Chapitre 55
Aquadance sous le sunlight de Paris
Violet
Entre Nate et Eden, les deux me serrent fort la main. Le monde pleure autour de nous et ça me met mal à l'aise. Je ne me souviens pas vraiment des enterrements auxquels j'ai pu assister, et là maintenant, je ne peux pas m'empêcher de penser au mien. Il y'a quelques mois, j'étais persuadée que bientôt, je serai entre ces planches, six pieds sous terre. Mais aujourd'hui je suis en France, soutenue par mes proches pour tenir debout, moi-même soutenant Eden dans cette épreuve.
Évidemment qu'elle a pleuré. En silence pour ne pas montrer que ça la touche plus qu'elle ne veut bien l'avouer, mais je sais qu'elle ne regrette rien. Eden n'a jamais de regret dans sa vie.
Si elle partait dans l'idée de renier sa belle famille, il s'est avéré qu'elle a changé d'avis en cours de route, voyant la famille soudée et compréhensive que c'était. Personne ne lui a reproché ses choix. Personne ne lui a fait de remarque désobligeante. Nous avons eu une place tout devant, avec la famille proche, comme si elle avait été avec sa mère toute sa vie. S'il y'a une chose que je peux affirmer, c'est que se sont des gens bien, et Eden s'en est rendue compte.
Celle-ci renifle une dernière fois puis lâche ma main pour me redonner à Nate qui va me porter.
- Je vais sûrement passer la soirée avec eux, elle nous explique à voix basse pour masquer son extinction à force de pleurer. Vous pouvez venir mais ça ne sera pas très gai. Je pense que vous devriez vous promener et passer la soirée ensemble.
- D'accord, acquiesce Nate en me câlinant par le dos. On a nos téléphones de toute façon alors n'hésite pas à nous contacter si tu as besoin de quelque chose.
Eden hoche la tête puis se tourne vers moi. Elle commence à me parler en français sûrement pour ne pas que Nate comprenne. Je sais qu'il parle quelques mots mais pas assez couramment pour nous comprendre.
- Tu sais où tu dois aller, Violet. Tourne la page ma belle, l'avenir t'attend et tu le sais.
- Je ne sais pas si j'aurais la force, je t'avoue.
- Tu l'as lui. Profite qu'il soit avec toi pour y aller. Je pense qu'il t'aime sincèrement, je vois ce genre de chose.
- Merci Eden.
Elle me fait un clin d'œil puis ricane en voyant l'incompréhension sur le visage de Nate. Le pauvre, il n'a pas compris un seul mot. Elle s'éloigne tranquillement pour rejoindre son beau frère qui réconforte son père, puis Nate me demande enfin ce que nous avons dit dans son dos. Pour toute réponse, je dépose un baiser sur sa joue et lui souris de toutes mes dents.
- C'est rien, tu vas voir.
***
Je voudrais prendre la main de Nate mais mes béquilles m'en empêchent. J'ai tellement hâte d'avoir ma prothèse pour enfin sentir ces petits plaisirs comme prendre la main de mon mec pour pouvoir l'entraîner à travers les rues de Paris. Il y a un peu de monde mais rien de fou comme le temps n'est pas au rendez-vous. En fait, il pleut des cordes. Les Parisiens se contentent de râler quand les passages piétons sont au rouge et ils n'hésitent pas à forcer le passage à coup de parapluie. C'est pour ça que j'ai décidée de prendre un manteau, mais malheureusement ma capuche a rendu l'âme à cause de toute cette pluie.
L'avantage avec un crâne lisse, c'est que tout coule dessus mais je ne goutte pas comme si j'avais des cheveux. Ce qui est le cas pour Nate.
- Oh, les galeries Lafayette, s'exclame-t-il avec un très mauvais accent français. Je voulais trop y aller !
- Après, j'ai un autre truc à te montrer avant, je dis en riant tandis qu'il fixe l'énorme bâtiment. Suis-moi sinon tu vas te perdre. Il n'y a pas tant de monde mais avec tous ces parapluies je ne vois pas grand-chose.
- Pas tant de monde ?! Nan mais j'ai l'impression d'être à New-York un mardi soir.
J'adore l'entendre râler comme ça, il se fond dans le décor et ça ne le rend que plus craquant. Je lui fais longer la rue puis nous arrivons enfin au rond point qui m'intéresse. L'émotion serre ma gorge et me pique le nez mais je me retiens de pleurer. Nate s'arrête en cours de route, bouche-bée par ce qu'il voit, passant de moi au bâtiment sans réussir à articuler un seul mot. Je lui souris tristement avant de faire un coup de tête pour qu'il me suive. Nous longeons le bâtiment en silence, Nate observant chaque détail de la façade en pierre comme si c'était la plus belle chose qu'il aie vu de sa vie. J'avoue que même sous la pluie battante, l'Opéra Garnier est à couper le souffle.
Nous arrivons enfin aux niveaux des marches d'habitudes tant remplies qui sont aujourd'hui désertées. Les Parisiens passent devant sans même y jeter un coup d'œil, lassé de ce qu'ils voient tous les jours. Je ne comprendrais jamais ça. J'entreprends de monter les marches jusqu'à arriver sur du plat, un peu glissant à cause de l'eau. Nate m'a suivi, et il ne décroche pas son regard de moi.
De l'eau dégouline le long de son visage, ses cheveux sont trempés et son nez rougit par le froid, mais il n'a jamais été plus beau qu'à cet instant, sous le bâtiment le plus important de ma vie. Je lui souris tristement, puis il s'approche de moi et me prend par la taille.
- Tu as déjà dansé ici ? demande-t-il simplement en me regardant dans les yeux.
- C'est arrivé, oui. Mais pour rien d'important.
Nate acquiesce puis me soutient pour enlever mes béquilles qu'il pose au pied des statues de femmes qui nous observent. Je le laisse faire puis il me porte délicatement jusqu'au centre. Les gens doivent nous prendre pour des fous, sous la pluie, à s'aimer comme ça en public. Mais je m'en fiche. Savoir qu'il est là, avec moi, ça me réchauffe le cœur.
- Je peux te faire danser ?
Je lui souris doucement et retiens la larme qui menace de tomber. De sa main libre, il l'essuie avant même qu'elle ne dévale mon visage. Il attrape la main, serre un peu plus ma taille pour me plaquer contre lui, et pose mon pied sur le sien. Il commence à me faire valser comme une princesse devant l'Opéra, me faisant rire et pleurer en même temps.
- On va être malade demain, je le préviens en voyant que la pluie ne cesse pas.
- Pour : je suis avec toi.
- Contre : tu vas éternuer toutes les trois secondes.
- Pour : tu es la plus belle danseuse de l'Opéra.
- Contre : on nous regarde mal.
- Pour : Je t'aime.
- Pour : Je t'aime encore plus.
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