Chapitre quarante-six

NOREEN

Nous nous sommes installés par terre au bord de la seine. L'eau n'était pas très propre. J'ai trouvé que cela gâchait le paysage. Je me suis demandé ce qu'auraient pensé Armin et Dune s'ils étaient ici.

On ne parlait pas beaucoup. On profitait du monde. On était loin d'être les rois du monde à crier sur tous les toits qu'on était heureux. Nous, on était dans les bras l'un de l'autre à entendre les bruits extérieurs : les gens parler, les bateaux passer, le vent souffler.

- Arrête de fuir, gamin. T'as pas de couilles ?

Je me suis immédiatement retournée, un peu comme un instinct. Azalée m'a souvent dit que j'avais l'instinct maternelle, je ne savais pas ce que c'était.

Un enfant d'environs quatorze ans -je pense- se faisaient embêter par trois adolescents ayant l'air plus âgés. Je ne connaissais pas la cause de leur dispute mais le gamin avait l'air d'avoir peur.

Kiron s'est mit à les fixer.

Un des adolescents à donner un coup de poing dans la mâchoire de l'enfant. Il est tombé par terre suite à ça. C'était révoltant et ignoble. Je me suis immédiatement levée pour aider le gosse à se lever. Peu importe si c'était étrange.

Au moment où l'un des garçons s'apprêtait à redonner un coup, Kiron est intervenu et a bloqué le bras de cette personne. C'était un avantage à être invisible.

- Mais mec, tu fous quoi ? Défonce-le.

- Je suis bloqué putain ! S'est-il écrié.

Kiron était tellement fort. Il avait l'air tellement énervé. Ce qui était logique face à cette discrimination. Le plus grand d'eux à décidé de faire une balayette. J'ai alors retenu le pauvre garçon.

- Putain pourquoi tu ne tombes pas ?

Kiron a fini par en avoir marre. Il a donné des coups de poing sur le visage des trois qui sont tombés par terre. Le gamin n'a pas cherché à comprendre : il s'est enfui. Et il a bien fait.

- Il s'est passé quoi, au juste ?

- On s'est fait défoncer par un gosse.

- Impossible, putain. Les mecs vous avez intérêts à fermer votre gueule là-dessus, a menacé le plus grands.

Ils sont partis mais pas la colère de Kiron. 

On s'est rassit. J'ai enroulé mes bras autour de lui.

- T'as été génial.

- Ceux-là ne méritent même pas de vivre dans ce monde, même de vivre tout court.

Je me suis alors rappelée de ce qu'Azalée m'avait raconté : un groupe l'avait tabassée, sauf que personne n'est venu la sauver. Ce monde est tellement différent de ce que l'on nous fait croire.

- C'est impardonnable ce qu'ils ont fait. Quel monde pourrit. Ai-je répondu.

- Ce n'est même pas ce monde, c'est la même chose partout.

- Comment ça ?

Il m'a montrée le « 25 » gravé sur sa joue. On voyait que cela avait cicatrisé mais qu'il avait dû se blesser. A moins que ce soit un effet de mode. Je ne lui en avais jamais parlé par peur de l'énerver.

Il a commencé à parler et s'est retenu. Une larme s'est échappée de ses yeux, ainsi qu'une deuxième en mettant ses mains sur son visage pour se cacher. Cela me faisait de la peine de le voir comme ça. Je ne comprenais même pas.

- Ca va aller, ai-je tenté de le rassurer.

Il a soupiré et s'est mis à parler.

- Lorsque j'ai raté mon test pour la seconde fois, des rêveurs que j'avais connus lors de mes études m'ont rendu visite. On était pareil : on était des rêveurs, on avait vingt-et-un ans, on vivait paisiblement. A la seule différent qu'ils avaient réussi le test et pas moi. Cela faisait un an qu'ils vivaient la vie dont tous les rêveurs rêvent.

Il s'est arrêté un instant.

- Ils ne m'ont rien dit la première année. Je pensais que c'était de vrais amis.

Il se mit à rire nerveusement.

- Mais dès mon deuxième test raté, et ce pendant un an : ils se sont moqués de moi sans arrêt. Jusqu'à venir à un moment où ils disaient que je ne travaillais pas assez ou que j'étais con.

- Ce n'est pas parce que tu rates le test que tu es con, lui ai-je coupé la parole.

- Ce n'est pas ce qu'ils pensaient. Enfin, j'ai passé le test en Janvier, à mon anniversaire. A-t-il dit, il était né pendant le même mois que moi. Je pense que tu le sais déjà mais je l'ai encore loupé. Je n'ai eu que 25/100. Ce n'est pas terrible.

Je le sentais mal.

- Ils sont revenus me voir. Ils étaient épanouis dans leur vie de rêveur de vingt-deux ans. Ils m'insultaient de « rêveur sans humain », comme si je n'aurais jamais le test. Ils se sont moqués et je n'ai pas fermé ma gueule. Je leur ai dit ce que je pensais.

