Chapitre trente-neuf
NOREEN
Et voilà comment j'avais encore fait une bêtise. Cette idée de vengeance était juste immature.
Kiron était assis à côté de moi dans l'herbe de la forêt. Je n'avais pas reparlé à Armin. Je pense que c'était la goutte de trop qui avait fait déborder le vase.
- Ce n'est pas ta faute, Noreen. A-t-il essayé de me convaincre.
- C'était mon idée, ma vengeance : pas celle d'Azalée.
- Mais la Reine était d'accord !
Kiron essayait encore de me remontrer le moral alors que tout le monde savait que j'avais totalement merdé. Je ne méritais peut-être pas d'être une rêveuse.
- La Reine aussi peut se tromper. Après tout, qui aurait pu l'accuser. Sérieusement ? Elle avait une chance sur mille et il a fallu que ce soit elle.
- Du peu que j'ai appris sur les humains, ils sont toujours comme cela. A accuser sans arrêt les autres, et tout le monde les croit malheureusement.
- Les dirigeants n'ont même pas cherché à vérifier si c'était vraiment elle ! Ai-je répondu, révoltée.
- Le monde des humains est un concentré de merdes, pas étonnant qu'ils aient besoin des rêveurs. En voici la preuve.
Kiron avait raison. Je l'ai regardé en souriant timidement.
- J'ai une idée, ça a l'air bien foireux mais j'ai besoin de ton avis.
Je me demandais bien ce que cela pouvait être.
- Je t'écoute, Kiron. Ai-je répondu.
- Tu ne penses pas que le meilleur moyen de remonter le moral est de la voir en vrai ? Je veux dire, que tu ailles dans le monde des humains.
Je n'avais jamais vraiment réfléchir à venir dans le monde des humains. Pour moi, cela avait toujours été un rêve d'enfant impossible à réaliser. Je ne savais pas à quoi chaque recoin ressemblait. Etait-ce un endroit merveilleux et plein de couleurs ou un lieu sombre et malheureux ?
Mais je devais me ressaisir : je n'avais pas le droit.
Cela allait à l'encontre de nombreuses règles du monde des rêves comme : ne pas aller dans le monde des humains, ne pas révéler l'existence des rêveurs, avoir une raison exceptionnelle et très importante pour s'y rendre. Or là, jamais on n'acceptera une petite visite dans ce monde pour remontrer le moral. Non, on me dira « tu peux le faire en rêve ». Chaque monde possède sa propre merde.
- C'est relativement impossible, et tu le sais très bien. Même si j'en meurs d'envie.
- On peut toujours trouver une solution.
- Sauf que là, je n'en vois pas.
Il s'est rapproché de moi et m'a chuchoté dans l'oreille, dans le cas où quelqu'un nous observait.
- On pourrait aller dans la campagne, dans les coins bien cachés ils y a forcément des choses illégales : comme une potion d'aller retour dans le monde des humains ? A-t-il dit doucement.
Il a remis sa tête normalement, et un grand sourire est apparu sur son visage. Je ne pouvais pas lui dire non.
- C'est de la folie, ai-je chuchoté.
- Je sais bien, mon idée est stupide ? A-t-il répondu, comme déçu.
- Non, ai-je immédiatement répliqué. Mais ça me fait peur. J'ai déjà eu un avertissement et j'ai peur de perdre Azalée.
- Mieux vaut tenter si c'est la seule solution pour l'aider. Vu comment tu m'as expliqué, Azalée se sent seule. Je pense que ta venue lui montrera qu'il existe bien des gens qui l'aiment.
Il avait vraiment raison. Mais chacune des idées que j'ai utilisé pour aider mon humaine n'a pas fait un beau résultat.
- Je ferais tout pour que tu ne perdes pas Azalée. A-t-il rajouté.
J'avais tellement envie d'y aller.
- Alors, viens avec moi.
- C'est d'accord. A répondu Kiron, le sourire aux lèvres.
***
Et c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés le lendemain, tôt dans la journée, loin des regards des autres, dans la forêt. Ce jour-là, nous n'avions uniquement deux objectifs : récupérer une potion et se rendre dans le fameux monde. J'étais tout excitée à l'idée de pouvoir enfin y aller mais je n'oubliais pas que ce n'était pas pour m'amuser, mais pour aider Azalée.
J'ai vu Kiron au loin, je l'ai salué.
- Bonjour Noreen.
