4. Mya Anderson

Imaginez être seule le jour de votre anniversaire.
Ouais, c'est ce qui était en train d'arriver à Mya.

Depuis que Mya avait commencé à trainer avec les Âmes Perdues, ses amis et son copain étaient devenus incroyablement froids avec elle.

Elle faisait comme si elle ne remarquait rien, mais elle était blessée.

D'habitude, chaque année, ses amis lui organisaient une fête « surprise ». Pas aujourd'hui.
Au moins, elle n'avait pas de clients, c'était déjà ça.

Mya était bien partie pour passer la journée avec un paquet de chips devant Netflix quand elle avait entendu toquer à la porte.
Elle avait paniqué : et si c'était son mec ? Elle était en t-shirt long et culotte, mal coiffée et pas maquillée. Il ne fallait pas qu'elle fasse mauvaise impression, ou Théo la frapperait encore.

Elle s'était dépêchée d'enfiler une tenue convenable et s'était précipitée vers la porte.
C'était Fleur.

— Salut, chérie ! Je peux entrer ?

Contrairement à Mya, Fleur se fichait des apparences. Elle était en sweat et jogging, mais arrivait à être belle malgré tout. C'était dans son sang.
Mya ne s'était jamais trouvée belle au naturel. Elle avait l'impression d'avoir besoin de mille artifices pour que qui que ce soit la remarque. Comme si être elle-même... N'était pas assez. Que sa personnalité, son corps et ses convictions n'étaient pas assez.

Elle aurait dû se rendre compte que c'était totalement faux, puisque Sarah l'aimait depuis bien avant qu'elle n'ait commencé a se cacher sous de multiples couches de maquillage, et Mya ne savait pas si elle avait un jour arrêté. Elle n'avait qu'une certitude : Sarah aimait l'ancienne elle. Celle qui ne se couvrait pas de maquillage parce qu'elle ne se trouvait plus belle sans, celle qui n'avait pas une cicatrice juste en dessous de l'oeil, celle qui n'avait pas les cheveux roses, celle qui ne harcelait pas pour se donner un genre.

Malheureusement, cette Mya n'existait plus.

— Ouais, vas-y, entre.

Mya avait accompagné Fleur jusqu'à sa chambre.

Elles s'étaient assises sur le lit de Mya. Fleur avait mis sa tête sur les cuisses de son amie et l'avait laissée lui caresser les cheveux.

— Pourquoi tu traines plus avec nous, en ce moment ? Avait demandé Fleur.

L'adolescente aux cheveux roses avait poussé une mèche de cheveux du front de son amie.

— Tu sais bien que je suis occupée, avec le groupe. Tu sais à quel point j'aime chanter.

— C'est pas une raison pour nous laisser tomber.

— Je vous laisse pas tomber !

Fleur avait soupiré.

— Si, Mya. Tu t'en rends juste pas compte mais tout le monde est de cet avis. Héloïse est d'accord. Nathan est d'accord. Même Arthur est d'accord !

— Mais alors qu'ils viennent me le dire en face ! S'était exclamée la jeune fille. Tu n'as pas à faire la porte parole pour eux.

Fleur avait secoué la tête.

— T'as raison, pour le coup. Mais ça m'empêche pas de penser pareil. Ça me dérange pas, que tu sois dans un groupe de musique, ni même que tu aies d'autres amis. Même si je dois bien avouer que je comprends pas ce que tu trouves à ces deux dézinguées, Sarah et Cléo. Surtout Sarah, elle fait pitié a être obsédée par toi depuis des années. Elle a pas encore compris qu'elle avait zéro ses chances. Elle doit croire que tu pécho n'importe qui juste parce que t'es pan. T'as des standards quand même.

Mya avait senti son sang chauffer quand son amie s'était mise à parler de Sarah de cette manière, mais elle savait qu'elle devait se contenir. Elle s'était rentrée les ongles dans les paumes en espérant que Fleur s'arrête rapidement.

— Bref, même si je comprends pas ce que tu trouves aux quatre dégénérés là, OK. C'est ta vie, pas la nôtre. On peut pas juger. Mais on est tes meilleurs amis, Mya. N'oublie pas qui t'as sortie du trou à la mort de ta mère. Petit indice : c'était pas Sarah. Qui t'as aidé à gravir les échelons, à te faire respecter, à transformer tes faiblesses en forces, qui t'as adoptée dans leur groupe d'amis, qui t'as offert un endroit où aller quand t'avais nulle part ailleurs, qui t'as aidé à passer de « Mya Anderson, la fille bizarre qui traîne avec une tarée et pleure dans la cour » à « Mya Anderson, la fille inaccessible que toutes les meufs rêveraient d'être et tous les mecs rêveraient d'avoir ». Tout ça, c'est pas Cléo, c'est pas Zed, c'est pas Sasha. C'est nous, Mya. C'est Arthur, c'est Héloïse, c'est Nathan. C'est moi.

