(I) 36. premières neiges
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IL ALLAIT SANS DIRE qu'Aria était loin d'être fière de son comportement. Elle qui mettait habituellement un point d'honneur à être la plus irréprochable possible à tous les niveaux, voilà qu'elle se mettait à sécher les cours. Pour quoi, en plus ? Des amourettes adolescentes ! C'en était tellement ridicule qu'elle ne pouvait empêcher le rouge d'envahir ses joues dès qu'elle y pensait. Le pire dans toute cette histoire était qu'elle avait laissé des gens lui faire peur, jusqu'à la faire douter d'elle-même. En se rendant vers le bureau de son directeur de maison qui l'avait convoquée après le petit-déjeuner le lendemain matin, elle n'éprouvait qu'une haine féroce envers Pearl et Dolores, ainsi qu'une profonde honte. Elle avait laissé ces deux harpies de comptoir entrer dans son esprit troublé par des situations encore inconnues pour elle, et jouer avec ses insécurités et son manque d'assurance. Et il était si rare qu'Aria ne soit pas sûre d'elle sur quelque chose, qu'elles avaient évidemment sauté sur l'occasion. Alors qu'elle frappait à la porte de Slughorn, elle fulminait tant qu'on aurait pu voir de la fumée sortir de ses oreilles.
Elle était d'une humeur massacrante en entrant dans la pièce, et la mine compatissante de son professeur de Potions la déstabilisa quelque peu. Il lui fit un geste vers le petit salon près de sa cheminée, et elle s'assit avec dignité sur un des deux fauteuils. Entre ceux-ci, une petite table lui présentait une tasse de thé chaude, qu'elle attrapa avec empressement. C'était qu'il faisait froid, dans les cachots. La Serpentard était déjà venue à plusieurs reprises dans le bureau de son professeur, et ne fut pas étonnée de constater que les étagères de ce dernier se remplissaient toujours plus de petits objets, de petits trésors, que ses anciens élèves pouvaient lui envoyer et qu'il consignait précieusement. Elle remarqua un nombre conséquent de boîtes d'ananas confits, et se promit de garder ce détail en tête. Slughorn vint s'installer sur le fauteuil d'à côté, et poussa un petit soupir en lui souriant avec amabilité.
- Ma chère Aria.
La jeune femme n'osa pas croiser le regard de son directeur, s'attendant à des remontrances spectaculaires. Elle avait été loin d'être une élève modèle depuis le début de l'année : il y avait d'abord eu l'interdiction d'accès à la bibliothèque; puis le mois de retenues; et voilà qu'elle séchait les cours et découchait. Que diraient ses parents ? Elle espérait sincèrement que son directeur de maison ne leur avait pas écrit. Mais au-delà de cela, elle redoutait d'éventuellement décevoir son professeur qui la tenait habituellement en haute estime.
- Comment allez-vous ? continua-t-il alors, la déroutant complètement.
- Pardon ? s'étouffa-t-elle à moitié dans sa tasse de thé.
- Eh bien, comment vous portez-vous, ma chère ?
Il la regardait avec bienveillance. Aria rougit. En se levant ce matin-là, elle s'était attendue à tout sauf à se retrouver à boire du thé avec Slughorn en lui contant ses peines de coeur.
- Mbrph, marmonna-t-elle, ça va, je suppose...
- J'ai bien évidemment eu vent de votre petite disparition d'hier.
Aria sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine et but une nouvelle gorgée de thé en fixant résolument la cheminée. On arrivait aux réprimandes tant redoutées. Mais, s'il fallait être complètement honnête, elle les méritait certainement.
- Sachez, ma chère, qu'il n'en sera pas tenu rigueur dans votre dossier scolaire.
La jeune femme manqua de s'étouffer à nouveau tandis qu'elle tournait un regard éberlué vers Slughorn.
- Enfin, ne faites pas cette tête-là ! N'importe qui ayant sur les épaules la pression que vous vous mettez aurait craqué bien avant vous !
- Euh... Ah oui ?
- Évidemment ! Enfin, il faut bien avouer que ces derniers jours ont été assez éprouvants pour vous.
- Ah, oui...
- Cette attaque contre ces jeunes élèves ne restera pas impunie, sachez-le.
Il avait certainement dû remarquer l'amertume dans la voix d'Aria, et la regardait d'un air entendu, ce qui la surprit. Il était certes un bon professeur, mais elle le voyait un peu lâche. Comme tout bon Serpentard qui se respecte, il était plutôt du genre à servir ses intérêts avant ceux des autres. Il ne fallait pas se leurrer, Aria était dans ses petits papiers depuis le début de sa scolarité car elle s'appelait Justice. Comme ses cousins avant elle, comme Will également. Mais le cas de cette dernière était différent : étant à deux doigts du reniement familial, Slughorn avait finalement cessé de l'inviter à ses petites soirées au cours de l'année précédente. Ce qui n'était pas pour déplaire à la jeune fille, qui haïssait ce genre de soirées mondaines.
