(I) 16. la confidente des gryffondor

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ARIA SORTIT DE LA GRANDE SALLE en traînant des pieds. Elle avait l'impression de faire ses retenues quotidiennes depuis des mois alors que cela ne faisait en réalité que le cinquième jour qu'elle rejoignait Hagrid après les cours. Elle espérait qu'un autre professeur la prenne en charge la semaine suivante. En temps normal elle ne faisait pas réellement attention au garde-chasse même si l'on en disait du bien, et n'avait pas d'avis particulier sur lui à part qu'il faisait un peu peur parfois; mais depuis qu'il les avait trouvées dans la forêt, Will et elle, Aria ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir. S'il était resté tranquillement dans sa cabane le soir d'Halloween, elle aurait pu retourner dans sa salle commune et prendre son habituelle avance dans ses devoirs ainsi qu'avoir des nuits de sommeil plus décentes.

- Ari ! entendit-elle Will l'appeler.

Elle se retourna pour voir sa cousine sortir de la Grande Salle en trottinant.

- T'es partie chez Hagrid ? lui dit-elle, enjouée.
- Oui, répondit Aria d'un ton morne. Mais d'abord je dois aller chercher quelque chose de chaud à me mettre avant de sortir, il fait un froid de Détraqueur dehors.
- Wow, cache ta joie ! s'esclaffa Will. Hagrid est très gentil, je serais super contente d'avoir mes retenues avec lui...
- On échange quand tu veux, répliqua sa cousine d'un air sombre. Je t'assure que je serais capable de donner toutes mes possessions si cela voulait dire que je pouvais passer mes soirées au chaud dans le château avec Slughorn ou McGonagall. D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle te fait faire McGonagall ?

Elles étaient à l'entrée du couloir menant aux cachots. Aria avait encore un quart d'heure avant de débuter sa punition, mais n'était pas contre profiter le plus possible de la chaleur et de la sécurité du château. Will lui répondit en balbutiant et en regardant ailleurs.

- Oh, tu sais, on est, enfin je suis dans la salle des trophées et, euh, elle me demande de les polir à la main alors ça prend du temps...

Aria, trop préoccupée par le temps affreux qui l'attendait dehors, ne remarqua pas le comportement étrange de sa cousine.

- Au moins tu es à l'intérieur..., soupira-t-elle.
- D'ailleurs, s'exclama tout à coup Will, désireuse de changer de sujet, il t'a dit quoi Prewett ce matin ? On en a pas reparlé...

Aria sentit sa honte du matin revenir l'embarrasser à vive allure.

- Excuse-moi pour ce matin Will... commença-t-elle d'une petite voix.
- C'est bon, tu sais que je m'en fiche.

La Serpentard se contenta de lui sourire avant de reprendre, d'une voix plus basse :

- C'est assez étrange ce qu'il m'a dit, je ne sais pas trop comment l'interpréter. D'abord il m'a rassurée concernant ma note, et après il a commencé à me parler de mon groupe d'études...
- Ah oui ?
- Oui, va savoir comment il est au courant... Bref, il m'a dit qu'il saluait cette initiative et m'a plus ou moins encouragé, je crois, à créer une sorte de club de duel clandestin.
- Sérieux ? dit Will en ouvrant des yeux ronds comme des soucoupes.
- Oui, j'étais assez surprise . Enfin, comme il est jeune et qu'il est assez au courant de ce genre de choses puisqu'il est professeur de Défense Contre les Forces du Mal, je suppose qu'il souhaite qu'on sache se défendre le mieux possible, pour après...
- Oui...

Will lui avait répondu d'un air absent, et Aria s'en inquiéta.

- Ça ne va pas, Will ?
- Si, si, lui répondit sa cousine avec énergie. Je suis désolée mais je vais devoir y aller, moi aussi je dois passer par mon dortoir avant ma colle !
- Oh, d'accord...
- Bon courage et à demain ! lui lança Will en s'éloignant vers les escaliers.

