(I) 26. embuscade

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L'AMBIANCE DU PETIT-DÉJEUNER ce lundi-là était effervescente. Et pour cause, l'édition du jour de la Gazette du Sorcier relatait dans les moindres détails l'attaque des deux jeunes élèves à Pré-au-Lard, ainsi que leurs blessures. Invectif, l'article qui faisait la une et s'étalait sur trois longues pages, ne tarissait pas d'attaques envers le directeur et le corps professoral. Comment une telle chose avait-elle pu se dérouler dans un établissement qu'on présentait comme le plus sûr de tous ? Vous-Savez-Qui avait-t-il des adeptes au sein des élèves ? Que faisait Dumbledore ? Était-il sûr de laisser ses enfants dans cette école ?

Les chouettes et hiboux affluaient à travers les fenêtres de la Grande Salle, apportant tous des lettres de parents affolés par ce qu'ils avaient lu dans le journal. Aria n'avait jamais vu une telle chose.

- Regarde Dumbledore, lui chuchota Evelyn Tewn, il est furieux.

Aria risqua un regard vers la table des professeurs, et fut surprise de voir la colère habiter leur directeur, lui qui semblait toujours si pacifique... Curieuse, elle tentait de lire sur ses lèvres la conversation qu'il avait avec le professeur Slughorn, mais fut tirée de son observation par des bribes de paroles lui venant de ses camarades.

- ... N'en a plus pour longtemps ici...
- Le Seigneur des Ténèbres est trop puissant pour lui...
- Bien fait pour cette vieille face de citrouille.

La dernière phrase sortait de la bouche de sa camarade de dortoir Pearl Shafiq. Dolores Graves éclata de rire à l'entente de cette insulte, mais le visage d'Aria resta impassible. Sans même prendre le temps de finir son repas qu'elle avait à peine entamé, elle empoigna son sac et se leva brusquement. Elle ne pouvait plus supporter ses camarades vert et argent. Son aversion grandissante pour eux était presque physique, désormais. Elle sentit les regards des plus âgés la suivre jusqu'à sa sortie de la salle, et se concentra pour ne pas entendre leurs commentaires. Elle pouvait oublier les révisions dans sa salle commune... Elle n'y serait certainement plus la bienvenue, surtout après les évènements du week-end.


Son premier cours de la matinée était, comme depuis le début de l'année, un cours de Potions avec des élèves de toutes les maisons. Fort heureusement, c'était un cours renforcé et Rogue et elle étaient les seuls Serpentards qui y assistaient. Ce dernier ne lui faisant pas peur, Aria pouvait respirer encore pendant quelques temps. Mais elle sentait une boule d'appréhension se former lentement dans son ventre. Il lui faudrait, tôt ou tard, affronter le groupe de Lestrange, Rosier et compagnie qui lui demanderaient des comptes et elle ne savait pas quelle carte jouer. Son instinct lui disait la survie, et ainsi trouver une excuse qui pouvait expliquer son comportement ; son cœur lui disait la justice, et donc se prononcer ouvertement contre leurs actions et par extension contre les valeurs qu'ils prônaient. Contre les valeurs du Mage Noir. Contre les valeurs de ses grands-parents, de son oncle, sa tante, ses cousins... Contre sa famille.

C'était une discussion qu'elle et ses nouveaux amis avaient eu, tous ensemble, lors du groupe de soutien de la veille. Au lieu de s'entraîner, ils s'étaient tous assis à terre sur une ribambelle de coussins créés par Aria, et avaient parlé longuement des évènements de Pré-au-Lard, et de ce que cela signifiait pour tous. Les amourettes naissantes entre plusieurs des membres du groupe avaient été tues, là n'était pas le sujet de cette réunion. Au bout d'un certain temps, lorsque les sujets restants à écumer n'étaient plus que ceux qu'on n'osait pas aborder ; Lily Evans était sortie du silence dans lequel elle était enfermée depuis le début de leur petit rassemblement et s'était directement tournée vers Aria.

- Comment tu vas faire, dans ta salle commune ?

La Serpentard avait été incapable de répondre, et se posait encore et toujours cette même question le lendemain matin. La veille au soir, elle avait tardé à la bibliothèque et avait ainsi pu rentrer dans sa salle commune à la dernière seconde du début du couvre-feu, évitant ainsi de nombreux élèves de sa maison qui étaient déjà partis dans leurs dortoirs. Elle avait été si discrète que personne ne l'avait remarquée, et une fois arrivée dans sa chambre elle avait dû prétexter une très grande fatigue pour éviter les questions d'Evelyn, Pearl et Dolores. Les rideaux de son lit fermés, allongée dans le noir, elle n'avait cessé de penser à ces problèmes, les tourner et retourner dans sa tête sans solution valable, jusqu'à ce que la fatigue ait raison d'elle, tard dans la nuit.

