1.
Amélia, encore fatigué, tata la poche de son manteau. Mais où étaient passées ses clés ? Elle poussa un grognement de mécontentement tout en se passant la main dans ses cheveux rouges. Il faisait nuit noire. Comment pouvait-elle les retrouver dans de telles conditions ? Après quelques instants de recherches frénétiques, elle les trouva enfin dans la poche arrière de son jean. Elle les sortit avec un air de triomphe au visage, quittant momentanément son masque glacial et impérieux. Elle inséra ses clés dans la serrure de la porte et les tourna lentement. Deux coups brefs. "Pitié faites qu'il ne soit pas réveillé", pensa t-elle, en ouvrant la porte.
Malheureusement pour elle, il était. Elle poussa un soupir et avança, prête à affronter cet homme. Se tenant droit, bras croisés sur son torse, l'air sévère. Son père.
Il alluma la lampe du salon d'un geste brusque, son visage n'exprimant que fureur et déception. Elle cligna des yeux plusieurs fois, n'étant pas habituée à une lumière si aveuglante après autant de temps passé dans le noir.
- Bonjour papa, je suis heureuse de te voir aussi.
Il ne répondit pas, préférant contourner la table, dans une lenteur extrême, comme un lion prêt à attaquer sa proie. Il se posta devant elle en se raclant la gorge.
- Tu as encore fait le mur, constata t-il.
- T'es un génie, toi, dit-elle en levant les yeux au ciel.
Son père passa une main dans ses cheveux, ne préférant pas envenimer la situation. Ses traits autrefois souriants étaient devenus fatigués avec le temps. Ses rides prononcées formaient de grandes lignes horizontales, décuplant cette impression de fatigue. Oui, c'était cela, un homme triste et épuisé. Brisé par la vie.
- Va te coucher. On reparlera de ça plus tard.
- Cette délicate attention me touche, ironisa-t-elle main sur le cœur.
Ses cheveux lui retombaient au visage, devenu collant et poisseux à cause de la folle nuit qu'elle avait passé. La teinture rouge commençait à partir lentement laissant entrevoir des cheveux châtains. Elle passa sa langue sur sa bouche, desséchée à cause de la quantité de cigarette fumée ces derniers temps.
Autrefois, sa bouche fine et son nez en trompette lui avaient valu des regards envieux. Et ses yeux ! Ses yeux, d'un vert tacheté de jaunes, en laissait plus d'un étonné. Mais ce temps-là était révolu. Ses yeux n'étaient plus aussi jolis. Ils étaient devenus ternes et sans vie, ne laissant jamais apparaître aucune émotion. Et le souvenir d'un sourire sur ses lèvres n'était qu'un souvenir parmi tant d'autres. Cette vie qu'ils n'arrivaient pas à oublier, l'un comme l'autre, et qu'ils tentaient par tous les moyens de changer. Cette tentative s'était soldée par un échec.
L'un préférant se noyer dans le travail.
Et l'autre dans l'alcool, les fêtes et les clopes. Raffolant cette sensation d'ivresse, et d'étourdissement que cela lui procurait.
Il se retourna et attrapa une bouteille d'eau qu'il lui lança à la figure. Elle la rattrapa de justesse, manquant de se faire mal.
- Dessoûle-toi.
- Eh oh ! Ça va pas la tête ?
Il ne répondit pas, et revint s'asseoir sur la table. De nombreux papiers s'étaient accumulés dessus. Il devait finir avant demain. C'était son travail. Tout ce qu'il lui restait. À part sa fille. Et encore, il n'en était plus aussi sûr. Il passa son regard sur la paperasse et se décida enfin de les ranger en prenant une liasse.
Amélia le regarda étonnée. D'habitude, il lui reprochait son insolence, et elle continuait de répondre. Mais aujourd'hui, cela ne s'était pas passé de la même manière. Elle haussa les épaules et monta dans sa chambre.