— Fleur...

— C'est nous, ta famille, Mya. C'est pas Théo, ou Zed, ou Sasha, ou Cléo ou Sarah. C'est nous. Ne nous oublie pas. Mange avec nous le midi. Viens a nos soirées le weekend. Ne nous laisse pas sur le bord de la route comme de vieilles chaussettes. Je suis une mauvaise personne, je sais. Les autres aussi, même si un peu moins. Et pourtant jusqu'ici, ça ne t'as jamais gênée, Mya. T'es même presque pire que nous.

La meilleure amie de Mya s'était relevée, avait épousseté son pantalon, et avant de quitter la chambre, elle avait lancé :

— Joyeux anniversaire, Mya.

Celle-ci était restée allongée et avait attendu d'entendre la porte claquer pour se recroqueviller sur elle-même, le cœur en miettes. Heureusement que Théo avait un rencard avec une fille rencontrée sur Fruitz.

Quelques heures plus tard, seize heures, comme ses seize ans, tiens comme par hasard, une nouvelle personne avait toqué à la porte.

L'adolescente en avait déduit que c'était vraiment Arthur, son copain, cette fois. Elle avait déplié ses habits, avait tenté de se montrer présentable et avait monté sur son visage son plus beau et faux sourire avant d'aller ouvrir.

— Euh... Salut. Tu peux remballer ton sourire hypocrite.

Mya avait écarquillé les yeux.

— Sarah...? Qu'est-ce que tu fais là ?

— Personne ne mérite d'être seul le jour de son anniversaire. Pas même une connasse comme toi. Tes amis, vu comme ils sont, j'ai pensé qu'ils se bougeraient pas trop le cul.

— Je comprends pas pourquoi tu es là. Je t'ai humiliée publiquement y'a même pas un mois !

— Mya, tu comprends pas que si j'étais en capacité de te détester, ça serait fait depuis longtemps. Depuis que tu m'as abandonnée il y a deux ans. Depuis...

Sarah n'avait pas terminé sa phrase, mais Mya n'en avait pas besoin pour entendre ce qu'elle pensait.

Depuis que tu m'as faite tomber amoureuse de toi et que je ne sais plus comment te sortir de ma tête.

Elle le savait parce qu'elle le pensait aussi.

Sorry, avait chuchoté Mya. (Elle essayait de parler le plus possible en français, en règle générale, mais parfois un mot ou deux lui échappaient. Plus elle se sentait à l'aise avec quelqu'un, plus elle avait tendance à lui parler en anglais. Malheureusement, elle était mille fois plus à l'aise avec Sarah qu'avec n'importe lequel de ses amis au lycée.) Sarah, tu sais que je ne suis plus la fille donc tu es tombée amoureuse au collège. Il faut que tu me laisses partir.

— Et si je veux apprendre à connaître la nouvelle Mya ?

— Pourquoi tu voudrais ça ?

Pourquoi quiconque voudrait ça ?

Sarah avait détourné les yeux.

— Pour que le fantôme de l'ancienne cesse de me hanter.

Mya se souvenait très bien du moment précis où elle était tombée amoureuse de Sarah.

Elles étaient en sixième, elle avait annoncé sur les réseaux sociaux qu'elle était pan. (Annoncer était un très grand mot, elle avait seulement laisse une photo d'elle avec le drapeau pan pour la Journée de la Visibilité Pansexuelle de cette année là.)

Ça n'avait pas plu aux mecs de sa classe, mais alors là, pas du tout.

Alors qu'elle marchait dans la cour, un d'eux l'avait tenue en arrière pendant que l'autre lui avait foutu un coup de poing.
Trop sonnée pour réagir, elle arrivait à peine à se débattre. Avant qu'elle ne puisse se prendre un second coup, Sarah était arrivée, les avait insulté et deux minutes après, ils étaient à terre.

Puis la jeune fille avait emmené son amie aux toilettes, lui avait demandé si elle allait bien et l'avait prise dans ses bras.
Alors qu'elle était dans les bras de sa meilleure amie, Mya avait pensé qu'elle ressemblait à un chevalier.

Sarah lui avait dit « Je ne laisserai jamais personne d'autre te toucher. » Et bêtement, comme la petite fille qu'elle était, elle l'avait crue.

Mya était tombée amoureuse de sa meilleure amie, et quand elle avait compris que les sentiments étaient partagés, il était trop tard.