Ainsi, Aria n'avait jamais pensé une seule seconde à venir parler à son directeur de maison des problèmes que pouvaient causer la bande de Rosier. Elle s'était toujours dit qu'il ne prendrait aucune mesure concernant leurs agissements, et qu'il aurait plutôt fallu aller chercher de l'aide plus haut dans la hiérarchie : elle le voyait mal se mettre certaines des plus grandes familles de sang-pur à dos en punissant leur descendance.
Comme s'il avait lu dans son esprit, il ajouta d'un air coupable :
- Vous savez bien comment je suis... À garder ma petite cour à mes côtés...
Il termina sa phrase en regardant vers la cheminée d'un oeil maussade.
- Cependant, il faut savoir rester ferme malgré tout. C'est une école, pas un cirque ! Et... Je voudrais bien que notre directeur puisse rester en poste, après tout, c'est grâce à lui que je gagne ma vie.
Ses derniers mots avaient été ponctués d'un clin d'oeil amusé vers Aria, qui lui sourit faiblement en retour. Mais elle voyait bien que Slughorn était tout sauf amusé. Il semblait épuisé.
Durant l'heure qu'elle passa avec son professeur, Aria apprit qu'il avait de lui-même lancé une rumeur affirmant qu'elle avait été alitée à l'infirmerie toute la journée de la veille - Mme Pomfresh était dans le coup; et qu'aucune sanction ne serait prise à son égard tant qu'elle promettait de rattraper son retard en cours et de ne pas recommencer. Il était évident que la jeune femme ne pensait qu'à son travail scolaire et avait tant hoché la tête en remerciant Slughorn qu'elle avait un léger tournis en sortant du bureau. Elle se hâta ensuite vers les serres de Botanique pour son premier cours de la journée, mitigée entre le soulagement qu'elle éprouvait grâce à la bienveillance de son professeur ; et la culpabilité de pouvoir privilégier d'un tel traitement de faveur. Mais ce dernier sentiment s'évapora vite alors qu'elle bravait le vent froid balayant les terrains du château : après tout, elle travaillait d'arrache-pied depuis plus de six ans et était une élève exemplaire, héritière d'une famille très respectée. Elle avait certes de l'ambition, mais tout cela avait aussi été réfléchi afin de se sécuriser une place dans les faveurs des professeurs au cas où les choses tournaient mal. Elle était finalement satisfaite de voir que ce dur labeur portait ses fruits. Du moment que cela ne se reproduisait pas... Et qu'elle ne laissait plus jamais personne la déstabiliser d'une quelconque manière.
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Le week-end arriva rapidement, et avec lui les promesses d'une fin d'année enneigée. Il faisait de plus en plus froid, et par certains moments l'on entendait des cris réjouis résonner partout dans le château lorsque l'on se rendait compte que quelques flocons pointaient le bout de leur nez. C'était pour beaucoup le dernier week-end au château avant les vacances de Noël, et Merlin savait à quel point tous avaient besoin de l'émerveillement des premières neiges de la saison pour se remettre de la douloureuse attaque du samedi précédent. Et le dimanche apporta son lot de réjouissances alors que le château se réveillait sous une épaisse couverture de neige immaculée.
Aria avait passé tout le reste de sa semaine à jongler entre ses cours, son dortoir et la bibliothèque, où il semblait qu'elle avait désormais élu domicile. Sitôt que les cours de la journée se terminaient, elle se ruait hors de la salle et passait de longues heures dans son lieu favori du château, jusqu'au couvre-feu. Le matin, elle ne passait dans la Grande Salle que quelques minutes afin d'avaler quelque chose et retournait en toute urgence vers la bibliothèque jusqu'au début des cours; il en allait de même le midi. Elle passait ainsi très peu de temps avec ses amis, bien qu'elle avait eu quelques conversations mouvementées avec sa cousine concernant ses agissements des jours précédents. Concernant Benji, elle l'avait prié dans son petit mot d'attendre le rendez-vous qu'elle lui avait fixé avant leur réunion hebdomadaire avec les autres pour qu'ils aient une vraie discussion. La jeune femme souhaitait ordonner ses affaires une bonne fois pour toutes, mais devait le faire dans l'ordre, et la priorité avait toujours été et serait toujours ses études. Le Serdaigle lui avait renvoyé une lettre dans l'heure même, lui assurant qu'il lui laisserait le temps dont elle avait besoin et qu'il était simplement rassuré de la savoir saine et sauve. Aria avait ainsi pu attaquer la fin de semaine avec sa détermination et son sérieux habituels.
