I. Au Manoir Justice

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ARIA SORTIT DE LA MAISON FAMILIALE.

- Mère, je vais chez Tante Isolda !

Sans écouter sa réponse, elle transplana et atterrit devant le portail de fer forgé du Manoir Justice, qu'elle traversa sans encombre. Le Manoir, situé dans les montagnes reculées des highlands, était immense, austère, glacial. Il surplombait un lac qui semblait infini à l'eau toujours sombre, même les jours de grand soleil. Les Justice étaient une très ancienne famille de sorciers qui vivait depuis des générations en Écosse. Préférant la nature à la ville, ils possédaient de nombreuses terres et propriétés dans ce pays; mais le Manoir Justice était la maison mère de la famille. Le père d'Aria, Percival Justice, était le benjamin ; c'était donc son oncle Athelstan Sr. qui avait hérité du Manoir, où lui et sa famille vivaient depuis toujours. Les grands-parents paternels d'Aria avaient décidé de vivre leurs vieux jours près de la mer, dans une villa sur les Îles Orcade. Aria ne les voyait que peu, mais s'en accommodait très bien ainsi : elle n'était pas toujours d'accord avec les idées politiques de ses grands-parents paternels. Et ces temps-ci, la donne semblait changer en la faveur de leurs croyances; et ils étaient plus insupportables que jamais.

Aria leva la tête vers la bâtisse aux allures moyenâgeuses, aux murs de pierre grise rehaussés de tuiles en ardoise, aux ailes coiffées de tours çà et là qui fendaient l'épais brouillard s'étant installé dans la région depuis quelques jours. La jeune fille vit qu'elle avait visé juste : l'architecture de la maison de ses cousins comportait presque toutes les caractéristiques du scottish baronial style détaillées et imagées dans son exemplaire de L'architecture sorcière en Grande-Bretagne, Tome 1 : Histoire exhaustive des habitations magiques en Angleterre et Ecosse de Habbat Lemuret, mais elle n'avait, pourtant, pas entièrement raison.

Or, Aria Justice était têtue et ne supportait que très peu de ne pas avoir parfaitement et indubitablement raison. Elle sortit hâtivement le lourd ouvrage de sa besace, feuilletant les pages à toute allure, pressée de voir un de ses auteurs préférés confirmer son hypothèse. Elle fut cependant obligée, au bout de quelques minutes, d'admettre qu'elle s'était trompée sur quelques détails : certains endroits du Manoir ne correspondaient pas à ce style architectural et Aria en conclut que le Manoir s'était également inspiré de l'architecture classique. Soupirant avec humeur, elle se promit d'aller au plus vite chez Fleury & Bott s'acheter la toute dernière version révisée de cet ouvrage où se trouveraient peut-être les réponses à ses questions, auquel cas elle devrait envoyer un hibou à M. Lemuret, avec qui elle avait déjà échangé à maintes reprises avec grand plaisir.

Décidant qu'elle n'était pas venue jusqu'ici pour rien, la jeune fille traversa rapidement le jardin jusqu'aux escaliers de l'entrée et signala sa présence par le heurtoir de bronze qui ornait la lourde porte d'ébène. Tinky, l'elfe de maison en chef du Manoir, vint lui ouvrir. Il servait les Justice depuis plusieurs longues décennies et il semblait d'une ride de plus apparaissant sur son visage éreinté à chacune de ses visites. Elle le remercia d'un bref signe de tête et traversa le hall d'un pas assuré. Il était orné de tapisseries bleu-roi, la couleur des Justice, et un imposant escalier de marbre blanc aux détails d'or faisait face à la porte d'entrée. La seule source de lumière venait du lustre qui pendait du plafond, objet colossal de cristal très ouvragé qui avait fait la fierté de ses grands-parents, anciens maîtres du Manoir, et qu'ils prétendaient avoir reçu comme cadeau d'un important mage indien.

La jeune sorcière n'emprunta pas l'escalier mais se dirigea à sa droite vers un petit couloir. Il était lui aussi sombre, et quelques chandelles s'allumèrent sur son passage, dévoilant un tapis bleu nuit qui feutrait ses pas. Elle arriva enfin devant une petite porte qu'elle ouvrit après avoir pris soin de toquer. A sa droite, une elfe de maison époussetait les étagères ornées d'anciens manuscrits tandis que sa tante était assise dans un coin de la bibliothèque, et brodait sur ce qui semblait être une robe de velours bleu.