— Allez, entre.

Sarah ne s'était pas faite prier et était entrée. Elle avait un sac entre les mains.

— Théo n'est pas là ?

— Non, il est à un rencard Fruitz, avait répondu Mya.

Et heureusement, avait-elle rajouté intérieurement.

La brune avait fouillé dans son sac et en avait sorti un fondant au chocolat.

— Merci Sarah ?! C'est mon préféré ! Merci, merci, merci !

Elle s'était mise a sautiller, comme une gamine, et d'après l'expression de son amie, elle savait que Sarah s'était demandée depuis combien de temps personne ne lui avait offert un VRAI cadeau, dont le seul but était de lui faire plaisir.

Même elle n'avait pas la réponse à cette question, honnêtement.

— Comment tu savais que mes amis n'allaient rien faire pour mon anniv ? Ou même Théo ou Arthur ?

— T'as l'air en froid avec tes amis en ce moment. Tu manges plus avec nous qu'avec eux à la cantine. Je me suis dis que ça devait bien signifier un truc. T'as enfin largué l'autre con ?

— Parle pas de lui comme ça, s'te plaît.

Mya n'essayait même pas d'avoir l'air convainquante. Elle n'en avait strictement rien à foutre, que quelqu'un insulte son mec. Elle ne l'aimait même pas.

— Te fous pas de moi. Tu sais bien qu'il sort avec toi pour ton physique, pas vrai ?

— Merci de me le rappeler.

— Je comprends pas, Mya. Tu mérites bien mieux. 'Fin, se rattrapa Sarah, tu mérites bien mieux quand t'es pas une connasse qui harcèle les gens. Sérieusement, t'as pas besoin de faire tout ça. En plus, ça crève les yeux qu'il te met mal à l'aise.

— Sarah, t'es bien sympa hein, avait raillé Mya, mais personne ne voudra jamais de moi pour autre chose que mon physique. Je suis une connasse, égocentrique, prétentieuse, arrogante, qui arrête pas de vous faire des remarques désobligeantes à Cléo et toi. Je te jure que c'est le mieux que je puisse avoir.

— Je veux de toi, avait déclaré Sarah, de manière tellement inattendue que l'ado aux cheveux roses avait sursauté. Je veux de la vraie Mya. Celle qui se cache derrière le rouge à lèvres, les insultes et les sourires arrogants. Celle que je ne déteste pas. Je ne te parle pas de l'ancienne. Je te parle du bout d'humanité qu'il te reste au fond de toi. J'en ai marre de celle qui se la joue à faire genre d'être une dure sans sentiment et qui nous harcèle pour oublier qu'elle se sent mal. On pourrait être tellement plus, si t'arrêtais toute cette mascarade.

Mya sentait que ses larmes étaient prêtes à couler.

— Tu serais prête à me pardonner ?

— Je te pardonne, Mya. T'es bien partie pour redevenir une bonne personne. Mais il faut laisser les gens entrer. Les bons, pas tes amis toxiques. Est-ce que tu feras ça ?

— J'essaierai...

— Alors je serai là.

Sarah avait prit sa main, et Mya était de retour chez elle.

***


***
Moins d'une semaine après, c'était Halloween. Leur lycée avait préparé une espèce de journée déguisée, et tout le monde était venu avec un costume. Mya, dans son coin, habillée en sorcière, avec Nathan, Arthur, Héloïse et Fleur, avait regardé Sarah de loin, dans son costume de zombie. Et, wow, même comme ça, ce qu'elle était belle.

Elle ne voulait pas se l'avouer, mais ça lui manquait vraiment, d'avoir de vrais amis. Peut-être qu'elle allait sérieusement réfléchir à la proposition de Sarah, sur le fait d'être à ses côtés si elle tentait de se détacher des gens toxiques, et laisser entrer les bonnes personnes, en commençant par les Âmes Perdues.

Cléo, Zed, Sarah et Sasha étaient ensemble dans un coin de la cour. Sasha était en momie, Cléo était elle aussi en sorcière, et Zed était en squelette. Ils s'étaient tous déguisés, ça avait fait sourire Mya. Elle s'était demandée comment ils avaient réussi à persuader Sarah de se déguiser. Son amie d'enfance savait pertinemment bien que ce n'était pas le genre de celle-ci de venir en déguisement à la journée d'Halloween de l'école.

— Eh bah dis donc, il est super beau ton costume ! S'était exclamée Cléo. C'est pas moi qui le dis, c'est Diane, s'était-elle empressée de rajouter un peu après.

Ça avait fait sourire la jeune fille.

Peut-être.

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