Le professeur Slughorn venait d'annoncer des travaux pratiques et la classe était assez chahutée alors que tous les élèves se mettaient en duos afin de préparer une potion de mémoire. Will en profita pour venir rejoindre sa cousine, et toutes deux se mirent à la tâche tout en se tenant au courant des avancées de l'une et de l'autre dans leurs histoires amoureuses. Elles n'avaient pas eu l'occasion de réellement débriefer de l'après-midi à Pré-au-Lard, et Aria mourait d'envie de raconter à sa cousine les moindres détails de sa matinée de la veille avec Benji. Mais, pour cela, il fallait qu'elle attende que Will finisse de parler de son Luca. Ce qui n'était pas gagné.

- ...Et il est vraiment intelligent, tu sais, il est peut-être pas premier dans toutes les matières ni rien mais il est intelligent...
- Il est sensé, donc ?
- Oui, c'est ça ! Par exemple il est super observateur...
- Pour un joueur de Quidditch c'est normal...
- ... Il est aussi super respectueux et précautionneux, continua Will sans avoir l'air d'entendre sa cousine. Il écoute beaucoup et ne va jamais parler d'un sujet qu'il connaît pas trop, il laisse les autres parler et se nourrit de ça pour se faire son avis sur les choses.
- Will, je pense que la corne de bicorne est assez écrasée.

Durant son babillage, Will réduisait en poudre un ingrédient, et ne pensait tellement plus à ce qu'elle faisait que sous son mortier il ne semblait rester que de la poussière.

- Ah, oui, dis-donc. Heureusement que t'es là, remarqua-t-elle en pouffant de rire.

Elle était sur un petit nuage dès qu'elle parlait du Serdaigle. Aria restait silencieuse, heureuse pour sa cousine mais tout de même préoccupée par ce qui l'attendait, tôt ou tard, de la part de ses camarades de maison. Will sembla le remarquer. En versant la poudre dans leur chaudron, elle ajouta, l'air de rien :

- D'ailleurs, il m'a parlé de Benji, un peu... Tu veux savoir ?

Les joues d'Aria virèrent instantanément au rose et elle regarda sa cousine avec intérêt, oubliant complètement ses préoccupations de la seconde d'avant.

- Qu'est-ce qu'il a dit sur lui ?! 
- Que Benji t'aimait bien depuis super super longtemps. Style, depuis la cinquième année ou un truc du genre.

Aria sentit son cœur bondir de joie et elle ne put s'empêcher de sourire.

- Ça fait longtemps... dit-elle d'un air rêveur. Je suis juste déçue qu'il ne soit pas venu me parler plus tôt.
- Il a essayé... commença Will.
- À la bibliothèque, je sais, la coupa sa cousine. Il m'en a parlé, hier matin.

Aria laissa ses yeux se balader dans la classe. Elle regardait sans les voir les gens autour d'elles.

- D'ailleurs, je suis désolée, je vous ai interrompus hier...

Aria n'eut pas besoin de regarder sa cousine pour savoir qu'elle attendait des révélations sur sa conversation avec Benji. Elle soupira d'aise, et montant peu à peu elle-même sur son petit nuage, raconta son après-midi à Pré-au-Lard ainsi que son entrevue le lendemain dans les moindres détails à sa cousine. Toutefois, elle omit tout ce qui avait un rapport avec un certain Gryffondor. Tout cela ne comptait pas, il n'y avait que Benji... 

- Et, juste quand vous êtes arrivés, je crois qu'on allait s'embrasser... conclut Aria, le regard ailleurs et le sourire aux lèvres.

Will commençait à donner son avis sur les choses lorsque quelqu'un percuta leur table et l'entière préparation de leur chaudron se déversa à terre. La panique grandit parmi les élèves attablés non loin des deux Justice, car le liquide dégageait une fumée nauséabonde au contact d'autres matières que le métal du chaudron, et il semblait ronger toutes les surfaces qu'il rencontrait. Dans l'agitation, tous se levèrent et s'éloignèrent de la table des cousines, tandis que Slughorn venait essayer de contrôler les dégâts. Alors que Will cherchait autour d'elle qui avait bien pu être assez maladroit pour venir renverser leur table, Aria aperçut Sirius Black, adossé au mur non loin d'elles. Il murmura un « oups » avec un air insolent, et retourna à sa table, avec son ami Remus. Furieuse, elle le dit à sa cousine, qui ne fit qu'éclater de rire.

