V - Fauteuils verts amandes (2)

30 avril 1880,

Le temps s'était égrené, lentement.

Le bonheur de visiter, prochainement, la capitale française avait finit par disparaître. Ne laissant qu'un profond ennui. Recluse dans son fauteuil, Marie sirotait silencieusement son jus de fruits. Elle écoutait d'une oreille distraite la conversation des trois femmes. La comtesse Armande du Bourdet était entrée, d'une démarche rendue tremblante par ses hauts talons, quelques temps plus tôt.

Sa vue avait stupéfait la brune qui en était restée éberluée. Leur dernière rencontre remontait à août 1871 soit neuf ans plus tôt. Celle qui était autrefois une jeune blonde au teint laiteux n'était plus qu'une blonde mal dégrossie à la peau livide de telle sorte qu'on la penserait figée.

La ressemblance avec Pascaline de Fanier était si étrange qu'on pourrait les croire sœurs.

La conversation entre les trois aristocrates s'éternisait. Plus les minutes s'écoulaient, plus la brune glissait dans l'ennui. Les trois femmes possédaient de nombreux points communs ; parfaits pour une discussion animée.

— Ma plus jeune fille, Sophie, est de nouveau malade. Elle est ma seule enfant aussi fragile. J'ai peur qu'elle ne meure avant son dixième anniversaire... expliqua Françoise.

— Et qu'en pensent les médecins ? s'enquit Armande de sa voix aigre.

Elle grignotait un biscuit avec gourmandise, avide de commérages.

— Ils sont optimistes ; bien plus qu'ils ne l'étaient en décembre. Mon époux craint que notre benjamin contracte sa maladie, poursuivit la brune.

Enfant capricieux et taciturne, Achille de l'Ode était le dernier fils né du couple voilà deux ans. Marie esquissa un sourire à son évocation, elle avait toujours eut un certain faible pour lui.

Dans ses pensées, la fiancée ne remarqua pas l'entrée des jumeaux dans la pièce. Victor s'avança et piqua l'un des biscuits.

— Mère, pourrions-nous aller aux écuries ? demanda sa sœur dans une moue des plus adorables.

— Je suis occupée, ma chérie. Ne pouvez-vous pas trouver une autre occupation que celle-ci ? répondit Zéphyrine d'un ton maternel.

On devinait sans mal qu'elle en était profondément attristée. Elle possédait une telle attention pour ses enfants : touchante pour certains, immorale pour les autres.

— Ah.

Accablée de contempler des mines défaites et avec la ferme intention de tuer son ennui, Marie se proposa aussitôt pour les accompagner. Elle aperçut le sourire moqueur de Pascaline, mieux valait l'ignorer, décida-t-elle.

Si bien qu'un temps plus tard, elle marchait dans la paille avec le hennissement des chevaux pour seule musique. Ses bottines seraient souillées ; mais quelle importance : ils étaient heureux. Victor sautillait en tout sens, s'extasiant à chaque cheval présent. Alice, quant à elle, était plus mesurée dans ses déplacements déjà élégants pour son âge. Elle avait hérité de la superbe de sa mère, cela en était certain.

—Dites, Mademoiselle, aimez-vous les chevaux ? demanda Victor entre deux sauts.

— Oui. J'ai ma propre jument, Séléné. Rapide et docile. Et vous, en avez-vous un ?

Deux réponses négatives lui parvinrent.

Les jumeaux reprirent leurs cabrioles enfantines dans un piaillement sonore. Une mèche du chignon d'Alice s'échappa dans l'air, Victor perdit son bracelet de cuir. Ils étaient beaux, à eux deux. Pour cette seule raison, la brune souhaitait avoir une descendance. Les observer grandir, apprendre et vivre.

