Chapitre trente-cinq
NOREEN
Azalée avait changé. Elle ne voulait plus me parler, elle était comme muette. Je ne savais pas pourquoi elle avait changé subitement. Je faisais de mon mieux, pourtant. Je craignais qu'il se soit passé quelque chose dans son monde. Malheureusement, je n'avais accès qu'à certains souvenirs.
J'ai pensé à aller voir la reine. Mais Azalée n'était sûrement pas la seule humaine à souffrir et c'est pour ça que les rêveurs sont là. Et non pour donner tout le travail à la reine. Je me suis dis que je pouvais gérer la situation toute seule.
Alors, j'essayais de remonter le moral à Azalée en rêve.
Mais vous voyez, c'est dur de remonter le moral à quelqu'un qui déprime et qui ne veut rien écouter. Même si on fait de son mieux.
Ce jour là, je suis allée m'entraîner avec Dune. Nous étions dans une salle réservée aux entraînements. Cela me permettait premièrement d'apprendre, et deuxième de me détendre. Vraiment.
Après deux bonnes heures à suivre les propositions de Dune, je lui ai proposé quelque chose.
- Et si on s'entraînait au sort qui brise la barrière des cauchemars ?
Dune a soupiré dès l'entente de cette phrase.
- T'es encore là-dessus ? A-t-elle demandé.
- Je veux maîtriser ce pouvoir, dans le cas où cela recommence.
- Mais, ça t'obsède. Je sais que ton humaine ne va pas bien mais il ne faut pas croire que c'est juste à cause du cauchemar.
Elle ne pouvait pas comprendre.
- Le cauchemar, c'est il y a longtemps. Ai-je expliqué calmement. Mais comme elle ne va pas bien, j'aimerais pouvoir couper un cauchemar, au cas où.
De nombreux rêveurs travaillaient ici. Il suffisait d'aller les voir pour qu'ils apprennent ou nous aide à nous entraîner. Ou sinon, nous pouvions être indépendants. Mais vu l'ampleur de ce pouvoir, il fallait un rêveur bien plus qualifié avec nous.
Je me suis rapprochée d'un des rêveurs. Ils étaient facilement reconnaissables. Ils portaient une tenue rouge avec le logo du château sur leur haut. Cela devait tout de même être fatiguant de travailler ici.
Ils aident toute la journée les rêveurs et toute la nuit ils s'occupent de leur humain. Leur seul avantage est qu'ils gagnent des pièces pour s'acheter des objets d'une plus grande valeur. C'est bien pour ça que beaucoup de rêveurs travaillent, souvent ceux qui ont eu l'habitude d'avoir des humains. Mais je peux vivre avec le strict minimum donné par la reine. Je travaillerais sûrement plus tard, mais je dois déjà m'habituer à mon rôle de rêveuse.
- Bonjour, mon amie et moi aimerions nous entraîner sur le sort qui brise la barrière des cauchemars.
- Je vois, suivez-moi.
Ce sort dégageait une grande charge de magie, alors il nous a emmené dans une salle à part. Ce qui était compréhensible. Comme dans un rêve non construit, elle était totalement vide et blanche.
- Bien, a-t-il commencé, avant toute chose : ce sort est dur. Alors, ne paniquez pas si vous n'y arrivez pas du premier coup, c'est normal.
Puis il nous a réexpliqué ce que je savais déjà. C'est-à-dire qu'il fallait concentrer toute notre magie dans nos mains et les pointer vers la barrière invisible à détruire. Dune avait l'air passionné par ce qu'il disait. Mais moi, je voulais m'entraîner.
Par la suite, il nous a fait une démonstration avec une fausse barrière. Lui, il avait réussi. Contrairement à moi la dernière fois. Ça se voyait qu'il était puissant. J'en étais presque jalouse.
J'ai laissé Dune commencé après qu'elle me l'ait demandé. Elle se débrouillait plutôt bien. Mais elle n'a pas réussi. Pourtant, elle n'avait pas l'air déçu. Elle a juste dit qu'elle allait essayé de faire mieux la prochaine fois.