Aria resta interdite face au comportement étrange de sa cousine. Will était une personne très vraie et très franche; ainsi les rares fois où elle mentait se repéraient à des kilomètres à la ronde. C'était la raison pour laquelle elle ne parvenait généralement pas à échapper aux retenues causées par ses ballades nocturnes : lorsqu'elle était prise sur le fait elle ne savait jamais trouver de bonne excuse afin d'éviter les ennuis. Et là, il y avait quelque chose dans cet échange qui clochait. Will devait lui cacher quelque chose, mais Aria ne savait pas quoi.

Emmitouflée dans de chauds vêtements d'hiver, Aria pressait le pas en traversant les cachots. Depuis les portes arrières du château, il lui fallait cinq bonnes minutes pour descendre jusqu'à la cabane du garde-chasse. Si elle ne se dépêchait pas, elle allait arriver en retard. Et bien que l'idée de raccourcir ses heures de retenue quotidiennes lui plût, elle préférait ne pas avoir à terminer trop tard. Chaque minute de perdue ne faisait que rallonger sa sentence, et même si elle aurait tout le weekend pour travailler et se reposer, Aria ne souhaitait pas se balader en pleine nuit autour de Poudlard. Evelyn lui avait d'ailleurs annoncé que la lune n'apparaîtrait pas ce soir-là, ce qui ne l'arrangeait pas vraiment. Non seulement elle devait rester seule près de la Forêt Interdite pendant plusieurs heures, mais en plus elle n'aurait même pas l'astre de nuit pour l'éclairer...

Perdue dans ses pensées, Aria traversa le hall à vive allure et se dirigeait vers la cour intérieure du château lorsqu'elle se rendit compte qu'elle passait près de la salle des trophées. Avisant l'heure et voyant qu'elle était déjà en retard de toute manière, elle se dit qu'elle pourrait passer la tête dans la salle afin de saluer sa cousine. Mais alors qu'elle se dirigeait vers la poignée de la porte, elle entendit des éclats de voix, dont une masculine. Intriguée, elle colla son oreille contre le panneau de bois. Will avait-elle de la compagnie ce soir-là ?

- ... franchement, Gideon, parfois vous êtes trop insouciant !
- Minerva, je ne comprends pas le problème.

Aria ouvrit de grands yeux en reconnaissant les voix de ses professeurs de Métamorphose et de Défense Contre les Forces du Mal. Elle se colla encore plus à la porte, curieuse de connaître le sujet de leur querelle.

- Mais enfin, vous encouragez vos élèves, qui ne sont encore que des enfants je vous le rappelle, à faire des choses insensées !
- Alors on ne devrait permettre seulement qu'à un petit groupe d'élèves de se défendre, et laisser les autres se débrouiller seuls avec ce qui les attend dehors ?!
- Ne dites pas de bêtises Gideon. La priorité pour tous les élèves de cette école est leur sécurité et leurs études. Imaginez le mouvement de panique que cela créerait si nous les incitions tous à se préparer au pire, alors que certains ont à peine onze ans ?!
- Ça n'a pas vraiment de sens, ce que vous racontez là, Minerva.
- Je vous demande pardon ? retentit la voix courroucée de McGonagall.
- Je dis juste que si vous teniez tant à la sécurité des élèves, vous auriez dû faire quelque chose pour empêcher Dumbledore d'en recruter pour l'Ordre...
- Moins fort, Gideon, je vous prie !

Alors qu'ils baissaient la voix, Aria se demanda si ce qu'elle était en train de faire était raisonnable. Mais, piquée par la curiosité, elle se pencha vers le trou de la serrure afin d'entendre la suite de la conversation.

- ... savez aussi bien que moi pourquoi Albus a choisi ces élèves en particulier, chuchotait la voix furieuse de la professeure de Métamorphose. Vous les connaissez assez désormais pour savoir que dans tous les cas, préparés ou non, ils se jetteront à corps perdu dans cette guerre. Autant les entraîner du mieux possible. D'ailleurs, ils sont tous majeurs et maîtres de leurs décisions.
- Quand même, je trouve cela malhonnête...
- Gideon !
- Pardonnez-moi Minerva mais c'est le fond de ma pensée. Nous devrions proposer ces séances d'entraînement à tous les élèves, au moins aux sixièmes et septièmes années.
- Et risquer de fournir des informations au camp adverse ?! Vous savez aussi bien que moi que certains d'entre eux...
- Je sais, Minerva, mais nous savons qui ils sont ! Il suffirait de ne pas les inclure à nos séances, voilà tout...
- Mon pauvre Gideon Prewett, je vous ai toujours trouvé brillant et vif d'esprit, mais aujourd'hui votre bêtise me laisse sans voix.

