(I) 34. besoin de personne
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SIRIUS ÉTAIT ARRIVÉ vers la fin du couloir lorsque tout son corps se tendit. Ses sens, plus aiguisés que ceux d'un simple sorcier grâce à sa capacité à se transformer en animal, lui avaient tout à coup intimé que quelque chose s'approchait de lui dans la pénombre. Il s'arrêta et renifla. Un spasme de dégoût le traversa. Cela sentait le chat. Et pas n'importe lequel... Miss Teigne.
Si ce chat de malheur était dans le coin, alors son maître n'était pas loin. Et s'il tendait l'oreille, Sirius pouvait même entendre son clopinement et sa respiration saccadée à quelques couloirs de là. Que faire ? Il n'avait ni Carte, ni cape d'invisibilité avec lui, et ne pouvait décemment pas se transformer en chien au beau milieu d'un couloir de Poudlard avec Rusard qui risquait d'apparaître à tout moment... Il n'avait rien à se reprocher, et le couvre-feu n'était pas encore passé; mais ses multiples affrontements avec le concierge lui avaient appris que lui et ses amis étaient toujours coupables de quelque chose à ses yeux (ce qui était vrai presque tout le temps), et qu'il était plus sage d'éviter le plus possible l'horrible personnage. Mieux valait prévenir que guérir. Il fit précipitamment demi-tour, et usa de toute la discrétion que pouvait lui permettre son agilité de canidé pour faire le moins de bruit possible.
Mais ce qu'il vit en se retournant fit s'hérisser tous les poils de son corps. Miss Teigne était juste derrière lui, et le fixait de ses grands yeux rouges. Comment diable avait-il pu ne pas l'entendre arriver dans son dos ? Il lui lança un regard mauvais tandis qu'il continuait son chemin vers l'autre bout du couloir, ignorant le chat qui trottinait sur ses talons, et qui poussait quelques miaulements légers. Sirius accéléra; il entendait les pas irréguliers de Rusard ainsi que ses respirations essoufflées s'approcher de plus en plus.
- Miss Teigne, l'entendit-il haleter. Qu'est-ce que tu nous as trouvé là, ma jolie ?
Pris d'horreur, Sirius se mit à courir vers le bout du couloir, mais c'était sans compter sur la fidèle amie du concierge qui planta tout bonnement ses griffes acérées dans la cheville du Gryffondor. Ce dernier étouffa un cri, les larmes aux yeux. Saleté de chat ! Il tenta de continuer son chemin mais le félin était tenace, et ses pattes restaient solidement accrochées à la jambe de Sirius, lacérant lentement mais sûrement sa peau. Derrière, Rusard s'approchait : il voyait au loin la lueur de sa lanterne grandir de seconde en seconde.
Sirius pensa un instant à se cacher derrière une des tapisseries, mais il se ravisa aussitôt : ce genre de cachettes ne fonctionnait pas sur le concierge, il en avait déjà fait la douloureuse expérience lors de sa première année à Poudlard. Avec ce maudit chat aux pattes, il ne pouvait de toute manière pas faire grand-chose. Alors que le désarroi grandissait en lui, il eut un éclair de lucidité et se lança un sortilège de désillusion, mais la douleur lancinante à sa cheville le déconcentra. Il n'était qu'à la moitié du couloir, devant une tapisserie sur laquelle un énergumène tentait d'apprendre à des trolls la danse classique. Et là, tout paniqué qu'il était, il ne rêvait que d'une chose : trouver la cachette d'Aria Justice pour pouvoir, lui aussi, disparaître de ce couloir en un claquement de doigts et ainsi éviter tout problème. Il tourna plusieurs fois sur lui-même, désespéré de trouver la cachette de la Serpentard, lorsqu'un bruit inattendu - comme si des pierres roulaient sur elles-mêmes, le fit se retourner vers le mur face à la tapisserie.
Il oublia momentanément tous ses problèmes face à ce qu'il venait de se passer : une porte était apparue dans un mur où il n'y avait rien à la base. Traînant toujours le chat derrière lui, il s'en approcha avec précaution, et l'observa. C'était une porte élégante, tapissée d'un velours bleu-nuit et parsemée d'étoiles de fil doré. Une poignée d'or, ronde et ouvragée, complétait le tout.
Mais son observation ne put durer bien longtemps : Rusard était enfin arrivé à l'entrée du couloir, et malgré la pénombre, n'allait pas tarder à remarquer sa présence. Tentant le tout pour le tout, Sirius se baissa vers Miss Teigne, lui agrippa la peau du cou et tira pour la déloger de sa jambe, mais sans effet. Il fit alors quelque chose qu'il n'avait jamais tenté : il transforma seulement sa mâchoire en gueule de chien afin d'effrayer le félin. Miss Teigne, à la vue du visage mi-homme mi-canidé de Sirius, ouvrit d'immenses yeux et se raidit, pétrifiée. Il suffit juste au jeune homme de grogner pour que le chat lâche sa prise et s'enfuie, la queue gonflée par la peur, vers son maître qui haletait un peu plus loin.