Patron d'une entreprise ? Qu'il aille au diable ! Il ne lui accordait même plus de temps pour l'engueuler ? Frustrée, elle attrapa son sac qui pendouillait tristement sur son épaule avant de le jeter. Soudain vidée de toute énergie, elle alla sur son lit et s'endormit, n'ayant même pas prit le temps de se déshabiller.
***
Monsieur Parker se réveilla de bonne heure ce matin. Il se prépara et déjeuna comme à son habitude d'une tasse de café d'une main, et du journal hebdomadaire de l'autre. Il sirotait son café tranquillement, redoutant l'importante nouvelle qu'il devait annoncer à sa fille. Mais surtout, il redoutait sa colère. Ayant finit de boire son café, il se leva et posa son journal sur la table décidant de le finir plus tard.
Il réajusta sa cravate et entra dans son bureau, trouvant encore une autre excuse pour fuir cette conversation qu'il redoutait tant. Il prit place sur son siège et appela sa secrétaire.
- Allô ?
- Oui ?
- Bonjour, c'est Jacques Parker.
- Monsieur Parker ? Bonjour !
- Je vous informe que je ne serais pas là ce matin.
- Oh... Très bien, c'est noté. Je déplace donc vos rendez-vous avec vos investisseurs ?
- Oui.
- Pourtant, ils pourraient rapporter beaucoup d'argent à l'entreprise. Et puis, je doute qu'ils acceptent de vous rencontrer une autre fois.
- Je sais, soupira t-il en passant une main sur sa tempe. Je le sais bien, mais je crois qu'il y a d'autres choses importantes que je dois faire.
- Bon... C'est comme vous voulez monsieur Parker.
- Bien.
Il posa le combiné sur son socle en soupirant. Il avait eu de la chance pour avoir ces rendez-vous. Beaucoup de chance. Mais sa fille était plus importante que son entreprise. Elle pouvait changer. Du moins il l'espérait. Pendant qu'il se dirigeait vers la chambre de sa fille, il pensait encore à ses investisseurs. Il lui faudrait beaucoup plus de chance pour avoir une conversation sans cris avec sa progéniture.
Il toqua à la porte, sachant que s'il ne le faisait pas Amélia pouvait lui en vouloir. Il attendit et, et n'ayant aucune réponse, tapa plus fort. Encore plus fort. Mais elle ne répondit pas. Poussant un soupir, il entra dans sa chambre. Cela faisait longtemps qu'il n'était pas rentré ici. Sa chambre sentait mauvais, restée trop longtemps sans être aérée. Des habits jonchaient le sol et il eut du mal à se frayer un chemin. Ses cahiers de cours étaient ouverts sur son bureau, mais il n'y avait rien écrit dessus. Et le pire, des bouteilles vides, trainaient. Des bouteilles d'alcool. Et des clopes.
Il ne se pencha même pas pour les regarder, trop habitué aux extravagances de sa fille. Elle était dans son lit, roulée en boule. Il la regarda attendrie. Elle ressemblait tant à sa mère ! Quelques instants plus tard, il la réveilla doucement en tapotant les draps. Elle poussa un grognement, signe qu'elle venait de se réveiller.
- Amélia ? Amélia ?
De son côté, elle ne répondit que par grognements ou sons indescriptible. Il attendit quelques instants. Elle émergea des couvertures.
- Enfin réveillée ?
- Bah, oui ! Tu viens de le faire !
Elle finit par se réveiller, encore dans les vapes. Elle avait un début de mal de tête, sans doute la gueule de bois qui faisait son apparition. Elle se leva cette fois-ci complètement et observa son père, suspicieuse. D'habitude, il partait travailler tôt le matin. Elle se retrouvait alors souvent seule. Elle pouvait donc sécher en toute tranquillité.
- Crache le morceau.
Elle savait qu'il allait lui annoncer quelque chose. Elle ne savait pas quoi, mais elle en était consciente que ça n'allait pas lui plaire. Reste à savoir quoi.
