31. Zed Singh
Recevoir un appel au beau milieu de la soirée de la part de son amie, t'annonçant qu'elle va venir te chercher avec un vélo parce qu'elle a reçu un appel étrange de ta meilleure amie s'avérait être une situation très inquiétante et fortement source d'anxiété.
Certes, cela paraît logique, mais on ne peut pas en être tout à fait sûr tant qu'on ne l'a pas expérimentée. Zed, néanmoins, venait de l'expérimenter à l'instant.
Sasha était à moitié endormi sur son épaule, et Zed avait dû se résigner à l'idée de le réveiller en décrochant pour parler avec Cléo. Ça n'avait donc pas été une grande surprise quand, une fois l'appel terminé, il s'était tourné vers Zed pour lui demander ce qu'il se passait.
— Apparemment, Cléo a reçu un appel étrange de Sarah, lui demandant de se rendre devant chez elle avec deux vélos et de me passer un coup de fil pour m'emmener. Elle a promis de lui expliquer une fois qu'on serait sur place.
Zed était déjà en train d'enfiler son manteau et d'appeler sa mère quand Sasha avait levé une main.
— Attends, euh, je sais que je ne suis pas convié, mais je t'annonce quand même que je viens.
Agacé, son petit ami l'avait stoppé immédiatement.
— Non, tu ne viens pas. Qui sait quelle pourrait être la raison de son appel...
— C'est mon amie, Cléo est mon amie, tu es mon copain, alors je ne vais certainement pas vous laisser sortir seuls la nuit pendant que je me tourne les pouces chez toi à mourir d'inquiétude. Il doit bien y avoir un porte bagage sur lequel me caser, et au pire du pire je cours très vite. Tu te souviens ce que je t'ai dis, quand on s'est rencontré pour la première fois ? Que j'aimerais bien être un peu plus comme toi. Oser un peu plus. Là, je le fais.
Zed s'apprêtait à rouvrir la bouche pour répliquer quand sa mère avait déboulé dans le salon.
— Désolée, mes chéris, mais qui a parlé de sortir, au juste ? Vous n'avez toujours pas mon autorisation.
— Pardon, Maman, mais j'ai pas trop le temps pour ça, là. Qui sait ce qui pourrait être en train d'arriver à Sarah pendant qu'on est en train de se tourner les pouces...
— Je comprends ton inquiétude, Zed, mais je ne suis pas franchement très branchée pour te laisser sortir à vingt deux heures à vélo pour faire quelque chose dont tu n'as aucune certitude de la teneur.
— Maman...
— On sera prudent, l'avait coupé Sasha. Et je ferai bien attention que Zed ne soit pas imprudent, ni Cléo et Sarah d'ailleurs. Je me porte garant de comment la situation va se dérouler. Je suis trop peureux pour laisser quoique ce soit dégénérer. J'ai la situation en main.
Zed avait foudroyé son petit ami du regard mais il s'était mordu la lèvre et avait décroché un regard inquiet à sa mère.
— D'accord, avait-elle fini par dire doucement.
Elle s'était rapprocher pour embrasser son fils sur le front et serrer Sasha dans ses bras.
— Faites attention, d'accord ? Je vous fais confiance.
— T'inquiètes pas, Maman.
À cet exact instant, la sonnerie de la porte d'entrée avait retentit. Les deux garçons avaient fini d'enfiler leurs manteaux et s'était précipités dehors.
En ouvrant la porte, ils s'étaient retrouvés face à une Cléo essoufflée, qui n'avait même pas pris la peine d'enfiler son écharpe, comme elle le faisait toujours.
— Je suppose que Sasha est de la partie ? Avait-elle demandé en levant un sourcil.
Les deux garçons avaient hoché la tête en chœur.
— OK. Dans ce cas, je ferais mieux d'envoyer aussi un message à Mya. (Elle avait tapoté sur l'écran de son téléphone quelques secondes.) Voilà, c'est fait. Je lui ai dit d'aller devant chez Sarah et d'apporter un vélo. Sasha, t'as qu'à aller sur le porte bagage du vélo, et Zed conduit, ou l'inverse, je sais pas qui fait le mieux du vélo entre nous deux.
— Je conduis, avait confirmé Zed.
