Chapitre quarante-trois

AZALÉE

Léna n'aimait pas marcher, je l'avais bien compris. Pourtant, elle faisait tout pour me suivre, me supporter en quelque sorte.

Léna existait. C'était la deuxième fois que son aide avait des conséquences réelles.

Mardi, elle a continué à être exceptionnelle. J'étais peut-être folle, voir schizophrène mais ma folie me rendait heureuse. J'avais l'impression que je la connaissais depuis si longtemps.

Mercredi matin, elle m'a réveillée pour m'empêcher d'être en retard pour cette matinée de cours.

- Malheureusement, il faut se lever. Tu vas voir, c'est génial. Chaque jour est unique, faut en profiter.

- T'es défoncée ?

- Comment ça ?

Elle ne comprenait pas tout, comme si elle venait d'un autre monde.

- Tu ne me crois pas ? Tu n'as qu'à te faire une liste de chose à faire chaque jour, pour rendre ta journée unique.

Je me suis levée, c'était intéressant.

- Et qu'est-ce que je peux faire d'unique ? Ici c'est marcher, lycée, dodo.

Le quotidien tellement ennuyeux de ma vie qui était devenu géniale depuis que Léna était arrivée. Sans elle, qu'est-ce que je m'ennuierais.

- Qu'est-ce que tu as envie de faire, là maintenant ?

M'enfuir loin avec elle, loin de tous ces connards.

- Ne pas être au lycée et m'amuser.

- Tu n'as pas le choix, il y a quoi d'amusant ici ?

- Rien, c'est un trou paumé. Tout ce qu'on a dans cette ville, c'est un cinéma.

Léna semblait chercher ce que c'était. C'était amusant de la voir. On aurait dit une créature venu d'autre part pour me sauver de mon ennuie perpétuel. Elle voyait bien que je souriais, à la limite de me moquer d'elle, mais ce n'était pas le cas : j'étais contente qu'elle soit là.

- Ne me juge pas, c'est comme la télévision ? A-t-elle fini par demander.

- En plus grand et en mieux. Malheureusement il y a d'autres gens autour et ils sont parfois dérangeants.

- En quoi ils sont dérangeants ?

En voyant l'heure, je me suis dis que je n'avais pas le temps de continuer cette discussion avec Léna. Malgré l'envie irrésistible de sécher les cours, c'était une obligatoire, surtout en vu des premières épreuves du bac dans quelques temps.

- Je vais être en retard. Je t'expliquerais plus tard.

***

A la sortie des cours, j'avais un après-midi de libre devant moi. Avec Léna, dans ma chambre, nous discutions. Alors je lui expliquais comme à une enfant qui n'y connait rien au monde qui l'entoure.

- Premièrement, beaucoup de gens mangent dans la salle. Ce n'est pas interdit mais ils mâchent avec un bruit tellement désagréable.

Léna a pris une feuille, elle s'est installée sur mon bureau et s'est mise à écrire.

- Que fais-tu ? Ai-je demandé.

- La liste des choses non-recommandables au cinéma.

J'ai mis du temps avant de comprendre que ce n'était pas une blague. J'ai pris un tabouret pour me mettre à côté d'elle. Sur la feuille était écrit en grand et en haut « Ce qui est non-recommandable au cinéma ». Un sourire m'a échappé.

J'ai mis un feutre rouge. J'ai fait doucement un trait sur la feuille tandis qu'elle me fixait. Je suis entrée dans son jeu en marquant « Numéro 1 : on évite de faire du bruit en mangeant ». Elle a rajouté « ou ne mangez pas du tout, s'il vous plaît ».

Je me suis alors remémorer de nombreuses fois où j'étais allée au cinéma pour m'occuper l'esprit et qu'au lieu de ça, j'étais plus énervée qu'autre chose.

Le gamin (ou l'adulte) me donnant des coups dans mon siège. J'avais beau me retourner en dévisageant cette personne en lui demandant d'arrêter. J'avais sans cesse des coups dans mon dos. La seule solution était bien de changer de place. Mais je n'allais pas le faire pendant tout le film.

- Les coups dans le siège.

Elle l'a écrit à la suite.

Elle réfléchissait mais ne trouvait rien à mettre dans cette liste.

- Tu es déjà allée au cinéma, Léna ?

- Et bien, jamais.

- Mais dans quel monde vis-tu ?

J'ai cru comprendre que ma question l'avait dérangée. Je ne saurais dire pourquoi.

- Sinon, imagine que tu sois dans une grande salle, sur un siège, entouré de beaucoup de gens, dans un noir complet, avec un grand écran de télévision devant toi.

- Lavez-vous avant de venir, je leur dirais. A-t-elle lancé.

Je l'ai ajouté sur notre petite liste. J'avais tellement d'idée pour l'alimenter.

- Il y a aussi les personnes qui s'improvisent critique de films et parlent pendant tout le long en jugeant chaque passage, chaque scène.

- Mais ils ne profitent pas alors ?

- Je n'en sais rien, ils profitent mais à leur manière. Une manière désagréable.

Nous en avons écrit des choses. C'était peut-être un moyen pour moi d'exorciser ma colère face aux gens. J'ai rajouté sur la liste les gens trop grands, bien sûr que ce n'était pas leur faute, mais qu'ils ne se mettent pas devant moi. Et aussi les enfants -la plupart du temps-, qui posent sans arrêt des questions.

Cela m'a rappelé pleins de souvenir. Léna avait l'air d'apprendre pleins de choses.

Une personne normale aurait juste râlé. Elle aurait criée au monde entier que c'est injuste, même pour une petite chose chiante de la vie de tous les jours. Mais Léna est différente, au lieu de l'ouvrir, elle prend un crayon et écrit un règlement.

Nous ne pensons qu'à nous plaindre, je m'en rends bien compte. Moi-même je me plains. Je me plains mais je ne change jamais rien. Léna, elle donne la motivation de changer. Même pour une cause totalement stupide et inutile. Elle se donne la peine de se donner à fond.

Finalement, nous sommes bien allées au cinéma en ce joli après-midi. Les gens mangeaient, posaient des questions, se roulaient des pelles, puaient, critiquaient sans gêne le film, donnaient des coups dans les sièges sans se soucier de nos petits dos fragiles et les gens trop grands étaient de service.

Mais contrairement aux autres fois, ces détails m'ont plus amusés qu'autre chose.

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