(I) 12. les dix-huit ans de Sirius Black

✧ ✧ ✧

JAMES POTTER AVAIT TOUJOURS ÉTÉ FASCINÉ par son meilleur ami, Sirius Black. Il avait beau être cent pour cent attiré par les filles, et surtout par une jolie rousse aux yeux verts, il ne pouvait s'empêcher de trouver Sirius incroyablement charmant. Chacun de ses gestes s'effectuait dans une nonchalance gracieuse qui ne cessait de l'étonner, et qu'il ne parvenait jamais à imiter. Sirius pouvait s'affaler comme un vieux tas dans un pouf décrépi de la salle commune et toujours avoir l'air beau. James avait généralement l'apparence d'un gobelin aux cheveux ébouriffés lorsqu'il faisait la même chose. C'était peut-être pour cela qu'il avait été immédiatement attiré par le jeune Black lors de leur premier voyage dans le Poudlard Express, sept années auparavant. Cela, et la lueur constante de défi dans ses yeux gris. Sirius Black avait toujours eu l'air de porter le poids du monde sur ses épaules, mais semblait s'en fiche complètement ; car il avait toujours su, au fond de lui, qu'il valait mieux que ce qu'on lui avait rabâché durant son enfance. Et il était prêt à le prouver à chaque instant de sa vie, peu en importaient les conséquences.

En ce 3 novembre 1977, Sirius Black fêtait ses dix-huit ans. Et James Potter, qui avait trouvé en lui un véritable frère, avait prévu une journée d'anniversaire digne d'un vrai Maraudeur. Il démarra les réjouissances avec un petit-déjeuner royal au lit (qui s'était terminé en une bataille de nourriture) puis la matinée continua avec une course-poursuite entre Rusard et les quatre garçons dans les couloirs du château (Peeves s'était avéré être un précieux allié dans la pose de Bombabouses à retardement, et James se promit de s'en rappeler). Ils enchaînèrent avec la préparation d'une farce élaborée à faire à la rentrée, autour d'un déjeuner copieux dans la Cabane Hurlante (le genre de réunions de Maraudeurs que Sirius adorait), ensuite jouèrent à un match de Quidditch amical entre eux. James avait prévu, par la suite, une virée à Pré-au-Lard et dans les cuisines de Poudlard afin de préparer le bouquet final : une énorme fête en l'honneur de Sirius à laquelle étaient conviés tous les sixièmes et septièmes années présents au château pendant les vacances (sauf les Serpentards, bien entendu).

Mais toutes ces activités méticuleusement préparées par James Potter se retrouvèrent sabotées d'une manière ou d'une autre par l'arrivée intempestive de hiboux et chouettes apportant à Sirius des cartes d'anniversaire et des cadeaux de ses admiratrices. Lorsque le vingt-deuxième hibou de la journée (Remus avait tenu les comptes) s'interposa entre le souafle et lui, James manqua de s'arracher les cheveux d'exaspération et Peter décida qu'il était préférable, pour le bien de tous et du cuir chevelu de leur ami, de rentrer dans la salle commune se reposer un peu avant les évènements de la soirée.

Ils étaient dans la tour Gryffondor bien au chaud devant la cheminée, et se reposaient autour d'activités calmes. Remus lisait un livre de philosophie moldu dans un fauteuil, Sirius et Peter jouaient à la bataille explosive assis à terre tout en piochant des bonbons çà et là parmi les dizaines et dizaines de paquets d'anniversaire. Sirius prenait d'ailleurs bien soin de renifler discrètement chaque friandise que lui et ses amis ingurgitaient, pour s'assurer qu'ils ne contenaient pas de potions d'amour ou autres charmes du genre. C'était une précaution devenue quasi indispensable à chaque cadeau comestible qu'il recevait à ses anniversaires ou à la St Valentin, après un merveilleux épisode quelques années auparavant de Peter tombant sous le charme d'une Serdaigle à la beauté questionnable après avoir ingurgité une plaquette entière de chocolat qu'elle avait offerte à Sirius. Depuis qu'il avait la faculté de se transformer en chien, ses sens et surtout son odorat s'étaient développés ; et si parfois cela le déstabilisait (qui avait envie de sentir l'haleine de Rusard à plusieurs mètres à la ronde de bon matin ?), cette faculté s'avérait très utile de temps à autre.

