Chapitre soixante-trois

NOREEN

Trois jours sont passés depuis le retour d'Azalée dans son monde. Je n'ai pas osé être là dans son rêve. Je me cachais et c'était bien puéril. J'avais créé des rêves où l'on n'avait pas besoin de ma présence physique. J'avais peur qu'elle me déteste à cause de ce que Kiron lui avait dit.

Je ne pouvais pas lui parler du monde des rêves, pas maintenant. Je devais lui mentir jusqu'à la fin. Ses souvenirs étaient sûrement revenus, elle devait être dans le flou complet entre ses souvenirs et les mensonges de Kiron. Je devais attendre la fin.

- Noreen ?

J'étais dans la capitale, assise à sur le rebord de la fontaine. Armin et moi discutions à propos d'Azalée avant que je parte dans mes pensées.

- Je vais reparler à Azalée, ai-je dit subitement sans même y réfléchir.

- Bon choix, ça va vous permettre de vous expliquez. Et puis je suis sûre qu'elle ne te déteste pas, tu te fais des films. Par contre...

- Ne parle pas du monde des humains, l'ai-je coupé en l'imitant de façon ridicule, fais attention sinon Azalée va encore oublier. Noreen, la reine a été gentille avec toi. Je doute qu'elle le soit deux fois.

Armin s'est mis à rire. Je l'ai suivi dans ce moment de bonheur.

- Je ne compte pas en parler, ai-je repris sérieusement.

- En fait, je ne voulais pas vraiment dire ça. Par contre, essaye de ne pas trop t'attacher. On sait tout les deux ce qu'il se passera quand notre mission sera terminée.

Je n'avais pas envie. C'était trop tard, j'étais déjà attachée à elle. Elle dans tous ses recoins. Azalée énervée comme Azalée riant avec moi, ou Azalée pleurant : je l'appréciais. Elle pensait que personne ne la supportait sauf qu'elle se trompait.

- Je suis déjà attachée. Je vais juste profiter de chaque moment avec elle. Je garderais tous ses souvenirs, c'est déjà génial. Toi, tu n'es pas attaché à Louis ou aux humains que tu peux aller voir ?

Armin, le grand rêveur, pouvait s'incruster dans tous les rêves. Ils pouvaient voir tous les humains qu'il voulait et parler avec eux. Moi, je n'avais qu'Azalée et ça me convenait très bien.

- C'est tellement irrégulier que j'ai peu d'attachement. Par contre Louis, je le connais depuis si longtemps. C'est mon premier humain. Ça risque d'être dur de me détacher de lui.

Ça vous arrive de vous fâchez ?

- Non, lui il n'en veut pas aux autres. Il préfère se rentrer un couteau dans le ventre pour perdre sa graisse. Il aime les autres et non lui. Au début, j'ai cru qu'on m'avait fait une blague dans la lettre, sur le fait qu'il était en surpoids et que ça le complexait parce que la première fois que je l'ai vu, il était maigre.

Il s'est arrêté un instant.

- Sauf qu'on apparaît comme on a envie d'être dans un rêve. Regarde les poignets d'Azalée, as-tu déjà vu des cicatrices ?

Je ne me rappelais pas vraiment en avoir vu. Je croyais ce qu'elle me racontait, je n'allais pas vérifier ses poignets, ou ses jambes ou toutes parties du corps où elle s'était coupée.

- Non, enfin, je ne sais pas.

- Je suis attaché à lui et je redoute le moment que tous les rêveurs connaissent, celui à la fin de la mission mais c'est comme ça. Même une révolution ne changerait pas cette décision, il faut faire avec.

- Armin, je pense que c'est bientôt la fin pour moi et Azalée. Le fait qu'elle se soit réveillée est déjà une preuve énorme.

- Tu as reçu une alerte ? M'a-t-il demandé.

- Il y a longtemps, quand j'étais dans son monde et là elle vient de récupérer tous ces souvenirs.

Il n'y a pas que cela qui dataient d'il y a longtemps. Je n'avais pas installé le rêve avec Armin depuis une éternité.

- Tu veux bien préparé le rêve avec moi ?

Il s'est mis à sourire. J'ai fait de même.

- Ce serait un honneur.

Nous sommes allés dans le rêve encore vide, à installer tout pour l'arrivée d'Azalée. Pendant ce temps, nous parlions de Louis. Armin m'a expliquée que ce garçon était très gentil et qu'il avait tenté d'aider Azalée il y a quelques mois. Mon ami m'a avoué qu'il était sûr qu'ils auraient pu être amis dans la vraie vie, et non entre deux écrans.

***

Azalée a apparu dans le rêve : un atelier d'art. Au mur, il y avec une centaine d'œuvre d'Azalée. J'avais puisé dans ses souvenirs pour trouver les dessins qu'elle préférait le plus. A leur vue, elle s'est mise à rougir. Elle ne devait pas avoir honte. Elle s'est assise à un coin pour faire du dessin, prenant un crayon. Elle devait penser que c'était un rêve comme les autres où Léna n'allait plus apparaître.