- Ne perdons pas de temps, je pense qu'ils remarqueront vite mon absence.
- Ça va devenir la grande rumeur dans le monde des rêves : « Une jeune rêveuse appelée Noreen s'est fait kidnappée par le méchant rêveur sans humain Kiron qui a disparu il y a quelques mois de cela »
- J'en suis certaine. Ai-je répondu en lui attrapant la main.
Nous ne nous sommes pas arrêtés. N'étant pas très sportive, j'avais du mal à suivre le rythme de Kiron. Mais je ne disais rien.
La frontière de la forêt n'était qu'à quelques pas de nous. Et ce après une bonne heure de marche à pied. Cela aurait été plus rapide avec un pouvoir ou un animal, mais nous devions être le plus discret possible.
Je voyais les derniers arbres. Je n'étais jamais aller dans la campagne, et j'avais imaginé un million de décors pour ce lieu. J'étais une habituée de la ville, une petite protégée du monde des rêves. Je vivais enfin.
Et c'était là que j'ai regardé pour la première fois la campagne. La grande forêt était à présent derrière nous. J'étais sur une falaise et devant moi se dessinait le paysage extraordinaire. De nombreux rêveurs étaient présents, les habitations et les marchés étaient nombreux. La magie y régnait et cela avait l'air bien plus agréable que la capitale. Le paysage était vert, accompagné de montagne et d'un grand lac plus isolé au loin. Tout était magique, bien plus que chez moi.
J'étais éblouie et pétrifiée face à ce spectacle.
- C'est la première fois que tu viens ici ? Avait remarqué Kiron.
- Oui et je ne suis pas déçue.
Nous sommes descendus par une pente. Nous passions rapidement dans ce grand lieu que j'avais pu observer, jusqu'à arriver dans un endroit bien plus sombre, au bord du lac. Le lieu était bien le contraire de ce que j'avais pu voir. Il y avait de la brume au bord de l'eau. Un château sinistre ne se trouvait pas loin.
- On est bientôt arrivé.
Je suis rentrée dans le château à contre cœur après que Kiron m'ait expliqué tout le chemin. Je ne regardais à peine, je me dépêchais de foncer. J'étais à ce moment plus rapide que lui, c'était marrant à voir. Nous sommes passés dans les catacombes, comme un passage secret. Et c'était le cas, après une heure de marche, nous sommes arrivés dans la campagne dîtes interdite, illégale ou ce que vous voulez.
Là se trouvait le marché noir avec notamment les potions. Le lieu était moins harmonieux que les autres, mais j'avais l'impression qu'ici, les gens se connaissaient bien plus.
- Kiron, ça fait longtemps ! A lancé un rêveur qui se rapprochait de nous.
Kiron venait-il souvent ici ?
- Nous sommes pressés, désolé. A-t-il répliqué en s'éloignant avec moi, comme pour éviter de lui parler.
Nous avons marché quelques minutes dans le silence. Kiron était sûrement mal à l'aise. Il cachait ceci en cherchant l'endroit où acheter les potions. Et je ne suivais bêtement car je ne savais pas où aller.
- Tu viens souvent ici ?
Ma question l'a interpellé puisqu'il s'est immédiatement arrêté.
- C'était l'un des lieux les plus sûrs pour me cacher lors de ma fuite. Je n'y vais plus depuis que je suis dans la forêt.
- D'accord. Ai-je répondu en le croyant.
Nous sommes enfin arrivés au bon endroit. La vendeuse était une rêveuse aux cheveux gris et abimés dans le corps d'une femme de vingt ans. Elle ne souriait pas et écrivait quelques choses sur un papier. Elle a levé la tête, en cachant cette feuille.
- Mais c'est Kiron ! A-t-elle lancé.
- Bonjour madame. A-t-il dit, l'air de rien.
- Bonjour, me suis incrustée.
La vendeuse souriait à pleine dent. Je me demandais ce qu'il se passait. Mais je devais relativiser : Kiron se cachait ici, alors c'était normal que les rêveurs le reconnaissent dans ce lieu. Il devait être une star en fuite ici, ou alors l'un des leurs.
- Ce serait pour deux potions d'aller-retour dans le monde des humains, a-t-il prononcé d'un air si sérieux que je ne reconnaissais pas.
Elle s'est mise à rire. Ses dents trouées et jaune me faisaient peur à voir.
- Tu sais bien que ce n'est pas gratuit !
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