Isolda Justice avait coiffé ses longs cheveux noirs en une combinaison de tresses sophistiquées et portait une longue robe vert d'eau qui soulignait sa silhouette fine et accentuait le vert délavé de ses iris. Aria resta quelques instants à la regarder s'affairer, le cœur serré à l'idée qu'elle ne la voyait jamais aussi humaine que lorsqu'elle se croyait seule. Elle était le genre de femme au sérieux austère, qui respectait les convenances et pour qui sauver les apparences était une priorité, coûte que coûte. Même si cela était au détriment de son bonheur. Elle était très intelligente et aurait pu faire de grandes choses si elle avait continué ses études, selon la mère d'Aria, mais sa condition d'héritière sang-pur ne lui avait laissé que peu de choix quant à ce qu'elle devait faire de sa vie au sortir de Poudlard. Aria toussota, et Isolda leva la tête, les coins de sa bouche éternellement pincée se relevant imperceptiblement à la vue de sa nièce.

- Aria, ma chère.

La jeune sorcière lui fit une brève révérence.

- Bonjour, ma tante.
- Quel vent t'amène mon enfant ?
- Je souhaitais voir mes cousins, ma tante.

Isolda Justice haussa les sourcils.

- Il n'y a personne au Manoir en ce moment, Aria. Comme tu le sais sûrement Athelstan et Sargan sont partis chasser avec leur père, Katharina est chez les parents de son fiancé, les Spary. Eden est quant à elle chez son amie Hailey Nott.
- Et... William ?

Le regard de sa tante se durcit.

- Ah. Sûrement dans sa chambre.
- Eh bien je vais lui dire bonjour, pour ne pas être venue pour rien. Je vous remercie, ma tante, passez une bonne fin de journée.

Sa tante lui répondit à peine, sans doute déçue que sa nièce ait demandé après William.

En réalité, Aria aurait été bien embêtée de devoir passer du temps avec n'importe lequel de ses autres cousins : s'il y avait une seule personne qu'elle aimait dans ce manoir, c'était bien William. Les autres ne l'intéressaient pas. Athelstan était très probablement parti s'amuser à terroriser des Moldus avec ses copains Mangemorts. Ce n'était pas la chasse à laquelle Isolda faisait référence; mais c'en était tout de même une, finalement... Aria frissonna. Sargan, quant à lui, était certainement bien parti à la chasse, et Aria eut un nouveau frisson de dégoût en imaginant ce gros benêt rire grassement devant les cadavres du gibier qu'il aurait tué, entouré d'hommes tout aussi idiots, riant tout aussi grassement et rehaussant encore un peu le niveau par quelques blagues graveleuses et de très mauvais goût. Quant à ses cousines... Katharina était si exaspérante avec son fiancé qu'elle était bien contente de ne pas avoir affaire à elle, et Eden l'ennuyait, tant mieux pour son absence. Non, la seule personne intéressante était bel et bien William dans cette famille.

Aria fit son chemin en sens inverse et monta l'escalier quatre à quatre jusqu'au dernier étage. Elle traversa les couloirs et, arrivée dans l'aile ouest, ralentit le rythme. Elle ne savait plus quelle porte était la bonne. Instinctivement, elle se dirigea vers celle du fond. Elle toqua doucement sur le panneau d'ébène et attendit. Au bout d'un moment, elle toqua à nouveau puis se décida à ouvrir la porte, n'ayant reçu aucune réponse.

En entrant dans la pièce, elle plissa les yeux, éblouie : tout était rouge et or, du sol au plafond. Les tapisseries sur les murs étaient rouges, les tapis vermeils, le lit cramoisi, les coussins d'un doré éclatant. La fenêtre faisant face à la porte était grande ouverte et une légère brise agitait les rideaux de soie rouge et or. Aria referma la porte et alla se pencher à la fenêtre, où elle tenta tant bien que mal d'apercevoir quelque chose à travers la brume opaque. Il lui semblait évident que William était en balade à balai, et décida de l'attendre. L'air était étonnamment chaud malgré le temps maussade et Aria soupira en pensant à ces quelques jours qui restaient avant le début de sa septième année à Poudlard.

Elle laissa son esprit vagabonder vers les couloirs frais des cachots, les repas réconfortants de la Grande Salle et la pénombre agréable de sa salle commune. Poudlard lui manqua encore plus lorsqu'elle pensa au fait que Pré-au-lard n'était qu'à quelques kilomètres de là. Elle eut presque envie d'y transplaner immédiatement afin d'attendre la rentrée des classes directement là-bas, mais se ravisa et alla observer les banderoles et photos qui recouvraient le mur contre lequel était adossé le lit.

