(I) 24. derrière l'armure
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LA GARGOUILLE VENAIT DE SE REFERMER derrière eux, et Aria et Black se dirigeaient vers les escaliers. Ils ne parlaient pas. Black semblait perdu dans ses pensées, et Aria était énervée qu'il se soit encore une fois moqué d'elle. Il la fatiguait à sans cesse tourner ses paroles en dérision. Elle avait toujours pensé que c'était le mécanisme de répartie de ceux qui n'en avaient pas et passait outre, mais à force cela finissait par lui peser. Le fait que l'on se moque en permanence de son respect des règles et de son sérieux la blessait. Mais, en y réfléchissant, elle se rendait compte que c'était surtout parce que c'était lui.
Elle avait tout de même l'impression qu'au fil des ans leurs échanges, quoique toujours explosifs, étaient devenus plus matures. Elle avait pu se rendre compte de l'intelligence de son ennemi, d'une certaine finesse dans ses mots parfois durs ; et même si les disputes incessantes étaient épuisantes, elles étaient quelque fois stimulantes. Elles forçaient Aria à se remettre sans cesse en question, malgré un bien-fondé des accusations de Black très souvent inexistant. Elle savait qu'elle avait changé ces dernières années, était moins regardante sur certaines choses, avait intégré une certaine souplesse dans ses habitudes. Et les seuls quatre premiers mois de cette année scolaire avaient été si différents de tout ce qu'elle avait pu vivre auparavant qu'elle pensait tout de même se détacher au fur et à mesure de cette image de fille un peu trop sérieuse, un peu trop guindée.
Mais pas aux yeux de Black, qui visiblement la voyait toujours de la même manière. Cela ne lui plaisait pas du tout.
Ils étaient à mi-chemin lorsqu'ils entendirent la gargouille du bureau de Dumbledore s'agiter à nouveau. Surpris et tirés de leurs fils de pensées respectifs, les deux étudiants se regardèrent paniqués, comme des vampires pris entre deux torches. Black regarda rapidement autour de lui et tira le bras d'Aria pour l'emmener derrière une imposante armure. Cette dernière grinça mais les laissa faire.
Des pas se rapprochaient d'eux, et dans la pénombre ils distinguèrent James et Evans. Ils étaient assez proches l'un de l'autre, Evans avait la tête baissée et James la regardait, indécis. Il passait tellement la main dans ses cheveux qu'ils semblaient avoir subi une déflagration explosive. Soudainement, il s'arrêta et retint Evans par le bras.
- Lily...
Cette dernière leva la tête vers lui. Elle devait avoir pleuré à nouveau dans le bureau du directeur, car le long de son visage subsistaient encore quelques larmes, et tout dans son regard criait la fatigue et la tristesse. Doucement, James posa une main sur sa joue et essuya les traces de ses pleurs avec son pouce. Aria et Black échangèrent un regard, le sourire jusqu'aux oreilles. Evans laissa sa tête reposer sur la main de James, et lui sourit faiblement.
- J'aime pas te voir pleurer, chuchota le garçon.
James avait réellement l'air peiné de la voir ainsi. Black laissa échapper un faible ricanement, et Aria lui donna un coup de coude pour le faire taire. Mais les deux Préfets-en-Chef n'avaient rien entendu. Ils semblaient dans une bulle loin de toute réalité, et se regardaient sans rien dire. Puis Evans prit la main de James et l'enleva de sa joue. Et elle l'entraîna vers les escaliers, tout en gardant leurs mains jointes. Ils disparurent vers leur salle commune.
Aria et Black restèrent cachés encore un instant derrière l'armure, complètement éberlués de ce qu'il venait de se passer. Puis ils se regardèrent à nouveau et explosèrent de joie. Black leva une main sur laquelle Aria s'empressa de taper, et ils sautillèrent sur place un instant avant de se rendre compte de la situation dans laquelle ils se trouvaient.
