Chapitre 2
Et si j'avais finalement réussi à m'exprimer comme je le voulais quand j'avais quinze ans ? J'étais une adolescente hypersensible qui ressentait tout de manière amplifié, qui ne savait pas comment parler sincèrement aux gens sans les blesser en étant trop franche ou pas assez. Peut être que j'aurais pu garder le peu d'amis que j'avais. Peut être que pour fêter mes trente ans on serait sorti tous ensemble, on aurait fait n'importe quoi, on aurait rit tous ensemble et je serais rentré un peu bourrée et me serait effondré de fatigue sur mon lit. Au lieu de ça j'ai passé la soirée a mangé des nouilles instantanées en regardant un film nul. Et la seule personne m'ayant souhaité mon anniversaire est une collègue qui ne m'apprécie vraiment pas mais qui s'est senti obligée.
Si seulement j'avais su leur dire ce que je ressentais vraiment, rectifier le tir, dissiper les malentendus et leur dire pardon tout simplement.
Et si je n'avais pas laissé tomber mes études d'art pour suivre ce garçon, Vick, au triste âge de dix-sept ans ? J'étais une future jeune adulte qui avait toujours autant de mal à communiquer ce qu'elle ressentait et qui avait envie de découvrir le monde entier. Je ne me serais certainement pas embrouillée avec mes parents au point qu'ils ne veuillent plus me parler, ni même me voir. Peut-être que je passerai le soir de Noël avec eux dans une ambiance chaleureuse et aimante, en famille au milieu des blagues douteuses que font dire les fourrés à la liqueur de cerise et du joyeux bruit des verres qui s'entrechoquent.. Au lieu de ça je passe tous mes réveillons sur mon balcon avec pour seule compagnie un paquet de cigarettes, une bouteille et les cris des voisins du dessus.
Si seulement j'avais réfléchi davantage.
Et si quatre ans plus tard je n'avais pas quitté Vick à cause d'une petite culotte rouge qui n'était pas la mienne ? J'étais une jeune adulte, le monde n'était plus si intéressant qu'avant, il me paraissait plein de possibilités qui ne m'intéressaient pas. Je serai certainement toujours en couple avec lui. Peut être qu'on se serait mariés depuis. Un petit mariage, qui aurait brillé par l'absence d'amis et de famille. Et peut-être qu'après on aurait eu des enfants. On aurait été deux imbéciles heureux, qui dès le matin s'échangent des sourires niais et des étreintes délicates. Mais peut être que je l'aurais quand même trouvé, cette petite culotte couleur colère. Au lieu de tout ça, je suis seule et bien décidée à rester une éternelle célibataire et devenir vielle fille.
Si seulement je n'avais pas cherché à savoir ce qui clochait, si seulement je n'avais pas était si curieuse.
Et si à vingt sept ans je ne m'étais pas énervé contre mon patron pour une histoire de place de parking volée ? Vingt sept ans, j'étais maintenant complètement coincé dans une bulle de monotonie solitaire que je n'avais aucune envie de faire éclater. Je n'aurais certainement pas été viré. Peut être même que depuis j'aurai eu une promotion. Une promotion qui m'aurait permis de déménager dans un autre appartement dans un autre immeuble, un immeuble avec des voisins aimables qui préviennent si ils font une soirée musicale jusqu'à tard dans la nuit, des voisins qui ne se disputent pas tout le temps. Un immeuble avec des murs épais. Au lieu de ça j'enchaîne les petits boulots et habite dans un appartement dont les murs sont fin comme du papier.
Si seulement je n'étais pas aller réclamer ma place de parking.
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