C'était à mon tour. J'ai fait comme la dernière fois, mais sans précipitation. Je me suis concentrée. Toute ma magie et ma force se trouvait dans mes mains et j'étais prête à tout balancer sur cette foutue barrière. J'ai tout jeté dessus. Ça rien changé. Elle n'a même pas eu une égratignure.
- Ce n'est pas grave, Noreen. Tu y arriveras la prochaine fois. M'a dit Dune.
- J'espère. Ai-je répondu, peu sûre de moi.
Mais j'avais encore honte de moi. Alors, je recommençais. J'enchaînais les essaies avec Dune. Sans dire un mot, juste en écoutant les conseils répétitifs du rêveur. Au bout d'une heure, Dune n'en pouvait plus. On voyait bien qu'elle était fatiguée.
- Noreen, tu ne penses pas que c'est bon ?
- Moi, je ne suis pas fatiguée. Je ne te force pas à rester.
- Tu dégoulines de sueur, pire que moi. Tu as ton petit visage blanc habituellement qui est devenu rouge. A-t-elle argumentée. On devrait faire une pause.
- Promis, j'en ferais une dès que j'y arriverais. Ai-je dit sincèrement.
Le rêveur nous regardait, mais ne disait rien. Sauf lorsqu'on utilisait notre magie, évidemment. Un pied contre le mur et les mains dans les poches de son bas rouge, il nous fixait sans dire un mot ni paraître triste ou heureux. On aurait dit qu'il ne ressentait aucune émotion.
- Noreen, ton truc de barrière t'embrouille totalement le cerveau. Ce n'est pas grave si tu as raté. A continué Dune, reprenant son souffle.
- Oui, je sais. Ai-je menti.
Et j'ai recommencé. Dune me regardait avec pitié, je le savais. Elle a fini par partir en me prévenant qu'elle serait chez elle si elle me chercherait. Elle m'a aussi dit de faire attention à moi.
Et encore.
Sans m'arrêter.
Je recommençais le sort.
Je ne ressentais pas la fatigue, ni la honte ou la peur. J'avais juste la rage de réussir. J'ai dû y passer deux bonnes heures après qu'elle soit partie.
J'ai évidemment fini par m'écrouler. En me relevant, j'ai vu que le rêveur me tendait la main. Je l'ai prise pour m'aider à me lever.
- Merci, monsieur.
- Oh, tu peux m'appeler Elwan. Vu le temps qu'on a passé ensemble.
- Oui, désolée de te faire perdre ton temps, Elwan.
- Non, non, tu ne me le fais pas perdre. En cent-deux ans d'existence, je n'ai jamais vu de rêveur aussi déterminé pour un seul sort.
Cela expliquait pourquoi il s'y connaissait autant. Mais je n'aurais jamais pu deviner son âge, comme un rêveur ne grandit plus dès ses vingt ans.
- J'ai vraiment envie d'y arriver. Je n'ai même pas réussi à sauver mon humaine d'un cauchemar.
- Hé, des humains, j'en ai eu pleins à m'occuper. Et moi aussi, ça m'est arrivé de faire des gaffes. On dirait moi il y a quelques années.
- Mais je ne vais jamais y arriver.
- En tout cas, ce n'est pas maintenant que tu y arriveras. M'a-t-il expliqué d'une voix calme. Tu n'as même plus de force. Ta magie est épuisée et tu es fatiguée. Ecoute ton amie. Elle se fait sûrement du souci pour toi.
- D'accord, je vais aller la rejoindre. Merci, Elwan.
- Y'a pas de quoi, Noreen. A-t-il répondu.
Je suis sortie de la salle après lui avoir fait un signe de la main en guise d'au revoir. J'ai marché quelques minutes jusqu'à la maison de Dune. Sauf qu'elle n'était pas chez elle. J'étais sur le chemin de chez moi, pensant que Dune avait préférée parler à quelqu'un d'autre.
Quand soudain je l'ai vu. Elle cherchait quelque chose. Non, elle cherchait quelqu'un. Ce quelqu'un était moi. Quand elle m'a vue, elle est directement arrivée en courant, l'air affolée.
- Noreen, on a un problème.
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