- Oh, c'est bon Aria, on était pas si avancées que ça...

La Serpentard ne répondit pas, tant elle tremblait de rage. Elle se retenait de sauter à la gorge du Gryffondor, qui la regardait de loin, narquois. Alors qu'elle ruminait déjà sa vengeance, elle remarqua un petit papillon de papier voleter tranquillement au-dessus de tous, pour atterrir sur la table de Lily Evans. Cette dernière se tourna vers l'expéditeur, un sourire aux lèvres. Aria suivit son regard, et remarqua avec surprise qu'il s'agissait de James. Tous deux se souriaient tendrement, comme s'il n'existait plus rien autour d'eux, comme s'ils partageaient un secret doux et merveilleux. Cela fit automatiquement retomber la colère d'Aria, qui ne put s'empêcher de se féliciter pour les avoir aidé, juste un peu, à se rapprocher.

Alors que tous les élèves reprenaient place à leurs tables et que Slughorn retournait vers son bureau en chantonnant, Aria se surprit à penser à son futur sentimental. Benji deviendrait-il, un jour, celui avec lequel elle passerait sa vie ?

La longue journée de cours de la Serpentard ne l'empêcha pas, ce soir-là, de se diriger d'un pas décidé vers la bibliothèque afin de rattraper le retard dans ses révisions qu'avait causé son mois de retenues avec le garde-chasse. Aria pensait avec aigreur à toutes ces soirées de novembre gâchées pour un duel qui n'avait même pas eu lieu ! Elle s'en voulait terriblement de s'être laissée entraîner dans tous ces enfantillages ; et l'attaque à Pré-au-Lard lui avait, plus que jamais, remis la tête sur les épaules. À quoi tout cela rimait-il ? Dans quelques mois, elle serait lâchée dans le monde adulte, le monde des grands, qui se faisait gangréner par la magie noire et qui s'insinuait lentement mais sûrement dans son école. Le temps n'était plus aux jeux et à l'insouciance. Il fallait grandir.

Elle avait décidé de ne pas aller dîner, ce soir-là. Lorsqu'elle était repassée dans son dortoir en coup de vent afin de déposer ses affaires de cours et récupérer quelques devoirs, elle avait fait ses traversées de la salle commune la boule au ventre. Mais, alors qu'elle avait relevé la tête à son arrivée à la porte, elle avait constaté que tous ses camarades présents étaient agglutinés devant le panneau d'affichage, qu'ils commentaient avec excitation. Aria s'était alors faufilée à l'extérieur sans problèmes, et marchait vers la bibliothèque, tandis que que l'heure du dîner approchait et que tous les élèves commençaient à se diriger vers la Grande Salle.

D'ici quelques minutes, il n'y aurait plus personne dans les couloirs et Aria savait qu'elle serait tranquille à la bibliothèque pendant au moins une bonne heure. Et puis, certainement peu de ses camarades iraient y étudier, ce soir-là ; pour la simple et bonne raison que l'école entière, via les panneaux d'affichages des différentes maisons, venait d'être informée de la mise en place d'un club de duel, dont la première séance se déroulerait le lendemain soir pour les septième années, juste après le dîner. Les élèves des autres années pouvaient venir observer.

Il allait sans dire que c'était une grande nouvelle, peut-être même une première pour l'école. C'était, selon la jeune fille, la meilleure des décisions que Dumbledore aurait pu prendre pour rassurer tout le monde. Quoi de mieux qu'apprendre à se battre pour contrer d'éventuelles attaques et se préparer à la menace extérieure ? Elle pensa à Emily Kane et Jacob Schmidts, les deux élèves attaqués qui avaient été transférés à Sainte-Mangouste dans la matinée de la veille. Leurs blessures n'étaient pas si graves, mais leur traumatisme était tel que leurs parents avaient insisté pour qu'ils soient sortis de l'établissement, et qu'ils se reconstruisent ailleurs, au moins pour un temps. Le directeur n'avait pu aller à l'encontre de leurs désirs. Ils étaient leurs parents, et savaient mieux que lui ce qui était bon pour leur enfant.

