Chapitre douze
AZALÉE
Je regardais la cour du lycée avec ses joueurs de football, ses filles qui se maquillent aux toilettes, ses personnes qui rabaissent les autres. Ils étaient tous heureux. J'étais une tache parmi un tableau.
Alyssia est arrivée vers moi sans Adelyne et Rémy à mon plus grand bonheur. Elle s'est assise sur le banc doucement et a attendu quelques secondes avant de parler.
- Hier, tu m'as envoyé un message. A-t-elle dit calmement sans me regarder.
- Oui ? Ai-je répondu d'un air innocent.
- Il s'est passé quoi ? A-t-elle immédiatement répondu après avoir tourné la tête vers moi.
Je n'avais pas envie de lui raconter que le petit-ami d'Adelyne m'avait tabassée. En fait, je ne lui faisais même pas confiance. Je ne pouvais rien lui dire. Je ne pouvais rien dire à personne. Qu'est-ce qui me prouve qu'elle n'ira pas le raconter au premier venu ?
« Oh tiens, la petite Azalée s'est fais minablement tabasser ! » Qu'est-ce qui me dit qu'elle n'ira pas dire cela ? Rien.
- Je suis tombée en sortant des cours et mon pantalon s'est troué. Ma mère a donc évidement péter un câble. Ai-je menti.
Elle réfléchissait. Elle a attendu un peu avant de me poser une question.
- Mais pourquoi tu as dis que j'étais avec toi ?
Je ne savais pas quoi dire. Elle m'avait bien eu sur ce coup. Il n'y a aucune raison valable dans mon mensonge pour que je dise que j'étais avec Alyssia. J'avais beau réfléchir, je ne voyais que le temps passé et mes idées de plus en plus étranges. J'ai finalement pris mon idée de départ, en espérant qu'elle ne me démasque pas.
- Ma mère est rassurée quand je suis avec toi. Elle est un peu parano, tu sais.
- Je préfère une mère paranoïaque qu'une mère qui s'en fiche royalement de toi et qui ne remarque même pas que ton gosse veut juste crever. A dit Alyssia d'un ton calme alors qu'elle venait de parler de suicide.
A l'entente de ses mots, je me suis dis que ma mère était la pire de toutes. Elle était paranoïaque seulement si je rentrais tard. Mais toutes ses nuits où je me mettais à pleurer avant de m'endormir, tous ces moments où j'étais mal, elle s'en fichait.
Elle n'est jamais intervenue lorsque j'avais des problèmes. Elle ne m'a jamais aidée. Mon père non plus. Ils ne sont jamais là pour moi. Par contre, pour m'emmener voir un psychologue car je suis étrange, ils le font sans hésitation quitte à dépenser beaucoup d'argents.
- Car tu as envie de mourir, toi ? Ai-je demandé sans vraiment avoir envie de connaître la réponse.
- Non, Azalée. Rassure-toi. Le suicide, la mutilation, la dépression, ce ne sont que des choses pour les personnes fragiles. Je ne serais jamais comme ça.
J'avais envie de la frapper. Certes, c'était vrai. Mais j'avais l'impression qu'elle parlait de moi dans son discours. Comme si c'était un message caché. J'avais beau le répéter, personne ne me croyait. Je ne suis pas en dépression. Je vais très bien. Je ne sais pas pourquoi ils pensent tous cela, mais ça ne me plaît pas du tout.
- Moi je vis au jour le jour et puis tant pis s'il m'arrive un problème. A-t-elle continué calmement. La vie vaut la peine d'être vécue jusqu'au bout. On a de la chance d'être sur cette terre mais surtout d'être humain.
- Donc on a de la chance de nous entretuer dès le plus jeune âge ? Ai-je dis énervée.
- On ne s'entretue pas, ne raconte pas n'importe quoi, Azalée.
Je n'avais jamais vraiment discuté de suicider ou de mutilation avec Alyssia. A vrai dire, je ne m'étais jamais encore mutiler. Ce n'est pas que j'avais peur. Je n'y ai jamais pensé à vrai dire. Mais essayer une fois ne me fera pas de mal. Juste histoire de voir.
Je lui ai donc dis ce que j'avais sur le cœur, en essayant tout de même de cacher des choses pour qu'Alyssia ne me prenne pas pour une folle et que ma réputation ne soit pas détruite à jamais.
- Mais Alyssia, tu ne vois pas autour de toi ? Tu es aveugle ? Tu ne vois pas les enfants harcelés dès le plus jeune âge et qui veulent se suicider alors qu'ils ne sont qu'en sixième ? Ces gosses qui se mutilent à douze ans ? Et bien si, on s'entretue. Tous, même toi, même moi.
- Tu vas bien ?
- Je vais très bien. Ai-je dis en assistant sur le « très ».
