30. Sarah Elsher
— S'te plaît, tu peux me couvrir ?
Jonas était campé devant elle, habillé d'un sweat à capuche et d'un sac à dos, et était en train de plaider sa cause.
— Pourquoi ?
— J'ai envie de sortir ce soir, mais les parents ont dit qu'ils allaient inviter les bougs de leur boulot. Tu dis juste un truc genre, Jonas est malade il peut pas, il est sorti prendre l'air. Et moi j'y vais.
— Pour faire quoi déjà ?
— Sarah, je te demande jamais rien d'habitude, fait au moins ça pour moi.
Sarah n'étais pas très excitée à l'idée de mentir à ses parents, mais il y avait pire dans sa vie, et elle aimait son petit frère, alors ça irait.
— Ok...
Quand elle avait cédé, son petit frère lui avait sauté au cou et avait détalé directement après. Elle avait soufflé d'exaspération. Il était tellement bizarre en ce moment, et elle restait très inquiète, même s'il semblait aller mieux.
En passant devant la chambre de son frère pour se rendre à table, elle avait vu que sa porte était entrouverte, et quelque chose avait attiré son attention.
Des feuilles avec des symboles et des citations étaient étalées partout sur le sol. Les phrases et les dessins différaient, mais a côté de chacun était écrit soit le pseudonyme "The dreamer" ou le symbole Ø. Sarah n'y comprenait rien. Elle était entrée, et avait vu qu'il y en avait des dizaines et des dizaines, entassées sur les murs, le sol, les placards, sous le lit de son frère. Avant qu'elle n'ait le temps de plus chercher, elle avait entendu :
— Les enfants, on mange ! Sarah, Anna, on attend que vous ! C'est des raviolis !
Elle avait à regret détourné les yeux de la chambre de son frère et fermé la porte.
***
C'était le bordel.
Les Âmes Perdues n'arrivaient plus à se concentrer sur quoi que ce soit, ils étaient clairement en burn-out. Ils n'arrivaient plus à répéter sans finir par s'endormir ou casser un de leurs accessoires instrumentaux (ce qui était une mauvaise idée puisque c'était franchement cher), alors les répétitions se transformaient en ateliers de révisions géants.
Les examens arrivaient à grand pas, et, il ne fallait pas se voiler la face, aucun des Âmes Perdues n'étaient prêts. Ils n'avaient pas pris le temps de beaucoup réviser cette année là, et autant pour Cléo ou Sasha, qui étaient en seconde, ils y allaient au talent, ce qui n'était pas très difficile cette année là, autant les trois autres, qui, eux, passaient le bac de français, c'était une toute autre affaire. Sarah ne comptait plus le nombre de fois cette semaine où elle avait vu Zed lire des fiches de révision en plein milieu des couloirs.
De plus, la disparition de Diane n'avait pas aidé Cléo à se concentrer sur ses révisions. La plupart du temps, Sarah la surprenait en train de pleurer dans un coin, mais elle s'essuyait les yeux et lui souriait quand elle abordait le sujet, alors la batteuse ne savait pas quoi faire pour lui remonter le moral.
Quand à elle, elle ne pouvait pas dire qu'elle en avait grand chose à faire des études. Elle avait loupé quatre vingt dix pour cent des cours cette année, ne venant au lycée que pour les répétitions des Âmes Perdues. Le reste du temps, elle fumait dans un parc ou elle... Fumait dans un parc.
Elle n'avait pas une vie très trépidante.
On aurait pu croire qu'elle serait totalement paniquée et voudrait absolument se rattraper, mais à vrai dire, elle n'en avait rien à faire. Comme beaucoup d'élèves, elle allait à l'école parce qu'on l'y obligeait. Elle n'avait rien à prouver à personne. Sarah ne savait pas encore ce qu'elle voulait faire dans sa vie, mais elle était quasiment certaine que rien de ce qu'elle avait appris au lycée ces deux dernières années ne lui serait d'une quelconque utilité.
Elle ne savait pas où elle serait dans quelques années. Elle savait qu'elle allait redoubler. Mais ça ne la dérangeait pas vraiment. Elle n'en avait rien à faire, des cours. À seize ans, elle pouvait quitter l'école, de toute façon. Si elle en avait vraiment marre, elle arrêterait d'étudier et tenterait de se trouver un petit boulot dans un truc comme un MacDo, et ça passerait sans doute.
