Chapitre quarante-cinq

NOREEN

- Bonjour Kiron, ai-je dit lorsqu'il est entré dans la pièce.

- Je pourrais me trimballer à poils dans la maison, personne ne me verrait.

Azalée ne le voyait pas, c'était évident. A vrai dire, j'étais bien la seule à le percevoir. Il devait peut-être se sentir seul, sachant que je ne pouvais pas rester en permanence avec lui.

Une sonnerie a retenti, elle provenait d'en bas. Azalée regardait autour d'elle et s'est mise à soupirer. Le son a recommencé une seconde fois.

- C'est trop compliqué pour eux d'aller ouvrir, a-t-elle marmonné.

J'ai regardé par la fenêtre pour voir de qu'il s'agissait. J'aurais pu m'attendre à n'importe quel humain, sauf celui-là. Samuel Colmez se tenait sur le pas de sa porte. Il passait sans arrêt sa main dans ses cheveux noirs et semblait rempli de stress.

Je me demandais ce qui l'avait poussé à ne plus lui parler, Azalée ne m'avait pas tout raconté. Elle est descendue en râlant pour aller ouvrir. J'ai vu la surprise d'Azalée, puis sa colère et sa tristesse. Je ne saurais dire si elle était heureuse ou malheureuse. On aurait dit un mélange des deux.

- Arrête de les mater, a lancé Kiron.

Je me suis tournée vers lui, brusquement.

- Je ne les mate pas, je fais mon boulot.

- Si j'étais Azalée, je n'aimerais pas qu'on me mate lorsque je viens de retrouver l'amour de ma vie.

Il avait raison. Je me suis éloignée de la fenêtre pour laisser Azalée tranquille. Elle pouvait se débrouiller seule sur ce point là.

- Tu as l'air de t'intéresser au sujet.

- Tout à fait, vu le nombre de fois où tu m'en as parlé.

Après qu'il m'ait rabâché qu'il n'aimerait pas qu'on l'espionne, il s'est rapproché de la fenêtre. Il les regardait avec intensité. Si l'on ne connaissait pas le contexte, on aurait pu penser que c'était un pervers. J'allais le lui faire remarquer, mais il m'a coupé la parole.

- Ils partent.

Immédiatement, je me suis venue. Azalée et Samuel marchaient dans la rue. Mon humaine n'avait pas vraiment l'air heureuse.

Samuel, du moins ce que j'ai pu voir, avait l'air d'être une bonne personne. J'aurais bien aimé dire à Azalée de partir et de ne pas rester avec lui vu l'humeur malheureuse qu'il lui avait donné pendant longtemps. Sauf que ce n'était pas à cause de lui qu'elle était triste mais à cause de son absence.

Alors je les ai regardés s'éloigner de la maison. Par contre, je ne lui donnerais plus qu'une seule chance.

- Faudrait vraiment que tu arrêtes de l'espionner, ça en devient vraiment étouffant pour elle. A lancé Kiron sur un ton humoristique.

- Dit celui qui les espionne avec moi.

Kiron s'est éloigné en disant qu'il ne voyait pas de quoi je parlais. Il s'est ensuite affalé dans le lit d'Azalée.

- Le monde des humains n'est pas du tout comme je l'imaginais.

- Comment ça ?

- Ils se prennent tous autant la tête que nous. Moi j'imaginais un monde parfait où dès qu'une personne a un petit problème, il a un rêveur. Pour garder ce monde parfait, quoi. Sauf que c'est autant la merde que chez nous, mais eux ne nous aident pas.

- Sauf qu'on est des robots, on est là juste pour ça.

Il m'a dévisagée.

- Et tu crois que les humains sont là pour quoi ?

Je ne m'étais jamais posé la question. Pour moi, c'était normal qu'on les aide et qu'ils vivent paisiblement. Je ne savais même pas s'il y avait un but à tout ça.

- Je n'en sais rien.

- Je pense qu'on mérite autant qu'eux d'avoir un peu d'attention et d'aide. De ce que j'ai pu voir, ils sont comme nous.

- On est « magique ».

- Mais il y a les mêmes exclusions sociales que dans notre monde. Si on n'est pas comme cela, on se fait maltraiter. Dans les deux mondes, on n'est pas tous tout le temps heureux. La seule différence est que nous sommes des esclaves pour eux.

Je ne savais vraiment pas quoi dire puisqu'il avait raison. Je voyais bien qu'il était énervé. Je devrais aussi l'être. C'est vrai quoi, nous sommes des esclaves de l'humanité depuis des millénaires. Nous ne servons que d'aide.

- C'est vrai.

- Désolé de t'embêter avec ça, faut que tu te concentres sur Azalée.

Après une longue discussion sur ce sujet douloureux, quelqu'un est entré dans la pièce. Nous, on continuait à parler comme avant. Etant donné qu'on savait qu'ils ne nous voyaient pas.

- Non mais c'est moi, a dit Azalée quelques secondes après.

Je me suis retournée vers elle.

- Tu n'es pas avec Samuel ?

- Justement, cela te dérange si je passe la journée avec lui ?

- Non, pas du tout. Ai-je répondu avec un sourire sincère se dessinant sur mes lèvres.

Puis elle est partie, toute souriante. Cela me rendait heureuse de la voir comme cela. J'avais l'impression que ces derniers temps, elle allait de mieux en mieux. Peut-être que ma mission allait bientôt se terminer.

***

Nous avons décidé de nous balader dans la ville. Elle n'était pas aussi grande que celle de mon monde. Les rues étaient accompagnées de quelques personnes parfois. Tous portaient des câbles reliés à leurs oreilles.

- Ce sont eux les robots, a lancé Kiron.

Soit ils fixaient leur téléphone, un objet comme dans le monde des rêves pour appeler des humains. Mais eux, ils pouvaient l'emmener où ils voulaient. Azalée aussi en avait un. Elle m'a dit que ça coûtait la « peau du cul ».

Elle m'a aussi dit que c'était l'activité principale des humains. Je ne voyais pas comment un objet rectangulaire pour appeler pouvait être autant utilisé. Nous, ce n'était qu'en cas d'urgence. Nous, on se voyait en face.

Les seules personnes qu'on voyait sans téléphone étaient les familles. Les enfants jouaient et couraient et les parents les surveillaient.

- C'est tellement étrange ici, ai-je dit.

- Tu l'as dit.

Par la suite, ma montre de rêveuse a sonné. Nous avons une notification dans deux cas : lorsque l'humain dort, et lorsque la mission est sur le point d'être terminée, donc qu'il ne reste plus beaucoup de nuit.

Et là, j'ai eu la notification pour le deuxième cas.

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