Chapitre soixante-six
AZALÉE
Je me suis allongée sur mon lit, préférant rester sur mon téléphone plutôt que de faire quoi que ce soit d'autre. Cette journée m'avait fatiguée, émotionnellement parlant, et physiquement parlant. Tous ces allers-retours pour essayer d'arranger les choses et ces discussions sur ce sujet toujours aussi sensible m'avaient épuisée.
- Azalée ?
J'ai regardé à côté de moi, Léna se tenait face à moi en souriant. Je n'avais même pas remarqué que je m'étais endormie. A moins qu'elle soit là dans la réalité.
- Est-ce que je dors ?
- Tu dois être vraiment fatiguée pour ne pas t'en être aperçue.
- C'est vrai.
Elle m'a tendu la main. J'ai posé mon téléphone sur ma table de nuit et je suis sortie de sous ma couverture. J'ai marché en suivant mon amie sans poser de question. Elle est sortie par la fenêtre de ma chambre.
Je me suis mise à avoir peur. Je n'avais pas de balcon, juste un joli sol en béton qui l'attendait si elle avait le malheur de tomber. J'ai couru jusqu'à la fenêtre : il y avait un balcon immense à présent. Je me suis alors rappelé que je n'étais que dans un rêve.
Des lampes et guirlandes roses et bleu étaient installées. Le soleil s'était déjà couché depuis longtemps. Si je ne savais pas que j'étais dans un rêve, j'aurais pu croire que c'était la réalité. Sauf qu'il n'y avait que nous, Léna et moi sans personne d'autre pour nous déranger. Je me suis assise en tailleur face à elle.
- Aujourd'hui, je suis allée voir ma psychologue.
- Comment c'était ?
- Etrange, je ne me suis jamais réellement confier à des gens autre que toi. En fait, t'es un peu ma psychologue du quotidien.
Le visage de Léna s'est assombri à l'entente du mot « quotidien ». J'ai cru avoir dit quelque de vexant.
- Enfin... si ça te dérange... fais comme si j'avais rien dit. Ai-je répondu, déçu.
- Non, a-t-elle répliqué en se remettant à sourire, désolée j'étais perdue dans mes pensées. Je suis honorée d'être ta psychologue du quotidien, Azalée.
J'étais soulagée.
- Je n'avais plus eu l'habitude de voir de psychologue depuis des années. Ça me fait bizarre mais ce n'est pas comme les autres fois. Je ne me sens pas forcée à parler.
- Tant mieux alors, je suis contente pour toi.
Je lui ai par la suite raconté la discussion entre mon ancien proviseur et mes parents, comme quoi je ne serais plus dans le même lycée que Samuel. Léna m'a dit que j'avais bien fait de dénoncer ceux qui m'avaient embêtée.
- Ils le méritent, peut-être que comme ça ils ne recommenceront pas avec d'autres personnes. Ils ne se rendent pas compte qu'ils peuvent briser des vies.
J'avais l'impression que Léna était triste, pourtant elle faisait tout pour le cacher. Sauf que j'avais été triste suffisamment longtemps pour me rendre compte des signes.
- Tu vas bien ?
Elle m'a fait signe de me rapprocher d'elle, au bord du balcon.
- Tu vois, si tu veux, tu peux passer par dessus la barrière et sauter. Tu peux t'éclater sur le sol et en finir maintenant. Comptes-tu le faire ?
- Non, ai-je répondu ne voyant pas pourquoi elle me disait ce genre de choses.
Le fait d'avoir failli mourir m'a permis de me rendre compte que je n'avais qu'une seule vie. On m'a offert une seconde chance. Je pouvais tout simplement être morte à l'heure qu'il était, mais je ne l'étais pas. Je me suis demandé si c'était Léna qui avait permis cela.
Et puis qu'elle existe matériellement ou pas, je l'aime quand même dans ma tête.
- Non dans le présent, mais imaginons que ce soit un oui dans le futur. Azalée, tu es maître de ta vie. Tu décides si tu sautes ou non.
Je ne comprenais rien.
- Pourquoi tu me dis ça ?
