Chapitre 54

And times passes

Violet

- Un café pour le monsieur, tenez.

- Merci mademoiselle.

Je lui souris et repars derrière le comptoir. Eden m'a autorisée à bosser au café aujourd'hui, histoire que je m'occupe un peu. Entre les examens médicaux et ma rééducation, c'est encore compliqué de trouver un travail qui me permette de partir régulièrement alors je fais quelques heures ici.

- Chaud devant !

Layla passe avec un plateau énorme remplit de tasses pour une table d'étudiants en train de réviser. Elle les sert en souriant, les conseillent sur des romans qui peuvent entrer dans leurs études puis revient en trottinant, l'air de rien. J'allume Bethany pour me faire couler un café bien mérité et j'en sers un à Layla par la même occasion. Nous n'avons pas arrêté depuis ce matin. La plupart des clients étaient très agréables, surtout en voyant mon handicap. Malgré les béquilles — hors de question de garder le gros siège roulant — j'ai réussi à développer des techniques incroyables qui me permettent maintenant de servir un plateau pas trop chargé.

- Merci ma belle, j'en ai absolument besoin je crois.

Elle avale son café d'une traite et je grimace en la voyant faire. Je bois du café mais de là à en faire un shot... beurk. Je sirote le mien en discutant de tout et de rien avec mon amie. Je me sens légère aujourd'hui.

Hier, j'ai eu la surprise de voir rentrer à l'appartement Nate avec mon frère. Ils avaient l'air tous les deux ailleurs, dépassés par les évènements. Je nous ai servi de l'eau pétillante et Roméo a déballé tout ce qu'il avait sur le cœur. Notre relation qui le chiffonne, mais aussi l'adoption qui n'a pas abouti et la galère pour trouver une mère porteuse. Je l'ai écouté, on a parlé, on a pleuré, et Nate l'a ramené chez lui. Zack m'a aussitôt envoyé un message pour nous remercier de l'écoute et que malgré tout ce qu'il s'était passé, il espérait qu'on ne lui en voulait pas trop. Comment on pourrait en vouloir à quelqu'un comme Zack, sincèrement ?

- Au fait Violet, j'ai rencontré un mec.

Mon café est à deux doigts de me sortir par les narines tant je ne m'attendais pas à ce qu'elle me dise ça.

- Pardon ?

Les joues de Layla rougissent puis elle fuit mon regard en pinçant ses lèvres.

- Ouais, il s'appelle Blake et il vient d'emménager en ville. Il en avait marre de San Francisco alors le voilà.

- Dis m'en plus...

- Il est grand, blond et plutôt beau gosse. Il est venu prendre un café l'autre jour, puis une autre fois encore et il m'a proposé d'aller boire un verre ce soir.

- Mais c'est génial ! Je suis trop heureuse pour toi.

Son nez se fronce ce qui me fait deviner que quelque chose la tracasse. Layla est du genre à foncer tête baissée quand elle le peut mais avec toute cette histoire autour de Noël, sa confiance en elle en a pris un sacré coup. Mais honnêtement, je préfère ça plutôt qu'elle reste avec ce blaireau qui mérite tout le malheur du monde.

- Je ne sais pas si je vais y aller.

- Tu comptes lui poser un lapin ?

- Ahhh, c'est horrible dit comme ça !

Elle prend sa tête entre ses mains et s'adosse au comptoir.

- Tu as toutes les raisons pour y aller. Il t'a proposé, tu l'intéresses.

- Je l'intéresse parce que je suis ici ! Je suis sociable et souriante avec les clients, mais en privé c'est pas la même.

- Layla, tu vas aller à ce putain de date que tu le veuilles ou non ! Je suis ton amie, je t'oblige à y aller. Tu es magnifique, il a toutes les raisons du monde de t'inviter.

- Mais...

- Pas de mais, tu es belle. N'est-ce pas Yassine ?

L'homme que j'interpelle relève son nez de son journal, nous regarde une à une puis acquiesce d'un hochement de tête.

- Voilà, écoute-nous !

Layla rit doucement et l'homme ne se concentre déjà plus sur nous. Les infos sont plus importantes que deux jeunes filles qui gloussent.

- Quel rendez-vous ? Demande Eden en rentrant dans le magasin avec une demi-tonne de sac sur elle.

- Waouw, tu déménages ou quoi ? Rebondit Layla en profitant de l'occasion pour changer de sujet.

Eden rougit avant de détourner la tête.

- Je dors chez Jesse ce soir et j'ai la flemme de faire un aller-retour. En plus, il vient directement me chercher ici.

- Mais comment tu es venue ?