Aria, choquée par tout ce qu'elle entendait, parvint tout de même à sourire face à la répartie de sa professeure.

- Nous prenons déjà de gros risques en impliquant des élèves dans cette bataille, aussi doués et volontaires soient-ils, déclara sévèrement McGonagall. Il ne manquerait plus que Poudlard devienne un centre de recrutement pour l'Ordre ! Il faut que ce château reste une école, avant tout.
- Vous savez bien que ce que j'enseigne dans mes cours est loin d'être suffisant pour tous les autres...

Aria ne put saisir la fin de sa phrase, car un bruit lointain de pas derrière elle l'alarma, et elle se hâta de continuer son chemin. Il lui semblait que son cerveau bouillonnait face à tant d'informations. De quoi ses professeurs parlaient-ils ? Avaient-ils créé des séances d'entraînement spéciales afin de préparer certains élèves à la guerre ? Et quels étaient ces élèves ? Sa cousine en faisait-elle partie ? Et à quoi faisaient-ils référence lorsqu'ils mentionnaient cet "Ordre" ? Aria n'avait jamais eu vent de l'existence d'une quelconque organisation de ce nom.

Tant de questions sans réponse se multipliaient dans son esprit alors qu'elle descendait les chemins escarpés de Poudlard vers la cabane de Hagrid. Toutes sortes d'hypothèses s'imposaient à elle, aucune d'entre elle ne lui paraissant vraisemblable. Mais elle était sûre de deux choses : d'abord, elle aurait de quoi s'occuper l'esprit durant sa retenue; mais surtout : sa cousine était forcément au courant de quelque chose. Elle allait devoir travailler Will au corps pour avoir le fin mot de toute cette histoire.


Aria commença son weekend avec des courbatures. Sa retenue de la veille avait été éreintante : elle avait aidé le garde-chasse à bâtir de nouveaux enclos d'hiver pour les crabes de feu du Professeur Brûlopot; et cela n'avait pas été une mince affaire. En rentrant, elle n'avait pas trouvé le courage de se mettre à son travail, et s'était levée d'assez bonne heure pour un samedi afin de s'y mettre le plus tôt possible. Elle n'était de ce fait pas tout à fait réveillée, et manqua de se prendre de plein fouet le Baron Sanglant au détour d'un couloir.

Elle croisa James Potter et Remus Lupin à l'entrée de la Grande Salle, tous deux semblant aussi peu éveillés qu'elle. Lupin lui fit un bref salut de la tête et continua sa route, tandis que James, qui lui souriait chaleureusement, sembla tout à coup se rappeler de quelque chose et la prit à part.

- Bonjour James, dit-elle narquoisement, que me vaut ce tête-à-tête impromptu ?
- Ah, Aria, dit-il avec un sourire, ne me fais pas regretter ce que je vais faire !
- Pard...
- Juste un conseil d'ami, la coupa-t-il avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit d'autre. Ne bois pas de jus de citrouille ce matin.
- Mais pourq...
- Tu verras bien, se hâta-t-il de répondre en lui faisant un clin d'oeil.

Elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit d'autre qu'il était déjà parti rejoindre ses amis à la table des Gryffondors. Aria, suspicieuse, n'osa pas entrer tout de suite dans la salle. Il était vrai que depuis leur longue discussion dans les cuisines, ils avaient développé une certaine camaraderie, mais cela ne voulait pas dire qu'il n'allait plus jamais lui jouer de mauvais tours. Valait-il mieux pour elle de sauter le petit-déjeuner ? Ou alors, peut-être pouvait-elle aller le prendre tranquillement dans les cuisines... C'était peut-être une plus sage décision, mais n'allait-elle pas embêter les elfes dans leur travail ? Elle se dit que dans le pire des cas, elle prendrait quelques petites choses à grignoter et irait les manger dans sa salle commune. La Serpentard ne put cependant pas faire un pas qu'elle se retrouva tout à coup étouffée par une étreinte soudaine.

