(I) 23. un rapprochement inespéré

✧ ✧ ✧

ARIA SE TENAIT DEVANT LES PORTES ENTROUVERTES de l'infirmerie, indécise. Elle n'osait même pas jeter un œil à l'intérieur, tant la situation entière la déstabilisait. Jamais elle n'aurait imaginé que sa dernière année à Poudlard se déroulerait dans de telles conditions. Sa fureur viscérale était retombée, et elle aurait bien eu besoin que Will lui prête un peu de son courage de Gryffondor. C'était peut-être stupide, mais elle avait peur que les gens à l'intérieur –des professeurs, d'autres élèves- ne lui en veuillent de n'avoir rien fait. Ou de ne pas avoir agi lorsqu'il en était encore temps, puisque les agresseurs étaient de sa maison.

Elle faisait les cent pas devant les portes, se demandant s'il ne valait pas mieux qu'elle se rende directement au bureau de Dumbledore et de subir son seul courroux plutôt que celui d'autres élèves. Avec le recul, elle ne comprenait même pas comment Benji et James avaient pu rester à ses côtés plus tôt dans la journée. N'étaient-ils pas énervés contre elle ? À tous les coups, Sirius Black avait encore raconté des âneries quant à son inaction...

Soudainement, les portes s'ouvrirent en grand et une douce lumière baigna les alentours. Dans l'embrasure se tenait sa professeure de Métamorphose, qui sembla surprise de la voir.

- Oh, mademoiselle Justice, justement j'allais vous chercher.

Aria fronça les sourcils. Elle aperçut, derrière McGonagall, James, Evans et Black qui semblaient lui emboîter le pas. James semblait épuisé, Evans avait visiblement beaucoup pleuré, et Black regardait Aria sans émotion particulière. Il semblait réfléchir intensément.

- Vous êtes convoquée chez le professeur Dumbledore, avec vos camarades ici présents.
- Ah...

Une vague d'angoisse envahit la jeune fille. McGonagall sembla le remarquer, car elle posa une main rassurante sur son épaule et lui dit en souriant :

- Vous avez eu d'excellents réflexes aujourd'hui, mademoiselle Justice. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Aria sentit le rose lui monter aux joues lorsqu'elle vit avec quelle fierté sa professeure la regardait. Puis cette dernière se mit en route et tous la suivirent en direction du bureau du directeur.

- Patacitrouilles.

La gargouille dorée s'écarta alors, révélant un escalier en colimaçon.

- Messieurs Potter et Black, vous connaissez déjà le chemin, dit McGonagall en souriant légèrement. Je dois retourner au chevet de vos camarades, leurs parents doivent arriver d'une minute à l'autre.

Les deux garçons n'hésitèrent pas et montèrent les marches, Evans sur leurs pas. Aria avait l'impression qu'on lui avait jeté un sortilège de Jambencoton. Pour la deuxième fois de la soirée, la professeure de métamorphose posa une main rassurante sur son épaule.

- Mademoiselle Justice, le directeur vous attend.

Aria suivit ses camarades, et entendit les pas de la directrice des Gryffondor s'éloigner alors que la gargouille reprenait sa position initiale derrière elle. En haut des escaliers, ses camarades attendaient devant la porte, appuyés contre les murs. Aria fronça les sourcils, ce à quoi James répondit :

- On doit attendre qu'il nous appelle. Je crois qu'il parle avec quelqu'un déjà.
- Ou alors il parle tout seul, renchérit Black.

James pouffa de rire, et Aria esquissa un sourire. Habituellement, elle aurait répliqué quelque chose à Black, juste pour le plaisir, mais ce n'était vraiment pas le moment. Elle jeta un regard vers Evans, qui venait de s'accroupir à terre, la tête entre les mains. Elle reniflait de temps à autre, et semblait marmonner entre ses dents. La Serpentard croisa le regard de James, et elle lui fit un signe de tête vers Evans. Il ne sembla pas comprendre. Alors qu'elle levait les yeux au ciel, Black donna un coup de coude à son meilleur ami et murmura :

- Va la consoler, espèce d'abruti.