— Nickel. Faut qu'on se dépêche d'y aller, c'est peut-être un truc grave.
Ils avaient tous hoché la tête de concert.
Le froid des rues était glacial, quand bien même ils étaient en mai, et il aurait dû commencer à faire chaud, en prévision de l'été.
Arrivés devant chez Sarah, ils l'avaient vu assise sur son perron, la tête dans ses bras croisés, l'air complètement épuisé.
Cléo s'était approchée d'elle vers la droite et l'avait prise dans ses bras tandis Zed était allé à sa gauche puis avait demandé :
— Sarah, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu nous fais super peur.
Elle avait relevé la tête de ses bras et ils avaient tous pu voir son visage. Elle avait les joues striées de larmes et les yeux gonflés, ce qui avait donné comme un choc électrique à Zed, qui ne l'avait jamais vue pleurer en deux ans d'amitié.
— C'est pas moi le problème. C'est Jonas. Il a disparu.
Le pouls de Zed s'était soudainement accéléré, et ils s'étaient tous dévisagés. Avant que quelqu'un n'ait pu reprendre la parole, Mya était arrivée en pédalant si vite que Zed eu un instant peur qu'elle ne s'encastre dans un mur.
Elle avait laissé tomber son vélo par terre sans prendre la peine de le caler contre un mur et s'était précipitée vers Sarah.
Elle s'était agenouillée devant sa petite amie et avait pris son visage dans ses mains pour l'inspecter. Celle-ci avait écarquillé les yeux.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Je ne t'ai pas appelée, je ne voulais pas t'inquiéter.
— Eh bah, c'est complètement raté. Tu vas bien, pas vrai ? Il ne t'es rien arrivé ?
Sarah avait secoué la tête de droite à gauche.
— Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tu pleures ? Sarah, c'est pas normal, tu pleures presque jamais.
Pour éviter à son amie de devoir répéter le supplice d'annoncer ça à voix haute, Zed avait levé la tête vers Mya pour lui annoncer la nouvelle.
— Jonas a disparu.
Mya s'était figée.
— Comment ça, Jonas a disparu ?
Sarah avait tenté de calmer ses sanglots et reprit :
— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Il m'a demandé de l'aider à faire le mur la nuit dernière, et c'était vraiment une idée débile, mais il l'avait déjà fait et rien n'était arrivé alors je m'étais dis que c'était pas grave. Mais quand je suis rentrée de chez Mya ce soir... Tout le monde criait, et mes parents m'ont dit que Jonas était introuvable, et que l'école ne l'avait pas vu de la journée.
— Du coup, on fait quoi ? Avait demandé Cléo, brisant le silence qui s'était installé.
— On force l'administration du collège à nous donner l'adresse de ses harceleurs.
***
Vingt minutes plus tard, ils étaient tous plantés devant le collège de Jonas, sonnant anxieusement au portail, priant pour que celui-ci s'ouvre.
— C'est quoi encore ce plan foireux... Avait grommelé Sasha.
— T'en as un meilleur, peut-être ? Avait craché Sarah.
— Calme-toi, avait répliqué Mya en passant une main autour des épaules de sa copine pour l'attirer contre elle. T'as pris tes médicaments aujourd'hui ?
— C'est vraiment pas le moment de...
— Je sais, je sais. Inspire, expire. Il faudra que tu penses à les prendre plus tard. En attendant, essaie de rester calme.
Les épaules de Sarah s'étaient affaissées.
— Oui, excuse-moi, je ne voulais pas me déchaîner sur vous.
Zed avait balayé ses excuses d'un geste de la main, et une voix avait retenti dans le haut parleur.
— Qui est-ce ? S'était enquit une voix grésillante.
— C'est Sarah Elsher. Je viens vous parler de mon petit frère.
Il y avait eu un court silence pendant lequel Zed avait eu peur que la voix ne leur raccroche au nez, mais le portail avait fini par s'ouvrir et ils étaient entrés.
Sarah les avait mené d'instinct au bureau du directeur. Évidemment. C'était son ancien collège, ainsi que celui de Mya. Celle-ci avait l'air comme hypnotisée, observant les couloirs de l'école comme s'ils sortaient tout droit d'un rêve.
