FLASHBACK

Violet — 4 ans

— Violet ! Fais attention à ne pas tomber, ma chérie ! Crie maman en trempant une carotte dans de la sauce blanche aux concombres.

Je pouffe en voyant le gros chapeau qu'elle porte en plus de ses lunettes de soleil. Elle est jolie comme ça mais j'ai envie de prendre son chapeau pour faire la star.

Je me mets à courir dans le sable pour sentir mes doigts de pieds s'enfoncer dedans. Parfois, je tombe. Mais c'est pas grave. Papa me dit toujours que quand je chute, il faut que je me relève et que je cours plus vite et plus loin. Alors je me redresse sous le regard attendrit de papa, et je cours encore plus vite jusqu'à ce que le sable soit dur sous mes pieds.

Devant moi, je vois Roméo et ses boucles blondes qui court comme moi avec un ballon, puis le lance à un ami que je ne sais plus qui c'est. Il est souvent avec nous mais j'oublie toujours son prénom.

Je m'arrête pour voir John récupérer la balle en se précipitant droit sur moi. Prise de peur, j'essaye de me retourner et courir mais mes pieds s'emmêlent. Je tombe la tête la première dans le sable. Quand je me redresse difficilement, j'entends le rire de John se rapprocher de moi, puis de grandes mains attraper ma taille pour me mettre sur mes jambes.

J'ai du sable dans la bouche... Ça croque.

— Bah alors ma grande ? Désolé de t'avoir fait peur, me dit John qui a du sable plein les cheveux lui aussi.

Il passe une main sur mon visage pour débarbouiller la saleté, puis réceptionne de nouveau le ballon que lui a jeté le garçon aux cheveux noirs. John s'écarte de moi, avec le garçon méchant qui m'ignore et Roméo qui est trop loin de moi. Déterminée, je les rejoins en courant pour essayer d'attraper le ballon, moi aussi. J'en ai marre de jouer toute seule à faire des châteaux sans que maman veuille que je me baigne ! Moi aussi j'ai envie de rigoler et de jouer au ballon.

Au milieu des trois, je cours à gauche et à droite pendant longtemps sans jamais réussir à attraper la balle. Pourquoi je suis si petite !

J'entends les rires des garçons qui me voient mais qui ne me laissent jamais jouer avec eux. C'est injuste.

Les larmes me montent aux yeux et je ne vois pas le petit caillou sur ma trajectoire. Je m'étale au sol une nouvelle fois, mais le sable est beaucoup plus douloureux que tout à l'heure. Je me roule en boule en pleurant à chaudes larmes, parce que j'ai mal et que je veux jouer ! Papa dit qu'il faut se relever mais je n'ai pas envie cette fois. C'est plus facile de rester ici, ça fait mal.

— Violet, ça va ? J'entends la voix de John s'approcher.

Quand je sens une présence autour de moi, je me mets à hurler et resserre un peu plus mes jambes contre ma poitrine. Je ne veux pas qu'il me touche. Pourquoi il me toucherait alors que je n'ai pas le droit de toucher au ballon ? Pourquoi faut-il absolument que je me relève tout le temps ?

— Violet, j'entends papa dire d'une voix grave de plus en plus proche, qu'est-ce qu'il se passe, ma chérie ?

Je redresse la tête pour voir les beaux cheveux de papa près de moi, et renifle la morve qui coule sur ma bouche. Je tente un regard derrière lui et remarque que Roméo et son ami ont repris leur partie, l'air de rien.

— I-Ils veulent p-pas j-jouer avec m-moi, j'essaye de dire mais ma gorge me pique trop.

— Mais si, me dit John en s'accroupissant à mes côtés, je n'avais pas compris que tu voulais la balle, je pensais que tu faisais une sorte de jeu du taureau.

— Jeu du taureau ? Demande papa, dubitatif.

John se gratte rapidement la tête et devient tout rouge.

— Bah, ouais, tu sais c'est quand on se fait des passes au ballon, y a quelqu'un au milieu qui doit les intercepter, il explique à papa sans que je comprenne tout.

Intercepter ? C'est quoi ce drôle de mot ?

— John, elle a deux ans ! Réprimande papa avec le même ton que quand il veut me gronder mais qu'il n'arrive pas parce qu'il rit trop.

— Mais j'en sais rien moi ! J'ai eu un petit mec je te signale, pas une petite demoiselle féérique.

— Je s-suis téléférique ? Je demande en lâchant un peu mes jambes.

— Féérique, ma chérie, explique papa. Ça veut dire comme une petite fée.

Mais il a raison ! Je suis une fée !

Je me redresse en mettant mes mains sur le côté pour que ça soit plus facile, puis enlève le sable de mes fesses parce que j'aime pas quand il colle à ma peau.

— Je suis une fée, John ! Je crie très heureuse.

— Oui ma belle, tu es une fée.

Au même moment, quand je tournoie autour de moi-même pour prouver que je peux voler, je vois les cheveux roux d'Harper arriver en courant. Elle rattrape la balle que le méchant cheveu noir lui lance, puis commence à faire quelques figures avec le ballon. Je la regarde longtemps faire tournoyer le ballon dans les airs, sur ses bras et sur ses pieds, comme si c'était simple.

Je veux faire comme elle.

— Mais tu as appris à faire ça où ? Demande mon frère que je vois apparaître derrière papa.

— Peut-être que je suis vieille, mais j'ai des secrets, dit Harper en lançant la balle sur Roméo.

John attrape ma main et je le laisse faire, puis me tire vers le petit groupe. Je sèche une dernière fois mes yeux pour avoir l'air d'une grande fée téléphérique. Le garçon aux cheveux noirs me regarde mal, comme si j'avais fait une grosse bêtise mais je l'ignore. C'est lui la bêtise ici.

— Elle veut jouer avec nous les garçons, arrêter de l'embêter maintenant, gronde légèrement John en lâchant ma main pour m'inciter à aller vers eux.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis un peu nerveuse d'être le centre de l'attention comme ça. Les garçons ont l'air très énervés contre moi alors que je n'ai rien fait. J'ai juste envie qu'ils viennent jouer avec moi.

— Violet ? Demande une voix féminine que je devine appartenir à Harper. Nous contre les mecs, on les écrase ?

Je la regarde un instant. Elle est tellement belle avec ses longs cheveux roux et son corps tout fin. Moi aussi j'aurais des gros nichons un jour !

Je m'approche encore plus d'elle pour être à ses côtés, puis croise les bras sur ma poitrine en prenant une pause de guerrière.

— On va vous éclater ! Je crie aux garçons qui sursautent en arrière.

Harper explose de rire et j'entends Roméo nous lancer très fort la balle avec énervement. Harper la rattrape sans difficulté puis me la tend à une main.

— Tiens, ma belle. À toi l'honneur.

Super excitée — ça fait comme des petits guillis dans le ventre — je m'empare de la balle qui est plus lourde que ce que je pensais. Je l'observe quelques instants, touche les différents bouts de cuir qui sont cousus ensembles, puis sans prévenir je lance la balle de toutes mes forces.

Harper s'exclame de joie et je ne peux pas m'empêcher de sourire.

—    Ouais ! Une Lagertha des temps modernes !

—    C'est qui Lagérta ?

—    T'occupe, on gagne et Eden t'expliquera.

J'hoche la tête puis prends position.

On va gagner.

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