10.
Elle dormait d'un sommeil profond vers dix heures du matin. Cette belle matinée où personne ne venait la réveiller. L'internat était calme, enfin plus calme que d'habitude. Il s'était totalement vidé, à l'exception de quelques très rares élèves. Dont faisait partie Amélia. Elle se doutait presque qu'il y n'y avait pas de personnel. Elle comptait commander une pizza pour manger ce midi, avant de se rappeler qu'il n'y avait pas de livreur de pizza dans les environs. Et encore moins de pizzeria.
Elle poussa un soupir avant d'ouvrir lentement un œil, depuis qu'elle était venue ici elle se couchait de plus en plus tôt. On ne pouvait rien faire ici, aucune fête à aller, aucune boîte de nuit où danser. Même s'il elle ne connaissait personne, il y avait toujours quelque chose à faire à Paris. Quelqu'un à rencontrer même pour l'espace même de quelques heures.
Elle se retourna dans son lit, cette fois-ci bien réveillée. Qui l'eut crû ? Amélia éveillée de son plein gré avant quatorze heures. Elle esquissa un petit sourire. Si on lui avait dit qu'elle se réveillera à cette heure un samedi, elle aurait rit au nez de la personne qui lui aurait dit cela. Elle ferma les yeux et pensa à tout ce qu'elle faisait avant et en rien qu'une semaine tout avait changé. La vie était imprévisible. Pourtant, même s'il elle s'en doutait que elle n'allait pas vraiment s'amuser dans cet internant, elle ne pensait pas qu'elle allait s'ennuyait à ce point.
Mais, en vérité s'amusait-elle vraiment dans sa vie d'avant ? Où elle sortait quand bon lui semblait. Le fait qu'elle faisait la fête quand elle voulait et en apparence semblait si bien s'amuser prouvait-il vraiment qu'elle s'amusait ?
Sa gorge lui faisait mal, pourtant elle avait toujours cette furieuse envie de fumer. Elle se leva de son lit et rejeta de la couverture de son dos. Aussitôt elle sentit une petite brise glaciale et sentit les poils de son bras s'hérisser. Elle s'avança jusqu'à sa valise et rechercha dans la poche intérieur de la valise. D'abord, elle passa rapidement sa main dans la poche espérant trouver sa boite de sa cigarette. Mais après quelques secondes de recherche ne la trouvant pas, elle se mit à la chercher plus impatiemment, allant jusqu'à se mettre à genoux, sa main tâtonnant tous les recoins de la poche avant de finalement trouver la boite. Vide.
Vide. Vide. Vide ! Elle se répéta se mot plusieurs fois, se reculant elle relâcha la boite comme si elle s'était brulée, et avait un regard éteint. Il fallait qu'elle trouve un moyen de s'en racheter. Mais comment ? Et où ? La cigarette c'était son dernier refuge. Et voilà que même la nicotine l'abandonnait. Elle aussi.
Pourtant elle avait pensé ramener assez de réserve pour trois semaines. Juste le temps qu'elle revienne à Paris pour racheter quelques boites. Si elle ne voulait pas revenir à Paris aussi vite c'était pour ne pas reparler à son père, même si cela voulait dire qu'elle devait rester ici à s'ennuyer comme un rat mort. Mais comme sa dose avait augmenté, elle avait vidé toutes ses réserves.
Et par un étrange cercle vicieux, maintenant qu'elle s'en était rendu compte, elle avait encore plus envie de fumer. Elle resta là, sans bouger pendant quelques instants, comme figée, puis elle eut un sursaut quand elle entendit quelqu'un ouvrir la porte. Elle se retourna rapidement ayant déjà un regard furieux.
La porte s'entrouvrit doucement laissant apercevoir Andrew. Il était déjà tout habillé, alors qu'elle n'était qu'en pyjama, ses cheveux n'étaient pas coiffés comme d'habitude et avait un regard complètement éteint. Il avait aussi un sac à dos comme s'il s'apprêtait à sortir quelque part. Elle le dévisagea quelques instants avant de lui lancer d'un ton sec : « Qu'est-ce que tu fous là toi ? ». Celui-ci au lieu de se vexer, ou même d'être gêné éclata de rire.
- Je suis passée te voir. Vérifier si tu avais une vie sociale.
