(I) 13. exploration nocturne
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LES DEUX ENNEMIS se regardaient en chiens de faïence, l'un face à l'autre. La tension était tout à coup montée d'un cran et Aria sentit ses dents se serrer. Derrière Sirius, elle apercevait la salle commune chaleureuse de Gryffondor qui semblait pleine à craquer, mais pas de Will en vue.
Aria triturait le livre de sa cousine, Sirius faisait craquer ses doigts sans s'en rendre compte ; les deux ne se quittaient pas des yeux mais n'ouvraient pas la bouche pour autant. Aria sentait que quelque chose entre eux avait changé depuis que la Serpentard avait découvert le secret des Maraudeurs. Elle espérait secrètement qu'elle avait, si cela était possible, gagné le respect de Sirius. Peut-être qu'il reverrait alors ses préjugés envers elle à la baisse et qu'il ne se mettrait plus à la provoquer sans raison à tout bout de champ. Peut-être pourraient-ils revenir à un stade de mésentente cordiale comme lorsqu'ils avaient foulé le sol de ce château pour la première fois.
Généralement, la Serpentard n'était pas contre être le centre de l'attention. Que le journal de l'école parle d'elle ou qu'on murmure sur son passage ne la dérangeait pas, si c'était pour des raisons qui la mettaient en valeur. Mais ce cas de figure où elle était majoritairement détestée par tous juste parce qu'un des garçons les plus populaires de l'école en avait fait son bouc-émissaire l'agaçait profondément. Surtout qu'elle avait déjà montré à plusieurs reprises qu'elle était loin d'être la mangemort en puissance que le Gryffondor se plaisait à décrire; mais ça tout le monde semblait l'oublier rapidement, trop rapidement même au goût d'Aria.
Les deux se regardaient aussi intensément que lors de leur dernière confrontation, et la jeune fille ressentit à nouveau ce sentiment étrange qui l'avait perturbé lors de leur dernier échange, dans la cour. Comme si quelque chose dans ses tripes l'obligeait à maintenir le contact visuel, et qu'en même temps elle en redoutait chaque seconde. Mais bien vite, elle cessa de réfléchir au pourquoi du comment : le fil de ses pensées se perturbait peu à peu à mesure qu'elle se perdait dans le regard du Gryffondor.
- Patmol, qu'est-ce que tu... Oh mais c'est Aria ! Bien le bonsoir ma chère, que nous vaut ce plaisir ?
Aria s'arracha soudainement à cet intense échange silencieux, et sourit avec soulagement à James Potter qui venait de sortir de la salle commune. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Il ne fallait pas qu'elle laisse ses pensées divaguer de la sorte, surtout en présence de Sirius Black ! Elle expira longuement et remarqua qu'elle avait retenu sa respiration durant cette minute où elle avait été seule avec lui ; qui lui avait paru durer une éternité. Sirius détacha enfin ses yeux gris de la jeune fille pour regarder son meilleur ami, d'un air indéchiffrable.
- Qu'est-ce qu'il y a, Cornedrue ?
Sirius croisa les bras et s'appuya contre l'embrasure.
- Je te cherchais, s'écria James, qui semblait déjà avoir l'esprit égayé par l'alcool. Lily est descendue de son dortoir, je crois que ce soir c'est le bon moment !
Il leva un poing triomphant en l'air, et les deux amis se frappèrent dans la main.
- Tu vas gérer mec, le rassura Sirius, un sourire sincère aux lèvres.
- Je sais bien que je vais gérer, affirma James en bombant le torse.
Il se tourna vers Aria.
- Qu'est-ce que tu fais par ici, Aria ? Tu veux venir à la soirée ?
- Quoi ?! balbutia Aria qui sentit le rouge lui monter aux joues. Pas du tout, non, je venais voir Will...
- Tu sais, tu peux venir si tu veux... commença James, un sourire en coin.
- Non ! protestèrent Sirius et Aria d'une même voix.
James leva les mains en l'air, en signe de reddition.
- D'accord, d'accord, pas la peine de m'aboyer dessus... ironisa-t-il en jetant un regard malicieux à son ami.