James rougit, se racla la gorge, puis alla rejoindre Evans. Il s'assit à côté d'elle et croisa les bras, regardant autour de lui, comme s'il ne savait pas quoi faire. Aria plaqua la paume de sa main contre son visage, dépitée. Elle ne comprenait pas comment ce garçon pouvait être à la fois si fort et ingénieux, et si stupide et gauche lorsqu'on en venait à Evans. Black sembla être aussi lassé qu'elle de la maladresse de son ami, et lui mima ce qu'il pouvait faire : passer un bras autour de ses épaules. Ce faisant, James rougit plus encore, et sembla attendre le moment où sa dulcinée l'enverrait balader. Mais il n'en fut rien. Alors que le visage du capitaine de quidditch de Gryffondor reprenait peu à peu une couleur normale, la porte du bureau s'ouvrit. La voix lointaine de Dumbledore retentit.

- Monsieur Black, Mademoiselle Justice, pouvez-vous entrer s'il vous plaît ?

Aria sentit à nouveau ses jambes se dérober sous elle. Black n'hésita pas une seule seconde et entra d'un pas décidé dans le bureau. Aria resta encore en arrière quelques instants, puis finit par passer la porte.

- Pouvez-vous refermer derrière vous, s'il vous plaît ?

Aria ne parvint pas à voir où se tenait le directeur, mais s'exécuta avec empressement. Elle avança lentement à travers le bureau, impressionnée par le lieu. Tout dans cette pièce trahissait l'excentricité et le savoir de leur directeur. Aria voyait des objets qu'elle ne pensait jamais avoir l'occasion de voir en vrai, des rangées et des rangées de livres qui semblaient tous plus fascinants les uns que les autres, des instruments complexes dont elle ne connaissait même pas l'existence... Elle avança toujours plus vers le bureau, devant lequel étaient disposés deux fauteuils. Black était déjà assis sur l'un d'entre eux, confortablement. Comme s'il était chez lui. Elle ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. Quel irrespect !

Aria prit place aux côtés de Black, et s'assit presque au bord du siège, très droite, aux aguets. Elle ne voyait toujours pas le directeur. En revanche, son regard fut attiré par un oiseau magnifique, aux plumes de feu, se tenant sur un immense perchoir juste à côté du bureau. Un phénix. Encore quelque chose qu'elle n'aurait jamais pensé voir un jour. Elle savait bien que Dumbledore possédait un tel animal, mais n'imaginait pas qu'elle aurait l'occasion de le voir en vrai. Après tout, elle n'aurait jamais pensé qu'elle se retrouverait dans le bureau de son directeur et surtout dans de telles circonstances. Mais quelle année, bon sang, quelle année...

Soudainement, comme apparu de nulle part, le directeur se tenait face à eux, de l'autre côté du bureau. Il s'assit sur son fauteuil, et leur sourit chaleureusement. Aria se crispa encore plus. Black fronça les sourcils, visiblement incertain de ce qu'il allait bien pouvoir leur dire. Il tapait inconsciemment du pied, et se mit à faire craquer ses doigts. Aria avait remarqué qu'il se mettait à faire ça lorsqu'il était énervé, nerveux, ou stressé. Cela l'horripilait au plus haut point.

- Monsieur Black, je crois que vous n'aidez pas votre camarade à se détendre en faisant cela.

Black sursauta et jeta un regard mauvais à Aria. Il cessa les craquements.

- Et j'ai entendu dire que c'était mauvais pour les articulations, ajouta Dumbledore en souriant malicieusement.

Puis il ne reprit pas la parole. Aria était profondément confuse : pourquoi les convoquer dans son bureau si c'était pour rester face à eux sans rien dire ? Black ne semblait pas décidé à entamer la conversation non plus. La jeune fille ne savait pas s'il lui fallait parler en premier. Et d'un autre côté, elle se demandait si cela n'était pas complètement irrespectueux de sa part, ainsi elle garda la bouche close et prit son mal en patience.

Après ce qui lui sembla durer une éternité, Dumbledore se leva puis alla caresser son phénix.

- Il y a de nombreuses questions soulevées par les évènements d'aujourd'hui pour lesquelles je ne trouve pas encore de réponse, et j'aurais besoin de votre aide sur ce sujet. Pouvez-vous me raconter les faits ?