— C'est dans cette cour que j'ai appris la mort de ma mère, avait-elle chuchoté.
Personne n'avait su quoi répondre, alors ils s'étaient contenté de lui offrir un sourire compatissant.
— Je suis sûre qu'elle est fier de toi depuis là-haut, avait glissé Sarah.
— De nous.
— C'est vrai. Ta mère m'adorait.
Elle s'étaient souri, comme dans leur bulle pendant un instant. Puis la magie avait été rompue quand ils s'étaient tous retrouvé devant la porte du directeur.
Sarah n'avait même pas pris la peine de frapper et était entrée.
— J'ai besoin de l'adresse d'un de vos élèves.
Le directeur avait paru surpris – à juste titre – de trouver cinq adolescents inquiets et un peu débraillés dans son bureau, mais s'en était était accoutumé assez rapidement.
— Mademoiselle, je ne pense pas que cela soit possible.
— Et si je vous dis que j'ai peut-être un moyen de retrouver mon frère, mais que j'ai besoin de l'adresse d'un de vos élèves pour ça ?
Un silence tendu s'était étiré dans la pièce, et Zed s'était surpris à prier, lui qui était pourtant athée.
— Je regrette, Mademoiselle Elsher, mais ce genre d'informations sont confidentielles.
Sarah s'apprêtait à commencer à hurler sur le directeur quand Mya l'avait poussée vers l'arrière et envoyé un regard qui signifiait clairement "Si tu ne fermes pas ta bouche tout de suite, je la ferme moi-même, et pas de la manière que tu aimerais".
— Monsieur, pensez-y. Si jamais ils ouvrent une enquête pour disparition d'enfant, ils sauront que vous auriez pu faire quelque chose et que vous ne l'avez pas fait. Ça sera considéré comme de la non-assistance à personne en danger.
L'adolescente s'était penchée, les coudes sur le bureau de l'homme. Celui-ci regardait partout sauf devant lui, pour éviter le décolleté de Mya, qui avait l'air d'un peu trop lui plaire. Sarah était si crispée au fond de la pièce qu'elle avait l'air de difficilement contenir ses envies de meurtre.
Zed avait décidé de remplacer Mya au rôle de calmant de Sarah, et il s'était glissé auprès d'elle.
— Tu ne trouves pas qu'il ressemble un peu à un cochon, avec ses grosses joues ?
Sarah avait écarquillé les yeux, stupéfaite, et avait pouffé doucement. Le garçon s'était congratulé intérieurement d'avoir réussi à la faire rire.
— Ne t'inquiètes pas, laisse Mya gérer. Tu sais qu'elle est comme ça, à toujours utiliser ses charmes pour obtenir ce qu'elle veut.
— Ouais. C'est son grand frère qui lui a appris à être comme ça, avait soufflé Sarah doucement. Parfois, je me demande qui elle aurait été si elle n'avait pas grandit avec lui.
— Je me le demande aussi.
— C'est vrai que je n'y avais pas réfléchi sous cet angle, avait marmonné le directeur, toujours plongé dans la contemplation du mur. Peut-être que je pourrais faire une petite exception.
Mya avait esquissé un rictus satisfait et s'était tournée vers sa copine avec un air de "Qui c'est qu'on remercie ?"
Zed oubliait parfois à quel point son amie pouvait être effrayante.
— De quel élève avez vous besoin de l'adresse ?
Leur amie avait sauté sur l'occasion.
— Yohan Prévost.
L'homme avait récupéré son adresse dans la base de données du collège, l'avait gribouillée sur un bout de papier et tendue à son ancienne élève.
— Tenez. Maintenant, déguerpissez, les jeunes.
Ils avaient tous acquiescé et s'étaient dépêché de ressortir.
— Tu sais où c'est ? Avait demandé Cléo.
— Ouais, avait répliqué Sarah. Je gère, suivez moi.
***
Dix minutes plus tard, les cinq adolescents se trouvaient devant une immense maison de briques rouges. Sarah avait levé un sourcil.
— Ça me paraît super grand pour être une maison quand même.
— Regarde... Avait dit Mya en désignant une plaque de granit incrustée dans le portail.
Foyer d'accueil : La miséricorde.