En attendant, elle avait des principes, et elle faisait de son mieux pour aider ses amis à passer leurs examens. Ils devaient réussir leurs vies, contrairement à elle.
— Hey.
Sarah s'était faite sortir de ses pensées par Naya qui s'était glissée à côté d'elle.
— Salut.
Elles étaient restées à côté en silence pendant un petit moment. Les mèches brunes de Naya scintillaient de reflets lumineux, et la pierre hindou rouge sur son front détonnait au milieu des nuances sombres de son visage, nuance colorée au milieu de ses cheveux sombres, ses yeux sombres et sa peau sombre.
— Qu'est-ce que t'as à me dévisager comme ça ? Fais attention, Mya va finir par être jalouse, avait rit Naya en remarquant le regard de Sarah sur elle.
— Comment tu as fais ? Pour te réconcilier avec tes origines indiennes ?
Sarah n'avait pas vraiment voulu poser la question, mais elle avait échappé de ses lèvres d'elle-même.
— Comment ça ?
Maintenant que c'était fait, elle devait aller jusqu'au bout. Elle avait mordu sa lèvre déjà gercée et avait détourné les yeux.
— Je suis afghane, mais ma mère essaie tellement fort de nous empêcher de creuser notre identité que parfois je ne sais même plus à quoi j'appartiens. Je suis pas assez afghane pour être africaine, je connais pas les us et coutumes, je sais pas comment ça marche là-bas, je sais un peu parler le pachto mais ça s'arrête là. Mais je suis pas non plus assez blanche pour être française. Peu importe à quel point ma famille essaiera de s'en persuader, ma peau sera toujours trop noire pour que les français me considèrent comme telle. Alors, où je suis ? J'appartiens à quoi ? Comment je fais pour être complètement afghane ou complètement française ?
Sarah avait immédiatement regretté de s'être emballée. Elle n'avait jamais parlé de ça à personne. Pas même à Zed. Pas même à Jonas. Pas même à Mya.
Naya avait sourit doucement en posant ses yeux sur elle. Sarah ne la connaissait pas assez bien pour en être sûre et certaine, mais cette fille semblait si douce et pleine d'amour, si bienveillante. Elle s'étonnait que quelqu'un comme elle soit aromantique. Où est-ce qu'elle le stockait, tout cette amour, si elle ne pouvait pas le donner à un partenaire ?
— Tu sais, j'ai enchaîné foyers et familles d'accueil depuis ma naissance. Je n'ai jamais connu mes parents. Si ce n'était pas pour mon certificat de naissance, mon nom de famille et mes traits physique, je ne saurais même pas que j'étais indienne. (Elle a soupiré rêveusement.) Mais... C'est trop long à expliquer, mais rencontrer Nathan et Jade, ça m'a changée. Ça m'a donné envie d'être une meilleure personne. Ils m'ont donné envie d'en apprendre plus sur moi-même, mes origines, qui je suis. J'étais dans un déni tellement profond à propos de tout ce qui me concernait, de mon aromantisme, de mes réels intérêts et de mes origines que ça a été super difficile de m'y mettre.
Elle avait effectué une petite pause pour jeter un coup d'œil à Sarah. Elles ne s'étaient presque jamais parlé jusque là, mais c'était comme si elles s'étaient connues toute leur vie. La jeune fille n'avait jamais rencontré quelqu'un qui comprenait aussi bien en quelques mots ce qu'elle avait voulu dire. Bien sûr, elle n'était pas passée par les mêmes épreuves, ne se faisait pas discriminer de la même façon qu'elle, mais elles savaient toutes les deux comme c'était dur de vivre dans un pays où ta couleur de peau n'était pas en raccord avec celle de la majorité, et dans lequel c'était tout ce à quoi on te renvoyait.
— Mais, avait reprit Naya, il y a un moment où j'ai compris que je voulais en savoir plus sur mes parents, même si c'était indirectement, à travers les traditions et les spécialités de mon pays. J'ai fais tellement de recherches, j'ai parlé à d'autres personnes indiennes, et dans un sens, ça me donne l'impression d'être plus proche de ma famille biologique. Même si je n'échangerais Jade contre rien ni personne.