Aria n'osa pas répondre, et laissa Black le faire à sa place. Il raconta tout dans les moindres détails, comment ils avaient couru vers la source des cris dans la ruelle, comment il s'était élancé à la suite des attaquants dont il avait vite perdu la trace, comment il avait vu Rogue qui se cachait dans un recoin, et comment il l'avait ramené vers les deux victimes en espérant qu'elles puissent le reconnaître comme un de leurs agresseurs.

- Mais quand je suis arrivé, le garçon était déjà... inconscient et la fille s'est évanouie quand elle a vu Rogue. Je pense que ça veut tout dire, conclut Black d'un air buté.
- Ne tirons pas de conclusions hâtives, Monsieur Black. Cela peut tout dire et rien dire...
- La petite était déjà dans un état de choc intense, je pense que tu lui as juste fait peur, tu lui as pratiquement crié dessus, ajouta Aria avec fureur.
- Mademoiselle Justice, déclara le directeur d'un ton tranquille, restons calmes, je vous prie.

La remontrance de Dumbledore n'en était certes pas réellement une, mais elle eut l'effet d'une douche froide sur Aria qui sentit ses joues se rosir. Elle baissa les yeux, et enragea de voir le sourire en coin de Black.

- Cependant, j'aimerais avoir votre point de vue sur les choses, continua Dumbledore. Vous affirmez également que les agresseurs portaient les couleurs de votre maison.

Aria soupira. Fallait-il qu'elle raconte son entrevue animée avec Rogue, à peine une heure auparavant ?

- Malheureusement, oui.
- Auriez-vous une idée de qui cela pouvait être ?

Aria réalisa qu'il connaissait déjà la réponse à sa question. Elle répondit d'une toute petite voix, honteuse.

- Oui.

Elle vit du coin de l'œil Black se tourner vers elle, furieux.

- Quoi ? Tu sais qui c'est ?!
- Oui, je pense...
- Et tu t'es pas dit que peut-être t'aurais pu faire quelque chose ?
- Mais que veux-tu que je fasse contre eux ?!
- S'il vous plaît. Gardons les accusations et les reproches pour un autre temps. Ce n'est pas le moment.
- Pardon... marmonna Black sans réellement le penser.

Aria se sentait véritablement honteuse. Elle savait qu'elle aurait dû aller parler à Dumbledore dès le départ, dès que ses camarades avaient commencé à agir avec trop de confiance et de virulence. Mais, d'un autre côté...

- Je suis certain que Mademoiselle Justice avait de très bonnes raisons pour ne pas être venue m'en parler plus tôt.

Elle osa un regard vers le directeur, qui était simplement bienveillant. Elle sentit ses épaules se détendre.

- Désolée...
- Mademoiselle Justice, je veux que vous compreniez que vous n'auriez rien pu faire pour empêcher cela. Pas plus que vous, Monsieur Black. Et peut-être que je n'aurais pas pu faire grand-chose moi-même...

Aria ne répondit pas.

- Je sais aussi que votre... Statut social ne vous permet pas beaucoup de libertés, et que malheureusement certains de vos camarades à Serpentard ont des fréquentations qui ne vous permettent pas de prendre pleinement position. Néanmoins, je pense que vous avez les cartes en main pour m'aider, Aria.

Elle leva la tête, intriguée. À ses côtés, Black regardait Dumbledore d'un air abasourdi.

- J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer vos parents. Des personnes tout à fait charmantes. Et je connais leurs valeurs. Je suis désolé pour vous que vos comparses ne les partagent pas.

Aria baissa la tête à nouveau. Elle ne s'était jamais rendue compte à quel point sa situation la pesait. Et, en prononçant ces mots, Dumbledore ôtait petit à petit ce gros poids de son cœur.

- Je ne vais pas vous demander l'impossible, Aria. Je pense que votre stratégie d'observer et d'agir lorsque cela est urgemment nécessaire suffit pour le moment. Vous n'avez pas assez d'alliés dans votre maison. Vous en avez, mais ils ne se montreront pas, hélas.

Black regardait Aria avec curiosité.

- Je vous demanderai simplement de garder l'œil ouvert. N'hésitez pas, en revanche, à venir m'informer d'évènements lorsque vous jugerez cela nécessaire. Et vous, Sirius, essayez de garder la tête un peu plus froide à l'avenir.