Dans le canapé, James et Will discutaient de Quidditch avec passion. Remus, Peter et James s'étaient réconciliés avec la petite brune lors du kidnapping de Sirius par Aria ; et quelques heures plus tard Sirius s'était excusé auprès d'elle pour ses propos et son comportement blessants. Elle n'avait pas hésité une seconde avant de lui pardonner et de mettre toute cette histoire derrière eux.

- Eh, Will ? avait demandé Sirius, l'air absent tandis qu'il piochait avec soin un fondant du chaudron dans un petit panier en osier rose orné d'étoiles.
- Oui ?
- T'aurais vu ta cousine aujourd'hui, par hasard ?

À ces mots, Remus leva discrètement les yeux de son livre pour échanger un regard mi-amusé, mi-entendu avec Will. Cette dernière répondit à Sirius :

- Elle est à la bibli non-stop depuis deux jours, elle dit qu'elle doit rattraper son retard sur son travail, mais je pense qu'elle a surtout pas envie de te voir.

Elle avait un sourire narquois aux lèvres et James pouffa de rire.

- Sérieux Patmol, tu peux pas te passer d'Aria ou quoi ? Ça fait deux jours que tu nous bassines avec elle.
- C'est vrai ça, renchérit Peter. Elle t'a fait boire de l'Amortentia ?

James et lui se tapèrent dans la main, hilares ; tandis que Remus et Will souriaient avec amusement.

- Non, rétorqua Sirius avec plus de virulence qu'il ne l'avait voulu, mais on a une conversation à finir et j'ai pas envie de me prendre la tête avec ça toute ma vie.

Ses amis ne cherchèrent pas à l'embêter plus que cela, ni à comprendre de quoi il parlait : il restait muet comme une tombe quant aux tenants de la conversation qu'il avait eue avec Aria Justice deux jours auparavant, et même James ne parvenait pas à lui sortir les vers du nez.

- Si j'étais toi, lui dit Will, je m'y prendrais plutôt aux moments des repas parce qu'elle est particulièrement sur les nerfs en ce moment, elle dit qu'elle a plein de retard à rattraper sur ses révisions par ta faute.
- Pourquoi par ma faute ? Je suis pas la cause de tous ses problèmes quand même. La bibliothèque est loin d'être le seul endroit dans tout Poudlard où on peut réviser, faut arrêter deux minutes...

Une carte explosa tout à coup près de son visage, signifiant que Peter gagnait la dernière manche. Alors que Sirius s'était éclipsé vers son dortoir pour se changer et se débarbouiller en vue de la fête qui n'allait pas tarder à être lancée, ses trois meilleurs amis se tournèrent brusquement vers Will, l'air inquisiteur. Elle leur rendit un regard surpris et apeuré.

- Désolés Will, s'excusa Remus avec un haussement d'épaules, mais c'est peut-être notre seule occasion de te parler sans que Sirius soit là.
- Sérieusement, continua James, t'as parlé à ta cousine depuis ?
- Je vais vraiment finir par croire à cette histoire d'Amortentia, déclara Will choquée de l'intérêt que tous éprouvaient pour Aria ce jour-là.
- C'est juste que Patmol est bizarre depuis mardi, s'inquiéta Peter. Il veut pas nous raconter ce qu'il s'est passé avec Aria et il a l'air assez stressé.
- Il dort encore moins que d'habitude, renchérit Remus. Et c'est dire, parce qu'il dort déjà pas beaucoup.
- C'est vrai qu'il a l'air un peu fatigué depuis deux jours, observa Will. Mais, honnêtement, j'ai pas beaucoup vu Aria depuis, en fait. On en a pas vraiment parlé.

Les garçons soupirèrent, déçus.

- À part juste après les avoir retrouvés mardi matin, se rappela Will. Elle était très bizarre, d'habitude elle est assez calme mais là elle était super agitée.

James et Remus échangèrent un regard entendu tandis que Peter piochait une Patacitrouille dans les cadeaux de Sirius.

- Et aussi, ajouta Will avec un sourire espiègle, elle était toute rouge. Je l'ai rarement vue aussi rouge, la seule fois où c'est arrivé c'est quand on avait rencontré Hamish MacFarlan après un match, quand on était petites.
- Le capitaine des Pies de Montrose ?! s'exclama James.
- Lui-même, affirma Will. Aria avait un peu le béguin pour lui avant.