Sarah avait fermé les yeux au milieu du monologue de Naya, pour savourer ses paroles. Elles résonnaient comme une mélodie à ses oreilles. Naya l'inspirait à faire comme elle, à en apprendre plus sur son pays, à devenir quelqu'un qui ne se laisse pas définir par une partie de ses origines où l'autre. Elle avait des parents afghans, elle était née en France, et personne ne pouvait lui retirer un de ces deux faits. Elle n'avait pas à choisir d'être l'un où l'autre. Elle pouvait juste choisir d'être elle-même, et embrasser les deux parties de ses origines. Et peu importe si ça ne plaisait pas à certains, ils n'avaient qu'à aller se faire foutre. Depuis quand s'intéressait-elle aux opinions des gens, de toute manière ? Toute sa vie, son seul mot d'ordre avait été de faire ce qu'elle voulait, et faire des doigts d'honneurs à ceux qui voulaient l'en empêcher. À quel moment avait-elle laissé les paroles des autres s'infiltrer sous sa peau ?
— Ça répond à ta question ?
— Oui, avait répondu Sarah en hochant la tête. Merci beaucoup.
Naya lui avait à nouveau sourit doucement en retour. Sarah avait songé que cette gamine serait une super sœur pour Mya.
— Tu passes à la maison, ce soir ?
Sarah avait hoché la tête de nouveau.
— Je pense. Je peux ?
— Évidemment. Tu passes quand tu veux, pas besoin de demander. T'es la fille dont Mya est amoureuse, tu fais partie de la famille aussi, d'une certaine manière. De la même manière que Nathan fait partie de la famille aussi.
— T'es sûre de ne pas être amoureuse de lui ?
Naya avait rit.
— On ne sait jamais réellement, pas vrai ? En tout cas, il est ce que j'ai jamais ressenti de plus proche à de l'amour romantique. Mais je ne pense pas que ça en soit. Il n'est pas non plus comme un frère pour moi, ça serait bizarre à imaginer. Il est juste... Mon meilleur ami. Tout pour moi. Jade et lui sont tout ce que j'ai, tout ce que j'ai jamais eu. Je ne peux pas quantifier l'amour que je ressens pour eux avec des mots simples.
Sarah avait encore hoché la tête, même si elle n'était pas vraiment sûre de comprendre.
— Bon, avait reprit Naya en désignant son vélo du menton, tu m'accompagnes à la maison ?
La maison. Évidemment. Enfin, elle en avait une.
***
— Sarah, ma chérie, comment ça va ?
— Bien et toi Jade ?
— Au top. Je fais ma nouvelle peinture, tu veux voir ?
Sarah avait hoché la tête et Jade avait tourné sa toile pour qu'elle se retrouve en face d'elle. C'était un dessin d'une grappe de raisin si réaliste qu'ils semblaient sur le point de sortir de la toile. Sarah avait ouvert la bouche et l'avait refermée sans avoir réussi à dire quoi que ce soit. Elle avait finit par dire :
— C'est magnifique, Jade. Je savais que t'étais douée, mais à ce point... On dirait une photographie.
— Abuse pas, quand même.
— Je suis sérieuse ! Et tu sais très bien que les compliments et moi on est pas meilleurs amis alors prends les au lieu de m'obliger à répéter.
Jade avait semblé utiliser tous les nerfs de son corps pour s'empêcher d'éclater de rire devant Sarah. Bon choix, avait-elle pensé.
— Tu devrais apprendre à peindre à Cléo. Enfin, elle sait peindre, elle adore ça même. Mais vu comme t'es douée, je me dis que peut-être... Peut-être que ça serait cool, si elle prenait des leçons de ta part. Après, si t'es pas prête à donner des leçons gratuitement je comprends mais... Ça serait une bonne idée de lui en parler.
Le visage de Jade s'était éclairé.
— Tu pourrais mentionner ça pour moi ? Ça me ferait vraiment plaisir d'aider une personne de qui c'est la passion à s'améliorer en peinture. Partager sa passion avec quelqu'un, ça fait toujours du bien. Et bon, à part m'occuper de cette baraque, je n'ai jamais grand chose à faire. Mon héritage et l'argent que je gagne en tant qu'assistante agréée me suffit amplement sans que j'ai besoin d'avoir d'autre travail à côté. Tout le monde n'a pas cette chance.