- Grey m'a déposée.

J'acquiesce et soudain un téléphone se met à sonner. Eden lâche un « merde » puis on l'aide à se débarrasser de tous ses sacs pour qu'elle puisse accéder à ses poches. Mais qui emporte autant de sacs pour aller chez son mec ?

- Oui, allô ?

On reste devant elle comme des cruches tenant chacune deux sacs, pendues aux lèvres d'Eden. En même temps, on a été tellement efficace que plus personne n'a besoin de nos services dans le café pour le moment.

D'un seul coup, l'expression d'Eden change du tout au tout. Sa luminosité naturelle se ternit, ses yeux baissent et ses muscles se tendent.

- Très bien. Merci de m'avoir contacté, vous n'étiez pas obligé.

Elle marque une pause.

- Je suis désolée, je vous arrête de suite mais non, nous ne sommes pas de la même famille. Je vais me déplacer par respect pour celle qui m'a fait naître, mais à aucun moment je ne souhaite rester en contact avec vous. Même si vous avez l'air bien sympathique, je suis désolée mais c'est un choix que j'ai fait il y a vingt ans, je ne vais pas revenir dessus.

Une nouvelle pause.

- Eh oui, il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis, je suis une conne. Bonne soirée.

Elle raccroche et souffle d'un coup sec pour évacuer ses émotions, puis nous lance enfin un regard un peu triste mais en même temps serein.

- Tout va bien ? Se risque à demander Layla, un peu hésitante.

Eden nous sourit doucement, reprend ses sacs dans l'objectif de les ramener dans l'arrière-boutique, puis dit d'un ton calme et posé.

- Ma mère est décédée. Je vais aller en France pour son enterrement.

Je tombe des nues. Elle nous passe devant pour aller dans la réserve, nous laissant toutes les deux choquées. Je sais qu'Eden avait coupé les ponts avec sa mère, mais delà à être si posée et calme pour l'annoncer... J'ai l'impression de me prendre une baffe.

Quand notre patronne revient, elle porte le tablier du café et ne semble pas plus affectée que ça. En voyant notre air choquée, elle rit légèrement puis tente de se justifier.

- Elle n'a jamais été une mère exemplaire. Je ne dis pas que je suis heureuse, loin de là, elle a eu la vie qu'elle a choisit et au final, je crois que j'ai bien fait de couper les ponts avec elle.

- Comment ça ?

- C'était mon beau frère qui m'appelait. Elle était mariée depuis dix ans. Je suis heureuse de savoir qu'elle a repris sa vie en main avant de mourir. Elle peut reposer en paix.

J'acquiesce doucement mais Layla ne semble pas à l'aise avec la conversation car elle ne dit rien et file en salle vérifier que tout le monde est ok sur sa commande. Le reste de la journée se déroule ainsi, avec une Layla un peu distante et pensive, une Eden calme et posée, l'opposé de leur caractère respectif. Au final, même moi je commence à me sentir mal à l'aise au milieu des deux filles. Layla part avant nous pour son fameux rendez-vous stressant. Nous l'avons encouragée comme on pouvait mais elle semble ailleurs et un peu paniquée. J'espère que ce mec n'est pas un idiot cette fois, elle mérite le meilleur.

Eden et moi nous chargeons de la fermeture. On compte la caisse puis deux voitures apparaissent près du café. Je devine Jesse qui passe la porte puis c'est Nate qui en fait de même. Nos deux hommes dans la même pièce, ça fait bizarre.

Je salue une dernière fois Eden après avoir dit bonjour aux deux garçons, mais elle me retient avant que je ne passe la porte. Sa douce main retient mon poignet, elle hésite mais finit par cracher le morceau.

- Venez avec moi en France, tous les deux. Jesse travaille, il ne peut pas faire le déplacement et... je pense que j'ai besoin de soutien. Se sera à Paris alors tu pourras montrer la ville à Nate, si tu es d'accord.

Retourner à Paris. Cette idée me noue l'estomac mais j'acquiesce sans réfléchir. Je dois tellement à Eden que c'est hors de question de refuser. Sa mère vient de mourir, même si elle n'est plus en contact avec, elle a besoin de soutien. Surtout après ce que j'ai pu entendre au téléphone.

Elle me lâche, me remercie doucement en posant un bisou sur ma joue puis retourne batifoler avec Jesse qui l'enlace avec amour. Nate prend ma main, puis m'entraîne vers la voiture. J'essaye d'imaginer mon retour en France, mais rien que de savoir qu'il sera à mes côtés, je n'angoisse pas. Avec lui, je suis prête à tout surmonter.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top