Un lourd silence s'installa entre les trois Gryffondors, brisé de temps à autre par les bruits de masticage de Peter qui mangeait toujours des friandises.

- Ça peut pas vouloir dire..., commença Remus.
- Non, non, non ! affirma James. Ça veut rien dire du tout, il doit y avoir une autre explication. Ils se détestent comme hippogriffes et sombrals !
- Oui..., dit simplement Will, pensive.

Mais ça n'était pas la première fois que l'idée lui effleurait l'esprit. Et si toutes ces disputes ne cachaient pas autre chose ? Sans même que les principaux concernés ne s'en aperçoivent ? 

Ce soir-là, Aria Justice en avait assez de travailler, ce qui était un événement assez rare pour être souligné. Après avoir passé deux journées et soirées entières à étudier afin de rattraper son retard (notamment en Histoire de la Magie, puisqu'étant privée de bibliothèque elle n'avait pas eu accès aux livres qui lui servaient de cours), elle commençait à saturer sérieusement. Elle ne comprenait pas pourquoi les autres élèves de son année ne s'alarmaient pas du travail colossal que leur demandaient les ASPICs. Elle n'avait pas souvent vu Will étudier depuis le début des cours, et même son groupe d'études auparavant hebdomadaire se tenait désormais de manière irrégulière : depuis que Sirius et elle se chamaillaient avec plus de virulence que les années précédentes, les gens avaient tendance à l'éviter. Afin de ne pas s'attirer les foudres du Gryffondor, probablement.

Aria était impatiente de partager ses connaissances sur les sortilèges informulés avec Marlene. Le débit de paroles de la Serdaigle l'intimidait quelque peu, mais au moins elle ne semblait pas manquer de sujets de conversations et paraissait avoir la tête sur les épaules. Aria avait l'impression qu'elles avaient tout pour bien s'entendre. Elle savait pertinemment que maîtriser les sortilèges informulés à cette période de l'année n'était pas si exceptionnel que cela, car leurs professeurs allaient certainement s'y attaquer dès janvier ; mais Aria aimait qu'on l'admire pour quelque chose qui lui avait demandé tant d'heures de travail et d'énergie. Et elle se disait que cela ne lui ferait pas de mal de lier de nouvelles amitiés.

La Serpentard avait erré quelque temps dans sa salle commune après le dîner, auquel Will n'était pas venue. Elle avait supposé que, comme cela lui arrivait quelques fois, sa cousine était partie voleter quelque part dans le domaine de l'école. Aria avait décidé d'attendre quelques heures pour retenter sa chance et essayer de passer un peu de temps avec elle; et se dirigeait à présent vers la tour des Gryffondors. Elle savait qu'elle avait quelque peu délaissé Will depuis sa confrontation avec Black, mais elle n'avait pas voulu être assaillie de questions quant aux tenants de leur discussion et avait utilisé le travail scolaire comme excuse pour éviter sa curiosité.

Assez étrangement, il lui avait semblé qu'il ne fallait pas parler de cette conversation à qui que ce soit d'autre. Aria ne savait pas pourquoi, mais elle avait eu l'impression ce matin-là que quelque chose avait changé entre elle et Black. Évidemment, avec ce qu'elle avait appris, elle menait la danse et était heureuse de savoir qu'elle avait de quoi intimider son ennemi si l'occasion se présentait. Mais, sans qu'elle ne saisisse de quoi il s'agissait, elle avait senti comme une énergie différente émaner d'eux lors de cette énième dispute, moins virulente que les précédentes. Elle savait que la conversation était loin d'être terminée, mais n'avait pas envie de la continuer pour le moment : elle avait d'autres priorités dans sa vie, et Sirius Black allait bien pouvoir attendre un peu.

Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas tout de suite qu'un groupe d'élèves marchait à ses côtés dans les couloirs. Mais elle entendit distinctement son nom de famille, ce qui lui fit lever la tête.

Les filles de Serdaigle de septième année, ces mêmes qui avaient partagé son compartiment lors de leur voyage en train lors de la rentrée, chuchotaient avec excitation à ses côtés. Elle croisa le regard de Kristel Alexander et lui fit un signe de tête poli, qu'elle lui rendit. Ses amies se tournèrent vers Aria et la saluèrent avec distance.

