Chapitre quinze

AZALÉE

J'ai laissé le message sans réponse. Je n'avais rien à rajouter.

Je suis rentrée chez moi sans aucun souci cette fois-ci. L'ambiance était toujours aussi pesante mais j'étais habituée. Lana, ma petite sœur, est entrée dans ma chambre après avoir toqué doucement à la porte.

- Tu veux quoi, Lana ?

- Rien de spécial, ça va ?

- Oui, je vais toujours bien. Ai-je menti.

- Je peux te poser une question ? C'est important. A-t-elle demandé tandis qu'elle s'asseyait sur mon lit, à côté de moi.

Je ne savais pas ce qu'elle allait me demander. Mais ce serait sûrement quelque chose pour l'arranger. De l'aide pour ses devoirs ou convaincre ma mère de la laisser sortir pour dormir chez ses amis.

Malgré le fait que je n'étais pas favorable à l'écouter, ma curiosité m'a joué un tour.

- Je t'écoute. Ai-je répondu après quelques secondes de réflexions.

- Pourquoi t'es aussi méchante avec maman ? Tu lui fais du mal alors qu'elle ne t'a rien fait.

«Méchante », ce mot résonnait dans ma tête. Je ne le suis pas. Je suis plutôt cruelle, chiante, insupportable. Mais le mot méchant n'existe pas pour moi. Car nous ne sommes ni méchants, ni gentils.

- Je ne suis pas méchante. C'est toujours elle qui commence à m'embêter. Et puis, de quoi je me mêle ? Tu ne lui parles jamais.

- Mais je l'ai entendue pleurer hier soir. Elle a dit à papa que c'était ta faute.

Je me suis levée de mon lit pour prendre mon sac de cours. Je l'ai mis sur une chaise et j'ai sorti mes cahiers.

Écoute, ta mère est une menteuse. Ai-je dis en mettant mes cahiers dans mon sac, sans regarder ma sœur.

- Ce n'est pas ma mère, c'est la notre.

- Et bien, je ne la considère pas comme telle. C'est plutôt une colocataire et je suis obligée de l'appeler « Maman »

- Tu vois, tu es méchante.

Lorsque j'ai terminé mon sac de cours, j'ai pris mon pyjama et je me suis dirigée vers la porte. Je me suis retournée vers Lana qui me fixait sans rien dire.

- Autre chose à me dire, miss ?

Du haut de ses quatorze ans, elle ressemblait plus à une fille de dix ans à cet instant. Parfois, elle se prend pour une adolescente de dix-sept ans, parfois, on dirait une enfant.

- Je n'ai rien à rajouter, meuf.

- « Meuf » ?

- Oui, meuf.

- Ah oui, j'avais oublié que t'étais le genre de personne à parler bizarrement. Ai-je répondu le sourire aux lèvres, avant de quitter la pièce pour prendre ma douche.

***

Le début du repas était comme tous les soirs de la semaine : ma sœur révisait à table, mon père mangeait tranquillement, ma mère faisait un bruit insupportable. Et puis moi, je n'ai jamais vraiment parlé à table.

- Sinon, les cours Azalée ? A demandé mon père.

- Ça va.

- Tu comptes nous le dire quand ?

- De quoi ? Ai-je répondu sans savoir de quoi mon père me parlait.

Il a mis ses coudes sur la table et a joint ses deux mains. Il a attendu quelque secondes comme pour me demander d'avouer. Je n'avais même pas à mentir pour une fois, je ne savais pas de quoi il me parlait et je ne comptais pas lâcher son regard des yeux.

- Ton exclusion de cours. A-t-il dit peu après.

- Je n'ai pas à me justifier.

- C'est à ton père que tu dis ça ? Est-intervenu ma mère en fronçant les sourcils.

- Je crois bien que... oui.

Je me suis levée de table pour aller chercher un yaourt. Mes parents chuchotaient et ont arrêté au moment où je suis revenue.

Mais leur discrétion reste imaginaire.

Lorsque je me suis assise à ma place, mon père a immédiatement pris la parole.

- Azalée, donne ton téléphone.

- Pourquoi ? Tu veux fouiller dedans ? Je n'ai rien à cacher de toute façon.

- Je m'en fiche de ce qu'il y a à l'intérieur. A-t-il dit en s'énervant. Passe-le-moi. Tu le récupéreras lorsque nous l'aurions voulu, ta mère et moi.

Je suis restée assise. Je n'avais même pas envie de me lever une deuxième fois, et en plus cette fois-ci pour une personne que je n'apprécie pas. Mon père a froncé les sourcils tandis que ma mère paraissait impuissante. Pourtant, je mettrais ma main à couper que c'était elle qui avait proposé de prendre mon téléphone.

- Je n'ai pas ton temps, moi j'ai du travail.

Et voilà, il recommence. Ils recommencent tous. Ils pensent tous que les enfants ne font jamais rien, ne ressentent rien, ne sont jamais fatigués. Alors j'ai froncé mes sourcils roux et j'ai fixé mon père.

- Dépêche-toi, sinon la punition de téléphone sera pire que ce que je pensais.

Je ne voulais pas être privé du seul objet qui occupe mes journées surtout dans le lycée où je m'ennuie tellement. Je me suis levée et je suis partie chercher mon téléphone. J'ai retiré le câble branché à celui-ci et mes écouteurs blancs. Je lui ai tendu en espérant le revoir le plus vite possible.

Mon père a souri. Je pense qu'il était fier de lui. C'était comme une victoire contre moi. Mais il a joué avec un de mes points faibles. Même si je pourrais vivre facilement sans mon écran, je m'ennuierais trop souvent dans la cours. Si ça se trouve, sans téléphone, je traînerais plus souvent avec Adelyne et Alyssia. Et cela me dégoûte.

***

Je me suis endormie vers une heure du matin, quelques heures après que cet horrible repas soit terminé. Je ne savais pas pourquoi je m'étais endormie aussi tard alors qu'habituellement le sommeil est important pour moi. J'ai revu Léna qui m'attendait.

- Bonsoir Azalée. A-t-elle dit.

Je ne me sentais pas bien, j'avais comme l'impression de devenir ce genre de personnes schizophrènes qui ont des amis imaginaires.

- Je suis folle.

- Pourquoi tu dis ça ? A-t-elle demandé en se rapprochant de moi d'un air inquiet.

Je me suis assise contre le mur fait en chocolat. J'ai soupiré avant de lui répondre.

- Je suis seule. Je parle seule. Je me crée des amis imaginaires. Je ne vis que pour ça. Je me crée des gens qui sont plutôt agréables pour survivre. Alors qu'en réalité, je suis seule.

- Mais tu n'es pas seule.

- Et là, je refais le même rêve. Je parle à quelqu'un d'imaginaire, dans un monde imaginaire. Si ça ce trouve je suis moi-même imaginaire. Si ça ce trouve, je n'existe pas.

Je voyais bien qu'elle ne savait pas quoi répondre. Elle a mis ses cheveux blancs en arrière et elle s'est accroupie devant moi.

- Mais, ce n'est pas le même rêve, Azalée. A-t-elle chuchoté.

- Qu'est-ce qui te fais dire ça ?

Elle a pris ma main et a lâché un sourire.

- Car, cette nuit, tu me raconteras tes problèmes.

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