Plongée dans ses songes, la jeune femme de vingt ans ne remarqua pas l'arrivée des cavaliers. Elle manqua tomber en pâmoison devant eux. Heureusement, elle ne fit que manquer ! Les enfants se précipitèrent. L'un d'eux les saisit dans ses bras en riant. Blond, le port de tête altier, les traits durs et le sourire franc : Amédée de la Motte Fénélon.

Marie le reconnut aussitôt et le salua avec courtoisie.

—Mademoiselle de Quernault, quelle belle surprise ! N'êtes-vous pas avec ces dames ? s'enquit-il en repoussant sa progéniture.

— Je préfère la compagnie de vos enfants à la leur, je dois dire, plaisanta-t-elle à demi mot.

— Cela n'a rien d'étonnant, s'esclaffa Amédée en faisant entrer sa monture dans sa stalle.

Les deux autres hommes l'imitèrent. Des habitués, sans doute.

Marie les laissa poursuivre en silence. Tous exécutaient leurs tâches sans la moindre difficulté. Elle ne connaissait aucun des amis d'Amédée. Les avait-elle croisés ? Elle en doutait fortement.

— Mademoiselle, laissez moi vous présenter deux de mes meilleurs compagnons. Connaissant vos liens avec mon épouse, vous serez sans doute amenée à les rencontrer de nouveau, débuta le blond, enjoué.

Pêchée. La brune se sentait comme la truite lunatique prise dans le filet du pêcheur : surprise et agacée de s'être fait prendre d'une telle manière.

— Voici donc Alaric de Bourgeolles et Anthénor du Larrin.

Le premier était blond nuançant au roux, les yeux sombres et le sourire inexistant. Contrairement à lui, le second avait les cheveux noirs, les pupilles bleues limpides et dévoilait des dents légèrement jaunies.

— Et messieurs, voici donc Marie de Quernault, une des protégées de mon épouse et, accessoirement, la fiancée d'Albert de Deaumoir.

Ils la saluèrent chaleureusement. La brune remarqua, cependant, le visage assombrit des deux hommes à la mention du nom d'Albert.

Le petit groupe se dirigeait d'un même pas vers la demeure, discutant comme de vieux amis complices. A vrai dire, les trois compagnons avaient la conversation facile - même Alaric de Bourgeolles. Alice et Victor couraient devant. Le manoir se dressait devant eux lorsqu'une silhouette s'y découpa.

— Mademoiselle ! Mademoiselle ! s'écria -t-elle en les apercevant.

Lorsqu'elles se trouvèrent l'une en face de l'autre, la brune ne put empêcher la naissance d'un sourire admiratif. Une splendide jeune femme d'une vingtaine d'année. Les cheveux châtains joliment bouclés, le visage ovale, le nez droit, le regard étincelant d'un vert vif et un corps sculpté à la mode de l'époque. Sa robe écarlate et ses boucles d'oreilles en perles blanches ravissaient à la perfection son teint ensoleillé du printemps.

— J'ai bien cru ne jamais vous trouver, ce parc est immense, dit-elle après une oeillade aux trois hommes.

— Et vous êtes ? s'enquit sa locutrice.

— Adolphine de Montueux. Zéphyrine vous cherche depuis une bonne heure et, serviable comme je suis, je me suis proposée. Courir ici et là, quelle ignoble idée ! s'énerva-t-elle, effaçant de la même manière une moue taquine.

Les trois hommes rirent de concert sous l'oeil courroucé des deux femmes.

***

L'apparition de nouveaux personnages vous plaît ? Une première idée sur Amédée de la Motte Fénélon ? Alaric de Bourgeolles ? Anthénor du Larrin ? Ou encore Adolphine de Montueux ?

Sinon, je vous souhaite de passer un confinement des plus agréable/s - ce qui ne sera pas évident. Prenez soin de vous et de vos proches et à la prochaine !

PS : le prochain chapitre, c'est le mariage !!

Média : château de la Motte Fénélon (vue du parc).

une_pensee, votre dévouée auteure.

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