— Oh. Ça a tout de suite plus de sens, avait soufflé sa petite amie doucement.
Elle avait appuyé sur la sonnette a plusieurs reprises, sans se gêner, jusqu'à ce que quelqu'un vienne lui ouvrir. La nuit commençait à tomber, le ciel à s'assombrir, et Zed avait de plus en plus peur, comme tous les adolescents ici présents, sans doute.
— Oui ? Avait demandé une femme brune en ouvrant la porte.
— J'aimerais voir Yohan Prévost, s'il vous plaît, avait débité Sarah, comme un discours déjà préparé.
— Et vous êtes...? Avait demandé la femme en promenant son regard entre les cinq adolescents.
— Je suis la soeur du garçon qu'il harcèle quotidiennement.
Les yeux de la femme s'étaient soudain écarquillés.
— Mince, il ne vous en a pas parlé ? Avait poursuivi Sarah. Quel dommage. Vraiment.
Son sourire satisfait disait le contraire, et Mya l'avait regardée avec fierté.
— Entrez, je vous en prie.
Ils s'étaient exécutés. L'endroit ressemblait à une école, avec un secrétariat à droite et un tres grand escalier à gauche.
— Yohan, viens ici ! Tout de suite !
Un garçon aux cheveux blonds cendrés et une casquette à l'envers avait déboulé des escaliers avec un sourire narquois.
— Célya, qu'est-ce que tu me veux enc...
Son sourire s'était éteint lorsqu'il avait vu les Âmes Perdues.
— Euh... Salut... Qu'est-ce que vous faites là ?
— Je veux savoir si t'as l'adresse ou le numéro de Thaïs Camara, avait déclamé Sarah sans ciller.
Tous les gens présents dans la pièce s'étaient retournés vers elle.
— C'est juste pour ça qu'on est venus ? Avait demandé Cléo, disant tout haut ce qu'ils pensaient tous.
— C'est le seul moyen de retrouver mon frère. Thaïs sait toujours où est Jonas. Ils sont inséparables.
— C'est son meilleur ami ? Avait demandé Sasha en haussant un sourcil. Je ne suis pas sûr de comprendre.
— Je sais pas trop, avait répondu Sarah. Son meilleur ami, peut-être son copain, peut-être aucun des deux, j'en sais rien, j'ai jamais compris. Dans tous les cas c'est pas le sujet. (Elle s'était retournée vers Yohan.) J'ai besoin de son numéro. Tu l'as ?
— Non...
— Tant pis, l'avait coupé Sarah. Qui serait susceptible de l'avoir ?
Yohan s'était gratté le cuir chevelu.
— C'est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que Thaïs n'a pas de téléphone.
— Merde. Et tu n'aurais pas son adresse ?
— Je crois que tu ne comprends vraiment pas, meuf.
Le garçon s'était gratté à nouveau la tête et avait reprit.
— Thaïs n'était pas non plus en cours aujourd'hui. Ils sont sûrement ensemble.
Sarah avait lâché un juron, et s'était à nouveau saisie de son téléphone. Ils s'étaient tous penchés sur son épaule pour voir ce qu'elle écrivait.
De : Sarah
À : Jo'
Où es-tu ?
Jo, j'ai peur pour toi
Je vais trouver le numéro de Thaïs si tu ne réponds pas
S'il te plaît, Jonas, réponds moi. On s'inquiète tous
S'il te plaît
Jonas je t'aime
Je ne sais pas comment vivre sans toi
De nouvelles larmes avaient dégouliné des joues de sa meilleure amie, et Zed l'avait prise dans ses bras en murmurant des paroles apaisantes contre ses cheveux.
— On va jamais le retrouver. On va jamais le retrouver. On va jamais...
Yohan, en fond, s'était laissé tomber sur les marches de l'escalier et avait pris sa tête dans ses mains. Puis il avait relevé la tête.
— Je vais vous aider à chercher. Je regrette grave tout ce que je lui ai dit. Il faut que je le retrouve pour m'excuser.
Mya s'était avancée vers Sarah et avait posé son front contre le sien.
— On va la retrouver. Je le sais. C'est obligé.
Ils étaient restés comme ça tous ensemble pendant plusieurs minutes.
Le concert était la semaine prochaine.
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