- C'est trop cool que tu t'entendes bien avec mes amis, Ari !

Will venait de se jeter sur elle et la serrer dans ses bras, toute heureuse de voir sa cousine socialiser. Elle était accompagnée de Lily Evans, qu'Aria salua avec retenue. La jolie rousse avait eu un O à son devoir de Défense Contre les Forces du Mal, elle. Une pointe de jalousie piqua la Serpentard.

- J'ai parlé à James pendant littéralement deux secondes, Will, nous sommes loin d'être amis.
- Je sais, mais c'est en bonne voie !

Will souriait jusqu'aux oreilles et sa cousine n'eut pas le coeur de la contredire. Elle ne prévoyait pas spécialement de devenir amie avec James Potter, c'était plutôt un malheureux concours de circonstances qui les avait rapprochés. Et la cause de tout cela se trouvait face à elle.

- Oh, Aria, j'ai trouvé que ta théorie sur le symbolisme des nombres intimes dans la mythologie grecque était passionnante.

Lily Evans venait de complimenter Aria sur quelque chose dont elle avait parlé en Arithmancie plusieurs jours auparavant, tandis que cette dernière espérait secrètement qu'elle tombe malade pendant les examens de fin d'année. Et cela énerva encore plus la Serpentard, car non seulement Evans était une sorcière brillante, mais elle était en plus de cela gentille et polie. Pas étonnant que tous l'appréciaient. Quelle plaie.

- Merci, répondit simplement Aria, partagée entre l'admiration et la jalousie.
- Okay, je n'ai aucune idée de quoi vous parlez, constata Will.
- C'est une notion d'Arithmancie, lui expliqua Evans avec un sourire.
- D'ailleurs, en parlant de mythologie ! s'exclama tout à coup la petite brune. J'ai ma première réunion du club des chasseurs de trésors tout à l'heure !
- Je vous laisse, à plus tard !

Evans s'éloigna, ses beaux cheveux roux voletant avec grâce derrière elle. Aria leva les yeux au ciel, puis reporta son attention sur sa cousine, qui sautillait sur place. Elle se rappela tout à coup de la conversation qu'elle avait surpris entre McGonagall et Prewett la veille dans la salle des trophées, et se dit qu'il fallait absolument qu'elle lui en parle. Mais le moment n'était pas propice.

- C'est super, se réjouit Aria. Tu me raconteras comment ça s'est passé, avec ton beau, grand et fort Serdai... mmpf !

Will venait de lui coller la main devant la bouche en ouvrant de grands yeux.

- Mais enfin Ari, chut ! chuchota-t-elle paniquée, en regardant autour d'elles avec suspicion. T'imagines si jamais il était pas loin...
- Oh, c'est bon, la taquina Aria. Si je n'ai pas le droit de t'embêter pour ça, qui le fera ?

Les deux jeunes filles entrèrent dans la Grande Salle en se chamaillant gentiment. Lorsqu'elles se séparèrent pour rejoindre leurs tables respectives ; Aria fut de nouveau arrêtée par Marlene McKinnon et elle se demanda si elle allait pouvoir manger un jour.

- Aria ! Justement je parlais de toi avec Benji !

La Serdaigle lui montra sa table du doigt, mais Aria ne sut pas de qui elle lui parlait.

- J'ai bien reçu ton mot pour la séance d'étude de demain, tu as reçu ma réponse ?
- Oui, oui, et je...
- J'aurais voulu qu'on puisse en parler plus tranquillement cette semaine mais je t'ai à peine vue !
- Oui j'étais un peu occupée, j'ai...
- Will m'a dit que vous aviez eu toutes les deux un mois entier de retenues !
- Eh bien...
- T'es encore plus cool que ce que je pensais, aller te balader dans la Forêt Interdite le soir d'Halloween !