William revendiquait clairement son appartenance à Gryffondor. Plusieurs bannières de Quidditch étaient accrochées en haut du mur. Sur l'une d'entre elles, on pouvait lire : « STEVENS – McLLOYD – JUSTICE – POTTER – BONWICK – THOMAS – BARNES ». Aria renifla dédaigneusement. Elle n'avait rien contre le quidditch ou les Gryffondors de manière générale, mais James Potter était vraiment un être ridicule et agaçant au possible. Toujours à se mêler de ce qui ne le regardait pas, tout comme ses abrutis d'amis. Les Maraudeurs, quelle blague. Ils se pavanaient dans le château comme des petits rois à longueur de temps. Exaspérants.

Aria jeta un coup d'œil aux photos. Elle savait que William s'entendait bien avec eux, mais n'aurait pas imaginé qu'ils étaient si proches. Il y avait même, évidemment, Black. Le fameux Sirius Black, toujours en train de comploter contre la maison des vert et argent, et fier comme un paon d'être à Gryffondor. William aussi était dans cette maison, alors que sa famille entière était d'anciens Serpentards, mais n'essayait pas de faire des blagues douteuses et humiliantes aux camarades d'Aria à longueur de temps. Cette dernière avait eu du fil à retordre l'année passé avec les quatre Gryffondors; car elle était préfète et avait le devoir de faire régner l'ordre dans le château. Seul souci : les Maraudeurs s'ingéniaient sans cesse à mettre en place l'exact opposé. Plus les années passaient, plus leur comportement se dégradait, et les Serpentards étant des cibles de choix pour leurs farces, Aria avait très souvent dû se confronter à eux pour défendre ses camarades de maison. La sixième année avait surpassé de loin toutes les autres; probablement car c'était la dernière année "tranquille" avant les ASPICs.
La jeune fille aperçut Sirius Black sur une autre photo, et son agacement s'intensifia : elle n'avait pas hâte de le revoir lui tout particulièrement. Merlin seul savait pourquoi, mais lui et Aria étaient incapables de se trouver dans un même lieu sans que les choses ne dégénèrent. Tout en sa personne l'exaspérait profondément, et la réciproque était vraie. Ses amis, malgré leur bêtise, passaient encore s'ils restaient discrets. Mais lui...

Aria réfréna un soupir d'irritation et porta son regard ailleurs, peu désireuse de laisser Black lui accaparer l'esprit alors même que l'année scolaire n'était pas entamée.

Sur le mur figuraient aussi des posters de groupes de musique moldus – Aria s'en rendit compte car les sujets des photos ne bougeaient pas- et sorciers. Des écharpes de clubs de Quidditch pendaient çà et là, et des articles de La Gazette du Sorcier et d'autres journaux dont Aria avait vaguement entendu parler avaient été découpés et accrochés là où il restait de la place. Ils traitaient principalement d'archéologie, de mythes antiques et de trésors disparus. Un bruit de cape la fit se retourner. William venait de rentrer de sa balade et se tenait dans l'embrasure de la fenêtre.

Aria sourit.

- Comment s'est passé ton vol ?

William sursauta, puis reconnaissant son interlocutrice, lui adressa un sourire éclatant.

- Oh, à merveille ! Je suis passée pas loin de l'école... Qu'est-ce que ça me manque d'être là-bas ! Encore une semaine et on rentre, j'ai trop hâte !

Aria sourit à sa cousine, aux courts cheveux bruns et bouclés ébouriffés par son vol, au pantalon et bottes couverts de boue, et au morceau d'incisive manquant dans son sourire lumineux. Le soleil avait fait ressortir ses taches de rousseur estivales et encadraient avec une parfaite imperfection ses yeux bleus en amande pétillants.

La jeune fille enleva sa cape et la jeta sans ménagement à terre, puis alla s'affaler sur son lit sans même prendre la peine d'ôter ses bottes pleines de boue. Elle se tortilla ensuite pour récupérer dans sa poche de pantalon sa baguette et ce qui semblait être un petit mouchoir en tissu replié de multiples fois sur lui-même. D'un coup de baguette, William en augmenta la taille et ce qui se trouvait dans ses mains fut bientôt une sorte de petite nappe dans laquelle se trouvaient plusieurs centaines de grammes de fruits des bois. Elle fit signe à Aria de la rejoindre par un clin d'œil suggestif, et sa cousine s'exécuta avec plaisir, oubliant toutes convenances et s'affalant de la même manière sur le lit tout en piochant quelques mûres.

Oui, William était définitivement la personne la plus intéressante de cette famille.



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Eh oui, William est une fille :) Il y a une raison pour laquelle elle s'appelle comme ça, mais vous la découvrirez au fur et à mesure de votre lecture héhé. Si vous avez aimé, n'hésitez pas à lâcher un petit vote ⭐️


q : quel est votre Harry Potter préféré ?

r : j'ai toujours adoré Le Prisonnier d'Azkaban, livre & film. (En même temps, c'est dans celui-là qu'on découvre Sirius... haha 😇)

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