Il la regarda de haut en bas un sourire planant sur ses lèvres. Gênée, elle croisa les bras sur sa poitrine.
- Comme tu le vois, je n'en ai pas. Alors tu peux partir maintenant.
- Oui, mais comme tu le vois aussi, je n'en ai pas non plus.
- Et alors ?
- Ennuyons nous ensemble !
- Malgré cette proposition très alléchante, je refuse. Tu veux aller où ? Visiter les champs de maïs des environs ? dit-elle ironiquement.
- C'est vrai que ça pourrait rester une possibilité, je pensais plutôt visiter les champs de blés, dit-il avec une fausse mine songeuse
- Je te rejoindrais là-bas, alors dépêche toi de partir.
Il s'assit en tailleur sur on lit et pencha sa tête sur le côté, dans une lenteur presque captivante. Il l'observa, elle, ses cheveux en bataille, son pyjama tout froissé et cet air presque indescriptible. Elle avait cet air au visage en permanence, remarqua-t-il. Etait-ce du à cette larme qu'il était sensé ne jamais avoir vu ? Il venait soudainement de réaliser que c'était leur plus longue conversation : « Echanges de propos entre plusieurs personnes ». Et pour la première fois, ce n'était pas un monologue.
- Ah oui ? Et occupée à faire quoi ?
- A ranger ma valise.
- Je vois. Et c'est pour ça que tu as un paquet de cigarette à tes pieds. Un paquet de cigarette vide, dit-il plissant les yeux. A chaque fois qu'on se voit, tu fumes. Ce qui veut dire... Que tu n'as plus de cigarettes. C'est ça ?
- Non. Ce n'est pas du tout ce que tu crois Sherlock, dit-elle d'un ton cinglant. Elle s'approcha de lui, et colla presque son nez au sien. Alors évites de fourrer ton nez partout.
Il leva les mains au ciel en signe de capitulation.
- Je ne te juge pas. Mais où comptes-tu t'en racheter ?
- Quelque part.
- Réponse fugace. Donc, tu ne sais pas où t'en acheter. Pourtant, tu n'as pas envie de repartir à Paris.
- Je répète Sherlock : ceci ne te concerne en rien, dit-elle en détachant chaque mot.
Il se leva d'un coup sec et fit mine de partir marchant aussi doucement qu'il était rentré, on n'entendait même pas le bruit de ses pas sur le parquet. Il se retourna soudainement.
- Tu n'as pas envie d'aller à Paris, mais c'est le seul endroit où tu pourras acheter tes cigarettes. Tu ne pourras pas aller en acheter dans ce bled paumé à moins de dépenser une fortune. Je ne sais pas pourquoi tu ne veux pas aller là-bas, même si tu y habites. Et je ne cherche pas à savoir, rassures-toi. Mais si tu ne veux pas rester enfermée ici pendant tout le week-end, saches que j'ai un ami à Paris qui ne posera pas de question. Je pars vers midi. J'achèterai à manger là-bas. Je t'attendrai dehors.
Cette fois-ci, il ouvrit la porte pour de bon et partit, comme comment il était venu. Il en parlait comme si elle allait surement venir. Elle s'assit sur son lit et poussa un soupir. Elle n'avait pas envie de partir à Paris. S'il elle allait là-bas, son père l'apprendrait. Et il lui en voudrait de ne pas lui avoir prévenu. Et de ne pas passer le voir. Elle jeta un œil à la boîte complètement vide au sol, attendant presque d'être remplacé. Pourtant cette envie de fumer lui reprenait. Elle brûlait d'envie de s'en allumer une, là, maintenant. Cela ne faisait qu'une petite semaine qu'elle était ici, mais pour elle c'était comme s'il elle était là depuis près de trois ans. Elle poussa un soupir et pensa à sa mère. C'était ce qu'elle faisait quand elle avait besoin de garder la tête hors de l'eau même si elle avait déjà plongée plusieurs fois.