Aria ne voyait absolument pas en quoi cela pouvait être cool, et avait du mal à apprécier le débit de paroles de Marlene de si bon matin.

- Je ne sais pas si on pourrait vraiment qualifier ça de cool..., commença Aria précipitamment, en espérant qu'elle lui laisserait finir sa phrase.
- Mais si, c'est hardcore ! la coupa-t-elle à nouveau. J'ai encore plus hâte d'étudier avec toi ! Je savais que t'étais loin d'être juste une bonne élève un peu flippante !

Aria ne sut pas comment prendre ça.

- Euh...
- Faut que je file, ciao !

Elle s'éloigna rapidement en lui faisant un grand sourire, et la Serpentard resta un instant les bras ballants au milieu du passage, sonnée par la tornade qu'était Marlene McKinnon.

- Ils ont peut-être mis un élixir d'excitation dans le jus de citrouille, marmonna-t-elle pour elle même en repensant au conseil de James.

Un peu plus tard, elle était attablée et finissait son bol de chocolat chaud lorsque des cris perçants la firent avaler de travers. Quelques places plus loin, Pearl Shafiq et une autre de ses camarades de dortoir Dolores Graves se regardaient en hurlant. Peu à peu, de plus en plus d'élèves de Serpentard se mirent à pousser des cris d'effroi et Aria constata avec horreur qu'il leur arrivait des choses étranges. Pearl et Dolores avaient les cheveux et les sourcils teints en un rose chewing-gum; le cinquième année à sa droite voyait les ongles de ses mains pousser à une vitesse alarmante; la peau de quelques autres élèves se recouvrait peu à peu de pustules; le cou d'autres encore s'allongeait et devenait élastique... Aria ne comprit ce qu'il se passait que lorsque la deuxième année face à elle eut reposé son verre de jus et vit la couleur de ses cheveux devenir soudainement vert fluorescent.

Les élèves des autres maisons, d'abord alarmés par les cris, se mirent ensuite à rire allègrement; et la Grande Salle fut bientôt emplie de cris tantôt de joie, tantôt d'horreur. Les professeurs Slughorn et McGonagall se précipitèrent à la table des vert et argent afin d'essayer de limiter les dégâts tant qu'ils le pouvaient. Alors qu'un capharnaüm indescriptible régnait à sa table, Aria se tourna vers celle des Gryffondors et croisa le regard de James qui pleurait de rire en voyant les fruits de son travail. Ses amis, qui avaient certainement eux aussi participé à l'élaboration de cette blague, étaient tout aussi hilares; mais c'était d'ailleurs le cas de la plupart des Gryffondors qui se réjouissaient du malheur de leurs ennemis.
Aria leva un pouce en l'air à l'intention de James pour le remercier de l'avoir épargnée; et lui leva les deux pouces en guise de réponse.

Mais parmi toute l'agitation, elle put entendre distinctement Sirius Black s'écrier :

- Mais, eh, pourquoi elle a rien, elle ? James, pourquoi elle a rien, elle ?!


La bibliothèque était bien calme en ce samedi. Aria était une des seules élèves présentes, et était d'ailleurs la seule de septième année. Elle ne comprenait pas comment ses camarades pouvaient bien s'en sortir : ils avaient une montagne d'exercices et d'essais à faire, et leurs professeurs en rajoutaient en permanence. Même si elle était une élève très studieuse depuis son arrivée à Poudlard, elle avait toujours l'impression de ne jamais en faire assez.
Elle était attablée dans son coin favori depuis deux bonnes heures, et était plongée dans son devoir de botanique lorsque quelqu'un se racla la gorge près d'elle.

- Excuse-moi, est-ce que je pourrais m'installer ici ?

Aria leva la tête, et fut surprise de voir Lily Evans, gênée, debout à côté d'elle. Pourquoi, par Merlin et tous les chevaliers de la table ronde, voulait-elle venir s'asseoir à sa table ?! La bibliothèque était pratiquement vide ! La Serpentard tenta de masquer son mécontentement et hocha simplement la tête. Evans murmura un remerciement et s'installa face à elle. Aria se replongea rapidement dans son devoir. Si elle pensait qu'elle allait lui faire la conversation, elle se mettait le doigt dans l'oeil jusqu'au...