Ils étaient tous deux cachés derrière une armure dans un couloir sombre, venaient de partager un moment d'allégresse et leurs mains étaient toujours en contact. Ils étaient très proches l'un de l'autre. Aria pouvait deviner dans la pénombre le sourire de Black, son regard brillant, ses quelques mèches rebelles qui venaient se perdre le long de ses joues. Elle sentait son odeur caractéristique de cigarette froide, et une autre, plus ambrée avec des notes mentholées, qu'elle devina être son shampooing. Réalisant la situation, elle ouvrit de grands yeux, s'éloigna rapidement, et retourna vers le milieu du couloir. Black, tout aussi gêné qu'elle, sortit lui aussi de derrière l'armure. Il se gratta l'arrière de la tête tandis qu'Aria ne savait pas où regarder.
Qu'est-ce qu'il venait de se passer ? Ils n'avaient jamais, jamais, jamais été aussi proches. Et elle en était même arrivée à décortiquer son odeur ! Qu'est-ce qui lui avait pris ?! La Serpentard sentit le rouge lui monter aux joues, et Black n'en menait pas large non plus. Il se mit à faire craquer ses doigts, inconsciemment. Aria n'eut qu'à y jeter un regard pour qu'il cesse.
- Euh, pardon, euh... bafouilla-t-il, lui-même surpris de son geste.
Ne sachant sur quel pied danser, la jeune fille fit demi-tour et fonça vers les escaliers.
- Salut, lança-t-elle en toute hâte alors qu'elle dévalait les marches.
Sentant ses joues aussi brûlantes qu'un feu de joie, Aria courait littéralement dans les escaliers, pressée de retrouver la fraîcheur de ses cachots. Mais que venait-il de se passer, bon sang ?!
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Le lendemain matin, la Serpentard voguait jusqu'au petit-déjeuner dans une atmosphère nébuleuse. Elle avait catégoriquement refusé de repenser à la soirée de la veille, et avait décidé de ne pas en parler à qui que ce soit, parce que c'était beaucoup trop inexplicable. Et tant qu'elle-même ne trouvait pas de raison tangible à cet étrange instant qu'elle avait partagé avec Black, elle rejetait ce souvenir très loin dans son esprit. Il ne s'était rien passé, il n'y avait rien à essayer de comprendre ou à analyser, ils étaient juste contents pour James et Evans, voilà tout. Et puis, ils avaient eu une journée éreintante, ils étaient fatigués et cela aurait pu arriver avec n'importe qui. Oui. Ce n'était que ça.
Elle passa les portes de la Grande Salle pour le petit-déjeuner, qui se déroulait dans une ambiance relativement calme. Après tout, il était encore tôt, et personne n'ayant cours en ce dimanche, les élèves se réveillaient généralement plus tard. Les quelques lève-tôt discutaient à voix basse en petits groupes tout en jetant de nombreux regards vers la table des Serpentard. Aria poussa un long soupir, devinant sans peine leurs sujets de conversations. Sans parler de l'échange-dont-on-ne-devait-pas-mentionner-l'existence de la soirée, elle avait encore du mal à digérer les évènements dramatiques de la veille, et n'avait vraiment pas envie d'en parler avec toute l'école. Elle hésita à aller s'installer à la table de sa maison, et aperçut Marlene et Benji en grande conversation à la table des Serdaigle. Elle s'approcha d'eux.
- Aria ! s'écria Marlene en la voyant arriver.
Elle se leva et l'étreigna avec force.
- Benji m'a tout raconté, comment tu vas ? T'as été formidable, tout le monde parle que de ça, je suis désolée j'aurais bien aimé être là pour t'aider...
Alors que Marlene partait à nouveau dans une tirade à n'en plus finir en examinant Aria sous toutes les coutures pour être sûre qu'elle allait bien, cette dernière coula un regard vers Benji, qui la regardait mi-amusé, mi-embarrassé. Il lui fit un petit sourire. Aria lui rendit, et toutes ses inquiétudes concernant la veille s'évaporèrent en un instant. Ne restaient que les yeux et le sourire de Benji.
Marlene entraîna Aria vers le banc, la fit s'asseoir entre elle et Benji, et commença à lui remplir une assiette de petit-déjeuner en continuant de parler. Aria n'écoutait même plus ce qu'elle racontait, tant elle était perturbée par sa proximité avec Benji. Ce dernier se pencha vers elle.
