Chapitre quarante-neuf
NOREEN
J'avais l'impression d'être débile. Je m'étais fait avoir par Kiron. J'aurais dû écouter Armin depuis le début: il était bien plus intelligent que moi. Je me sentais trahie. Et pas par n'importe qui, par la personne que j'aimais.
J'avais mal. La marque restait, même une heure après le coup, l'heure que j'ai passé à répondre à des questions sur le « méchant Kiron ».
J'ai fini par sortir. Je n'en pouvais plus. Il fallait que je revoie mes amis, ceux que j'avais délaissés pour Kiron. J'ai sonné chez Dune, elle n'était pas chez elle. Quant à Armin, il n'était pas chez lui. Je ne les trouvais pas.
Ils étaient peut-être dans notre clairière.
J'ai couru de toutes mes forces. Je suis passée devant la maison de Kiron. Et dire qu'il avait été si proche physiquement de moi pendant toutes ses années. Mais que d'un côté, j'allais bien et lui souffrait.
Il y avait des affiches collées dessus. Un dessin de Kiron (que je pouvais reconnaître avec sa touffe de cheveux rouges) avec écrit en dessous « rêveur sans humain dangereux enfin attrapé ». J'ai arraché le dessin et je suis partie.
Il y en avait pleins, partout, de tous les côtés. Accroché quelque part, tombé au sol ou dans les bras des gens : des affiches, toutes différentes, circulant dans la capitale. Je me sentais observée, jugée par les autres rêveurs. Et si c'était ça que vivait Kiron en permanence ? Je ne devais pas avoir pitié de lui, ce n'était plus lui.
Une larme a coulé sur ma joue. Les rêveurs ne doivent pas pleurer : nous sommes des robots.
Arrivé à la clairière, Armin et Dune était en train de discuter. Il avait l'air de bien s'amuser. Je me suis demandé un instant si je pouvais leur parler. Je ne les avais pas prévenus de mon départ et puis, Armin et moi nous étions disputés. J'ai quand même pris mon courage à deux mains et je les ai rejoins.
- Salut, ai-je commencé timidement.
Armin s'est retourné vers moi. Il a souri mais l'a immédiatement retiré de son visage. Dune m'a fait un signe de la main.
- Je suis désolé pour Kiron, a-t-il répondu.
Je ne m'attendais pas à ça, j'étais plutôt préparé pour une engueulade.
- Non, il n'en vaut pas la peine. Moi, je suis désolée. Je fais n'importe quoi ces temps-ci. Je sais que vous êtes au courant, l'information a tourné partout. J'aurais dû vous dire que j'allais dans le monde des humains.
- T'as vu comment c'est génial, là-bas ? A répondu Dune.
- Carrément. Mais contrairement à toi, je me suis fais chopée.
Elle m'a fait signe de m'asseoir avec eux, ce que j'ai fait par la suite.
- Noreen ? A commencé Armin.
- Oui ? Ai-je répondu.
- Faudrait qu'on arrête de se disputer.
- C'est ce que je lui ai dit. Qu'est-ce que vous êtes bêtes parfois ! Nous a coupé Dune. Alors que vous avez eux de biens meilleures notes que moi.
- Tu peux nous raconter ton voyage, du coup ? A-t-il demandé comme si tous ce que j'avais fait de mal avait disparu, qu'on était redevenu comme avant.
Je leur ai raconté pour le voyage, la vie d'Azalée et ce qu'il s'était passé avec Kiron : je ne voulais plus leur cacher quoi que ce soit. Ils étaient mes meilleurs amis et probablement les personnes qui ne me trahiront pas comme Kiron l'a fait.
- Tu avais raison, Armin. Kiron est un con.
Il a rapproché sa main de mon visage, probablement pour voir la marque. J'étais persuadée qu'elle était encore là, puisque j'avais toujours mal.
- Quel con, il ne te mérite même pas.
Une larme a encore coulé.
- Et dire que j'étais si près du but pour Azalée.
- Nous sommes désolés. A répondu Dune.
Et nous nous sommes fait un câlin. Cela faisait tellement longtemps qu'on n'avait pas été que tous les trois : sans dispute, sans de Kiron, tout simplement nous trois.
***
C'était le soir. Ma montre a sonné. Je devrais affronter le regard d'Azalée sans aucun souvenir de mon passage. Je devrais l'affronter seule. J'ai fait apparaître sa chambre en rêve. Je me suis installée sur la chaise de mon bureau.
Elle est arrivée. Elle ne souriait pas.
- Bonjour, ai-je tenté.
Elle ne m'a pas répondue. Elle s'est allongée dans son lit. Sa chambre était la même que dans ses souvenirs, pourtant quelque chose clochait.
La reine avait dit qu'Azalée avait tout oublié de mon passage, pourtant notre affiche des choses à éviter au cinéma était toujours là. Accroché là où on l'avait mis, c'est-à-dire au dessus de son lit.
Et si Azalée se souvenait de mon passage ?
- Azalée, tu te souviens quand on a fait l'affiche ? Ai-je demandé en pointant cette dernière du doigt.
Elle s'est retournée. J'ai cru pendant un instant qu'elle allait encore m'ignorer mais ma phrase l'a faite pleurer.
- Je l'ai faite seule. Je sais pas pourquoi, je devais m'ennuyer à mourir.
Azalée n'avait pas besoin d'une personne dans sa tête, elle se sentait schizophrène sinon, elle avait besoin de quelqu'un en chair et en os.
Habituellement, les objets en rapport avec le rêveur sont supprimés : là, je ne savais pas pourquoi mais l'affiche est restée. Peut-être que la Reine voulait quand même qu'Azalée se souvienne un peu. Peut-être était-ce un message de sa part, que tout n'était pas terminé.
Azalée semblait triste. Elle semblait vide à l'intérieur. J'avais appris un pouvoir à l'école, je me suis demandé si l'utiliser sur Azalée était mal. Le sort me permettait de lire dans ses pensées. Je ne l'avais jamais utilisé auparavant car je me disais que c'était la vie privé d'Azalée. Sauf que c'est mon rôle de faire ça, tant pis si elle me détestait. Je me suis concentrée, essayant de me souvenir quoi faire.
Il fallait que je mette une main sur sa tête et que je ne pense qu'à mon humaine.. Je l'ai fait et contrairement à ce que je pensais, elle n'a pas bougé d'un poil. Je m'attendais à un « tu fous quoi, Léna ? ». Sauf qu'elle était exactement comme avant mon arrivé dans le monde des humains.
Le sort a fonctionné. J'avais des flashbacks horribles de mutilation. Et des phrases. Sauf que ces phrases n'étaient pas Azalée. Elles étaient trop sombres, c'était impossible.
Tu sais quoi faire pour aller mieux.
Tout le monde te déteste.
C'est plus toi qui décide.
J'entendais ce qu'elle entendait à longueur de journée. Ce n'était pas elle qui contrôlait tout. Pendant cinq minutes, j'ai été à sa place, à entendre des choses qui me baissaient le moral, avec une envie irrésistible de me couper. J'ai arrêté le sort par la suite, ne pouvant plus supporter ça. Et Azalée vivait ça tout le temps.
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