- Aria ?

Voilà qu'elle avait pris la fâcheuse manie de l'appeler par son prénom, maintenant. La jeune fille avait parlé doucement, en un souffle, et Aria fit mine de ne pas l'avoir entendue. Ce qui était peu crédible au vu du silence qui régnait autour d'elles, mais après tout, elle pouvait tout à fait avoir une très mauvaise ouïe.

- Excuse-moi, Aria ?
- Oui, Evans ?

Elle avait pris soin de bien accentuer son nom de famille. Elle ne l'appréciait pas et ne voyait pas pourquoi elle se mettrait à lui parler comme si elles étaient amies depuis toujours.

- Est-ce que tu sais ce que tu veux faire, après Poudlard ?

Aria leva la tête, surprise de cette question.

- Ministre de la Magie, évidemment.

Quelle question ! Elle avait l'impression d'avoir été assez claire au cours de toutes ses années d'études à Poudlard sur son choix de carrière.

- Oui, oui, je sais, mais...

Evans semblait embarrassée, et laissa son regard émeraude traîner autour d'elles.

- Mais ? s'impatienta Aria, qui n'avait pas que ça à faire.
- Eh bien, tu ne vas pas devenir Ministre directement à ta sortie d'école, non ?
- Non, mais lorsque j'en ai parlé à Slughorn en cinquième année, il m'a mentionné quelques endroits où je pourrais apprendre le droit sorcier plus en profondeur, et... Mais attends, pourquoi me demandes-tu cela ? la questionna-t-elle, suspicieuse.

Elle n'avait tout de même pas envie de devenir Ministre de la Magie, elle aussi ?! Non seulement avait-elle réussi à devenir Préfète-en-Chef, tout en maintenant une moyenne et un comportement exemplaire alors qu'Aria semblait couler peu à peu; mais voilà qu'elle allait en plus de tout cela lui ôter son plus grand rêve ?

- Eh, pas de soucis, la rassura Evans en souriant. J'ai pas l'intention de m'orienter vers ça plus tard.
- Alors, pourquoi veux-tu savoir...
- Je ne sais pas ce que je veux faire, la coupa Evans avec inquiétude.

Aria resta figée face à cette réponse. La Gryffondor avait les mains tremblantes et son regard sembla s'embuer. Maintenant qu'elle la regardait bien, elle remarqua que ses traits étaient tirés et que de grandes cernes s'étalaient sous ses yeux. Elle avait l'air exténuée.

- C'est juste que..., commença Evans, la voix chevrotante.
- C'est juste que quoi ?

Aria ne l'avait jamais vue comme ça. La parfaite Lily Evans, à qui tout semblait réussir, qui menait une vie parfaite, se mettait à pleurer face à sa rivale.

- Mais enfin, Evans, pourquoi pleures-tu ?
- Je n'ai aucune idée de ce que je vais faire en sortant d'ici ! Tout le monde sait ce qu'il va faire, même James, et Will, et Remus, Sirius, Peter, Amanda, Jonathan, Jordie, Lucy... et moi je suis là au milieu d'eux tous à faire semblant que tout va bien et que je suis sûre de moi et que je sais où je vais mais j'en ai pas la moindre idée ! Même toi tu as un but, ton chemin est tout tracé, et je suis là à me noyer sous les devoirs, les responsabilités, à faire bonne figure... Alors qu'en fait, je suis complètement perdue...

Elle avait terminé son discours en un murmure, tête baissée. Aria devina qu'elle n'osait pas croiser son regard.

- Et en plus de tout ça, j'ai peur. J'ai si peur, pour ma famille, pour mes amis, j'ai peur de Tu-Sais-Qui, j'ai peur de Lestrange et de sa bande qui m'ont volé mon Severus, je ne sais plus où je vais, et ce que je fais... Et d'ici un an, je serai peut-être déjà morte.

La Serpentard la regardait, interdite. Elle n'aurait jamais pensé qu'Evans pouvait être si misérable. Elle qui était toujours joyeuse, souriante, travailleuse...