- Je veux être sûre que tu diras non à la tentation de sauter, dans le futur, lorsque je ne serai plus là.
Allait-elle mourir ? Disparaître ? Je ne le voulais pas. Tout ce mélangeait dans ma tête. J'avais peur. Peur qu'elle parte. J'étais surtout troublée, ne sachant pas réellement où elle voulait en venir.
- Il est temps que je t'avoue tout, a-t-elle fini par dire.
Je voulais savoir si je la reverrai.
- Tu ne vas quand même pas m'abandonner ?
Je voulais une réponse.
- Laisse-moi t'expliquer.
Je tremblais. Je ne savais pas ce qu'elle allait me raconter si pourquoi elle agissait comme cela. Mais le malheur des autres m'atteignaient à présent.
- Nous n'avons jamais reparlé de ça. Je ne t'ai jamais effacé la mémoire, ce n'était pas moi. Mais c'est grâce à moi que tu te souviens de tout.
Des souvenirs de son passage chez moi ou de mon passage dans ce rêve étrange refaisaient surface.
- C'était un cauchemar, l'ai-je coupé.
- Non, tu t'es convaincu que c'était ton imagination car tous se mélangeaient dans ta tête. Sauf que c'était la réalité, tu es venue dans mon monde et je m'appelle Noreen.
Je me suis alors rappelé que Kiron avait parlé d'une Noreen qui était venu chez moi. J'étais persuadée que tout ce qu'il avait raconté était faux, comme ce rêve durant mon hospitalisation.
- Léna et Noreen ne font qu'une personne, a-t-elle ajouté.
- Ce n'est pas si grave. Je savais très bien que tu ne pouvais pas m'avoir fait du mal. Alors que tu sois Noreen ne me choque pas. Si tu as honte de ton prénom, tu ne devrais pas. Je l'aime beaucoup, tu sais, Noreen.
J'essayais de me persuader que c'était cela le problème.
- Ce n'est pas ça.
Je l'ai laissé parler. Je voulais comprendre.
- Je suis Noreen, une rêveuse du monde des rêves. Mon rôle est de sauver les humains qui ne vont pas bien. Et c'est toi que je devais sauver. Chaque nuit, je devais créer un rêve. J'étais toujours là même si tu ne me voyais pas. J'ai voulu aller dans ton monde, le monde des humains, car tu as besoin de quelqu'un qui est là physiquement. Je me suis fait arrêter car c'est illégal et la reine t'a effacé la mémoire. Je m'en suis terriblement voulue, et le fait que tu penses que c'était moi qui t'avait fait souffrir m'a détruit.
Elle s'est arrêtée un instant.
- Le monde des rêves existe autant que le monde des humains. Je suis vivante, j'ai une conscience et je ne suis pas ton imagination. Je suis une vraie personne qui t'apprécie et tente de prendre soin de toi. Imagine que tes rêves sont un lien entre nos deux mondes.
- C'est ça qui était censé me repousser ?
- Je sais que c'est dur à croire.
Je la croyais. Après toutes les choses étranges que j'avais vécues, comment ne pas la croire. Tout s'expliquait. Je l'ai prise dans mes bras. En réalité, cette histoire me rassurait car je pouvais enfin être sûre que mon amie existait.
J'étais peut-être une enfant à croire à ce conte de fée, je croyais ma meilleure amie.
- Mais je te crois. Peu importe que tu sois une rêveuse ou une humaine, tu es quelqu'un que j'apprécie énormément. Et je suis tellement heureuse et redevable pour toute ton aide. Ce que tu me dis ne me blesse pas, et j'ai toujours envie de te parler. Alors remets-toi à sourire, Noreen.
- Tu es aussi quelqu'un que j'apprécie énormément, Azalée. Sauf que je n'ai pas terminé.
Je l'ai lâché, la laissant parler normalement.
- Chaque rêveur a une mission, et lorsque celle-ci est terminée, il doit changer d'humain.
Je le sentais mal.
- Azalée, tu vas mieux. J'espère que c'est grâce à moi mais au fond ça importe peu, du moment que tu es heureuse.
- Je me sens beaucoup mieux, c'est grâce à toi.