Plus le temps passait, plus elle oubliait son visage, son visage devenait flou dans sa mémoire pourtant, elle ne pouvait oublier ses souvenirs, ses moments passées avec elle. Souvent, elle sortait la seule photo d'elle qu'elle avait. Quelques années auparavant, dans un accès de rage et de désespoir il avait jeté toutes les photos d'elle, ne supportant plus qu'il y ait des traces d'elle partout mais qu'il ne pouvait pas l'atteindre. Par chance,
Amélia avait récupéré cette photo d'elle. C'était une photo où on la voyait de profil, en train de cuisiner une main sur son ventre rebondie. On ne voyait qu'elle, la photo sans doute prise sur le fait par son père. On devinait aisément que sous ce ventre rebondie se cachait Amélia. Elle sourit en pensant à cette photo, elle pouvait dire où se trouvait chaque objet de cette photo l'ayant vu et revu, l'ayant observé pendant des heures, des heures où elle ne pensait qu'à sa mère, ou elle n'arrivait pas à s'endormir. Cette photo respirait la joie de vivre et la légèreté. C'était une autre époque. Sa mère était une femme brune, ses cheveux étaient quelque chose dont elle se rappelait avec une facilité déconcertante. Ils étaient longs, bruns et tout lisses. Elle aimait y passer ses doigts et respirer l'odeur si particulière de son shampoing qui sentait la noix de coco et le fruit de la passion. Elle aimait la courbure des lèvres de sa mère, parfaitement bien dessinée, elle aimait les yeux noisette de sa mère qui avait une note d'espièglerie et une touche affectueuse, qu'elle ne retrouvait chez personne d'autre, à part elle-même et puis cette note d'espièglerie et cette note affectueuse étaient partis. Elle aimait par-dessus tout ce nez en trompette qu'elles partageaient. Son père aimait dire qu'elles avaient le même petit nez vilain en les taquinant gentiment, puis il les regardait avec amour en affirmant que c'était le nez d'un ange.
Ce temps là paraissait bien lointain pour Amélia. Elle rouvrit doucement les yeux tant ses souvenirs étaient douloureux. Elle promena son regard dans la pièce tenta de penser à autre chose. Il fallait qu'elle pense à autre chose et rapidement, parfois les souvenirs avec sa mère l'assaillaient comme si sa mémoire les lui déverser dans un flot continu qu'elle ne pouvait supporter. Et puis certaine fois au contraire elle peinait à se rappeler de son visage, même si elle fermait les yeux très fort, même si elle essayait de se concentrer au maximum. Et puis dans les deux cas elle s'effondrait au sol et laissait ses larmes couler.
Combien de fois n'avait-t-elle pas espérer que par un miracle sa mère revienne ? Combien de fois, le matin en se réveillant elle n'avait pas espérer que tout ceci est une mauvaise blague ? Que la personne la plus importante dans sa vie n'était pas vraiment partie et qu'elle se cachait derrière l'armoire attendant son réveil ? Elle aurait donné sa vie pour sa mère ce jour-là. Mais Dieu, le Destin, le Karma ou quoi que ce soit en avait décidé autrement. Ne s'appelait-il pas tout simplement la Vie ?
Et elle l'avait haïe la Vie ce jour-là. Tellement fort. Prête à en finir avec cette Vie si cruelle. Elle n'avait pas les armes nécessaire pour ce battre. Ne les avait plus du moins. Et puis ce changement d'attitude. Ce changement d'attitude radical chez tout le monde. Chez toutes les personnes qu'elle côtoyait. Leur regard emplit de pitié, avec au fond, il fallait se l'avouer une moue jugeant. Alors comment y faire face seule ? Seule et démunie ? On ne pouvait tout simplement pas. Alors elle n'avait pas décidé de tourner dos à la Vie ce jour-là. Elle avait décidé de se tenir bien droite devant elle et de lui lever un doigt. Et la Vie le lui faisait bien payer.
C'est depuis ce temps là, qu'elle avait décidé de se forger une carapace. Personne ne pouvait y entre, toutes les personne qui y était entré était sortit de toute façon. Elle était toute seule dans cette carapace. Seule et démunie. Mais ne valait pas mieux d'être seule que mal accompagnée ? Mais il ne fallait plus qu'elle pensait à tout cela. Il fallait qu'elle arrête de ressasser le passé, cela ne lui apportait rien de bon.
Elle poussa un soupir et regarda les alentours, un coup d'œil au paquet vide, lui suffit pour prendre sa décision. Elle allait rejoindre Andrew.
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