- Et tu vois, je n'avais pas spécialement envie d'être Préfète-en-Chef, mais je me suis dit que, tant qu'à faire, puisque tout était si flou, si je me donnais à corps perdu dans quelque chose qui avait du sens, peut-être que je finirais par faire le clair dans ma tête au bout d'un moment. Mais, à quoi tout ça va bien pouvoir me servir, après ? J'ai jamais voulu être une sorcière, depuis que j'ai reçu ma lettre, ma vie n'a fait que se compliquer... Parfois j'aurais vraiment préféré n'être qu'une Moldue.

Aria essaya d'emmagasiner toutes ces informations tandis qu'Evans séchait ses larmes avec un mouchoir. Si elle avait su qu'elle était en pleine crise existentielle, Aria n'aurait pas accepté qu'elle s'assoie avec elle. Elle ne savait pas comment consoler les gens, bon sang ! D'abord James, maintenant Evans... Était-elle devenue la confidente officielle de la maison Gryffondor ?

- Mais, Evans, pourquoi me dis-tu tout ça, à moi ?
- Je sais pas, je... J'ai pas vraiment réfléchi, j'avais besoin de parler et j'ai eu l'impression que... Enfin, je veux dire, on est les meilleures de notre année et même s'il existe cette rivalité entre nous deux et que tu ne m'apprécies pas, moi je t'admire... Pour ta persévérance, ta rigueur, ta confiance en toi, ton ambition... J'aimerais te ressembler, parfois. J'aurais été incapable d'aller voir Prewett comme tu l'as fait hier juste parce que tu n'étais pas d'accord avec ta note...

Même si elle lui cacha et resta de marbre, Aria eut l'impression que Noël était arrivé avec un mois d'avance.

- Je n'avais aucune idée... Enfin je n'aurais jamais imaginé que... Que tu penses cela de moi.
- Je suis loin d'être la seule à le penser, lui affirma Evans en souriant. Will passe son temps à parler de toi quand elle ne parle pas de Quidditch ou d'Histoire; James me parle de plus en plus souvent de toi aussi, pendant nos rondes; Remus te trouve brillante; et tu impressionnes même Lucy et Amanda !
- Je ne sais pas qui sont...
- Les élèves des années en dessous te connaissent tous comme étant une élève brillante, continua Evans, et même Severus me disait souvent, avant, que les Serpentard te respectent beaucoup.
- Oh, eh bien...

Aria sentait ses joues s'empourprer. Elle n'aurait jamais imaginé que c'était ce qui était dit dans son dos.

- Et depuis que tu oses tenir tête à Sirius devant tout le monde sans te laisser démonter, tu as gagné le respect de beaucoup d'autres.

Aria leva les yeux au ciel.

- Ce n'est que Sirius Black, pas de quoi en faire une montagne.
- Figure-toi que c'est justement parce que c'est Sirius Black que c'est exceptionnel. Il est si aimé de tous que personne à part James n'ose le contredire, même quand il a tort.

La Serpentard resta silencieuse pendant quelques instants.

- Je suis désolée de t'avoir dérangé, dit la Gryffondor en se levant, je vais aller m'installer ailleurs, si tu veux...
- Non, tu peux rester.

Une vague de fierté avait assailli Aria, et elle la savourait avec délices; mais elle tenta de mettre cela de côté. Sa rivale s'était rassise et la contemplait avec curiosité.

- Bon, Evans. Je te considère comme ma plus grande adversaire dans cette école; et c'est parce que j'ai quelqu'un comme toi face à moi que je reste si persévérante et rigoureuse, comme tu le dis.
- Je...
- Je m'ennuierais beaucoup si, chaque année, je n'avais pas comme but d'être meilleure que toi. C'est, en plus de mon rêve de devenir Ministre, ce qui me motive et garde mon ambition intacte. Je pourrais me complaire dans cette position d'excellence que je me suis créée, au final. Mais si je n'ai plus personne face à moi pour me défier, je ne suis qu'une élève moyenne.
- C'est faux..., commença à protester Evans.

Aria leva un doigt en l'air, lui signifiant qu'elle n'avait pas terminé son discours.