Armin m'a chuchoté qu'il allait partir pour ne pas les déranger et préparer le rêve de Louis, malgré le fait qu'il allait dormir beaucoup plus tard. Je lui ai fait un signe de la main en guise d'au revoir.

J'ai voulu avancer, puis je me suis demandé si c'était une bonne idée.

- Salut Léna, a lancé Azalée dans même lever la tête de la feuille.

Elle avait su que j'étais là. Je me suis demandé si elle l'avait toujours su. Dans chacun des rêves, en attendant que je lui parle. Je l'ai rejointe et je me suis installée à côté d'elle sur un petit tabouret.

- Tu n'es pas très discrète, a-t-elle continué.

- Je suis aussi ravie de te voir.

Elle ne semblait pas m'en vouloir, ni se poser trop de questions sur ce que Kiron avait raconté. Je me suis demandé si la reine avait bien fait comme elle m'avait dit. Peut-être qu'elle n'a pas su refuser le jour de ma fête, sauf qu'après réflexion elle s'est dit que c'était impossible.

- Tu te souviens de ce qu'il s'est passé pendant que tu étais évanoui ?

- J'étais à l'hôpital, c'est tout ce dont je me souviens.

Elle s'est mise à griffonner sur un papier. J'étais déçue. Et cela devait se voir sur ma tête. La reine m'avait pourtant promis.

- Hé, je déconne. Je me souviens que j'avais fait un cauchemar où tu étais aussi.

J'étais soulagée.

Les humains devaient associer toutes les choses étranges à des rêves. Ils ne pourraient pas s'imaginer ce qu'il se cache lorsqu'ils dorment. C'était une bonne chose qu'elle se soit dit que ce n'était juste un cauchemar.

- Alors pourquoi tu n'as pas l'air de me détester ?

- Pourquoi je le serais ?

- A propos de ce que Kiron a raconté.

- A ce que je sache, c'est toi qui m'a donné envie de me réveiller, et non Kiron. J'admets être curieuse. Mais au fond, qui est Noreen ne me regarde pas. Visiblement Kiron a menti, puisqu'elle n'est pas venue chez moi. Toi tu étais chez moi.

Je devais jouer le jeu. Je n'avais pas le droit de dire que j'étais Noreen. Comme elle avait récupéré sa mémoire, elle n'avait eu aucune explication sur le fait que je sois partie sans prévenir.

- Je suis désolée d'être partie.

- Au fond, la seule chose que Kiron a raconté qui était vraie, c'était que j'avais perdu la mémoire. Moi je suis désolée d'avoir oublié que tu étais venue. Maintenant, je me souviens, et c'était génial. Je ne sais pas pourquoi tu apparais dans mes rêves et dans la réalité, on doit juste être lié.

J'ai légèrement souri. Azalée avait tellement changé entre la première fois où je lui avais parlé et maintenant. Elle me méprisait même au début, sans vouloir vraiment me parler. Cette nuit-là, elle me parlait comme une vieille amie. Elle s'est remise à dessiner.

- Ça te dirait de faire un dessin avec moi ? Enfin... Je ne dessine pas aussi bien que toi, mais ça pourrait être marrant.

Azalée semblait réfléchir, s'arrêtant de dessiner et regardant vers le plafond. Elle a pris un crayon et me l'a tendu après réflexion.

- Je parie que tu avais eu cette idée avant même d'être venue me parler.

C'était exact.

Nous nous sommes mises à dessiner. J'ai surtout laissé Azalée s'occuper des personnages et des décors. Je lui disais tout ce qu'il se passait par ma tête pour alimenter le dessin. J'ai repassé les traits avec un stylo noir. Azalée m'a expliqué que ce n'était pas pour écrire mais exprès pour dessiner parce que la pointe était bien plus fine. Elle en connaissait beaucoup plus que moi et on voyait que ça la passionnait. Nous avons colorié au crayon de couleur comme des enfants.

Le dessin était terminé.

On pouvait reconnaître Azalée et moi sur un balcon imaginé sur sa maison. Azalée aurait aimé en avoir un. Il faisait nuit et un lampadaire nous éclairait. Il y avait pleins de papillons qui virevoltaient autour de nous. On était face à face, assise en tailleur, à rire.

Azalée allait se réveiller, nous nous sommes dit au revoir. Je l'ai vu disparaitre, me laissant seule dans ce rêve. J'ai juré avoir entendu « tu es ma meilleure amie » avant de partir. Qu'est-ce que je me sentais bien.

Ma montre s'est mise à sonner. Je savais ce que cela voulait dire : ma mission était bientôt terminée. Il faudrait bientôt se dire adieu.

J'aurais tellement aimé que tout cela dure pour l'éternité, sauf que l'éternité n'existe pas pour les êtres comme nous, c'est pour cela qu'il faut profiter de chaque instant.

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