- Ça va ? murmura-t-il en un sourire.
Aria hocha la tête en souriant. Il sentait la menthe. Elle se retint de lever les yeux au ciel. Voilà qu'elle était devenue une experte olfactive.
- Désolé, continua Benji en jetant un regard vers son amie. Elle s'emporte facilement.
Tous deux pouffèrent de rire tandis que Marlene pestait contre le vendeur d'Honeydukes qui avait mis une éternité à trouver les Plumes en sucre qu'elle lui avait acheté la veille. C'était selon elle une des raisons pour lesquelles elle n'avait pas pu réagir plus tôt lorsque James avait reçu son mot. Aria tentait de lui dire de temps à autre que tout allait bien et qu'il n'y avait pas de mal à ce qu'elle n'ait pas été là, mais la Serdaigle était particulièrement bavarde en ce dimanche matin. Alors qu'elle reprenait son souffle, Aria posa tranquillement une main sur son bras.
- Marlene, je n'ai pas envie d'en parler tout de suite.
Le ton de sa voix était si calme et posé que Marlene n'eut rien à y répondre et lui fit juste un sourire d'excuse. Alors que tous trois reprenaient le cours de leur petit-déjeuner, le silence sembla de plus en plus pesant et Aria s'en voulut d'avoir interrompu le babillage de la Serdaigle. Au moins, lorsqu'elle parlait, elle animait facilement la conversation...
- On se retrouve toujours cet après-midi ? demanda Benji.
Benji, Benji, Benji, toujours là pour sauver la mise. Il lui semblait qu'un petit sourire flottait sur ses lèvres, comme s'il avait compris les craintes d'Aria en cet instant précis. Elle lui en était si reconnaissante qu'elle avait presque envie de lui sauter dans les bras. Mais elle n'en fit rien, car elle était paradoxalement toujours un peu sans voix lorsqu'il lui adressait la parole. Elle s'empressa de détourner son regard du sien afin de réfléchir clairement à ce qu'il venait de dire.
- Oh, je n'y ai pas vraiment pensé... Je ne sais pas si c'est une bonne idée...
- Honnêtement, commença Marlene, je pense que ça nous ferait pas de mal...
- Et puis on pourrait peut-être reparler tranquillement des évènements d'hier entre nous, suggéra Benji.
- À mon avis, McGo serait d'accord pour qu'on se réunisse quand même aujourd'hui, renchérit sa comparse.
- Oui, c'est possible... réfléchit Aria à haute voix. Mais je ne suis pas sûre que James ou Evans auront envie de s'entraîner.
- Ça peut se comprendre... dit Marlene en regardant vers la table des Gryffondor.
- Je suis sûr que tu en as besoin aussi, dit Benji en se penchant vers elle.
Elle sentit ses joues virer lentement au rose. Son estomac se tordit et elle haussa timidement les épaules.
- Ça te fera du bien, tu verras, renchérit-il en replaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.
Sentant son cœur faire des cabrioles insensées, elle lui risqua un coup d'œil vers lui, quitte à se consumer de joie. Il la regardait avec beaucoup de bienveillance et de tendresse. Il n'en fut pas plus pour que le cramoisi envahisse son visage, et elle déglutit tout en essayant de garder les idées claires. Ce garçon lui plaisait beaucoup trop pour son bien. Pour se donner de la contenance, elle fit mine de chercher un toast grillé à sa convenance dans la corbeille en face d'elle. Et en levant les yeux, elle croisa ceux de Sirius Black, à deux tables de là.
Il avait un café à la main, duquel il but une gorgée tout en gardant le contact visuel avec la Serpentard. Mais son regard était aussi froid qu'un lac gelé de Norvège. Il reposa sa tasse avec violence, se leva brusquement, et partit sans un mot ; laissant un Pettigrow surpris tout seul devant son chocolat chaud.
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Au moment où je publie ce (petit) chapitre, on arrive doucement aux 13k, ce qui est énorme... Merci pour vos votes, vos commentaires, vos lectures :)
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