- Concernant tes inquiétudes pour ton avenir, je ne me fais pas de souci pour toi. On nous presse, durant nos études, à déterminer le plus rapidement possible ce à quoi l'on se destine, mais chacun avance à son rythme dans la vie et parfois, certains ont besoin d'expérimenter avant de trouver leur voie. Ce sont les expériences qui forgent une vie, pas les carrières. Tu pourrais tout à fait, si tu le voulais, voyager un peu avant de t'installer. Ou tester des métiers par-ci par-là, afin de voir ce qui te plaît le plus. Ce n'est pas parce que tu ne sais pas ce que tu veux faire maintenant que tu vas errer dans le noir toute ta vie. Qui sait, peut-être que même moi je me rendrai compte dans quelques années que Ministre de la Magie n'est pas le bon choix. Mais, pour l'instant, cela me semble être le bon, alors je ne me pose pas la question. Je verrai ce qu'il se passe. Et puis, si jamais, James est assez riche pour vivre confortablement toute sa vie donc tu devrais être à l'abri du besoin dans tous les cas.
- Que... James... Quoi ?
- Pas de ça avec moi, Evans, vous êtes fatigants à vous tourner autour depuis tout ce temps, il faudrait regarder la réalité en face deux minutes. Toutes les fois où il est venu me parler dans sa vie c'était en rapport avec toi, et pas plus tard que la semaine dernière je me suis retrouvée à le consoler parce que tu l'avais encore envoyé balader.
- Mais je... Je... Tu quoi ?!
- C'est un autre problème, déclara Aria d'un ton ferme.

Elle marqua un temps, réfléchissant aux paroles de la Gryffondor.

- Pour le reste, je ne pense pas être la mieux placée pour te rassurer, Evans. Nous sommes les exactes opposées : toi, née-moldue à Gryffondor; moi, sang-pur à Serpentard. Oui, une guerre se prépare, oui c'est effrayant et oui, ta famille est en danger. Tes amis sont en danger. Tu es en danger.

Evans déglutit face aux dures paroles d'Aria.

- Je suis peut-être un peu plus protégée que toi, Evans, mais d'ici peu cela finira par se savoir que ni ma famille ni moi n'adhérons aux idées de Tu-Sais-Qui et je serai tout autant en danger que toi. Sitôt que nous allons à son encontre, nous sommes en danger. Donc oui, peut-être que tu seras morte d'ici l'année prochaine, mais peut-être que moi aussi, et peut-être que Poudlard n'existera plus et que le monde sorcier se sera rangé du côté de la magie noire. Est-ce que tu comptes rester passive face à tout ça et laisser le Bien courir à sa perte ? Ou est-ce que tu vas te battre et défendre des causes justes qui te permettraient de sauver tes amis, ta famille, le monde tel que tu le connais ? Aucun geste n'est trop petit, Evans. Tout ce que l'on fait, là tout de suite ou à la sortie de l'école, compte.

Le silence s'installa à nouveau tandis qu'Aria laissait Evans digérer son petit discours.

- Alors, cesse de t'apitoyer sur ton sort et garde la tête haute, comme une vraie Gryffondor. Et bats-toi.

Sans qu'elle ne s'en aperçoive, Aria venait de tisser un lien invisible mais puissant entre elles. Elle n'avait pas réellement réfléchi à tout ce qu'elle venait de dire, les mots glissaient de sa bouche sans même qu'elle n'y pense. Mais elle sut, à ce moment précis, qu'elle serait en ligne de front dans cette guerre contre Voldemort. Elle se rendait tout à coup compte qu'elle avait eu faux sur toute la ligne, à penser qu'elle parviendrait à le combattre derrière un bureau. Elle était destinée à plus que ça. La Gryffondor, le sourire aux lèvres, l'observait étrangement, comme si elle la voyait sous un autre jour. Aria, gênée de s'être tant exposée face à elle, reprit soudainement :

- Et puis, si tu n'étais que moldue, je serais assez embêtée. Il n'y aurait plus personne pour m'écouter déblatérer mes théories en Arithmancie.


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