand Albus les congédia d'un geste. Une fois de plus, il avait gardé le silence, préférant ne pas s'étendre sur le changement soudain de Potter. Autant que sur ses nouvelles compétences d'occlumens. Avant d'aborder le sujet, il voulait en savoir un peu plus et s'assurer d'avoir toutes les informations en main.

Prompt de demain : rideaux tirés

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top