Ce dernier ouvrit la bouche pour protester.

- Vos actions d'aujourd'hui sont admirables, à tous les deux. Mais agir sur le coup de l'impulsion peut parfois causer plus de dégâts de que bien. Fort heureusement, vos deux camarades sont saufs. Un peu secoués, mais saufs. C'est tout ce qui compte pour le moment.

Un silence pesant régnait à présent dans le bureau. Aria doutait que les deux enfants soient seulement "un peu secoués". Ils devaient être complètement traumatisés. 

- Rentrez dans vos dortoirs, reposez-vous, vous l'avez bien mérité. Nous reviendrons sur tout cela dans les jours prochains.

Il leur fit un simple signe de la main désignant la porte, puis retourna s'asseoir derrière son bureau. Il prit une plume et se mit à écrire tranquillement sur un morceau de parchemin, comme s'il n'avait jamais été interrompu par les évènements de la journée. Un peu secoués par leur entrevue quelque peu particulière avec leur directeur, les deux élèves mirent quelques secondes à réaliser qu'il leur fallait sortir.

Alors que tous deux passaient la porte, ils entendirent Dumbledore appeler James et Evans. Les deux, qui étaient toujours assis à terre, avaient les joues rouges. Aria suspecta que quelque chose se soit passé entre eux. Elle sourit.

- Pourquoi tu souris comme ça ? lui demanda Black, dans l'incompréhension.

La porte du directeur venait de se refermer et ils étaient désormais seuls en haut de l'escalier. Elle haussa les épaules. 

- Bon... dit platement Aria après un bref silence.

Elle ne savait pas trop comment se comporter face à Black, après cette journée. C'était assez étrange. Il lui semblait que tout avait changé, désormais. Leur dispute de l'après-midi ne comptait même plus. Parce que des choses bien plus sérieuses s'annonçaient. Et qu'une querelle d'étudiants incapables de s'entendre n'était rien comparé à ce qui s'apprêtait à leur tomber dessus...

Aria descendit les marches, puis se rendit compte que Black ne lui emboîtait pas le pas.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? chuchota-t-elle en remontant quelques marches.
- Bah, j'attends James, lui dit-il sur le ton de l'évidence.
- Je pense qu'il vaudrait mieux que tu rentres directement.
- Pourquoi ? commença-t-il d'une voix forte. Miss Règlement ne veut pas que je me balade dans le château en dehors du couvre-feu ?
- Mais chut ! le pria-t-elle en lui faisant signe de s'approcher d'elle. Ne parle pas si fort, Dumbledore peut t'entendre d'ici tu sais...

Il descendit quelques marches et vint à son niveau en soupirant.

- Qu'est-ce que t'as encore ?
- Je pense juste que tu devrais laisser James et Evans rentrer tous les deux, déclara-t-elle d'un air malicieux.

Il fronça les sourcils, puis comprit où elle voulait en venir. Néanmoins, il refusa de lui montrer à quel point c'était une bonne idée, et décida de continuer à râler, pour le plaisir.

- Je pense que tu devrais te mêler de tes oignons, Justice, dit-il en croisant les bras, sourire en coin.

Aria ne put s'empêcher de prendre la mouche.

- Non mais ! C'est ton ami, tu n'as pas envie qu'il réussisse ENFIN à conquérir celle qu'il aime ?!

Black descendit les dernières marches restantes et glissa dans un sourire :

- Chut, Justice, Dumbledore peut t'entendre d'ici tu sais... 

✧ ✧ ✧

Hey ! Je suis toujours vivante haha ! 
D'abord, je suis désolée de ce délai entre le dernier chapitre et celui-ci. Je l'avais dit, mais je sors doucement d'une période assez compliquée et j'ai peu écrit, voire pas du tout, pendant ce temps-là. Je ne vous garantis pas la régularité, malheureusement. Je vais essayer de poster quand je peux, et surtout quand j'arrive à écrire. Merci de me lire malgré tout ♡

Ensuite... On est à 11k sur cette histoire, c'est complètement fou. Merci à toutes les nouvelles personnes qui me lisent, qui prennent le temps de voter et même de laisser des commentaires. Je suis super contente de vous voir investi.e.s dans cette histoire héhé :)

Merci pour tout et à vite, j'espère. xo

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top