Sirius, au lieu de rire comme il le faisait habituellement chaque fois qu'un des Maraudeurs faisait un jeu de mots sur leur forme animale, regarda James d'un air paniqué. Le brun à lunettes ne remarqua pas le sérieux de son ami et s'esclaffa en lui tapant sur l'épaule.
- Bon, annonça-t-il en entrant à nouveau dans la salle commune, je vais chercher Will...
Sa voix se mêla au brouhaha ambiant et il disparut de leur vue. Sirius jeta un regard anxieux à Aria, qui avait saisi la blague de James, mais qui avait décidé de ne pas y prêter attention. Le moment n'était pas opportun pour parler de tout cela.
- Bon anniversaire au fait, lui dit-elle d'un air absent afin de changer de sujet.
- Quelle délicate attention Justice, répondit-il narquoisement. T'as un cadeau pour moi, aussi ?!
Aria fronça les sourcils. Ce n'était visiblement pas envisageable d'essayer d'avoir une conversation civilisée avec cet abruti. Elle le regarda avec colère, tout en imaginant le donner à manger au calamar géant.
- J'essayais juste d'être polie, cracha Aria. Mais visiblement c'est trop demander au grand Sirius Black qui n'accepte que les offrandes et les révérences...
- Comme tu peux le constater, répliqua-t-il en montrant sa tête, j'ai en effet une couronne Justice, c'est mon anniversaire et je fais ce que je veux !
- Fantastique ! vociféra Aria. Tu n'aurais pas l'urgente envie de t'enfoncer cette couronne dans le crâne jusqu'à ce que mort s'ensuive, par le plus merveilleux des hasards ?!
- Je pense que j'ai plutôt envie de te crever les yeux avec, la menaça-t-il en empoignant la couronne d'un geste.
- Eh, du calme les enfants ! s'écria tout à coup Will, qui venait d'apparaître derrière Sirius.
Aria, qui avait sorti sa baguette, se détendit en voyant sa cousine ; et Sirius repositionna sa couronne sur sa tête en faisant la moue.
- Ari ! sourit Will. T'es enfin sortie de tes livres !
Elle se précipita sur sa cousine pour la serrer dans ses bras. Elle n'avait visiblement pas bu que du jus de citrouille.
- Oui, j'en avais un peu marre...
- Toi ? Avoir marre d'étudier ?! Pincez-moi je rêve ! s'esclaffa sa cousine.
Aria lui fit un sourire espiègle et ébouriffa ses cheveux déjà bien décoiffés. Une chance que sa cousine était plus petite qu'elle, elle pouvait l'embêter de la sorte assez facilement. Tandis que Will protestait, Sirius assistait à toute la scène sans dire un mot. Il avait ce même regard étrange que lors du cours de potions où Aria lui avait fait tomber de la neige éternelle dessus. Perturbée, Aria cessa d'embêter sa cousine. Will, qui tentait de démêler ses cheveux avec ses doigts, se tourna vers Sirius qui reprit un air ennuyé. Aria fronça les sourcils. Ce garçon se comportait de plus en plus étrangement.
- Allez Sirius, Aria peut venir ? Elle te parlera pas et se fera toute petite dans un coin ! Pour me faire plaisir ?
- Mais je n'ai aucune envie de venir, protesta Aria.
- Et moi je veux pas qu'elle soit là à mon anniversaire, râla Sirius en croisant les bras.
- Wow, pour une fois que vous êtes d'accord sur quelque chose, réalisa Will en battant en retraite.
Aria lui tendit son livre et fit un sourire d'excuse.
- On se verra demain, lui dit-elle simplement.