Quant à Pearl et Dolores, elles n'avaient droit qu'à du dédain et des attitudes glaciales de la part de la jeune femme lorsqu'elles avaient le malheur de croiser son chemin. Ses deux camarades de dortoir ne s'en formalisaient pas, pensant qu'elles avaient toujours la main sur la situation d'Aria, mais cette dernière se délectait de les voir si victorieuses alors qu'elle leur préparait en réalité un retour de bâton fracassant. Il n'était plus question de se faire marcher sur les pieds. Et sa vengeance serait délicieuse.
Ce dimanche-là marquait la dernière réunion du club de sortilèges informulés avant les vacances de Noël, et Aria était particulièrement fière des progrès de chacun. Évidemment, Lily Evans avait réussi à maîtriser les sortilèges informulés simples avant tout le monde et s'attaquait ainsi à des choses plus compliquées; mais James avait rapidement suivi sa bien-aimée et, depuis quelques semaines, s'amusait follement à faire tourner les quelques Serpentard qu'il croisait en bourrique, en leur lançant quelques petits sorts informulés au détour des couloirs. Rien de bien méchant, et même si cela restait quelque peu immature surtout au vu de son statut de Préfet-en-Chef, rien de ce qu'Aria ou même Lily avaient pu lui dire n'avait réussi à le convaincre que cela n'était pas une idée merveilleuse. Il allait sans dire que Remus avait rapidement rattrapé son retard, ainsi que les trois Serdaigle. Ne restait que Will, qui ne parvenait encore qu'à conjurer de petits sorts de première année. Cependant, Aria avait bon espoir que cette dernière séance avant les vacances serait la bonne, et que sa cousine parviendrait à épater tout le monde de manière grandiloquente et flamboyante, comme à son habitude. Comme les Gryffondor aimaient le faire, somme toute. Aria était persuadée que la présence de Luca était ce qui intimidait sa cousine. Mais au vu de leur rapprochement significatif de ces derniers jours, elle était certaine que Will serait de plus en plus à l'aise en sa présence.
Les premières neiges de l'année avaient donné une idée à Aria, afin de remuer un peu les habitudes et de passer une après-midi dont tous se rappelleraient : ils se réuniraient dans le parc même, et s'exerceraient comme bon leur semblerait. Elle était pratiquement sûre que leur après-midi finirait en bataille de boules de neige, et était ainsi chaudement vêtue, de la tête aux pieds, alors qu'elle attendait Benji assise sur un banc de pierre.
Alors qu'elle regardait quelques élèves descendre les allées vallonnées du parc du château sur des luges enchantées; elle ne pouvait s'empêcher d'appréhender ce rendez-vous. Il y avait certes beaucoup de choses à mettre au clair, des explications à donner; et il lui avait fallu prendre une décision concernant leur potentiel couple, décision dont elle devait lui faire part et qui lui faisait redouter sa réaction. Il s'assit en silence à ses côtés, sans aucun bruit; et la Serpentard mit quelques secondes à se rendre compte de sa présence. Alors qu'elle sursautait en rougissant, il éclata de rire.
- Tu n'oserais tout de même pas te moquer de moi, Benji Fenwick ? fit-elle mine de s'offusquer.
- Jamais, rit-il en portant une main outrée vers son torse.
Ils restèrent quelques instants à simplement se regarder, le sourire aux lèvres, tout heureux de passer un moment en tête à tête.
- T'as pu travailler comme tu voulais ?
- Oui, affirma Aria avec sérieux. Désolée d'avoir été distante, il fallait vraiment que je me remette les idées en place.
Il détourna son regard et fixa un point vague au loin en tapant nerveusement du pied. Il était stressé, et Aria comprenait qu'il puisse redouter ce qu'elle allait lui dire : elle n'avait pas été particulièrement claire quant à ses intentions envers lui, et sa fuite après le duel avait dû décontenancer le jeune homme plus qu'autre chose. Mais, il fallait bien se lancer. Elle prit une grande inspiration.
- Je pense que je te dois toutes sortes d'excuses, commença-t-elle doucement. Et, bien que cela ne rattrape pas les tourments que j'ai pu te causer, il faut que je t'explique certaines choses. Tu le sais, je suis une Sang-Pur, et je viens d'une famille assez importante et puissante de Grande-Bretagne. Ce que je fais et ce que je montre en public pourraient pratiquement devenir des actes politiques si nous n'étions pas dans cette école. Mais, même, malgré le fait que nous soyons toujours étudiants, ce qu'il se passe ici est vu, analysé, décortiqué, répété, rapporté, non seulement au sein de Poudlard mais aussi au-delà de ses murs. Tu as bien vu, par exemple, que lorsque Black et moi nous disputons, tu peux être sûr que les Brèves en feront leur une lendemain, et les élèves de Poudlard sont loin d'être les seuls au courant de ce que publie ce journal.