- Eh ! EH TOI LÀ-BAS !
Rusard n'eut jamais le loisir de connaître l'identité de l'élève dans le couloir, car lorsqu'il en atteint le milieu, il s'était volatilisé.
De l'autre côté de la porte qui avait vraisemblablement disparu à l'instant où elle avait été refermée, Sirius se délectait d'entendre pester le concierge, l'oreille collée contre le panneau. Il l'écouta tapoter sur toutes les pierres du mur à travers lequel il avait disparu; soulever avec triomphe les tapisseries pour finalement reprendre ses grognements lorsqu'il réalisait que personne ne se cachait derrière; tenter de rassurer son chat qui ne cessait de miauler avec ferveur. Pendant tout ce temps, Sirius ne pouvait s'empêcher de rire, et il en avait presque les larmes aux yeux lorsque les pas de Rusard s'éloignèrent enfin.
Se promettant de n'oublier aucune miette de ces quelques instants afin de tout raconter en détail à ses amis; il éloigna enfin son oreille de la porte et prit soudainement conscience du fait qu'il entendait des oiseaux chanter. Un coup d'oeil à terre le fit se rendre compte qu'il se tenait sur une sorte de moquette réhaussée d'un tapis aux couleurs vives, quelque chose qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir à Poudlard. L'air était frais, doux, fleuri, il sentait même une légère brise lui chatouiller les cheveux.
Le Gryffondor regarda enfin autour de lui, et il fut encore plus surpris de se retrouver dans une pièce à la décoration rustique, à la porte ouverte sur un jardin bucolique et paisible. Presque par automatisme, il inspira profondément et se sentit immédiatement apaisé, serein, presque comme si ce lieu inattendu avait absorbé tous ses soucis. Sceptique, il s'empressa de réouvrir la porte contre laquelle il avait passé de longues minutes et de jeter un oeil derrière pour constater qu'il était effectivement toujours dans l'enceinte du château. Abasourdi, il referma la porte et avança doucement dans la pièce, avec une pointe de méfiance mais surtout une grosse dose d'admiration pour cet endroit. Il s'y sentait tellement bien, cela faisait une éternité que cela ne lui était pas arrivé. Et, pour tout dire, il n'y avait que chez James qu'il se sentait si serein et paisible. Alors qu'il avançait vers le jardin que dévoilait la porte entrouverte de la pièce, il entendait de plus en plus distinctement les grésillements familiers d'une radio.
Arrivé à l'entrée du jardin, Sirius constata qu'une table en fer avait été dressée au milieu des herbes folles et des mille et uns pots de fleurs du jardin, et que sur l'une des chaises de fer forgé était assise une jeune fille blonde. Elle semblait perdue dans un livre sur lequel elle prenait des notes. À côté de son travail se tenait un vieux poste de radio moldu, qui crachinait doucement une chanson française. Il ne la connaissait pas, mais apprendre le français avait été obligatoire durant les premières années de sa vie, et il n'eut aucun mal à reconnaître la langue de Molière dans les mots qui coulaient de la radio.
Le jeune homme s'appuya contre l'embrasure de la porte, et se contenta de regarder Aria Justice travailler. Elle était de profil à lui, légèrement en diagonale, et ne l'avait de toute évidence pas remarqué. Elle était plongée dans son ouvrage. Comme d'habitude. Mais là où, habituellement, ses nerfs se tendaient en la voyant, il n'en fut rien cette fois-ci.
Il ne sut jamais exactement à quoi cela était dû, certainement à la paix que lui prodiguait ce lieu qu'il considérait comme merveilleux, mais ce fut le moment exact où Sirius Black cessa de croire qu'il haïssait Aria Justice. Mais ce fut bien évidemment une constatation qu'il ne fit que des mois plus tard.
À sa grande surprise, la jeune fille se mit à chantonner les paroles de la chanson. Son coeur fit un léger soubresaut. Évidemment, elle aussi savait parler français. C'était un passage obligé dans des familles comme les leurs.
- Et les yeux dans les yeux, chantonnait la Serpentard à mi-voix; et la main dans la main, j'aurai le coeur heureux sans peur du lendemain...
Comme hypnotisé par cette vision sortant de l'ordinaire, Sirius Black resta appuyé contre l'embrasure de la porte. Il regardait les cheveux blonds d'Aria briller au soleil, négligemment réunis en un chignon lâche. Il observa comment son pull en laine bleu roi, trop grand pour elle, tombait de son épaule tandis qu'elle faisait virevolter une plume entre ses doigts fins. Il admira presque les quelques mèches rebelles qui s'échappaient de son chignon pour venir se lover contre sa nuque dégagée. Il ne l'avait jamais vue si négligée. Elle qui était toujours tirée à quatre épingles...