J'en avais ras-le-bol des remarques sur le fait que je ne vais pas bien. Cela m'a fait douter sur mon bonheur. Je ne sais même plus si je suis heureuse, ni je suis triste, en dépression ou au fond du gouffre. Je vais bien. Même si je n'en suis pas sûre.
La sonnerie a enfin retenti dans la cour et c'était une délivrance. Plus de questions personnelles, je n'entendrai de phrases stupides d'Alyssia pendant quelques heures. J'étais aux anges.
***
A la récréation, j'ai évité à tout prix Alyssia. Je me suis même cachée aux toilettes pour qu'elle ne vienne pas me parler. J'ai allumé mon téléphone et j'ai activé les réseaux mobiles. J'avais reçu des messages de Louis.
Louis : Ce n'est pas très polie.
Louis : Azalée ? T'es là ?
Louis : Je sais que tu vas pas bien mais s'il te plaît ne fais pas de conneries.
Louis : Bordel, réponds.
Il m'énervait tellement. Les gens persuadés que je suis dépressive, c'est eux que je déteste le plus. Je lui ai alors réponds pour qu'il arrête de m'harceler.
Moi : Donne-moi tes preuves.
Louis : Quelles preuves ?
Moi : Que je suis en dépression.
Moi : Si tu trouves, j'assumerai le fait que je suis en dépression. :)
Un smiley hypocrite pour parler avec une personne hypocrite. N'est-ce pas génial ?
La sonnerie à retenti alors que je voyais le « Loulou est en train d'écrire ». Mais je m'en contre-fichais de sa réponse. Alors, j'ai éteins mon téléphone et je suis sortie des toilettes. Je me suis dirigée en cours lorsque Emma est arrivée vers moi.
- T'as intérêt à bien fermer ta gueule par rapport à ce qu'il s'est passé hier. A-t-elle chuchotée lorsqu'ils y avaient moins de monde dans la cour du lycée.
- Et sinon quoi ?
Elle n'a plus rien dit. Elle n'avait juste rien à dire. Elle était en tort et je pouvais me plaindre dès que je le voulais. Elle a voulu prendre un air supérieur mais elle ne le pouvait tout simplement pas. Elle a quand même répondu avant de repartir en cours.
- Tu verras, Azalée Haswell.
Mais prévenir quelqu'un serait stupide. Je n'avais besoin de personne pour m'aider. Si je suis blessée, c'est ma faute car je ne sais pas me défendre. La plupart des gens vont juste me dire qu'ils sont désolés pour moi alors qu'au fond ils ne pensent qu'à leur petite personne.
Ils pensent qu'en disant ça, je me sentirais mieux. Je me sentirais écoutée. Je me sentirais aimée. Mais c'est bien le contraire. Sauf que ces gens hypocrites ne l'ont jamais compris.
Je suis remontée en cours. J'étais fatiguée. Je ne sais pour quelle raison. J'ai failli m'endormir à plusieurs reprises et mes professeurs me faisaient mille et une réflexions.
A la sortie des cours, je refusais de prendre le même chemin qu'hier, par peur de retomber sur Emma et ses deux amis. J'ai donc pris un chemin plus long mais plus sûr.
J'ai allumé mon téléphone en me disant que Louis aurait pu me répondre depuis tout ce temps. J'ai activé les réseaux mobiles et un message Instagram est directement apparu dans mes notifications, accompagné de quelques « j'aime » sur mes photographies.
J'ai ouvert la conversation avec Louis, il m'avait envoyé un long message.
« Alors, Azalée, comme je te l'ai déjà dis tu parles souvent d'hypocrisie, de malheurs ou de la stupidité des Hommes dans tes postes. J'ai comme l'impression que tu te sens à l'écart. Car une personne normale ne dirait pas ce genre de choses. Peut-être une fois de temps en temps, mais là c'est toutes tes photos comme ça. Je vais te prendre un exemple : « Il n'y a pas plus dangereux que ceux qui n'ont plus rien à perdre ». Je pense que tu te vises dans ce message. A moins que ce soit une coïncidence très étrange.
Deuxièmement, j'ai regardé dans tes actualités, les messages que tu envoies, que tu aimes. Je les ai vus tout simplement car je suis abonné à toi. Tu as aimé beaucoup de photographies de femmes ou d'hommes qui se scarifient. Est-ce que tu penses au suicide ou à la mutilation ? Tu sais très bien que ce n'est pas la solution.
Dernièrement, je t'ai vu commenter il y a quelques temps sous un poste le message suivant : « Cette photo, c'est du grand n'importe quoi. Du jamais vu. Tu dis que tu souffres et tout alors qu'en réalité, quand tu souffres VRAIMENT tu ne dis pas que tu as mal. Encore une meuf qui veut juste faire le buzz en faisant semblant de souffrir. »
Je te laisse sur ces paroles, Azalée. »
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