— Je lui en parlerai la prochaine fois que je lui parlerai, alors.
Jade semblait sur le point de rajouter quelque chose lorsque la porte du salon s'est ouverte sur Mya.
— Sarah !
— Hey.
L'adolescente avait prit sa petite amie dans ses bras en humant le parfum de son shampooing. Elle sentait vraiment bon.
— Je t'embrasserais bien, avait chuchoté Mya, mais vu qu'il y a Jade dans la même pièce que nous...
— Je vous entends ! Avait-elle grommelé. Puisque c'est comme ça, je vous laisse ensemble, les amoureuses.
Elle était partie en faisant une grimace à sa protégée et les deux jeune filles étaient parties dans un éclat de rire.
Sarah s'était laissée tomber sur le canapé du salon en attirant Mya avec elle, qui s'était affalée à moitié sur elle en gloussant.
— Comment ça se passe pour toi, les examens ? Avait demandé Sarah en redevenant sérieuse.
— Honnêtement ? Mieux que ce que je pensais. Si je ne comprends pas quelque chose, j'ai qu'à demander à Naya. Elle est excellente académiquement, elle comprend tout.
— C'est super !
— Et toi ? Avait demandé Mya, soucieuse.
Sarah s'était mordue sa lèvre inférieure.
— J'ai vraiment du mal à me concentrer pour étudier. Je ne sais pas si je vais réussir à passer en terminale.
— Merde... Tu penses redoubler ?
Sarah avait haussé les épaules.
— Je ne sais pas. Sûrement pas. Si je ne passe pas, j'irai bosser quelque part pour me faire de l'argent. Je crois pas que j'ai envie de me retrouver coincée sur une chaise à étudier pendant des années. C'est pas mon truc. J'ai pas encore compris ce que j'aimais, mais j'ai compris ce que je n'aimais pas, et ça en fait indéniablement partie.
Mya lui avait sourit tendrement en glissant sa main dans la sienne.
— On y réfléchira ensemble, d'accord ? (Elle avait resserré sa poigne.) Il y a tellement de possibilité ! Tu pourrais faire un bac pro quelque part, comme ça tu pourrais directement travailler. On réfléchira à ce que t'as envie de faire. Si on attend les autres pendant un an, on pourra même former un groupe de musique tous ensemble, et tenter d'en faire notre métier ! Ça te brancherait ?
Les yeux de Sarah s'étaient mis à briller d'émotion.
— Peut-être que c'est ce que j'ai envie de faire. De la musique. Avec vous.
— Alors c'est ce qu'on fera. Et dans un ou deux ans, on ira emménager ensemble. Nous deux, dans le même appartement, tout le temps.
— Ça ressemble au paradis.
Mya lui avait fait un clin d'œil.
— Tu diras plus ça quand t'auras passé quatre mois collée à moi.
Sarah l'avait attirée contre elle.
— Détrompe-toi, je ne pense vraiment pas me lasser.
— Prouve-le moi.
Elle avait pris son visage dans ses mains et l'avait embrassée, et Sarah n'arrivait pas à croire de la chance qu'elle avait de l'avoir là, à ses côtés.
C'était même un peu irréel : neuf ans au côté de cette fille, neuf ans à être secrètement amoureuse d'elle, et enfin c'était réciproque, et elles pouvaient vivre leur histoire d'amour au grand jour sans avoir à se soucier de ce que penserait les élèves de leur lycée ou même le grand frère de Mya.
— Je t'aime.
— Moi aussi.
Et c'était comme si une lumière s'était réanimée, quelque part dans la cage thoracique de Sarah.
***
Sarah était rentrée chez elle autour de dix-neuf heures ce soir-là, et c'était le chaos le plus total.
En arrivant chez elle, tout le monde criait. Ce qui est plutôt habituel, parce que ses petites sœurs, Anna et Noémie, étaient très bruyantes. Cependant, entendre son père et sa mère crier était moins fréquent.
À peine eut-elle traversé le pas de la porte qu'une cacophonie de questions lui avait assailli les oreilles.