J'ai écouté attentivement ce qu'il disait bien que je me doutais de la fin atroce.

- La tension est montée : ils se sont crus plus forts que tout. A quatre contre moi, ils m'ont tenues et m'ont déchirée la peau du visage à l'aide d'un couteau pour former un nombre. Je peux te dire que la douleur est atroce, ahah.

- Je suis tellement désolée.

- Sauf que c'est leur faute. Depuis j'ai décidé de fuir ce monde. Je me suis réfugié dans la forêt. Et puis c'est un mal pour un bien puisque je t'ai rencontrée trois mois plus tard.

Il avait vécu seul, sans magie, avec une douleur affreuse durant trois mois. Je me sentais tellement mal pour lui et tellement égoïste de ne pas l'avoir cherché directement la première fois que j'avais entendu parler de sa disparition.

- Ces cons de gardes ne m'ont jamais trouvé, comme ils ne m'ont jamais aidé.

Je l'ai pris dans mes bras. Il m'a fait un bisou sur la tête.

- C'est bon, c'est du passé, a-t-il fini. Et puis on ne peut pas changer les cons.

***

Nous avons décidé de rentrer. Il était encore tôt et j'étais persuadée qu'Azalée était toujours avec Samuel. J'étais tellement heureuse pour elle. Alors on marchait doucement jusqu'à la demeure de mon humaine.

Je ne sais pas ce qu'est l'instinct maternel, comme dit Azalée, mais je sais que sur le coup, j'avais eu un instinct.

Entendre des personnes courir ne devraient pas être source de problèmes. Mais je me suis retournée : « au cas où ». J'ai cru hallucine quand j'ai vu des gardes courir vers nous. Ils semblaient énervés, ce qui était tout à fait logique.

- Merde, merde, y'a les gardes. Ai-je lancé.

Kiron s'est retourné et s'est mis à courir. Je l'ai suivi. J'étais fatiguée mais je tenais le coup. Je ne voulais pas que cela s'arrête maintenant, si proche du but. On a tourné dans une ruelle où l'on a pu reprendre notre souffle. Il allait partir alors que c'était le sens opposé à la maison d'Azalée.

- Attends, je dois d'abord prévenir Azalée.

- Mais tu es stupide ? Nous y rendre signe notre mort. Ils se doutent qu'on va y aller. Réfléchis un peu !

Tout était dans un mélange de stress, de manque de temps et de peur. J'avais vraiment peur.

- Nous sommes ici pour Azalée, ne pas la prévenir seraient stupides.

- Toi, peut-être mais moi je ne suis pas obligé, je ne suis pas là pour elle.

Je ne comprenais pas pourquoi il réagissait comme cela. Je n'avais pas l'impression que c'était Kiron, mais plutôt un animal. Et cela me faisait mal au cœur.

- Aller, viens s'il te plaît, ai-je demandé.

- Non, démerde-toi. Je ne suis pas fou.

Il est parti aussi vite, sans même hésiter ou se retourner pour me voir. Rien de tout ça, il a foncé à l'opposé de chez Azalée. J'ai eu envie de pleurer mais rien ne sorti. Entendant les gardes arrivés, je suis partie en courant.

Comparé à Kiron, je me suis retournée pour le voir une dernière fois peut-être.

Je courais. J'allais le plus vite possible. Je me demandais si les gardes suivaient Kiron ou moi, ou même s'ils nous avaient perdus de vu. Peut-être que Kiron aurait aimé que ce soit moi qu'ils suivent. Mais je n'avais pas le temps de me retourner pour vérifier cela.

J'ai foncé jusqu'à la maison d'Azalée, je n'avais pas couru comme cela depuis bien longtemps. La porte n'était heureusement pas fermée à clef. J'ai monté les escaliers le plus vite que j'ai pu, en ayant peur de tombé.

Personne n'était dans la chambre d'Azalée. Mon cœur battait tellement fort. J'ai pris le premier papier que j'ai vu et le premier stylo et j'ai écrit : « On a un problème ». J'ai signé.

- Ils doivent être là, ai-je entendu, probablement les gardes.

Je ne pouvais pas descendre. Je suis alors passée par la fenêtre. C'était bien plus haut que je le pensais. Je savais bien que je ne pouvais pas mourir. Mais souffrir continuellement, voir être figé. J'ai sauté.

Ce n'était pas ce que je m'imaginais. La douleur était bien plus atroce. Je ne sais par quelle force je me suis relevée. J'ai couru hors de chez elle. Les gardes me suivaient. Je n'avais pas été très discrète, à vrai dire.

Je faisais de mon mieux, sauf que je me suis écroulée au sol, de fatigue ou de douleur. La suite s'est passée si vite : les gardes m'ont rattrapée, ils m'ont attachée et m'ont ramenée au monde des rêves.

Je me suis demandé s'ils avaient attrapé ce traître de Kiron.

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