Éruption

S'il devait se montrer honnête, Harry Potter devait avouer qu'il n'avait jamais songé à Voldemort en tant que personne, qu'être humain. Il était l'ennemi, le monstre qu'il devait terrasser.
Il n'avait jamais imaginé que le Mage Noir pourrait avoir une vie quotidienne, en dehors de ses exactions.

Le souvenir de Tom Jedusor qu'il avait rencontré en seconde année lui avait paru irréel. Ce n'était qu'un écho du passé, et même si Harry avait compris que le jeune homme à la beauté froide qu'il avait rencontré deviendrait un jour l'assassin de ses parents, il lui était compliqué de superposer l'image du passé au monstre du présent.
L'apparence qu'il avait eu lors de son retour, dans le cimetière de Little Hangleton, correspondait plus à sa vision d'un monstre.

Ce n'était pas compliqué d'imaginer le tuer alors même qu'il ne semblait pas humain.

Cependant, Voldemort n'était plus aussi repoussant. Il avait retrouvé un visage humain, l'apparence qu'il aurait s'il n'avait pas joué un peu trop avec la Magie Noire. En l'observant, Harry pouvait reconnaître le jeune Tom dans cet homme mature, et sa nouvelle apparence le perturbait.
C'était facile de tuer un monstre. C'était bien moins évident que de lever sa baguette vers un homme à l'apparence si normale.

Harry n'avait rien dit de ses pensées bien évidemment. Il se contentait d'y penser, persuadé qu'il n'aurait pas pu l'attaquer en le voyant ainsi. Il n'était pas un tueur, et il ne voulait pas le devenir.


Après avoir été installé dans la chambre qui avait été préparée pour lui, le même elfe qui l'avait amené sur place vint le chercher pour le dîner. Ils étaient seuls, aucun Mangemort ne venait gêner leur face à face.
Harry prit place à l'endroit désigné, se mordillant les lèvres, ne sachant pas vraiment quelle attitude adopter.

Il était face à l'assassin de ses parents. Mais s'il voulait vivre, il allait devoir s'accommoder de sa présence. C'était un dilemme et il aurait aimé avoir plus de temps pour s'y habituer. Les yeux fixés sur l'assiette devant lui, Harry soupira avant de déclarer, suffisamment fort pour être intelligible.
- Je ne vous appellerais pas Maître ou Seigneur.
Impassible le mage noir se servit généreusement avant de tendre le plat au jeune homme, qui s'en empara, un peu surpris d'être traité aussi bien.
Voldemort le fixa.
- Tu peux m'appeler comme tu le veux. Je m'en moque.
- Tom par exemple ?
Les yeux de l'homme rougeoyèrent un bref instant, et il grogna, sans pour autant protester. Harry commença à manger, amusé malgré lui, un rictus moqueur fixé sur les lèvres.


Alors que le silence entre eux commençait à devenir gênant, Harry reposa ses couverts, et poussa son assiette. Il avait l'estomac noué alors qu'il se retenait de parler depuis son arrivée à cet endroit. Il laissa donc enfin sortir ce qui le torturait.
- Vous avez tué mes parents.
Voldemort le fixa et hocha la tête.
- C'est exact.
- Vous avez ruiné ma vie.
- Tout comme tu as ruiné mes projets.

Harry serra les poings, et ses yeux se durcirent alors que la fureur l'envahissait. Il avait l'impression qu'il allait entrer en éruption, avec l'envie folle de frapper le mage noir.
L'adolescent se leva brusquement et fixa son vis-à-vis dans les yeux, pour lui montrer l'étendue de sa colère.
- Disons que c'était une compensation pour ce que vous m'avez arraché, Tom.

***

Ses pupilles redevenues rouges, Voldemort termina son repas, sans plus se soucier du gamin frondeur. Il s'était préparé à devoir supporter un pur Gyrffondor, mais il restait quand même surpris de ne pas faire face à plus d'opposition. Ces éclats hostiles n'étaient que justice et Potter se calmait rapidement, sans pour autant sembler avoir peur de lui.

Il se laissa aller en arrière dans son siège, fixant le vide, se souvenant de ce qui s'était passé si longtemps auparavant. Lorsque Severus lui avait appris l'existence de cette fichue prophétie, il s'était laissé conduire par la peur.
Lui, le mage noir, celui qui voulait asservir le monde moldu et diriger le monde magique, voilà qu'il tremblait presque devant un nourrisson. Il avait demandé à Lucius le nom des femmes proches de Dumbledore et enceintes, et l'aristocrate lui avait cité deux noms uniquement : Longdubas et Potter.

La logique aurait voulu qu'il choisisse le futur héritier Longdubas, puisqu'il était un Sang-pur venant d'une famille réputée de la lumière. Le candidat parfait pour s'opposer à lui, en temps normal : né d'une lignée pure et puissante, l'héritier s'annonçait comme prometteur.
Mais il avait préféré se focaliser sur les Potter. L'enfant à venir serait un sang-mêlé comme lui. Un enfant entre les deux mondes, alors que la famille Potter était au bord de l'extinction : James était fils unique et ses parents étaient morts de la dragoncelle. Une fois qu'il aurait tué son héritier, l'Auror proche de Dumbledore serait le dernier. Tout comme lui était le dernier des Gaunt. Et des Jedusor.

Il avait tué les parents puisqu'ils refusaient de le laisser approcher de l'enfant, et il avait lancé le sort de mort. Et tout avait basculé pour lui. Avant d'être annihilé, il avait jalousé l'enfant, pour qui sa mère s'était volontairement sacrifiée. Et la douleur lui avait fait tout oublier.

Cependant, cet acte avait créé un autre point commun ; ils étaient tous les deux orphelins et d'après ce qu'il avait vu dans l'esprit du jeune homme, ils avaient eu tous les deux une enfance misérable, sans amour.

Avec un grognement agacé, il claqua des doigts pour appeler un elfe, pour que la créature débarrasse la table. Il lui fallait envisager la présence de l'adolescent comme un défi à relever.
Depuis qu'il avait quitté Poudlard, il avait refusé toute concession, éliminant les obstacles et écrasant ceux qui osaient contester ses paroles. Désormais, il allait devoir composer avec un gamin en colère, probablement avide de vengeance comme lui l'avait été au même âge.

Il y aurait des moments où il aurait envie de le tuer, malgré leur lien, malgré les conséquences. Il hésiterait peut être à le torturer ou à l'enfermer. Après tout, il n'avait jamais eu à supporter un adolescent en pleine rébellion.
Il lui suffirait juste de ne pas perdre de vue qu'une fois qu'il aurait convaincu le garçon de le soutenir, il serait invincible. La mage noir était persuadé qu'il parviendrait à ses fins, puisque le jeune garçon hébergeait un de ses horcruxes. Il était une part de lui-même, et ainsi, ils ne pouvaient que trouver un terrain d'entente.

Le futur leur appartiendrait, il avait juste à convaincre le Gryffondor de fermer les yeux et de profiter d'une vie paisible, de lui montrer que le bonheur était juste à portée de main.


Prompt de demain : Volcan

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top