Aria ruminait toutes ces pensées lorsqu'un bruit de cape, juste derrière elle, la fit se stopper net. Il y avait quelqu'un d'autre qu'elle dans ce couloir qu'elle croyait désert. Les faibles flammes des torches accrochées aux murs et la nuit noire remplissant les fenêtres rendaient le couloir dans lequel elle se trouvait bien sombre. À bien y réfléchir, elle se rendit compte que ce bruit de cape l'accompagnait dans son trajet depuis un moment, mais elle était si absorbée par ses pensées qu'elle n'y avait pas prêté attention plus tôt. Elle accéléra le pas, elle n'était pas loin de la cour intérieure et savait qu'elle se sentirait plus à l'aise dans un espace ouvert que dans ce couloir sombre. En plus, il lui semblait qu'à chaque pas qu'elle faisait, les murs se rapprochaient d'elle...

Arrivée dans la cour, elle alluma le bout de sa baguette et se retourna, une lueur de défi dans le regard. Elle ne fut pas surprise de se retrouver face à quatre élèves de sa maison. Ils avaient tous leurs capuches sur la tête, et elle les entendait ricaner dans l'ombre.

- Vous n'avez même pas le courage de m'attaquer à visage découvert ? lança-t-elle, téméraire. Je ne suis ni Emily, ni Jacob. Je n'ai pas douze ans, je ne suis pas née-moldue, et je n'ai pas peur de vous. Montrez-vous.

L'un des quatre, le plus grand, s'avança vers elle mais resta à une distance raisonnable. Il abaissa sa capuche, et cette dernière dévoila ainsi le visage d'Evan Rosier.

- Qui parle d'attaque ? lui demanda-t-il d'un ton tranquille. On veut juste discuter.

Les trois autres vinrent à son niveau, et révélèrent également leur visage. Il y avait Jasper Wilkes, Justus McFiery et Simar Jawbbes. Ils ne disaient rien, mais s'échangeaient régulièrement des regards entendus.

- Et de quoi voulez-vous discuter, dans un endroit reculé et désert, en pleine nuit ?
- De ta manière d'agir, récemment. On aime pas trop ça.

Le cœur d'Aria battait de plus en plus fort. Son souffle s'accéléra, et elle sentit la force de ses jambes la quitter doucement. Intérieurement, elle jura. Ce n'était vraiment pas le moment de faire une crise de panique... Car elle y était. Il était l'heure de faire un choix. Suivre les convictions de ceux de son rang en apparence et agir dans l'ombre ; ou porter fièrement ses convictions en étendard, quitte à en souffrir pour le reste de l'année, voire de sa vie ? Aussi loin qu'elle s'en souvienne, la jeune fille avait toujours suivi ce que lui dictait son esprit. Le cœur n'y avait jamais joué de rôle, car les passions n'étaient pas des choses sensées ; mais depuis quelques mois elle se surprenait à suivre ses pulsions. Et, en cet instant précis, ses entrailles lui criaient de porter haut et fort ses valeurs, quitte à en souffrir par la suite, car quelle serait sa vie si elle vivait toujours cachée... ?

Alors, que suivre ? Sa raison ou son cœur ? 

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Je dis ça comme ça, mais cette dernière phrase c'est une question à double-sens... Pour deux situations dans lesquelles Aria se trouve... Héhé. 

Je suis complètement abasourdie de l'ampleur que prend Ambition, on a gagné plus de 1k de vues entre le dernier chapitre et celui-ci, et ça ne cesse d'augmenter ! Je suis super super contente et je vous remercie à toutes et à tous de me lire, autant les personnes qui sont là depuis le début, quand j'ai commencé à poster cette histoire il y a quelques mois; que ceux qui arrivent seulement et qui lisent tout d'une traite ! Et même si tu ne laisses pas de vote ou de commentaire, je te remercie d'être là et de me lire :)

Je vois tous vos commentaires et tous vos votes et ça me fait chaud au coeur :) D'ailleurs je tiens à vous dire que j'ai adoré lire vos avis à la fin du dernier chapitre, j'adore vous voir si impliqué.e.s dans cette histoire ! Benji ou Sirius, that is the question... Hinhinhinhin.

Évidemment, nous sommes dans une période très particulière en ce moment et j'espère que chacun et chacune d'entre vous faites attention à vous et à vos proches ! Je vous souhaite bon courage si vous travaillez, ou si vous suivez vos cours en ligne, et toutes les personnes (comme moi) qui se retrouvent sans rien avoir à faire durant ce confinement : restez chez vous, par pitié ! Si s'enfermer pendant un mois ou plus signifie qu'on pourra tous au final profiter de l'été qui arrive, alors faisons-le, soyons solidaires ! 

Bisous et, je le répète, prenez soin de vous ! 

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