Elle vit du coin de l'oeil Benji s'agiter à la mention de Black. Elle ajouta précipitamment :
- Mais ce n'est pas que dans ces cas-là ! J'ai su que notre... Ehm... Duel, avait été en première page aussi le lendemain.
Elle rougit à cette pensée, et n'osa jeter un regard au Serdaigle.
- Bref, tout ça pour dire que je suis, sans le vouloir, et crois-moi je pourrais souvent m'en passer; observée et jugée en permanence. Alors, jusqu'à cette année, cela ne me dérangeait pas vraiment, parce que j'ai toujours été sûre de moi, de mes buts, de mes actions; et que de ce fait je n'ai jamais rien eu à craindre car je n'ai jamais perdu le contrôle de la situation. Mais... Depuis deux mois, ce n'est pas le cas.
Maintenant qu'elle était lancée, Aria ne semblait plus réussir à s'arrêter.
- Depuis le mois d'octobre, je dirais, je n'ai plus le contrôle sur certaines choses. Parce que, pour la première fois depuis des années, je laisse d'autres personnes entrer dans ma vie, bouleverser mes habitudes et briser certaines barrières que je m'étais construite. Cela a commencé par James, qui s'est mis à me harceler à moitié pour glaner des informations sur Evans; puis de fil en aiguille je me suis mise à parler avec Marlene, il y a eu le début des cours de soutien. Et surtout, je passe beaucoup plus de temps avec Will qu'avant, ce qui fait que je me suis peu à peu ouverte à d'autres personnes. Elle est si sociable qu'il est difficile de rester imperméable à sa manière d'être, et cela déteint peu à peu sur moi. Alors, certes, je me laisse toujours difficilement approcher, mais j'ai un peu trop baissé ma garde par rapport à tout cela, et surtout... Par rapport à toi.
Elle se tourna vers lui et chercha à attraper son regard, qui restait résolument fixé vers le parc.
- Crois-moi, c'est loin d'être une mauvaise chose. Mais, tout est nouveau pour moi, et je me suis trop laissée aller lorsque nous passions du temps ensemble à la vue de tout le monde. Et, avec l'attaque à Pré-au-Lard en plus, je n'ai plus rien contrôlé du tout. C'est donc à ce moment-là que certaines personnes, qui d'ailleurs le regretteront bien vite, ont cru pouvoir avoir l'ascendant sur moi, et j'ai été assez stupide pour les écouter.
Benji se tourna enfin vers elle, les sourcils froncés, ses yeux chocolats interrogatifs.
- Pourquoi tu me l'as pas dit..., commença-t-il.
- Laisse-moi finir, le coupa-t-elle.
- Mais, je t'ai vraiment pas facilité les choses... murmura-t-il plus pour lui-même que pour elle en rougissant subitement.
Aria se douta qu'il pensait au baiser qu'ils avaient échangé à la fin de leur duel, et rougit également. Elle se racla la gorge et reprit.
- Alors, je te prie d'accepter mes excuses pour m'être comportée si étrangement et t'avoir plus ou moins fui ces derniers jours. Je n'aurais pas dû, et il aurait été plus sage de te parler de toute cette situation avant. Si j'avais pris le temps de te parler de ce que... Toi et moi implique, les choses se seraient peut-être passées autrement...
- Aria, je...
- Je n'ai pas fini encore, lui dit-elle en levant une main.
Il fronça les sourcils et se contenta de la regarder, attendant la suite.
- Et... Je ne suis pas sûre que ce que je vais te dire va te plaire.
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Que pensez-vous qu'elle doive lui annoncer ? J'en vois déjà certaines sauter de joie dans les commentaires mdr 👀
Il reste deux ou trois chapitres avant la fin de cette première partie ! Et je voulais d'ailleurs vous demander votre avis sur quelque chose : je relis parfois cette histoire afin d'être sûre que je ne me perds pas niveau cohérence, et je me suis rendue compte de pas mal de petites coquilles que j'aimerais bien corriger. Également, j'aimerais regrouper certains chapitres afin d'en réduire le nombre, mais qu'ils soient globalement plus longs. Je pensais peut-être faire ça lorsque j'aurai terminé la première partie, mais j'ai peur que cela ne soit peut-être déstabilisant (surtout si je modifie quelques détails, même si ce n'est pas grand-chose, je ne voudrais pas que vous passiez à côté de quoi que ce soit). Devrais-je le faire lorsque Ambition sera finie ?
Je vous embrasse et bon courage pour la reprise 💪🏼♡
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