Will hocha la tête et Aria repartit vers les cachots en toute hâte, désireuse de s'éloigner de Sirius Black le plus vite possible. Alors qu'elle s'enfonçait dans les couloirs sombres, elle entendit le tableau de la Grosse Dame se refermer et le silence régna à nouveau autour d'elle. Elle se repassa son interaction avec le Gryffondor en boucle : elle était de plus en plus intriguée par son comportement, et par les réactions qu'il engendrait chez elle. Elle secoua la tête en reprenant les escaliers, tentant de faire le ménage dans son esprit. Elle était épuisée et se mettait à imaginer tout et n'importe quoi, voilà tout. Elle en avait assez de s'inquiéter à propos de lui en permanence, et décida d'aller directement se coucher avec un bon livre. Autant profiter le plus possible de son dortoir qui était vide encore pour quelques jours. Ses camarades de nuitées revenaient le dimanche suivant, et elle n'aurait plus un instant à elle.
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Aria ouvrit soudainement les yeux. Son dortoir, bien que dans l'obscurité, était teinté d'une très faible lumière verdâtre, signe que le soleil n'était pas encore levé. Quelle heure était-il ? Elle attrapa sa montre à tâtons et soupira fortement en voyant qu'il n'était que quatre heures Et demi du matin. Mais en se redressant, elle se rendit compte qu'elle était bien réveillée et n'avait aucune envie de se rendormir. Elle s'était couchée tôt, vers vingt-deux heures, et s'était endormie presque aussitôt. N'ayant aucune envie de rester dans son lit à la chaleur pourtant accueillante et réconfortante, elle enfila des vêtements chauds avec l'intention de travailler un peu avant le petit-déjeuner. Alors qu'elle attrapait son sac rempli de parchemins vierges et de livres, son estomac gronda.
Il était vrai qu'elle avait généralement une faim de loup dès le réveil. Que faire ? Le premier service de la journée n'était pas avant trois bonnes heures, et si elle restait assise à travailler avec son estomac criant famine, elle ne parviendrait pas à se concentrer. Elle pensa aux cuisines du château. Si elle était assez prudente, elle n'aurait pas de mal à se glisser jusqu'aux cuisines et grignoter quelque chose, juste assez de quoi tenir jusqu'au petit-déjeuner.... Et elle retournerait dans sa salle commune tranquillement en attendant le début de la journée.
Éprise d'un sentiment nouveau d'aventure, elle rassembla tout son courage et se décida à partir à la recherche des cuisines de son école. Elle esquissa un sourire. Voilà qu'elle se mettait à vouloir explorer le château en pleine nuit ! Peut-être passait-elle trop de temps avec sa cousine et qu'elle déteignait sur elle... Aria ajouta son exemplaire de L'Histoire de Poudlard au contenu de son sac, et sortit de son dortoir en s'attachant rapidement les cheveux. Elle savait que les cuisines étaient au niveau des cachots, non loin de la salle commune des Pouffsouffles, mais elle n'avait aucune idée de l'endroit exact où cette dernière se trouvait et les cachots de Poudlard étaient immenses. Il ne valait mieux pas se perdre dedans.
En sortant de sa salle commune, elle regarda prudemment autour d'elle et avança vers le côté ouest des sous-sols en silence. Sa baguette brillait d'une très douce lumière, assez faible pour ne pas se faire repérer de loin, mais assez forte pour éclairer son chemin. Elle erra au détour des couloirs pendant quelques instants, avant de s'arrêter brusquement, aux aguets. Elle avait l'impression d'avoir entendu un bruit. Elle éteignit son lumos et se colla contre un mur à sa droite.
Quelqu'un, non loin d'elle, fredonnait un air désuet d'une voix nasillarde. Peeves. Aria se retint de soupirer lourdement. S'il la trouvait ici, c'en était fini de sa balade nocturne, et elle ne donnait pas cher de sa peau. Slughorn ne serait certainement pas tendre avec elle si jamais elle se faisait repérer dans les couloirs en pleine nuit, surtout après avoir été sentenciée à un mois de retenues juste trois jours auparavant. Elle réfléchit à toute vitesse alors qu'elle entendait la voix agaçante de l'esprit frappeur se rapprocher d'elle.