- Ne me dis pas que t'es invitée ?! s'exclama Dorcas Meadowes.
- Invitée à quoi ? répondit Aria en fronçant les sourcils.

Dorcas, qui était particulièrement apprêtée ce soir-là, bomba le torse d'un air hautain et rejeta ses longs cheveux bruns derrière ses épaules.

- L'anniversaire de Sirius, évidemment.

Elle avait répondu à Aria d'un air ennuyé et avait attendu sa réponse, un sourcil levé et la main droite posée sur sa hanche.

- Ah, je ne savais pas que c'était son anniversaire. Non, j'allais chercher Will pour lui rendre un livre, mais je suppose qu'elle ne sera pas disponible pour une balade de ce fait...

Aria avait fini sa phrase en marmonnant et triturant ledit livre, l'attention des Serdaigles s'étant reportée sur leur destination lorsqu'elle avait répondu par la négative. Aria ressentit un pincement au cœur, ce qui la surprit. Elle prit cela pour de la tristesse car elle ne pourrait passer la soirée avec Will, qui serait sûrement la première à faire la fête avec les autres Gryffondors. Même si c'était loin d'être la première fois que sa cousine passait du temps avec ses autres amis qu'avec elle, cette fois-ci Aria se sentait blessée. Elle ne parvint pas à comprendre pourquoi.

En se rappelant de la date du jour, le 3 novembre, elle entendit la voix de sa camarade de dortoir Evelyn Tewn lui murmurer, dans un recoin de sa tête : « Il est scorpion ! ». Aria haussa les épaules, étonnée de se préoccuper de ce genre de détails, surtout à propos de Sirius Black. Elle laissait beaucoup trop Evelyn babiller sur l'astrologie à ses côtés. Le groupe de filles était arrivé devant le tableau de la Grosse Dame et un personnage d'un tableau voisin s'était éclipsé de son cadre en les voyant.

- Igor est parti chercher un Gryffondor, expliqua la Grosse Dame avec un air réprobateur.

Elle n'était visiblement pas ravie que des élèves d'autres maisons entrent dans la tour ; et regardait Aria d'un air mauvais. La Serpentard la toisait avec défi, comme à son habitude chaque fois qu'elle venait ici. La Grosse Dame n'avait jamais témoigné la moindre sympathie envers elle toutes les fois où elle était venue devant son portrait pour voir Will. Elle savait qu'elle ne portait pas les Serpentard dans son cœur, mais se demandait si Sirius n'y était pas pour quelque chose. Ce n'était pas normal qu'elle se comporte de manière si désapprobatrice avec elle et pas avec aucun autre élève. Il devait avoir parlé d'elle à la Grosse Dame.

Le tableau pivota soudain, et un vacarme assourdissant résonna dans le couloir. Il n'était pas encore dix heures du soir mais la musique allait déjà fort et de nombreux élèves se trémoussaient au milieu de la salle commune.

Sirius Black s'extirpa du portrait, une couronne dorée placée de travers sur ses cheveux bruns, une bouteille de Bièraubeurre à la main et un grand sourire aux lèvres. Aria était restée en retrait, n'ayant pas le courage de lui tenir tête lors d'une joute verbale ce soir-là. Elle put observer Dorcas qui battait inutilement des paupières en s'avançant vers le Gryffondor. Elle n'était visiblement pas venue que pour s'amuser. Black, quant à lui, ignora royalement Dorcas et lui adressa le même signe de tête et sourire qu'à ses amies. Aria, qui observait la scène avec un amusement non feint, se demanda si le Gryffondor se rappelait de sa brève relation avec la jolie brune. Déçue, Dorcas se faufila dans le passage et Aria fut la seule restante dans le couloir.

Black remarqua alors sa présence et fronça les sourcils, son beau sourire disparaissant de son visage.

✧ ✧ ✧



J'ai déjà écrit plus long que ça, mais je commence de plus en plus à couper des chapitres en deux parce qu'ils deviennent beaucoup trop longs à force :/
Très peu de dialogues, mais on s'immisce peu à peu dans la vie des Maraudeurs :)
On a dépassé les 500 vues, merci pour tout 💕

Vote/commente si ça te plaît ! ⭐️

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top