Un nouveau morceau se fit entendre à travers les grésillements de la radio, et cette fois-ci Sirius le connaissait. C'était une chanson française qui parlait d'une Harley Davidson, chantée par une actrice blonde qui faisait un carton dans le monde moldu. Alors qu'Aria se mettait à chantonner également ce morceau, il se passa à nouveau une chose étrange au niveau du coeur du Gryffondor, et plus bas aussi, vers son abdomen. Il venait de réaliser qu'Aria ressemblait un peu à l'interprète de cette chanson, qu'il avait vue une fois lorsqu'il s'était éclipsé de chez ses parents il y avait quelques années de cela et qu'il s'était caché dans un de ces lieux incroyables que les moldus appelaient cinéma. Il avait alors connu l'un de ses premiers émois en découvrant sur grand écran, lors d'une rétrospective, le film Et Dieu... créa la femme, avec en vedette cette française qui avait fait chavirer de nombreux coeurs. Le sien compris.
Un peu sonné par l'étrange rapprochement qu'il venait de faire entre une de ses premières expériences de désir amoureux et la jeune femme qu'il avait en face de lui, il desserra sa cravate rouge et or et déboutonna un peu sa chemise. Il déglutit, et se rassura en se rappelant que non, Justice ne pouvait pas ressembler à Brigitte Bardot, tout simplement parce qu'elle était anglaise. Et incroyablement énervante. Et elle avait les yeux bleus, de toute manière. De grands yeux bleus....
- ... Et si je meurs demain, c'est que te-el était mon destin-in, je tiens bien moins à la vie qu'à mon terrible engin...
Entendre et voir Justice chantonner les paroles ne l'aidèrent pas à penser à autre chose. Tout à coup, il imagina la jeune femme sur une moto, exactement comme elle était là tout de suite, les cheveux n'importe comment, le bout du nez et les lèvres roses; et il lui sembla que son coeur battait plus vite. Le souffle court, il n'aurait même pas été étonné de savoir que ses joues avaient rougi.
Tentant d'éloigner toutes ces pensées inédites et franchement inquiétantes de son esprit, il se mit à penser à d'autres chansons, d'un autre style, qui lui semblaient beaucoup moins excitantes. Comme par exemple celles des groupes de punk que crachaient les enceintes de son tourne-disque lorsqu'il passait ses vacances chez James. Oui, voilà. Penser anarchie. Penser crêtes. Penser guitares électriques et sol collant à cause de la bière. James et lui avaient déjà réussi à s'incruster à des concerts de punk lorsqu'ils faisaient des escapades dans la capitale pendant les vacances. Ce n'était pas exactement le genre de musique que James préférait, mais il ne disait jamais non à Sirius, et encore moins lorsque l'alcool coulait à foison et que personne ne les engueulaient s'ils cassaient des choses.
Ses pensées dérivèrent à nouveau sur la Serpentard qui travaillait toujours, et il resta là à la regarder de longues minutes encore. Finalement, ces chansons françaises des années soixante étaient certainement la bande-son qui collait le mieux à Aria Justice en cet instant. Cet instant irréel où la jeune femme semblait complètement différente de la furie qui lui jetait des sorts et l'énervait tant. Cet instant paisible où le soleil descendant rehaussait l'éclat de ses cheveux blonds; et où elle s'étirait, perdue au milieu de son pull trop grand pour elle, entourée de fleurs plus colorées les unes que les autres.
À nouveau, il eut l'impression de sentir son coeur battre un peu plus fort, et il se força à regarder ailleurs. Il allait se concentrer sur les papillons qui virevoltaient près d'où il se tenait. Voilà. Les papillons qui se rapprochaient du lierre recouvrant le mur contre lequel il était appuyé, et qui s'envolaient un peu plus haut pour finalement retourner se poser sur quelques fleurs çà et là...
Mais d'une voix sèche, Aria Justice le fit sursauter avec violence tandis qu'elle s'adressait à lui, ayant visiblement remarqué sa présence.
- Qu'est-ce que tu fiches ici, Black ?!
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Très peu de dialogues pour celui-ci, mais je crois que j'aime beaucoup ce chapitre. :) Évidemmeeeeeeent qu'Aria est dans la Salle sur Demande, j'ai pas été très originale sur ce coup-là haha ! La preuve, vous aviez tous.tes visé juste ;)
Hors sujet : la semaine prochaine, cela fera un an tout pile que j'ai commencé à publier cette histoire sur Wattpad ! Le temps passe vraiment vite, c'est fou. À cette occasion, je me disais que peut-être je pourrais faire une sorte de FAQ après le chapitre, qu'en dites-vous ?
Voilà, si jamais donc vous avez des questions sur tout et n'importe quoi (Ambition, moi, l'actualité, que sais-je mdr), j'y répondrai après le chapitre de la semaine prochaine 😇 (me foutez pas de vent svp)
Évidemment, un immense merci à vous d'être toujours de plus en plus nombreux.ses à lire cette histoire, ça me fait chaud au coeur ♡
xx
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