Une idée lui vient alors, et elle s'empressa de se jeter un sortilège de désillusion. Alors qu'elle sentait le sortilège se déverser sur son corps, elle se dit qu'elle n'avait jamais été aussi heureuse de maîtriser les sortilèges informulés. Peeves apparut soudainement au détour du couloir devant elle, quelques bougies flottant à ses côtés. Elles projetaient des ombres terrifiantes sur les murs de pierre, qui firent frissonner Aria. L'esprit frappeur fredonnait à mi-voix une chanson sordide à propos de têtes coupées servies lors d'un festin de trolls. La Serpentard retint sa respiration alors qu'il passait tout près d'elle ; et il ne la remarqua pas, trop occupé à imiter ce qu'Aria devina être le bruit d'une décapitation. Peeves s'éloigna, et emporta la lumière avec lui, laissant la Serpentard dans le noir. Son cœur battait à toute vitesse : on ne savait jamais sur quoi tomber dans ces cachots, surtout dans le noir complet, et Aria s'imagina toutes sortes de créatures terrifiantes ramper vers elle. Ignorant sa peur, elle resta collée au mur encore quelques secondes pour s'assurer qu'il n'allait pas revenir sur ses pas ; puis alluma à nouveau la pointe de sa baguette et continua sa route d'un pas décidé.
Son estomac gargouillait faiblement alors qu'elle avançait toujours dans les sombres cachots de Poudlard. Elle marchait depuis un petit quart d'heure désormais, et avait sorti son Histoire de Poudlard afin de rechercher des informations sur les cuisines. Elle était pratiquement sûre que l'ouvrage en indiquait l'emplacement exact. Tout en gardant le gros livre ouvert entre ses bras, sa baguette entre les dents, elle avançait au milieu d'un couloir dont les murs étaient recouverts de tonneaux de bois. Elle n'était jamais venue dans cette partie du château, mais se réjouit : elle ne devait pas être loin de la salle commune des Pouffsouffles. Will lui avait parlé, il y a quelque temps de cela, du fait que l'entrée se faisait à travers un tonneau. Et si elle s'approchait de l'antre des Pouffsouffles, elle s'approchait des cuisines.
Elle prit un couloir vers sa droite, dénué de tout tonneau. Sur ses murs s'étalaient de nombreux tableaux aux images appétissantes, représentant des festins plus grandioses les uns que les autres. Aria continua d'avancer, l'eau à la bouche. Soudainement, sa baguette éclaira un immense tableau représentant une coupe de fruits en argent. Aria avança de quelques pas, puis fit un tour sur elle-même. C'était le plus grand tableau de tous. Elle tendit l'oreille, mais le silence régnait toujours en maître dans le couloir vide. Elle s'approcha à nouveau du tableau et l'examina. Il n'était pas là par hasard, et cachait certainement quelque chose. Comme pour vérifier son hypothèse, elle jeta un oeil à son livre.
"Les cuisines du château regorgent de mets plus appétissants les uns que les autres. Située juste au-dessous de la Grande Salle, elles en ont les mêmes proportions. Son accès, caché par un tableau, est secret ; mais toute personne désireuse de se rafraîchir sainement la gorge saura choisir le bon endroit à toucher afin de dévoiler l'entrée."
Aria, poussée par son estomac vide qui grondait dans son ventre depuis une bonne demi-heure désormais, rangea précipitamment son livre et se mit à toucher les fruits du tableau de ses deux mains, sa baguette entre les dents. Elle effleura une banane, une pomme, une poire, et se figea lorsqu'elle vit cette dernière se trémousser en riant. Soudainement, la poire se transforma en une poignée de porte. Trépignant d'excitation, Aria l'empoigna fermement et la tourna. Le tableau pivota sur ses gonds en grinçant faiblement, et une délicieuse odeur de gâteaux envahit le couloir.
Un sourire aux lèvres et le coeur empli de fierté d'avoir découvert l'accès aux cuisines toute seule, Aria se faufila dans la salle, et le tableau se referma derrière elle en un bruit sourd.
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Un petit chapitre de transition, le prochain est plus fourni ;)
On a dépassé les 700 vues, c'est assez dingue ! Je suis heureuse que cette histoire plaise, merci beaucoup ♡
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