- J'y viens. Mais d'abord, parlons de ce que tu as fais hier.
Qu'elle était pressée ! Pensa t-il. Il déglutit avant de lui parler.
- Hier, c'était mercredi.
Elle ricana, bien sûr ! Il était idiot.
- Je t'avais privé de sortie, justement parce que tu rentrais à 3 heures du matin.
- Et alors ?
- Tu m'as désobéi Amélia, s'emporta t-il. Je ne peux plus te faire confiance.
Elle haussa les épaules, confiance ou pas confiance, elle partirait faire la fête un point c'est tout.
- Ce n'est pas ta punition qui va m'empêcher de sortir.
Il ferma les yeux un instants et se pinça l'arrête du nez. On se calme Jacques, on se calme ! Il reprit, cette fois-ci plus posé.
- J'aurais laissé couler si nous étions vendredi et que demain il n'y avait pas école. Bien sûr, j'aurais été énervé, mais j'aurais laissé couler. Mais là ! On est mercredi ! En milieu de semaine. Ça devient grave, Amélia.
- Quoi ? Il y a un jour de fête obligatoire aussi ?
- Non. La question n'est pas là. Je t'aurais laissée y aller. Mais tu dépasses les bornes. Tu bois... Tu... tu fumes ! Tu te rends compte du danger que ça représente ? De plus, ce n'est pas la première fois que tu fais le mur, ou que tu rends à ce genre de soirée.
Il se faisait du souci pour elle maintenant ? Tiens donc, elle ria sous cape. Bien sûr que oui elle était consciente du danger que fumer ou boire représentait. La première fois qu'elle avait fumé, c'était lorsqu'elle avait quinze ans. Lors de la mort de sa mère. Elle voulait se donner un côté bad girl, un côté intouchable. Au début, elle le faisait pour impressionner les autres. Ça marchait ! Et puis, peu à peu, elle y était devenue accro. Complètement.
Pour l'alcool c'était une autre affaire ! Mais tout avait commencé à la même période. Elle s'était rendue à sa première soirée. Elle avait un peu bu. Un verre qu'un garçon de dix-neuf ans lui tendait. Un garçon mignon. Un qui s'intéressait à elle ? Elle était surprise. Il ne fallait pas le laisser filer. Elle attrapa le verre elle le but d'une traite en fermant les yeux. Elle attendit quelques secondes. D'abord, rien ne se produisit, puis le liquide se déversant dans sa gorge la brûla .Elle ouvrit les yeux, les pupilles dilatées. Elle adorait ça.
Et elle passa sa nuit avec lui. Sans émotion. Seulement pour le plaisir. Ça, elle n'avait pas particulièrement aimé, mais elle le faisait. Quand elle voulait. Comme hier soir.
- Je sais. Mais je m'en fous.
- Parle correctement je te prie.
Elle haussa un sourcil.
- Je parle comme je veux. Qu'est-ce que t'as a m'annoncer ?
- Je... Depuis la... disparition de ta mère, nos vies vont de mal en pis. Tu bois, tu fumes. Et je travaille tout le temps. Cela doit cesser.
Elle ne parla pas, mais continuais de l'écouter feignant de regarder ses ongles, attendant impatiemment la suite.
- Tu pars en internat. Lundi prochain. Et aucune objection.
Elle était tellement sous le choc qu'elle avait perdu sa répartie légendaire. Elle le regarda partir bouche bée. Partir dans un internat ? Non ! C'était hors de question.
________________________________________________________________________________
Bonjour à tous ! Me revoilà enfin avec une nouvelle histoire (Pour les anciens pas si nouvelles que ça :) ). J'espère que ce premier chapitre vous a plu et vous a donné envie de lire la suite. N'hésitez surtout pas à mettre un commentaire, et laissez un vote, ça me ferait très plaisir :)
Je posterai régulièrement ( en tout cas pendant 15 semaines), un chapitre par semaine :).
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top