- Ma mission est terminée. Je n'ai pas le choix, je ne serais plus ta rêveuse à partir de demain.
Je me suis arrêtée net. Je ne savais pas comment réagir à cette situation. Le fait de ne plus la voir chaque nuit allait me briser le cœur mais du moment que je puisse encore la voir, j'allais survivre.
- Tu n'auras qu'à venir chez moi, comment tu as fait.
- Tu as bien remarqué que Kiron était invisible quand je suis venue. Et de plus, c'est impossible que tu me reconnaisses.
Elle a mis sa main sur mon épaule. Je n'avais même pas remarqué que je pleurais.
- T'es stupide... Je ne vais jamais t'oublier.
Noreen aussi pleurait.
- Comme je ne serais plus ta rêveuse... tu ne me verras plus à moins que tu viennes dans mon monde. Et puis... tu n'auras aucun souvenir de moi. C'est la mission... chaque humaine oublie les souvenirs à propos du rêveur mais pas les sentiments et le bonheur apporté.
J'ai éclaté en sanglot. Noreen était mon amie, ma meilleure amie. Je ne voulais pas la perdre. Je lui avais tellement mal parler pendant longtemps, j'avais gâché mon temps à la repousser comme une idiote. J'aimerai tellement avoir plus de temps.
- C'est dégueulasse ! Tu as fait tout ce boulot pour qu'au final on ne sache même pas que c'était toi ! Ai-je crié.
- Je suis aussi dégoutée que toi, a-t-elle dit.
Noreen essayait retenir ses larmes de couler.
Nous avons préféré passer le rester de la nuit à parler du monde des rêves, de tout ce qu'il s'était passé, et de nos vies. Elle m'a parlé d'Armin et Dune, dont Kiron son premier amour. Et moi je lui ai parlé de ce qu'il s'était passé avec Samuel. Je connaissais à présent tout sur le bout des doigts. Elle s'est excusée pour la vengeance qu'elle avait faite, je ne lui en voulais même pas. Elle m'avait sauvée.
Sauf que l'heure approchait.
Ma main a commencé à disparaître.
- Non, non, non, je ne veux pas me réveiller.
Noreen a regardé ma main et a éclaté en sanglot. Elle ne pouvait plus se retenir. Les larmes coulaient le long de ses joues autant que les miennes. Elle est venue me faire un câlin, notre dernier câlin. Je ne voulais pas imaginer un monde sans elle.
- Moi non plus, a-t-elle dit.
Je ne voulais pas la perdre. Je venais d'apprendre la vérité et on me la déchirait de mon cœur.
Tout mon bras droit avait disparu, il s'en prenait à présent à ma jambe gauche. Il était temps de se dire adieu.
- Putain, j'ai tellement envie de te voir tous les jours, de continuer à rester ensemble, même pour ne rien se dire. Ce sont ça les petits bonheurs du quotidien dont je ne me rendais même pas compte. Ai-je réussi à dire dans un mélange de pleure.
- Ce serait tellement bien, a-t-elle eu du mal à prononcé.
Ma jambe avait disparu.
- Azalée, je t'aime tellement... tu es une si bonne personne... j'ai vraiment aimé passer ces mois avec toi.
On pleurait. On était seul dans cette grande pièce de rêve et on n'entendait que nous pleurer. Je ne voulais pas la lâcher et elle non plus. On se tenait chacune fermement à l'autre.
- Noreen, je n'ai pas envie de t'oublier. Tout mon bonheur, c'est grâce à toi. Tu es une rêveuse exceptionnelle. Moi aussi je t'aime tellement.
Je disparaissais de plus en plus. Pourtant mes larmes ne disparaissaient pas. Noreen me tenait de plus en plus fortement.
- Prends soin de toi, Azalée.
J'allais bientôt partir. Je commençais à ne plus rien voir. Je n'avais pas envie de lâcher ma meilleure amie.
- Merci, merci, merci pour tout, Noreen.
Le monde des rêves m'a détachée de Noreen, me ramenant dans mon monde. Avant de passer dans l'autre monde, j'ai pu voir Noreen sourire malgré les larmes coulant sur son visage.
Et tout était devenu noir.
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