Elle ne comprenait rien, alors elle avait grossièrement demandé à tout le monde de la fermer.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Avait demandé Sarah en refermant la porte derrière elle.
Sa mère avait pris deux grandes inspirations. Elle avait l'air extrêmement inquiète, tandis que son père avait la mâchoire serrée, à deux doigts de pulvériser quelque chose. Peut-être l'avait-il même déjà fait, d'ailleurs, puisque des débris d'assiettes en porcelaine jonchaient le sol.
— Est-ce que tu sais où est ton frère ?
Le monde s'était arrêté de tourner pour Sarah. Elle s'était sentie vaciller mais avait tenté de se stabiliser en se raccrochant au mur.
— Comment ça ?
— Ce matin, comme ton frère ne sortait pas de sa chambre, je suis allée voir s'il dormait toujours, et le réveiller. Il n'était pas là. (Wanda s'était mordue la lèvre.) Sur le coup, j'ai pensé qu'il était juste parti au collège sans moi. Mais dans l'après-midi, ton père et moi avons reçu un appel du proviseur, indiquant que Jonas avait été absent toute la journée. J'ai tenté de l'appeler plusieurs fois, mais le téléphone sonnait dans le vide.
Le pli sur le front de sa mère indiquait qu'elle s'inquiétait vraiment. Sarah avait eu un rire nerveux et tenté de rassurer sa mère.
— Maman, peut-être qu'il est juste allé dormir chez un ami et a oublié de te prévenir...
— Quel ami ? Sarah, arrête de te voiler la face, tu sais très bien que ton petit frère n'a pas d'amis.
Malheureusement, la jeune fille ne pouvait que donner raison à sa mère. À moins que...
— Laisse moi une minute, s'était-elle exclamée, une idée germant dans son esprit. Où est-ce qu'on range l'annuaire ?
— Dans le tiroir en dessous de la télévision, avait répondu sa mère, quoiqu'un peu perdue. Pourquoi ?
Sarah n'avait pas prit le temps de répondre et s'était précipitée pour aller chercher l'annuaire.
Comment avait-ils dit qu'ils s'appelaient, déjà ? Sarah ne connaissait pas le nom de famille de Thaïs, mais elle connaissait au moins le nom de famille des harceleurs de Jonas.
Yohan Prévost. Yann Lebouc. Pacôme Dubois.
Bingo.
Elle avait d'abord essayé d'appeler le premier, puis le deuxième, puis le troisième, mais ils lui raccrochait systématiquement au nez. Elle avait fini par soupirer et fermer l'annuaire.
— Je dois faire quelque chose, je reviens, avait annoncé Sarah.
Ses parents avaient fait mine de protester, et ses petites sœurs s'étaient accrochées à ses jambes pour l'empêcher de partir, mais il n'y avait pas fait attention.
Cléo. Cléo avait un vélo.
— Allô ma Cléo ?
— Allô Sarah, tu vas bien ?
— À vrai dire, pas trop. J'ai besoin de ton aide. Prends des vélos, et va chercher Zed au passage.
— J'imagine que si tu ne m'expliques pas c'est qu'il y a une très bonne raison pour qu'on se dérange à cette heure-ci pour te rendre service ?
— Oui, une très bonne, que je n'ai pas le temps de t'expliquer, mais que je ferai si tu viens ici avec Zed et deux vélos.
— Je gère. On arrive dans vingt minutes.
Sarah l'avait remerciée et avait raccroché, puis s'était assise sur les marches de son immeuble.
Tout était de sa faute.
Après tout, cela faisait plusieurs fois qu'elle couvrait son petit frère qui sortait seul pendant la nuit. Rien n'était jamais arrivé, alors même si elle ne savait pas ce qu'il faisait ni avec qui, elle avait baissé la garde. Elle n'aurait pas dû.
Elle aurait dû comprendre qu'il y avait quelque chose de louche avec le fait qu'il pleure dans ses bras, qu'il ait tout un tas de dessins et de phrases avec des symboles étranges dans sa chambre et que juste après il veuille sortir pendant la nuit à nouveau, avec un sac dans son dos.
Elle s'était prise la tête dans ses mains, sentant les sanglots rouler sur ses joues pour atterrir dans ses paumes moites.
Jonas, où es-tu ?
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